DEUXIÈME ÉDITION
LE CARNAVAL DU DICTIONNAIRE

PAR
PIERRE VÉRON
DEUXIÈME ÉDITION
24 DESSINS PAR HADOL
PARIS, MICHEL LÉVY FRÈRES, ÉDITEURS
1874


DEUXIÈME ÉDITION
LE CARNAVAL DU DICTIONNAIRE

PAR
PIERRE VÉRON
DEUXIÈME ÉDITION
24 DESSINS PAR HADOL
PARIS, MICHEL LÉVY FRÈRES, ÉDITEURS
1874


OUVRAGES
PIERRE VÉRON
FORMAT GRAND IN-18

OUVRAGES
PIERRE VÉRON
FORMAT GRAND IN-18

Le Roman de la Femme à Barbe....... 1 vol.
Maison Amour et Cie................ —
Les Marchands de santé............. —
Paris s'amuse...................... —
M. et Mme tout-le-monde............ —
Le Pavé de Paris................... —
Les Marionnettes de Paris.......... —
La Comédie en plein vent........... —
La Famille Hasard.................. —
La Foire aux grotesques............ —
Les Souffre-Plaisirs.............. —
Les Coulisses de Grand Drame...... —

Les autres ouvrages paraîtront successivement.

Paris. — J. Claye, Imprimeur, 7, Rue Saint-Benoît. — [2148]

REMERCIEMENTS

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier très chaleureusement Paule Petitier, professeur à l’Université Paris Cité (ex-Université Paris Diderot), qui a créé la plateforme PLANETE, et Olivier Ritz, maître de conférences dans cette même université et responsable du parcours Édition de la licence de Lettres, qui l’utilise avec ses étudiants et a bien voulu nous en expliquer le fonctionnement, de l’avoir mise si généreusement à notre disposition, dans le cadre du cours de M2 « Créativité numérique » du master « Lettres et Humanités » de l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Nous tenons également à exprimer notre vive reconnaissance à Cécile Andrisi, ingénieur d’études, pour sa collaboration si précieuse et généreuse, sa compétence hors pair, sa constance et sa patience, à toute(s) épreuve(s), pour parler comme Le Carnaval du dictionnaire !, qui a été de tout dans la réalisation de l’édition numérique de ce livre.

Nous remercions aussi de leur soutien pour la réalisation de ce projet les instances de l’UFR de Lettres et Sciences humaines – Marta Waldegaray, directrice, Prisca Perani, directrice adjointe à la pédagogie (masters), Nicolas Bollot, directeur adjoint aux finances –, ainsi que Dominique Quéro, directeur du département de Lettres modernes, et Jean-Louis Haquette, directeur du CRIMEL (Centre de Recherche Interdisciplinaire sur les Modèles Esthétiques et Littéraires), si attentifs à tous les projets de la formation, et Régine Borderie, responsable du master « Lettres et Humanités », avec qui nous avons tant échangé et partagé.

Que soient également remerciées pour leur aide aussi aimable qu’efficace Évelyne Maggiore, responsable de la bibliothèque et de la documentation de la Maison de Balzac, et Julie Duprat, responsable du département des Imprimés de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris.

Nous ne saurions terminer sans remercier et féliciter les étudiants de cette promotion 2020-2021 : ils ont su dépasser certaines de leurs préventions à l’égard des humanités numériques grâce à PLANETE, qui permet de convoquer des ressources hypertextuelles et de réfléchir sur la nature même de l’annotation conduite, et ont découvert les exigences, les charmes, les chausse-trappes aussi, de l’édition critique, avec un texte à double, voire à triple fond, qui a sollicité toutes leurs capacités critiques précisément. La répartition du travail s’est faite aisément par tranches alphabétiques, à savoir : préface et lettres A-B, Apolline Gautier et Léa Damoiseau ; lettres C à G, Marie Daumont et Quentin Lamorlette ; lettres H à P, Coraline Hipolito et Wendy Perrin ; lettres Q à Z, Léa Lallement et Manon Lorrain ; et, en « superviseur » chargé de noter les renvois d’une entrée à l’autre, de la recherche iconographique et bibliographique, Thomas Rollin.

Introduction

  Le Carnaval du dictionnaire de Pierre Véron : un dictionnaire satirique, certes, mais qu’est-ce à dire ?

Un dictionnaire : à quel titre ?Un dictionnaire « anti-académique », à deux titres

   Nouveau Dionysos, ce dictionnaire, dû à la plume du polygraphe Pierre Véron, a la particularité d’être né deux fois : avec le printemps, le 24 avril 1869, dans le quotidien satirique illustré Le Charivari (il y sera publié jusqu’au 4 avril 1873), et, en octobre 1873, en volume (daté de 1874), enrichi de 24 illustrations de Paul Hadol, chez Michel Lévy frères, avec des signes précurseurs, puisque paraissent en 1873, dans Le Charivari (les 22, 25, 31 janvier ; 3,7, 18, 21 février ; 7, 13, 14, 22 mars et 4 avril), des entrées qui complètent ou corrigent celles des tranches parues depuis 1869, avec des définitions, à quelques exceptions près, qui sont celles-là même de l’édition en volume. Placé sous le signe du double, Le Carnaval du dictionnaire connaît une deuxième édition, sans variantes notables par rapport à la première, au printemps 1874, annoncée le 15 mars 1874 dans Le Charivari (c’est cette édition, disponible sur Gallica, qui est publiée ici).

      Dans sa version charivarique initiale et, à tous égards, originale, signée, à chacune de ses apparitions, de l’un des pseudonymes de Pierre Véron, « Fantasio », ce dictionnaire intitulé tout d’abord « Dictionnaire de l’avenir », du 24 avril 1869 au 7 août 1871, prend bien le titre, à partir du 2 novembre 1871, de « Dictionnaire anti-académique ».

     « Anti-académique », il l’est assurément, à un premier titre, par la critique, attendue, de l’âge et de la lenteur du travail des académiciens : dès la Préface, Véron prie pour que « sur leurs palmes vertes, Dieu cesse de faire pousser des fleurs de pavot » (p. XV) ! et l’entrée « FAUTEUIL (ACADÉMIQUE) — Enterrement assis » en dit long pour l’éternité ! Et, dans sa réclame de trois colonnes, parue dans Le Charivari du 29 octobre 1873, pour la première édition en volume, Louis Leroy déclare : « L’auteur, en composant son œuvre, a voulu aider l’Académie dans l’achèvement de la sienne, ce fameux dictionnaire qui ne peut manquer d’être divin, puisqu’il est à la fois inconnu, éternel et infini. » En effet, la dernière édition, la sixième, du Dictionnaire de l’Académie française date de 1835 et il faudra attendre 1878, quatre ans après la parution du Carnaval du dictionnaire, pour que la septième paraisse : coïncidence ou conséquence ?

        « Anti-académique », le dictionnaire l’est surtout, à un second titre : parce qu’il s’agit pour Pierre Véron d’établir un lien entre évolution du langage et évolution des mœurs et de mettre en lumière « la décadence simultanée de la morale publique et du langage » (Préface, p. VII), il accueille des termes, des néologismes (« gosse », « biche », « avoir du zinc ») qui n’ont pas droit de cité dans le Dictionnaire de l’Académie.

    Au demeurant, pourquoi ce titre : Le Carnaval du dictionnaire ?

Un dictionnaire en carnaval

    En intitulant son dictionnaire ainsi, Pierre Véron met au jour ce qui, par-delà les époques et les cibles visées, est au cœur du discours satirique (voir Marc Angenot, La Parole pamphlétaire, Payot, 1982) : le topos du monde inversé. La satire déforme pour réformer, redresse les tordus et les torts, au nom des valeurs qu’elle défend. Or, le carnaval, extrêmement vivace encore au XIXe siècle, qui connaît son apogée avec le Mardi-Gras et la procession du Bœuf Gras et est enterré avec l’entrée en Carême, le mercredi des Cendres (voir l’entrée : « CARNAVAL — C’est si malpropre que le lendemain il faut mettre des Cendres dessus »), repose précisément sur l’inversion des rangs et des valeurs en cours : inversion d’ordre sexuel (le féminin devient masculin et vice-versa), corporel (les partie basses l’emportent sur les parties hautes, réputées nobles), social (le valet devient roi et le roi valet), linguistique (l’argot populaire, voire poissard, prend le pas sur le langage soutenu).

     Il y a donc identité de nature entre la logique de la satire et la logique du carnaval et Véron en joue : non seulement il masculinise le féminin (voir l’entrée : « RELIEUR — La couturière des livres ») ou fait du « roi » un « marchand de chaînes de sûreté », mais il renverse systématiquement la « doxa » par le paradoxe : « FORÊT — Ville d’arbres », « SACRIFICE — Ne faites pas à autrui ce que vous voulez toujours qu’on vous fasse. »

    Et l’on notera que, puisqu’il s’agit de faire pièce au Dictionnaire de l’Académie, au bon usage de la langue, c’est l’inversion carnavalesque linguistique que Pierre Véron cultive volontiers et il donne à l’argot populaire droit de cité (voir les entrées « Cancan », « Pigeon »…) et au gamin de Paris, incarné par Gavroche – et à son pendant féminin, la grisette, « gavroche de l’Amour » – une place de choix et de roi, témoin l’entrée « GENOU — Deux Invalides passaient. Le premier chauve, le second avec deux jambes de bois. – Lequel est le plus embêtant, fit Gavroche, n’avoir qu’un genou ou bien en avoir trois ? » car le gamin de Paris est aussi le roi du carnaval, avec son cri de ralliement : « À la chienlit ! » et, avec ses traits d’esprit, celui du Charivari, le lit du Carnaval du dictionnaire.

De la « chienlit » au CharivariEn noir et blanc

      Commencé en 1869 et achevé, pour la publication en volume, en 1873, Le Carnaval du dictionnaire est indissociable de la défaite de Sedan (2 septembre 1870), de la chute de Napoléon III et du Second Empire et de la proclamation de la IIIe République (4 septembre 1870), et littéralement hanté pas les désastres de la guerre et, dès la Préface, Pierre Véron entend combler les lacunes du Dictionnaire de l’Académie en matière politique.

      C’est que Pierre Louis Véron (1831-1900), fils de Louise Aimée Véron et de père inconnu, n’est pas seulement un polygraphe prolifique, poète à ses heures et auteur d’études et de romans de mœurs publiés comme son dictionnaire, ou réédités, chez Michel Lévy frères, tels Paris s’amuse (1861), Les Marchands de santé (1872), Le Roman de la femme à barbe (1872), et de revues, pièces de théâtre, livrets d’opéras-comiques, il est d’abord, depuis 1865, le rédacteur en chef du parangon du petit journal (genre né sous la Restauration, qui, sous couvert de matières littéraires et artistiques, attaque le pouvoir en place) : Le Charivari. Quotidien à caricatures, il avait été créé le 1er décembre 1832 (et perdurera jusqu’en 1937) par le grand entrepreneur de presse satirique du XIXe siècle, Charles Philipon (mort en 1862), à la suite du succès du journal hebdomadaire que ce dernier avait fondé le 4 novembre 1830, La Caricature, qui avait pour devise celle de la comédie satirique, « Castigat ridendo mores » [« Que l’on châtie les mœurs en riant »], et, pour emblème, Philipon, déguisé en carnavalesque fou du roi :


Philipon, au centre du bandeau de tête du Charivari du 24 novembre 1833.

     Un Charivari, qui, par son titre, entend bien tympaniser (le charivari désigne en effet cette musique cacophonique qui accueille les mariages mal assortis ou les hommes politiques en disgrâce) – après la monarchie de Louis-Philippe, caricaturé en poire par Philipon – et le Second Empire et la IIIe République : non pas tant celle de Thiers, tombé le 24 mai 1873, que celle du maréchal Mac-Mahon qui impose un « ordre moral et religieux », en partisan moins de la république que de la monarchie des Bourbons (celle de la branche aînée, incarnée par le comte de Chambord, petit-fils de Charles X, futur Henri V, aux dépens des Orléans, la branche cadette, représentée par le comte de Paris, petit-fils de Louis-Philippe). Et telle est bien la visée du Carnaval du dictionnaire, dans sa version charivarique comme dans sa version en volume, par Véron-Fantasio, le fou du roi de la pièce de Musset (représentée pour la première fois en 1866).

    Mais, parce que Le Charivari repose sur l’alliance du texte et du dessin, Le Carnaval du dictionnaire est en fait l’œuvre d’un auteur bifrons, en noir et blanc : pour le texte, Pierre Véron, et, pour les lettrines, Paul Hadol, alias White (qui mourra un an après la parution du dictionnaire), caricaturiste collaborateur du Charivari, du Journal pour rire, fondé également par Philipon, et auteur, en 1870, d’une féroce Ménagerie impériale qui croque littéralement Napoléon III, « Le Vautour », et son entourage politique et familial. Des lettrines historiées qui, bien loin de jouer les utilités et d’illustrer le premier mot de chaque tranche alphabétique, créent de véritables scènes qui renvoient, ou pas, à telle entrée : l’obscure entrée « NATTES — Les coiffeurs, variant une formule de 48, devraient mettre sur leur porte : Armes vendues ! » s’éclaire par les fausses nattes qui figurent dans la lettrine de la lettre « N », tandis que la lettrine de la lettre « V » évoque le départ en chemin de fer d’un jeune couple, alors même que le terme attendu dans le texte, « voyage », a pris la clé des champs !, à moins que la jeune femme, yeux baissés, apparemment enceinte et placée sous le signe « X », ne conduise à la première entrée (dans tous les sens du terme) du futur « né sous X » : « VAGISSEMENT — Où l’homme prend le la de la douleur. » Quant à la lettrine de la lettre « C » qui fait sortir la Vérité de son puits agitant devant un couple de bourgeois fort choqués leur propre caricature, révélatrice de secrets d’alcôve que ne recouvre plus le manteau d’(Amédée) de Noé, alias Cham (du nom du fils de Noé dans l’Ancien Testament),

Paul Hadol, lettrine de la lettre « C », Le Carnaval du dictionnaire, Paris, Michel Lévy frères, 2e éd., 1874, p. 61. Gravure sur bois. Coll. part.

elle renvoie bien à l’entrée « CARICATURE — La glace dans laquelle les autres nous voient », qui crée un effet de miroir avec Le Charivari, puisque Cham est l’un des principaux dessinateurs du journal, aux côtés de Daumier, d’Alfred Grévin, de Hadol ; un effet de mémoire aussi, puisque la Vérité sortant du puits et de la bouche des enfants constituait, en 1830, le motif central de l’affiche de lancement, due au crayon de Grandville, du journal La Caricature. Boucle bouclée.


Jean-Ignace-Isidore Gérard, dit Grandville, Affiche de lancement de La Caricature, 1830. Lithographie, dans John Grand-Carteret, Les Mœurs et la caricature en France, Paris, à La librairie illustrée, s.d. [1888], p. 563.

     Et c’est bien ce lien consubstantiel avec Le Charivari, entrée présente et tonitruante dans la version charivarique du 17 octobre 1869 — « CHARIVARI (LE) — Quels artistes et quels rédacteurs ! quel papier ! Un trimestre 20 francs pour les départements, 18 francs pour Paris. / Pardon… J’oubliais les primes splendides » — et absente de l’édition en volume, qui définit la nature et l’écriture du Carnaval du Dictionnaire, présenté par Louis Leroy comme « le Littré du Charivari » !

Un album « Chaos » et « Photo »

   Le seul ordre que s’autorise Le Carnaval du dictionnaire est l’ordre alphabétique (et encore ! puisque la première édition chez Michel Lévy frères est suivie d’une deuxième, la même année, aussi en raison d’entorses audit ordre), en dehors, semble-t-il, de toute articulation logique : en ce sens, le dictionnaire emprunte à l’écriture de l’actualité (terme qui désigne aussi des séries caricaturales, dont plusieurs de Daumier), du fait détaché, sans causalité apparente, du Charivari. Mais une actualité cryptée, sous forme de jeux de mots, de calembours allusifs, sur le modèle des « carillons » du Charivari — d’où une entrée « CALEMBOURS — les doubles-fonds du langage » — selon l’usage d’un journal qui, dès 1835, avait joué contre et avec la censure préventive sur la presse et la caricature politique, remise en vigueur par la loi sur la presse du 6 juillet 1871. Ainsi, à l’article du Charivari du 1er mai 1869 intitulé « Le parfait censeur. / Petit guide pratique pour la taille, l’échenillage, la greffe et l’élagage de la littérature contemporaine / (suite.) / De l’allusion », répondent, dans le dictionnaire, les entrées « ALLUSION — L’art d’agacer les censeurs et de leur en faire trois mille livres de rente » et « CENSEUR — Un bourreau qui se prend pour un chirurgien ».

      Dès lors, ce dictionnaire a tout de l’album qui, étymologiquement, désigne un carnet à feuilles blanches que les maîtresses de maison et de salon – et Véron tient salon où se côtoient journalistes, hommes politiques, écrivains, musiciens, acteurs et actrices, chanteurs et cantatrices – présentent à leurs invités de marque pour en obtenir autographes ou dessins (aussi, à l’entrée « ALBUM », Véron ne se prive-t-il pas de noter : « Et l’on dit que la mendicité est interdite ! »), avant de désigner un mode de publication romantique où le dessin est roi, et dont Aubert, le beau-frère de Philipon, éditeur de « pittoresques », c’est-à-dire de publications illustrées, et du Charivari, s’était fait une spécialité. Ainsi, l’entrée : « ROYALISTE — Se rappeler la légende de Gavarni : — Ma chère, fidèle comme un caniche. / — Et ça rapporte ! », joue en fait avec la légende de Talin et le crayon de Damourette, dans le onzième des Petits Albums pour rire, intitulé Les Lorettes, vendus au bureau du Journal pour rire, autre création de Philipon :


Talin et Damourette, Petits Albums pour rire, n° 11, Les Lorettes. 3e partie, Paris, Librairie Maresq et au bureau du Journal pour rire, s.d. [1855]. Gravure sur bois. Coll. part.

     Accumulation et énumération de définitions fourrées, à double entrée, par le texte et par l’image, et à double, voire triple fond, Le Carnaval du dictionnaire fait bien figure d’Album Chaos (1840-1841), l’un des titres … de gloire d’Aubert !

     « Album Chaos », « Album Photo » aussi. En effet, dès la Préface, la référence revendiquée à la photographie frappe, et pas seulement les académiciens, incapables de « fixer » la langue : « Vous me faites l’effet, sauf votre respect, d’un photographe qui, l’objectif braqué, se tiendrait en arrêt devant un modèle dont les gambades ne voudraient prendre aucun souci des instances réitérées du fameux N’bougeons plus ! » (p. III-IV). Et Véron de constituer la photographie en modèle, pour critiquer l’historiographie en cours et promouvoir une nouvelle écriture de l’histoire, celle du journal : « HISTORIEN — Est-ce qu’il ne vous fait pas un peu l’effet d’un photographe qui opérerait par correspondance ? ». S’éclaire alors la référence-révérence à Félix Tournachon, dit Nadar, l’homme de la photographie mais d’abord de la caricature, qui avait dirigé, de 1849 à 1862, date de la mort de Philipon, l’atelier de caricature du Charivari et poursuivi ensuite sa collaboration au journal comme au Journal pour rire et publié plusieurs Albums pour rire, vendus au bureau dudit. Un Nadar qui, en 1871, est au cœur de l’actualité non seulement par la plume et le crayon mais aussi par le ballon, puisque, passionné d’aérostation (voir l’entrée « OISEAU — Un Nadar arrivé à son but ») et concepteur d’un ballon baptisé Le Géant, il avait créé une compagnie d’aérostiers (voir l’entrée « AÉROSTATS ») pour acheminer le courrier de Paris vers la province, lors du siège de Paris par les Prussiens.

      Album Chaos-Photo, Le Carnaval du dictionnaire semble donc écrire l’histoire à la façon des Ana, recueils d’anecdotes, de pièces détachées, qu’il définit d’ailleurs comme « le bric-à-brac de l’esprit ». Mais ce serait oublier que l’« Anecdote » y est vue comme « le poussier des mottes de l’histoire » : Le Carnaval du dictionnaire n’est pas forcément le chaos que l’on pense.

De l’« Album Chaos » à l’« Album Écho »Lignes de fond et de front

        À lire de près Le Carnaval du dictionnaire, apparaissent des associations d’idées et de mots, d’une entrée à l’autre. Ainsi, l’entrée « HARICOT » offre une énigmatique définition réduite à trois points de suspension, habile façon de faire l’impasse sur la définition argotique de « musicien », mais aussi de conduire souterrainement à l’entrée « HARPE — Encore de la musique », qui, toujours en argot, signifie la « grille de la prison », et ce, via « l’Hôtel des haricots » !, dénomination argotique de la maison d’arrêt des « individus » (le plus souvent des écrivains et des artistes) coupables de n’avoir pas rempli leur devoir de garde national, et auquel le journaliste Albert de Lasalle avait consacré, en 1864, une étude de mœurs, illustrée par Morin, collaborateur et du Charivari et du Journal pour rire !

Edmond Morin, page de titre de L’Hôtel des haricots d’Albert de Lasalle, Paris, E. Dentu éditeur, 1864.

    Plus profondément, se mettent en place de véritables lignes de fond  – celles de la satire de l’amaigrissement contemporain des femmes, obligées d’avoir recours à l’artifice (de l’entrée « APPAS — Doit, hélas, se lire souvent : A pas » à celle de « SEIN — Voilà qui donne trop bien raison à l’axiome : les absents ont toujours tort », en passant par « COTON — Rassurez-vous, Madame, je ferai comme si je ne savais rien ») ou de l’adultère (avec les entrées « BISCORNU », « CORNES », « JAUNE », « JAUNISSE »…), par qui est né de « père inconnu » – et, surtout, des lignes de front. Il s’agit bien pour Pierre Véron, à l’unisson de ses « Bulletins politiques » quotidiens publiés dans Le Charivari, de s’en prendre à l’alliance du sceptre, du sabre et du goupillon (voir cette entrée), représentée d’abord par Napoléon III (protégeant jusqu’à la défaite de Sedan, contre les visées de Garibaldi, les états du pape Pie IX en même temps que l’électorat catholique français) puis par la présidence du maréchal Mac-Mahon, légitimiste favorable au retour de la branche aînée des Bourbons et à l’ultramontanisme, c’est-à-dire l’allégeance, par-delà le pouvoir spirituel du pape, à son pouvoir temporel dans le gouvernement de l’église catholique de France, dont le journal de Veuillot, L’Univers, s’était fait le champion. D’où, à la lettre « U », la succession des entrées « ULTRAMONTAIN » et « UNIVERS (JOURNAL)», mais, surtout, la mise en place d’un système de renvois plus ou moins explicites d’une entrée à l’autre, témoin « CHRÉTIEN — Ne pas voir ultramontain. »

     Lignes de front sur fond de basse continue : associée à l’illusion religieuse (dont le Jésuite est l’incarnation), la dénonciation de l’illusion de la gloire militaire notamment dans une guerre où les généraux sont vus comme des pleutres et les soldats comme de la chair à chassepot, le nouveau fusil à aiguille dont les fervents de Napoléon III s’étaient enorgueillis. D’ « ASSAUT — Le carnage sur une grande échelle », à « TUERIE — Les semailles de la gloire », en passant par « BOUCHERIE — Fabrique de croix d’honneur en plein vent (un tacticien) » ou « LAURIER — La vilaine plante arrosée de sang ! », le dictionnaire entonne l’anticléricale litanie des saints morts pour rien.

      Critique à l’égard des périls du chemin de fer, c’est néanmoins un véritable système de « correspondances », dont témoignent les variantes (indiquées dans les notes) entre la version initiale parue dans Le Charivari du 24 avril 1869 au 5 janvier 1873, et les tranches complémentaires, publiées par le même journal, du 22 janvier au 4 avril 1873, en vue de l’édition en volume, que met donc en place Le Carnaval du dictionnaire, capable, après Hugo, plusieurs fois convoqué, de mettre le « chaos en magasin ».

Le « chaos en magasin »

     Nés de la révolution de juillet (27-28-29 juillet 1830), les journaux La Caricature et Le Charivari ne se contentent pas de coups d’épingle contre la monarchie de juillet et son roi constitutionnel, Louis-Philippe — « la meilleure des républiques », avait lancé La Fayette à son avènement –, ils se livrent à une critique radicale du fondement du pouvoir par la « charge », doublet de la « caricature », qui pèse et qui pense.

     En effet, dans le discours textuel et visuel, « iconotextuel », de ces journaux d’opposition, Louis-Philippe est associé à la Terreur, en tant que fils de Philippe-Égalité qui, en signant la mort de Louis XVI, a signé le coup d’envoi de la Terreur, témoin cette caricature de « Félicité Monarchie » par Gavarni sur une légende de Philipon (La Caricature, 26 juillet 1832) :


[Guillaume-Sulpice Chevallier, dit Gavarni,] « Mlle MONARCHIE (Félicité Désirée) », Le Charivari, 26 juillet 1832. Lithographie coloriée. Coll. part.

     Or, avec la mort de Louis XVI, ce qui est signé et sonné, c’est le glas du « double corps du roi » (Ernst Kantorowicz), l’alliance de son corps humain et de son corps glorieux, sur le modèle de celui du Christ : ne reste que le corps adipeux ; le fondement sacré, divin ou laïc, du pouvoir a vécu. C’est tout le sens de la fameuse poire de Philipon appliquée à Louis-Philippe et emblème de la monarchie de Juillet : associée à la poire à lavement (et figure de la blague, rire moderne de la Terreur – à laquelle Le Carnaval du dictionnaire réserve une entrée –, cette plaisanterie trompeuse et hâbleuse qui ne cache rien mais crée à partir de rien, ce plein-vide qui repose non sur l’inversion des valeurs de la satire, mais sur leur réversibilité, et, dès lors, sur leur mise à plat et à mort), elle vide le pouvoir de son fondement sacré, voire de tout fondement. La caricature met ainsi en lumière la tabula rasa de la Terreur de 1793, reconduite symboliquement par 1830, puis par un Napoléon III qui a enté son pouvoir sur un coup d’État, et, partant, elle dit l’impossibilité de fonder une histoire nationale, mais, ce faisant, elle entend, par et sur la pierre lithographique, fonder et écrire la seule histoire nationale possible : l’histoire caricaturale, c’est-à-dire par la caricature. Dès le 6 décembre 1832, Le Charivari voulait créer une véritable mémoire du temps présent avec la publication des caricatures parues depuis 1830, conçues comme des « matériaux pour l’histoire de notre temps ». Dès lors, le journal se constitue en stock, en magasin, en mémoire vive du temps présent, que l’on peut sans cesse réactiver, témoin cette caricature parue dans le Journal pour rire du 11 mars 1848 : « DESSIN PUBLIÉ EN 1834 DANS LE JOURNAL LA CARICATURE », qui reprend explicitement une planche de Traviès parue dans La Caricature du 23 décembre 1833, très exactement :

   C’est bien cette logique qui est à l’œuvre dans Le Carnaval du dictionnaire, tout imprégné du discours charivarique – et d’autant plus que Thiers (ancien ministre de Louis-Philippe), chef du pouvoir exécutif jusqu’au 24 mai 1873, avait agité contre la Commune réprimée dans le sang, « le spectre de 1793 », pour mieux asseoir une république dans la lignée de 1789. Nombre d’entrées en effet ne se comprennent que par allusion (ou collusion) implicite à telle caricature politique parue dans le journal ou dans ses homologues, comme L’Éclipse où officie André Gill, qui, en 1879, ne manquera pas de faire figurer Pierre Véron, son frère en esprit, dans Les Hommes d’aujourd’hui (n° 59) :


André Gill, « Pierre Véron », dans Les Hommes d’aujourd’hui, n° 59, 1879. Lithographie coloriée. Wikipedia.

    Ainsi, l’entrée « AFFRANCHISSEMENT — Ce qui fait dire à plus d’un peuple Si j’étais petit papier ! », déjà présente dans Le Charivari du 11 mai 1869, prend un sens nouveau grâce à l’ambivalente caricature du même nom d’André Gill, parue dans L’Éclipse du 6 avril 1873 : Thiers y figure en timbre-poste apposé sur l’Alsace-Lorraine, parce qu’il avait augmenté les impôts indirects, dont le droit sur le papier en septembre 1871, mais pour rembourser l’emprunt levé pour payer avant l’échéance l’indemnité due à la Prusse, selon le traité de Francfort du 10 mai 1871, et libérer ainsi le territoire, à l’exception néanmoins de ladite Alsace-Lorraine, annexée par la Prusse :


André Gill, « L’Affranchissement », L’Éclipse, 6 avril 1873. Lithographie coloriée. BnF. Gallica.

    De même, l’entrée « TYRAN — Un serin de proie » ne s’éclaire que par la caricature du fils unique de Napoléon III représenté en serin par Hadol dans sa Ménagerie impériale :


Paul Hadol, « LE REJETON IMPÉRIAL », dans La Ménagerie impériale, n° 3, Paris, au Bureau des Annonces, 1870-1871. Lithographie aquarellée. BnF. Gallica.

   Clé et clou de la constitution et de l’activation de cette mémoire vive par la caricature, la seule mémoire nationale désormais possible en ce siècle enté sur et hanté par la Terreur à tête de Méduse, l’entrée « CASSE-TÊTE — Instrument ancien, à la vue duquel les Parisiens étaient pietrifiés », qui figurait déjà dans Le Charivari du 10 octobre 1869, mais qui trouve et fait un nouvel éclat, dans l’édition de 1873, avec l’« Apothéose » de Faustin, où, selon la réversibilité caractéristique de la Terreur qui indifférencie, rase et arase tout, brillent, tête et sifflet coupés, Napoléon III et son préfet de police expéditif et exécutif, Pierre-Marie Pietri :


Faustin Betbeder, dit Faustin, « Apothéose », 1870. Lithographie coloriée. Musée Carnavalet. Paris Musées.

À l’image du Charivari, Le Carnaval du dictionnaire se constitue donc, par la caricature, en magasin, en musée national d’un temps présent en deuil de tout fondement (révélatrice à cet égard, dans le numéro du Charivari du 25 janvier 1872, sous le titre générique de « Musée Charivari », une planche de l’illustrateur du dictionnaire, Hadol, intitulée « Memento charivarique 1871 »), avec ses galeries et rencontres souterraines. La définition scatologique de « Riz », qui fait des sorties du général Trochu lors du « siège » ! de Paris des « rentrées », répond à celle de « RETIRER (SE) » : « Pour simplifier les bulletins officiels du siège de 1870 et économiser le papier, moi je n’en aurais fait qu’un seul mot : Se retirerenbonordrer […] », qui renvoie à la caricature d’Émile Evrard parue dans le deuxième numéro du Lampion (1870), intitulée « La Retraite en bon ordre », où un général Trochu en lièvre tricéphale (le roi de Prusse, Bismarck et Napoléon III) fuit et fuite sur les territoires occupés par les Prussiens, abandonnant derrière lui, à tous égards, la Liberté cadenassée, avec cette légende : « L’H en moins dans son nom / Explique le recul / Pour sauver la nation / Il était bien Tro… ? ».

Émile Evrard, « LA RETRAITE EN BON ORDRE », Le Lampion, n° 2, 1870. Musée Carnavalet. Paris Musées.

    Ainsi, le chaos est littéralement mis en magasin et, d’ « Album Chaos », Le Carnaval du dictionnaire se mue en « Album Écho », mieux encore peut-être, en « Album zutique ».

Un «  Album zutique  »  ?

    Pierre Véron choisit, en effet, d’achever son Carnaval du dictionnaire sur deux notes : le « i » de la chaotique zizanie et le « ut » de « Zut » :

           « ZIZANIE — Je ne crois pas qu’on puisse terminer un dictionnaire par un mot plus français…

              À moins que, comme adieu, vous ne préfériez celui-ci :

ZUT ! »

      Notes en parfaite harmonie charivarique, puisque « Zut » (qui, selon le Dictionnaire historique d’argot de Lorédan Larchey, viendrait de l’interjection régionale « ut », « hors d’ici », combinée avec l’ut musical de l’expression parisienne : « je te dis ut en musique ») est, avec « À la chienlit ! », le mot du roi du carnaval, le gamin de Paris, figure tout à la fois du peuple en enfance à éduquer, dont Véron, parodiant Buffon, affirme dès la Préface : « la langue, c’est le peuple même », et instrument de son éducation ou plutôt de sa rééducation, par la caricature. Depuis les débuts du Charivari et dans toute la presse satirique du XIXe siècle, le gamin de Paris est l’enfant des traits d’esprit, lazzi ou graffiti, capable de soulever des montagnes… de barricades, parce qu’il sait en 1874 puiser dans le magasin des accessoires qu’il a lui-même constitué depuis 1832. C’est bien au dessin, à la lettrine de Hadol pour la lettre Z que revient le dernier mot du dictionnaire : salue le public un gamin de Paris, déguisé en fou-folle de carnaval avec ses grelots, qui a tout du Philipon de La Caricature et du Charivari de 1832, et répond au nom de « Zut », pseudonyme d’Alfred … Le Petit ! (1841-1909), fondateur de La Charge en 1870, collaborateur du Charivari et caricaturiste attitré de son jumeau, Le Grelot, né en 1871 :


Paul Hadol, « Zut ! », Le Carnaval du dictionnaire, Paris, Michel Lévy frères, 2e éd., 1874, p. 281. Gravure sur bois. Coll. part.

       Le Carnaval du dictionnaire de Véron-Fantasio : le frère en esprit de l’Album zutique de Rimbaud, hôte assidu de La Ménagerie impériale de Hadol et de La Charge de Zut, qui avait publié, le 13 août 1870, ses « Trois baisers », future « Première soirée »…


Alfred le Petit, « Zut », La Charge, 15 mai 1870.

Un « dictionnaire de l’avenir »

      Si le dictionnaire de Véron et de Hadol est parvenu à réveiller les Immortels, qui publieront le leur, quatre ans plus tard, il aura inspiré aussi le Flaubert du Dictionnaire des idées reçues, jouant, avant lui, des épinards de M. Prudhomme (« MISANTHROPE — Ce n’est pas comme pour les épinards. Il ne peut pas souffrir les hommes » ; GOUVERNEMENT — Je ne le suis pas, et j’en suis bien aise, car si je l’étais je ne m’aimerais guère, et je tiens à ma propre sympathie », Le Carnaval du dictionnaire ; « ÉPINARDS — […] Ne jamais rater la phrase célèbre de Prudhomme : “Je ne les aime pas, j’en suis bien aise, car si je les aimais, j’en mangerais, et je ne puis pas les souffrir” […] », Dictionnaire des idées reçues) ; jouant, surtout, avec lui, bien loin d’une supposée univocité satirique, de l’équivocité, mieux, de la plurivocité, grâce à un discours textuel et visuel à multiples foyers : Le Carnaval du dictionnaire, un dictionnaire assurément « à toutes voi(e)x » !

     De Flaubert à Baudelaire, tous deux lecteurs accomplis du Charivari, il n’y a qu’un pas. Issu dudit Charivari, Le Carnaval du dictionnaire se nourrit des mots et maux à la mode, qui, bientôt démodés, le voueraient, semble-t-il, soit à une actualisation perpétuelle – l’entrée « ATTICISME — Et ta sœur ? (Un Athénien de 1869), parue dans Le Charivari du 4 juillet 1870 est signée « (Un Athénien de 1873) » dans l’édition Michel Lévy — soit à un effacement de l’actualité : à preuve, dira-t-on, la disparition de la campagne de personnalités, présentes dans les entrées parues dans Le Charivari de 1869, contre le député républicain Émile Ollivier, devenu fervent député bonapartiste et bientôt ministre de Napoléon III en 1869, en vue d’une « libéralisation » du régime. Ainsi, l’entrée « ACCOMMODANT — Voir aux noms propres ÉMILE OLLIVIER » de la version charivarique du 29 avril 1869 devient dans le volume de 1873 : « Nom d’amitié des traîtres ». Mais c’est précisément dans cet accommodement ou, plus exactement, cette constante accommodation que gît la vertu non de l’actualité, mais de la modernité toute baudelairienne du Carnaval du dictionnaire, qui consiste à « tirer l’éternel du transitoire » (Le Peintre de la vie moderne), c’est-à-dire non à supprimer le transitoire mais, à l’inverse, à l’exprimer dans sa quintessence, et à faire accéder ainsi l’œuvre non à une improbable atemporalité mais à une véritable contemporanéité qui la rend toujours « de circonstance », maître-mot de l’homme moderne, selon le Vautrin du Père Goriot (bien présent dans le dictionnaire : « PÉLICAN — Un père Goriot à plumes »). C’est ainsi que l’entrée « AFFRANCHISSEMENT », présente dans la version charivarique du 11 mai 1869, libère, dans l’édition de 1873, un nouveau souffle, évoqué plus haut, de même que l’entrée « ANNEXION — Nouveau procédé pour faire du ciment avec de la poudre », parue dans Le Charivari du 26 mai 1869, prend, dans le volume de 1873, une acuité particulière après la guerre franco-prussienne de 1870-1871 et l’annexion de l’Alsace-Lorraine. S’éclaire alors le titre originel donné à ce dictionnaire dans Le Charivari (avant celui de « Dictionnaire anti-académique ») : « Dictionnaire de l’avenir », non parce qu’il ferait office d’Almanach de Mlle Lenormand (notre Mme Soleil !), mais parce que, par sa moderne contemporanéité, il voit le présent dans « son antiquité à venir », selon l’heureuse formule de Loïc Chotard (Nadar. Caricatures et photographies, 1990) et, partant, tel le gamin de Paris, « tout en nouveauté ». Aussi est-ce en ce sens et à ce titre !, que le Fantasio du Carnaval du dictionnaire peut bien dire : « Je vous dis flûte, je vous di-z-ut  :

 

“Elle est retrouvée.

      Quoi ? – L’Éternité !” ».

                                                                      Pour l’équipe éditoriale,

                                                                                                                             Nathalie Preiss.

PRÉFACE
EN MANIÈRE DE LETTRE
À MESSIEURS
LES QUARANTE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE1

PRÉFACE
EN MANIÈRE DE LETTRE
À MESSIEURS
LES QUARANTE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE1

Messieurs et vénérés immortels,

Souffrez qu'un très-humble mortel vous dédie un livre dont il va avoir l'honneur de vous expliquer et le but et la donnée.

Voici déjà, messieurs, plus d'un siècle que votre illustre corporation a entrepris un gigantesque travail pour lequel il semble qu'elle se soit assuré le concours de très-célèbre dame Pénélope, de classique mémoire2.

Ce travail, c'est le fameux dictionnaire dont la problématique existence a pris place dans les traditions populaires à côté des poules qui doivent avoir des dents , du barbier qui doit raser gratis demain, du merle blanc et de la semaine des quatre jeudis3 . 

Jusqu'à présent, il faut le reconnaître, vous fîtes tout pour justifier le scepticisme de la nation française à votre endroit, et vous ressemblez fort au bonhomme de l'ancienne caricature qui, désireux de se vêtir à la mode, attendait tout nu, une pièce d'étoffe sous le bras, que ladite mode eût cessé de changer.

Cette constatation, messieurs et vénérés immortels, je ne la fais point pour vous accabler.

Tout au contraire ; elle vient plaider en votre faveur les circonstances atténuantes.

Oui, ceux qui vous narguent, ceux qui vous persiflent, ceux qui vous raillent, ceux qui vous dénigrent (hein ! quelle richesse de synonymie !), ceux-là ne se sont pas rendu un compte exact des difficultés quasiment insurmontables de votre tâche.

Elles peuvent cependant s'expliquer en quelques mots, par une comparaison dont je me plais à proclamer la justesse avec cette modestie qui est le propre de tous les inventeurs, y compris ceux qui n'ont jamais rien inventé du tout.

Vous me faites l'effet, sauf votre respect, d'un photographe qui, l'objectif braqué, se tiendrait en arrêt devant un modèle dont les gambades ne voudraient prendre aucun souci des instances réitérées du fameux N'bougeons plus4 !

Comment arriver à perpétrer une épreuve en présence de ces sempiternels soubresauts ?

La langue française, messieurs et vénérés immortels, n'est pas moins cabriolante que le modèle supposé ci-dessus. Tantôt c'est ce cancan des mots qui s'appelle l'argot, tantôt c'est la danse de Saint-Guy du néologisme5. Les contorsions de notre fantasque idiome donneraient le droit de lui adresser ce refrain connu de Béranger :

Paillass', mon ami,
N'saut pas à demi,
Saute pour tout le monde6.

Pendant ce temps, vous autres, photographes du substantif et de l'adjectif, vous demeurez là bouche béante, ahuris, effarés, regardant avec stupéfaction dans la chambre noire ces dégingandements ; impuissants, par conséquent, à fixer le moindre cliché et à faire un semblant d'ordre de tous ces désordres.

Hélas ! messieurs et vénérés immortels, ce qui m'afflige profondément dans votre cas, ce n'est pas votre déconvenue. Je suis convaincu même, pour le dire tout net, que j'en rirais volontiers, en vertu de ce don gracieux de la nature humaine qui arrache invariablement à un homme un gros éclat de gaieté quand il voit un de ses semblables tomber de son haut, en voulant s'asseoir sur une chaise absente.

Par malheur, la question est plus grave qu'elle n'en a l'air et que vous ne le soupçonnez peut-être vous-mêmes.

Victor Hugo a dit quelque part :

Car le mot, c'est le Verbe, et le Verbe, c'est Dieu7 !

Je ne le prendrai pas de si haut, étant d'avis que les choses de la terre nous intéressent de plus près que les comparaisons métaphysiques.

 Mais, en vile prose, je me permettrai d'affirmer que les nations n'ont jamais que la langue qu'elles méritent. Je pourrais ajouter, en dévalisant par-dessus le marché M. de Buffon, que la langue, c'est le peuple même.8

Ceci est aussi vrai que cela, par l'excellente raison que ceci et cela disent absolument la même chose.

Or, messieurs et vénérés immortels, depuis quelque temps et à mesure qu'elle avance en âge, la langue française, il faut bien le dire, procède de façon à donner une assez piètre idée du peuple français.

Sous ce rapport, comme sous tant d'autres, le besoin d'une régénération se ferait impérieusement sentir.

Cette décadence simultanée de la morale publique et du langage, on peut la suivre pas à pas, et sous toutes les formes.

Jadis, par exemple, nous passions pour un modèle d'urbanité9, d'élégance et de distinction... Distinction, élégance, urbanité, autant de vocables absolument et irrémédiablement démodés.

Pour les remplacer, on a inventé d'abord le chic. Avoir du chic, cela tint lieu de tout. Les femmes le plus hautement mondaines sacrifièrent à ce faux dieu et se mirent à la chicolatrie... Excusez le barbarisme, mes immortels, vous en avez vu tant d'autres !

Bon gré, mal gré, il fallut se teinter de débraillé. Le chic, vous dis-je, tout pour le chic ! Parodier les demoiselles de joie qui en étaient les plus directes dépositaires devint le rêve des grandes dames en renom.

Et l'on ne devait pas s'en tenir là ! Après le chic est venu le chien10 !

Voilez-vous la face si vous voulez, ô mes immortels, afin de rougir plus à l'aise, mais il est nécessaire que vous m'entendiez jusqu'au bout, parce que je dis la vérité. Avoir du chien est l'expression qui fleurit aujourd'hui11 et à laquelle on ne s'arrêtera probablement pas. Déjà même avoir du zinc lui fait une traîtreuse concurrence.

Les deux signifient d'ailleurs même chose. C'est l'encanaillement12 élevé à la hauteur d'un art ; j'allais écrire : d'un sacerdoce !... Quand je vous assurais que la langue est le miroir inexorable des mœurs !

Autrefois aussi, la courtisane étant une race parquée et circonscrite, on se contentait d'un seul mot pour la désigner.

Mais, la profession ayant ouvert partout ces étalages, force fut de multiplier les enseignes. C'est pourquoi, messieurs, les termes se succèdent avec une rapidité qui défie votre poursuite. C'est pourquoi la cascade de néologismes rebondit de lorettes en biches, de biches en cocottes, de cocottes en gommeuses, de gommeuses13 en... La suite au prochain abêtissement.

Jadis (je passe à un autre ordre d'idées pour mieux parfaire ma démonstration), jadis la Mort était pour tous le mystère insondable devant lequel se découvrait l'unanime respect.

Pour attester que nous ne respectons plus rien, nous avons exécuté sur le sombre verbe mourir cinquante variations irrévérencieuses et stupides.

Éteindre son gaz, remercier son boulanger, dévisser son billard, lâcher la  rampe... que sais-je, moi ?

Quant à vous, dont le devoir est de savoir, combien je comprends vos perplexités en face de ces cyniques débordements !

En d'autres temps encore, l'enfance était une sainte chose qu'entouraient à la fois les sollicitudes et les tendresses de tous.

Le Puero reverentia  était une devise que la France s'était soigneusement appropriée.14

Allez-y voir à présent ! L'enfant, de par l'argot immonde, est devenu un gosse  ou un moucheron .

Un moucheron! Comme on devine dans ce mot l'ardent désir qu'ont les papas et les mamans de se débarrasser de ce parasite importun !

Je pourrais poursuivre, messieurs, mais je craindrais de lasser votre patience. Et, d'ailleurs, j'en ai dit assez pour étayer mes conclusions, établies d'avance.

Ainsi que je l'avais posé en principe, il est vrai, cruellement vrai, horriblement vrai que nos décrépitudes marchent de pair, que ce qu'on parle et ce qu'on pense dégringole en même temps les mêmes degrés.

Il est vrai aussi que cette dégringolade ininterrompue rend votre besogne à peu près impossible, des ivraies nouvelles poussant à mesure que vous vous évertuez à les cataloguer.

Que serait-ce donc si j'abordais la question sous une autre face, la face politique ! C'est là que l'impossibilité de votre œuvre apparaîtrait plus évidente encore !

Tous les dix ans, c'est un bouleversement complet de toutes les idées et de toutes les définitions. Ce qu'on adorait on le brûle ; les Capitoles se changent en roches Tarpéiennes15, l'apothéose fait place à la boue et réciproquement.

Un jour, je suppose, le mot liberté  reçoit tous les hommages : le lendemain, il est l'objet de toutes les calomnies. Un jour, le despotisme est honni et conspué ; le lendemain, on se vautre à ses pieds dans l'effarement d'une panique.

Le substantif miracle ne provoque, durant une période, que sourires et haussements d'épaules. Survient un changement à vue, et l'on parle presque de brûler vifs ceux qui ne s'agenouilleront pas devant lui.

De même, messieurs et vénérés immortels, de mille autres expressions de la langue politique, sans compter que les confusions de notre tour de Babel16 vont plus loin encore et que vous y entendez à la fois et à la même heure bafouer à droite et exalter à gauche les expressions dont il s'agit.

Comment vous y pourriez-vous reconnaître ? Comment débrouilleriez-vous cet inextricable écheveau qui s'emmêle chaque jour davantage ?

Jamais, je le crois, et je le crains, vous ne réaliserez cette utopie. Aussi, loin de faire chorus avec vos accusateurs, je ne pense à vous qu'avec la plus entière compassion.

C'est cette compassion qui m'a déterminé à entreprendre le petit travail que j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation éclairée.

Les petits ruisseaux font, dit-on, les grandes rivières. Puisse mon mince filet d'eau vous être de quelque secours ! J'y ai mis une pointe de vinaigre pour qu'elle parût un peu moins fade. Aurai-je réussi ?

Ou bien, si vous préférez un autre ordre de comparaison, lorsqu'il s'agit de construire quelque important édifice, il est d'usage d'élever à côté, pour les besoins du service, une modeste baraque en planches.

Mon livre, c'est la baraque en question.

Je m'en console en songeant qu'en notre beau pays les édifices trop ambitieux ne reçoivent presque jamais leur couronnement, que les baraques y ont souvent la vie plus longue que les palais et qu'enfin le provisoire est ce qui, à notre époque, a le plus de chances de durée.

Et sur ce, messieurs et vénérés immortels, je prie Dieu pour que, sur vos palmes vertes, il cesse de pousser des fleurs de pavot17.

Votre très-humble serviteur,

Pierre Véron

1[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Institution fondée en 1634 et dont les membres s’attachent à défendre le bon usage de la langue française et se consacrent notamment à la publication du Dictionnaire de l’Académie française, dont la première édition fut publiée en 1694. À l’origine, l’Académie comptait neuf membres, mais, dès 1639, ce nombre était porté à quarante.
2[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Comparaison du travail des académiciens, dont la nouvelle édition du Dictionnaire de l’Académie se fait attendre, avec celui de Pénélope, qui, dans l’Odyssée, a promis de ne se remarier qu’une fois sa tapisserie terminée, et la défait chaque nuit, pour rester fidèle à Ulysse.
3[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Ces expressions proverbiales expriment le caractère improbable de la réalisation d’un événement, à l’image de la septième édition du Dictionnaire, qui tarde à venir, et paraîtra en 1878, quarante-trois ans après la sixième édition (1835) et quatre ans après la publication du Carnaval du dictionnaire.
4[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Les comparaisons liées à la photographie sont récurrentes dans Le Carnaval du dictionnaire et tiennent notamment au fait que le photographe Félix Tournachon, dit Nadar, qui avait commencé sa carrière comme caricaturiste, avait dirigé l’atelier de caricature du Charivari (dont Pierre Véron, d’abord collaborateur, devient, en 1865, le rédacteur en chef), de 1849 à 1862, date de la mort de Charles Philipon, fondateur, en 1832, dudit Charivari.
5[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Renversement carnavalesque récurrent dans ce dictionnaire, puisque c’est le « cancan » qui appartient à l’argot et désigne (par analogie sans doute avec la marche du canard) une variante du quadrille, danse particulièrement déhanchée (appelée aussi « la chahut » ou la « chaloupe orageuse »), très prisée des étudiants et grisettes, moins des autorités, et qui faisait fureur dans les bals publics, en temps de carnaval (voir la Physiologie de l’Opéra, du carnaval, du cancan et de la cachucha par un vilain masque, Paris, R. Bocquet, 1842 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k116772d.image). Dans la volonté de dénoncer les « soubresauts » de la langue française, l’image s’applique ici à l’argot, de même que celle de la « danse de Saint-Guy » - nom populaire donné aux manifestations de l’épilepsie - s’applique à la création « échevelée » de nouveaux mots, soit la néologie, pourvoyeuse de néologismes.
6[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Refrain de la chanson, « Paillasse » (1816), du chansonnier politique Béranger (1780-1857), plusieurs fois censuré sous la Restauration : le paillasse (du nom de son habit à carreaux) désigne, en effet, un acteur de parades, un saltimbanque, un bateleur, qui fait entrer, par ses tours et détours, le public dans la baraque de foire et qui, par là même, se trouve souvent associé par la caricature du temps au personnel politique (voir aussi l’entrée « Arlequin »). Ici, ses virevoltes s’appliquent à la langue française.
7[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Vers du poème de Hugo, « Réponse à une accusation », paru dans Les Contemplations (1855).
8[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Parodie de la fameuse formule du naturaliste Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, dans son discours de réception à l’Académie française (1753) : « Le style, c’est l’homme même ».
9[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] C’est-à-dire de civilité.
10[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Le mot « chic », d’étymologie incertaine, viendrait, selon le Grand dictionnaire universel de Pierre Larousse du nom d’un élève de David, qu’il appréciait, Chicque ; aussi, face à un tableau réussi, avait-il l’habitude de s’exclamer : « c’est du Chicque ». Puis « chicque » ou « chique » ou « chic » a désigné, plus que le talent, une certaine habileté, un « coup de patte », mais sans génie (Baudelaire, dans son Salon de 1846, l’associe au poncif). Du vocabulaire des rapins, le terme passe dans la langue, sous différentes formes, dont, en 1840, celle de « chicard », qui donne son nom à un personnage et costume de carnaval excentrique, immortalisé par Gavarni [https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/œuvres/le-chicard-opera-iff-390]. La Physiologie du chicard de Charles Marchal (1841), illustrée par le même, enregistre les différentes déclinaisons du mot : « chicandard », « chicocandard », « chocnosogue », « chocnosophe », « Kosnoff »… L’on n’en est donc pas à un barbarisme près. Dans la seconde moitié du siècle, selon son sens originel, le « chic » signifie un certain cachet, qui attire : pour une femme, avoir du « chic », c’est avoir du « chien », avant de prendre un sens exclusivement mélioratif.
11[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] En effet, et, en 1869, Paul Hadol, illustrateur du Carnaval du dictionnaire, avait publié, dans la revue La Parodie, une série de planches, Les Femmes, dont l’une s’intitulait « Les femmes qui ont du chien » (n° 7, 9-16 octobre 1869).
12[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Le fait de se faire « canaille », c’est-à-dire, pour une personne huppée ou bien élevée, de se plaire à adopter des mœurs populaires ou moins frottées (le terme en vient à signifier: « rusé, malicieux » selon Lorédan Larchey, Dictionnaire historique d’argot, 1881). Véron met bien ici en pratique sa remarque sur le lien entre langue et mœurs puisque l’étymologie latine de « canaille » est bien « canis », « chien », évoqué plus haut (c’est aussi celle, grecque cette fois, de « cynisme », évoqué plus bas).
13[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau et Nathalie Preiss] Néologismes qui désignent, à partir de 1841 - date à laquelle naît sous la plume de Nestor Roqueplan celui de lorette (parce qu’elle hante le quartier de Notre-Dame-de-Lorette) - les femmes entretenues : sous le Second Empire, « cocotte » se substitue à « lorette » puis naît la « biche », contraction de « biche d’Alger », c’est-à-dire « chameau » ou « girafe » (femme de mœurs faciles), selon Lorédan Larchey (Dictionnaire historique d’argot, op. cit.) ; la « gommeuse », féminin de « gommeux », dandy, venait d’apparaître, en 1873, l’année même de la publication du Carnaval du dictionnaire (Dictionnaire historique de la langue française, A. Rey dir.).
14[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Devise issue d’un vers des Satires de Juvénal (14, v. 44-49) : « Maxima debetur puero reverentia » (« L’on doit le plus grand respect à l’enfant »).
15[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Référence à la formule latine : « Arx tarpeia Capitoli proxima », « La Roche tarpéienne est proche du Capitole », c’est-à dire : « La chute est proche de l’apothéose », puisque, à Rome, les héros étaient honorés sur le Capitole, proche de la Roche tarpéienne, d’où l’on précipitait les condamnés à mort.
16[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Image signifiant la confusion, l’impossible compréhension, ici, dans le domaine politique (voir aussi les entrées « Babel » et « Babil »), en référence à l’épisode biblique de La Genèse (11, 1-9), où Yahvé détruit la tour de Babel érigée par l’orgueil des hommes, qui ne formaient alors qu’un seul peuple et parlaient une seule et même langue, et les voue ainsi à la multiplication et la confusion de toutes les langues et à la dispersion sur la terre.
17[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Le pavot est une plante aux vertus dormitives, associée ici aux académiciens, réputés léthargiques et soporifiques.

A

Lettrine A :  

ABAISSEMENT — Moyen de parvenir, fort en honneur au XIXe siècle1.

ABANDON — En chœur :

— Oh ! les hommes !

— Dieu ! les femmes !2

ABBAYE — Inutile dulci3.

ABATTOIR —

Ne pouvant rien créer, il ne faut rien détruire4.

(Vers connu.)

ABDICATION — Mouvement de magnanimité par lequel, en général, un prince cède sa couronne à un autre5... quand son peuple vient de la lui reprendre. 

ABEILLES — « Chastes buveuses de rosée6. » Il y en a aussi en or ; ce ne sont pas les mêmes.  

ABÊTIR — Vieux mot remplacé par veuillotiser7

ABJURER — Changer son cheval borgne pour un aveugle8.

ABONDANCE (parler d') — Se dit entre autres d'un ministre qui traite du dénuement du budget9.  

ABONNÉ — Souverain qui règne, mais ne gouverne pas10.

ABSENCE — Fontaine de Jouvence des prétendants11.   

ABSENT — On lit dans les faits divers :

« Hier, au moment où tous les locataires venaient de se rendre à leur travail, une maison de la rue de *** s'est écroulée. » Et l'on dit que les absents ont tort12 !

ABSINTHE — Ivresse et poison. Double raison pour laquelle elle devrait s'appeler du vert... de gris13.                                                                         

ABSOLUTISME — Procédé pour être maître de tout le monde... excepté de soi-même14.    

ABSOUDRE — Dire : Oui quand on croit : Peut-être15.

ABSTENTION — C'est l'instant de nous montrer, cachons-nous16!

ABSTINENCE — Avez-vous vu comme ça les maigrit17

ABSURDE — Tout ce qu'on ne pense pas18.

ABUS — Ce qui soutient les mauvais régimes, — comme la corde soutient le pendu19.

ABRICOT (couleur) — Ousqu'est ma guitare20 ?...

ACADÉMIE — Quarante appelés et peu de lus21 . 

ACCENT — Le fumet de la prononciation22.

ACCIDENT — Nom que les princes donnent d'ordinaire aux révolutions, même à celles qui les ont élevés. Dans ce dernier cas ils ont presque toujours raison23.

ACCLAMATIONS — Ça se vend à prix fixe à la Belle Jardinière de la popularité, mais on en a rarement pour son argent24.   

ACCLIMATATION — Opération qui depuis cinquante ans réussit très-bien en France pour les plantes et très-mal pour les dynasties25.   

ACCOMMODANT — Nom d'amitié des traîtres.26

ACCORD (bon) — Chœur pour bouches à feu, exécuté en chassepot majeur par l'orphéon des puissances27.

ACCORDÉON — Un soufflet dont malheureusement on n'a pas le droit de demander raison.28

ACCORDEUR — Maréchal des logis29 de la musique.

ACCOUCHEMENT — Un quart d'heure de Rabelais qui dure quelquefois deux jours30

ACCROC — À une robe ?... Le maladroit ! — À une constitution ?... Bien joué tout de même31

ACHETER — Verbe trop actif en temps d'élections.

ACTE — Frère ennemi de la parole...32

ACTIONNAIRE — La seule espèce de mouche qui se prenne avec du vinaigre33.  

ACTIONS — Titre qui vaut rarement possession.

ACTIVEMENT — Neuf mois s'il s'agit d'une loi pour la liberté de la presse, — vingt-quatre heures s'il s'agit d'une loi de sûreté générale34.

ADDITIONNELS (centimes) — Les verrues du budget. — On voudrait bien nous les faire prendre pour des grains de beauté35

ADHÉSION — Quand elle dit : Je me donne, traduisez neuf fois sur dix : Je mevends.36

ADMINISTRATION — Si seulement, tout long qu'il est, ce diable de mot-là ne nous coûtait annuellement que cent millions par lettre !

ADMIRATION — Sentiment qu'on n'éprouve guère qu'en se plaçant devant un miroir.37

ADMIRER — Action qui peut vous faire décorer si elle s'adresse à un fonctionnaire, et emprisonner si elle s'adresse à un démocrate.38

ADOPTER — La seule raison d'être de trop de députés.39

ADRESSE —

Vous parliez, j'en suis fort aise.
Eh bien ! votez maintenant.40

ADULTÈRE — Trinité qui parvient rarement à être un mystère.41

ADVERSITÉ — École... non mutuelle42.

AÉROSTATS — Le jeu de boules du vent43.

AFFAIRES — Tir aux pigeons.44

AFFECTION — Ô logique d'un temps où aimer passe pour une folie !

Le même mot pour signifier maladie et amour !

AFFICHE — Les murs se laissent faire ; les candidats en abusent.

AFFRANCHISSEMENT — Ce qui fait dire à plus d'un peuple : Si j'étais petitpapier !45

AFFRONT — On en mourait jadis ; on en vit aujourd'hui.

AFFUBLER (s') — La façon dont vos amies s'habillent, n'est-ce pas, madame ?46

AGACERIES — L'absinthe de l'amour. Ça passe pour ouvrir l'appétit, moi je trouve que ça le coupe.47

ÂGE — Le seul secret que les femmes sachent garder.

AGENDA — Mémoire de poche.

AGENOUILLER (s') — Faire un angle qui prouve que la ligne droite n'est pas le plus court chemin de la terre au ciel.48

AGENT — Membre de la congrégation de l'Infaillible Emprisonnement.49

AGIOTAGE — Fumier dont les champignons sont vénéneux.50

AGNUS — Il paraît que ça se vend bien.51

AGONIE — Un passage ou une impasse ???

AGRAFES — Les verroux de la décence.52

AGRONOME — Laboureur en chambre.53

AIGUILLE — Les femmes ne veulent plus de celles qui servent à coudre. Les hommes ne veulent plus que de celles qui servent à découdre.54

AIGUILLEUR — Homme qui tient une aiguille à laquelle est attaché le fil de notre vie.55

AILES — L'ascenseur des oiseaux.

Nota. — Celui-là, malheureusement, ne laisse pas voir ses ficelles56.

ALARMISTE — Mouchard sans le savoir.57

ALBUM — Et l'on dit que la mendicité est interdite.58

ALCORAN — Un des trois cent soixante livres où l'on prétend que Dieu a opéré lui-même... et surtout sans succursale.59

60ALCÔVE — Repaire de volés.

ALEXANDRIN — L'éléphant de la poésie.

ALIBI (prouver un) — Signer la feuille d'absence.61

ALINÉA — Les relais de la polémique. Les chevaux poussifs en abusent.62

ALLELUIA — Dire merci sans savoir à qui.63

ALLIANCE — Le merle blanc de notre politique extérieure.

ALLOPATHIE — Ancienne compagnie des pompes funèbres, furieuse qu'on soit venu créer des concurrences à son monopole64.

ALLUSION — L'art d'agacer les censeurs et de leur en faire trois mille livres de rente65.

ALOUETTE — Horloge dont Roméo fut le Bréguet66. Les amoureux trouvent toujours qu'elle avance.

ALTESSE — Titre qui ne prouve pas que les princes sont hauts, mais que les hommes sont bas.

AMABILITE — Les bonbons de la conversation.67

AMBASSADEUR — Baromètre qui indique toujours le temps qu'il ne fera pas.

AMBITION — La mienne ? qu'elle est noble ! — La leur ? pouah !68

AMBULANCE — La gloire dans son intérieur.69

ÂME — Une fatuité sublime.

AMENDE — Ce que le journaliste rencontre trop souvent dans le fruit de ses veilles.70

AMEUBLEMENT —

Ces dames, quand on veut leur parler sentiment trouvent que ce mot-là rime admirablement71.

AMITIÉ — Un parapluie qui a le défaut de se retourner dès qu'il fait mauvais temps.

AMNISTIE — Acte par lequel les souverains pardonnent le plus souvent... les injustices qu'ils ont commises72.

AMORCE — Drôle de rapprochement ! La même sert pour les hommes et pour les grenouilles : un brimborion rouge !

Est-ce pour cela que les grenouilles demandent des rois73 ?

AMOUR — Un duo que les deux voix ne chantent jamais dans le même ton.74

AMPUTATION — Façon dont les chirurgiens militaires font la part du feu75.

AMULETTE — Objet qui préserve... les gens sensés de tourner à la dévotion.

ANA — Le bric-à-brac de l'esprit.76

ANABAPTISTE — Secte qui, trouvant qu'il pouvait y avoir maldonne, demandait à refaire.77

ANACHORÈTE — Philosophe qui vit dans la solitude, probablement pour ne pas se dégoûter de lui-même en voyant ses semblables.78

ANALOGIE — Air de famille des idées.

ANALYTIQUE (compte rendu) — Brevet de perfectionnement pris récemment pour la fabrication des lits de Procuste.79

ANARCHIE — Peur d'un mal à l'aide duquel les despotismes font tomber les peuples dans un pire80

ANATHÈME — Gril qui aurait besoin d'être rétamé.81

ANATOMISTE — Un monsieur qui suit la Mort.

ANCÊTRES — La réclame originelle.82

ANDROGYNE — Il ne faut pas courir deux sexes à la fois.83

ANECDOTE — Poussier de mottes de l'histoire.84

ANÉMIE — La drôle de chose ! C'est depuis que la médecine ne nous tire plus de sang qu'on assure que nous en manquons.85

ANGE — Harpiste pour l'éternité. Et on trouve ça une récompense !

ANGLOMANIE — Passion qui pousse la France à tout copier de l'Angleterre... la liberté exceptée, bien entendu.

ANIMAL — Vous... Pardon ! moi... Parbleu ! nous !

ANNALISTE — Teneur de livres des bévues du prince. Quand l'annaliste s'appelle Tacite, les comptes sont justes. Quand il se nomme Loriquet, il y a faux en écriture publique86.

ANNEXION — Nouveau procédé pour faire du ciment avec de la poudre.87

ANNIHILER — En matière de liberté, les réactionnaires assurent que ce mot est synonyme d'accroître.

ANNIVERSAIRE — L'écho du temps.88

ANNONCIATION — Origine des avertissements.89

ANNOTATIONS — Les pattes de mouches du coche.90

ANNUAIRE — Inventaire après décès de nos espérances et de nos illusions de l'année.

ANOBLIR — Prétendre donner à autrui ce qu'on n'a souvent pas soi-même.

ANONYME (lettre) — Épître selon saint Basile.91

ANTÉCÉDENTS — Que d'hommes politiques sont comme les chiens sous ce rapport et n'aiment pas qu'on leur mette le nez dans ce qu'ils ont fait !

ANTHROPOPHAGIE — La vraie façon d'être aimé pour soi-même.92

ANTICHAMBRE — Pièce où les plus laquais sont en général ceux qui n'ont pas de livrée.93

ANTICHRÉTIEN — (Voir :ultramontain.)94

ANTICIPER — Continue à se prononcer antichiper, en matière de dividendes, chez les Auvergnats et les gérants95.

ANTIDOTE — Quinze lignes de Voltaire après une collection de l'Univers.96

ANTIPODES — Autres sous-pieds97.

ANTIPHRASE — Appeler M. X... l'honorable préopinant98.

ANTITHÈSE — La névrose du style.99

APHONIE — Maladie dont sont atteints trois députés sur quatre.

Je ne m'en plains pas au moins ! Je constate !100

APLATISSEMENT — Êtat normal d'une foule de gens qu'on a sans doute surnommés lesgrands par ironie.101

APLOMB — Toupet qui la plupart du temps est faux.102

APOLOGUE — Le tailleur de la vérité.103

APOPLEXIE — Congé que la nature n'est pas forcée de donner trois mois d'avance.

APOSTASIE — Traite des blancs qu'on pratique sur soi-même104.

APOSTAT — Teinturier en drapeaux105.

APOSTILLE — Billet de complaisance des puissants.

APOTHICAIRE — C'est lui qui fournit la pilule ; c'est nous qui la lui dorons.106

APÔTRE — Commis-voyageur en surnaturel.107

Nota. — La clientèle diminue.

APPARAT (discours d') — La grande livrée de la banalité.108

APPARENCES — Ce que notre époque s'occupe le plus de sauver... après la caisse.

APPARITIONS — Indigènes qui vivent dans la forêt de Bondy de la superstition109.

APPARTEMENT — Tiroir où l'on serre sa famille.

APPAS — Doit, hélas, se lire souvent : A pas !

APPLAUDISSEMENTS — C'est en regardant faire la claque qu'on comprend le dicton : Jeu de mains, jeu de vilains !110

APPAUVRIR — En langue officielle se traduit ainsi :

« Messieurs,

« La prospérité publique, qui s'affirme par la façon dont sont couverts les emprunts les plus successifs111... »

APPEL — Figure de contredanse, dans laquelle six mois de prison font vis - à - vis à 500 francs d'amende. N'est-ce pas, chers confrères ?112

APPOINTEMENTS — Un dieu en douze échéances.

APPORT — Raison sociale de la maison Adultère et Ce.

APPROBATION — Emploi facile et lucratif.

APURER (les comptes) — Pourquoi pas ? La chimie a bien pu arriver à filtrer les eaux du grand collecteur.

ARAIGNÉE — Un propriétaire qui fait payer les loyers encore plus cher que les autres.

ARBITRAIRE — Arme qui heureusement finit toujours par crever dans la main qui la tient.

ARBITRE (libre) — Illusion que garde probablement aussi le hanneton qui a un fil à la patte.

ARCHE (de Noé) — Une arche qui, à elle seule, a bel et bien été un pont.113

ARCHET — Vit maritalement avec la corde, mais l'harmonie ne règne pas toujours dans le ménage.114

ARCHEVÊQUE — Se prend parfois pour pamphlétaire.115

ARCHITECTES — Heureuses gens ! ils arrivent sans effort. On se charge de percer pour eux.116

ARCHIVES — La Morgue du passé.

ARDOISE — Emblème de la conscience des satisfaits de tous les régimes. Un coup de torchon, et on écrit autre chose dessus.

ARGENT — En voilà un métal qui est heureux de ne pas pouvoir rougir en voyant ce qu'on fait de lui.

ARGOT — Le bagne de la langue. Il y a tous les jours des mots qui s'évadent.

ARGUMENT — Boum ! boum117 !!!

(Décembre 1851.)

ARIENS — Élève d'un Paganini dont les variations ne sont pas dans le répertoire du conservatoire catholique.118

ARISTOCRATIE — Les sœurs de Cendrillon.119    

ARITHMÉTIQUE — Le désespoir des despotes qui voudraient que 2 et 2 fissent 5 aux recettes et 3 aux dépenses.

ARLEQUIN — Toutes les couleurs sur son habit, un masque sur le visage. Le gaillard serait arrivé haut s'il vivait de nos jours120. 

ARMEMENTS — Des pompiers qui coûtent dix fois plus cher qu'un bon incendie.

ARMOIRIES — Pavillon qui par bonheur ne couvre plus la marchandise.

ARQUEBUSE — Instrument de propagande à la façon de saint Barthélemy... leur ami.121

ARRESTATIONS — Enseignement mutuel des partis.

ARRHES — Eh bien, vous avez ma parole !

— Pardon, j'aimerais autant cent sous.122

ARRIÈRE (en) — Façon de marcher de certains autoritaires qui ne songent pas que, de cette façon-là, on ne voit jamais le fossé où l'on risque de tomber.

ARRIÈRE-PENSÉE — Toute la diplomatie en un mot... composé.

ARRIVÉ — Se dit d'un homme qui a atteint son but, fût-ce en rampant.

ARROGANCE — C'est disgracieux, ce vice-là, comme de marcher avec des échasses.

ARSENIC — Divorce en poudre.

(Extrait des pensées intimes d'une dame mal mariée.)123

ART — On a beau parler de ce loup-là à tout propos aujourd'hui, on n'en voit ni la queue ni la tête.

ARTÈRES — Nom donné aux boulevards de M. Haussmann. A cause des saignées qu'il fit à notre bourse ?124

ARTICLE — Le journalisme ! Un passe-partout, monsieur ! — Oui, qui ouvre même les portes de Sainte-Pélagie à ceux qui s'en servent.125

ARTIFICE (feu d') — Façon uniforme de fêter les souverains de tout pays.

Nota. — C'est toujours le bon peuple qui reçoit les baguettes.

ARTILLERIE — Puisqu'on vous dit que c'est pour l'entretien du culte... de la paix.

ARTISTE — Qu'est-il souvent ? Rien. Que croit-il toujours être ? Tout126.

ASCENSION (fête) — L'aviation découverte avant Nadar.127

ASPIC — Variété de serpent qui, lors de la mort de Cléopâtre, donna naissance au proverbe : Qui se ressemble s'assemble.

ASPHYXIE — « Bonsoir, les amis ! Je recours au charbon parce que je manque de braise. »

(Testament d'un bohême.)128

ASPIRATIONS — Rêver en l'air... pour que ça vous retombe sur le nez.129

ASSAINISSEMENT — Fallait-il que nous fussions sales, à en juger par les millions que ça a coûtés !130

ASSASSIN — Ne défaites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous défît.131

ASSAUT — Le carnage sur une grande échelle.132

ASSEMBLÉE — Le seul endroit peut-être où la foudre tombe quelquefois au mois de décembre.133

ASSEMBLÉE (d'actionnaires) — Les oies du Capital. Elles se figurent toujours sauver quelque chose.134

ASSEMBLÉE (politique) — Honni soit qui bien y pense !135

ASSERVIR — Tous les tyrans prononcent : Sauver.

ASSIETTE — Celle de l'impôt tend trop à devenir un plat136.

(Pensées d'un contribuable.)

ASSIGNAT — Ils en rient encore ! Comme si les époques calmes n'avaient pas inventé les actions au porteur.137

ASSISTANCE (publique) — Entreprise de charité qui découvre les directeurs de théâtre pour couvrir ses malades.

ASSOCIÉ — Un camarade de lit qui veut toujours avoir toute la couverture.

ASSOMMER — Puisque c'est pour leur bien, de quoi les perturbateurs de tous les temps se plaignent-ils ?138

ASSOUPIR — Verbe proclamé actif par l'Académie, laquelle prouve toujours ce qu'elle avance.139

ASSOURDIR — Quand on joue du Wagner, c'est le remède à côté du mal.140

ASTICOT — Il paraît que le goujon c'est comme l'homme. La corruption l'attire.141

ASTICOTER — Agacer à coups d'épingle. On a vu remplacer les coups d'épingle par des coups de sabre.

ASTRONOME — Citoyen qui, pour avoir entrevu une planète qu'on n'a jamais retrouvée, peut aspirer aux plus hautes destinées politiques.142

ASTRONOMIE — Étudiant de six millième année, qui suit un cours d'infini à l'École de l'Inconnu.

ASTUCE — Vice d'État.

ATELIER — L'église du travail.143

ATHÉISME — Négation qui ne vaut pas mieux qu'une affirmation.

ATHLÈTE — Artiste en biceps.144

ATLAS — Procès-verbal des déprédations internationales145.

ATTACHE — Il y a pourtant des électeurs qui ont l'esprit assez mal fait, quand on leur dit : « M. X... a l'attache officielle, » pour comprendre : la tâche.

ATTAQUES — Satanée goutte ! dit le malade. — Satanée opposition ! dit le pouvoir ; mais celui-là ne parle jamais de sa gourmandise, ni celui-ci de son entêtement.

ATTÉNUANTES (circonstances) — Tout chemin mène à l'abolition de la peine de mort.146

ATTICISME — Et ta sœur ?

(Un Athénien de 1873.)147

ATTRIBUTIONS — C'est comme les femmes ; on veut toujours celles du voisin.

ATTROUPEMENT — Quand on réussit, des héros. Quand ça avorte, des bandits.

AUDACE — Un levier avec lequel on finit par soulever le monde... contre soi.148

AUGMENTATION — Mon pauvre voisin !... Le sort s'est trompé, figurez-vous !...149

Il en implorait une comme employé ; il l'a reçue... comme locataire.

AUGURES — Comme ceux de notre temps, ont appris à se regarder sans rire !150

AUGUSTE — Qualification à laquelle ne croit ni qui la donne, ni qui la reçoit.

AUMÔNE — Est-ce que cela ne vous fait pas un brin l'effet d'Hippomène jetant de temps à autre une pomme d'or pour retarder la poursuite d'Atalante ?151

AURÉOLE — Ce qu'on use de jaune dans les tableaux de sainteté !...

AUTEL — À voir la manière de procéder de certains cléricaux on se demande :

— Est-ce que, lorsque Jésus chassa les marchands du temple, l'un d'eux y oublia son comptoir ?152

AUTEUR —

Et l'on vit entouré, — destin doux et prospère, —

De petits manuscrits dont on croit être père...

(Varié de BOILEAU.)153

AUTO-DA-FÉ — Nom donné par certains amants de la foi à la passion dont ils brûlaient... les autres.154

AUTOCRATE — Un monsieur qui veut posséder d'autant plus les autres qu'il se possède moins lui-même.155

AUTOMNE — Le post-scriptum du soleil.

AUTOPSIE — La vraie éloquence de la chair.

AUTORITÉ — La sœur de Cendrillon-Liberté.

AUTRUI — Nos frères... Caïn-caha.156

AVANCEMENT — Pour que le fonctionnaire avance, il faut que ses opinions reculent.

(Extrait de LA SAGESSE DES BUREAUX,
volume inédit.)

AVARICE — Un vice qui a les yeux plus grands que le ventre.

AVÈNEMENT — Superbe, le jour de l'emménagement. Mais le lendemain les peuples commencent à essuyer les plâtres.

AVENIR — Espérance... de Damoclès.157

AVENTURE (dire la bonne) — Expression qui aurait été bien ironiquement appliquée à ceux qui auraient prédit l'expédition du Mexique.158

AVENUE — La folie Haussmann.159

AVERTISSEMENT — Pièce curieuse, visible au musée d'artillerie de la réaction.160

AVEUGLE — Homme en place.

AVILISSEMENT — Manière de parvenir qui donne raison au dicton : On ln'engraisse pas les pourceaux avec de l'eau claire.

AVOCAT — Pianiste de la parole.

AVORTEMENT — Façon dont la liberté accouche toujours depuis quelque temps.

AZUR — Pourquoi n'a-t-on pas choisi la couleur du ciel pour en faire la couleur de l'espérance ? Le scepticisme est donc bien vieux ?161

1 [Par Nathalie Preiss] Le Carnaval du dictionnaire parut tout d’abord, pour la plupart de ses entrées, dans le quotidien satirique illustré, Le Charivari, du 24 avril 1869 au 4 avril 1873 (voir l’« Introduction critique »). Sous le titre « DICTIONNAIRE DE L’AVENIR », il s’ouvre par cette entrée et cette définition assurément programmatiques ! La publication de la lettre « A » dans ce journal s’effectue, par tranches alphabétiques, du 24 avril au 4 juillet 1869, selon la chronologie et la répartition suivantes : 24 avril (« Abaissement-Abus »), 29 avril (« Académie-Acte »), 5 mai (« Actions-Affection »), 11 mai (« Affiche-Alarmiste »), 14 mai (« Album-Âme »), 19 mai (« Amitié-Anecdote »), 26 mai (« Ange-Antichambre »), 28 mai (« Antichrétien-Apostille »), 8 juin (« Arbitre (Libre)-Armoiries »), 20 juin (« Artères-Assiette »), 22 juin (« Assignat-Attache »), 4 juillet (« Attaques-Autodafé »), 7 juillet (« Autocrate-Aveugle »), 14 juillet (« Avilissement-Agent » [coquille pour « Azur »]). Deux tranches complémentaires — en vue de l’édition en volume d’octobre 1873 (la seconde, identique, ici utilisée, date de mars 1874), chez Michel Lévy frères —, « Abandon-Androgyne » et « Anémie-Bégueule », parurent respectivement dans les numéros du 22 janvier et du 25 janvier 1873. Notons la disparition de deux entrées dans les éditions de 1873 et 1874 : « Abattis — Huitième merveille du monde datant de Mentana » [voir l’entrée « Accord (Bon) »] et « Antipathie — Sentiment que la démocratie est heureuse d’inspirer aux Arcadiens », présentes respectivement dans les tranches alphabétiques « charivariques » « Abaissement-Abus » du 24 avril 1869 et « Antichrétien-Apostille » du 28 mai 1869. Seront indiquées, au fil du texte, les variantes entre les différentes parutions.
2[Par Nathalie Preiss] Cette entrée ne figurait pas dans la version initiale de la tranche alphabétique « Abaissement-Abus », parue dans Le Charivari du 24 avril 1869 : elle apparaît dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
3[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Dans la version initiale du Charivari du 24 avril 1869, apparaissait une autre définition : « Souvenirs sans regrets », qui jouait sur l’appellation de la guillotine en argot : « Abbaye de monte-à-regret ». Dans cette version de l’édition en volume, s’opère un renversement carnavalesque de la fameuse formule de l’Art poétique d’Horace, utile dulci, qui invite à lier « l’utile à l’agréable » : commence ici une satire anticléricale, suggérée par la définition antérieure, omniprésente dans Le Charivari et dans Le Carnaval du dictionnaire, qui lui est indissolublement lié (voir l’« Introduction critique »).
4[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Vers gravé sur la terrasse de la sculpture d’Auguste Jean-Baptiste Lechesne (1815-1888), « Enfants dénicheurs mordus par des serpents » (1856), inaugurée en 1857 sur la place de la République à Caen.
5[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Allusion ironique à la chute de Napoléon III — cible privilégiée du Charivari —, à la suite de la défaite de Sedan (cette entrée ne figurait pas, et pour cause, dans la première version de la première tranche du Carnaval du dictionnaire — voir, supra, l’entrée « Abaissement » —, parue dans Le Charivari du 24 avril 1869: elle apparaît dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume).
6[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Vers emprunté au poème de Victor Hugo, « Le Manteau impérial », dans Les Châtiments (Livre V, III) : périphrase qui désigne les abeilles d’or échappées du manteau de Napoléon Ier, pour former une armée contre Napoléon III, « cet infâme » (v. 17).
7[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Néologisme créé à partir du nom de l’une des cibles préférées du Charivari, Louis Veuillot, catholique ultramontain (favorable au pouvoir temporel du pape), fondateur du journal L’Univers (voir aussi les entrées « Antichrétien », « Chrétien », « Croasser », « Ultramontain », « Univers (Journal) »).
8[Par Nathalie Preiss] Absente de la tranche « Abaissement-Abus » parue dans Le Charivari du 24 avril 1869, cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
9[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Ironie à l’égard du ministre des finances, Pierre Magne (1806-1879).
10[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Appliquée ici au journalisme, variation sur la formule dont aurait usé Thiers pour caractériser le régime constitutionnel de la monarchie de Juillet (Louis-Philippe, « roi des Français », avait prêté serment à la constitution) : « Le roi règne, mais ne gouverne pas ».
11[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Déjà présente dans la version initiale du Charivari du 24 avril 1869, cette entrée a été conservée par Véron, et pour cause, dans les éditions de 1873 et 1874. En effet, elle vise alors plus particulièrement le prétendant légitimiste, le comte de Chambord, petit-fils de Charles X, et futur Henri V, représenté monté sur son cheval fourbu dans une caricature de la série Les Prétendants d’André Gill parue dans L’Éclipse du 1er octobre 1871 [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1067552f/f1.highres], et appelé à « se remettre en selle » par ses partisans, en juillet 1871 puis en octobre 1873 (après la chute de Thiers orchestrée en mai 1873 par Albert de Broglie au profit du légitimiste Mac-Mahon, élu à la présidence de la République), mais en vain, en raison de son refus du drapeau tricolore.
12[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Entrée absente ! de la version initiale du Charivari du 24 avril 1869 mais présente dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume, et qui, à la lumière de l’entrée précédente, prend tout son sens : Véron répond ici ironiquement aux propos de Laurentie (qu’il avait rapportés dans son « Bulletin politique » paru dans Le Charivari du 4 janvier 1873), directeur du journal légitimiste L’Union, pour qui « le Roi absent » est source de tous les maux de la France.
13[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Absente de la version initiale de la tranche alphabétique « Abaissement-Abus », parue dans Le Charivari du 24 avril 1869, cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume. L’absinthe, alcool et liqueur amers tirés de la plante du même nom, est de couleur verte, d’où son autre nom : « la fée verte ». Lorsque l’on boit, l’on est ivre, soit, en d’autres termes, « gris », d’où le jeu sur « vert-de-gris », dépôt verdâtre sur le bronze ou le cuivre, dû à un phénomène d’oxydation. Son abus est fortement dénoncé à l’époque, témoin le néologisme « s’absinther ».
14[Par Nathalie Preiss] Dans la version initiale, parue dans Le Charivari du 24 avril 1869, la définition diffère : « Forme de suicide à l’usage spécial des gouvernements ». C’est dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume, que cette leçon apparaît.
15[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Absente de la tranche alphabétique « Abaissement-Abus », parue dans Le Charivari du 24 avril 1869, cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
16[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Dans la version initiale du Charivari du 24 avril 1869, cette entrée faisait allusion à l’abstention des spéculateurs à la Bourse, mais, dans cette édition de 1874, après la guerre franco-prussienne et le siège de Paris, elle prend une coloration plus politique et vise la forte abstention qui avait marqué les élections municipales du 8 juillet 1871 à Paris, que Pierre Véron avait d’ailleurs dénoncée dans son « Bulletin politique » du Charivari, dès le 16 juillet 1871.    
17[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Allusion anticléricale au vœu de chasteté des religieuses et des moines et au vœu de célibat des prêtres.
18[Par Nathalie Preiss] Absente de la tranche « Abaissement-Abus » parue dans Le Charivari du 24 avril 1869, cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
19[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Présente dans Le Charivari du 24 avril 1869, cette entrée, en 1874, sonne comme une prédiction contre le Second Empire, alors déchu, et comme une menace à l’égard de la présidence de Mac-Mahon qui impose « l’ordre moral » et maintient une législation sur la presse fort sévère.
20[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Parodie du style du poète bohème et romantique, au luth-guitare et au gilet couleur « troubadour-abricot », avec jeu sur le poème « Guitare » (repris par Brassens) du recueil de Victor Hugo, Les Rayons et les ombres (1840), à qui Juliette Drouet parle de la couleur « troubadour-abricot » dans une lettre du 9 septembre 1847.
21[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Nouvelle pique contre les académiciens, avec la parodie de la parole du Christ à la fin de la « Parabole du festin nuptial » : « Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus » (Matthieu, 22, 14).
22[Par Nathalie Preiss] Absente de la tranche « Académie-Acte » parue dans Le Charivari du 29 avril 1869, cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
23[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Référence au coup d’État du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III.
24[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Critique contre les « acclamations » que susciteraient les hommes politiques, selon les journaux inféodés, voire vendus, au pouvoir. Le « prix fixe » était apparu à la fin de la monarchie de Juillet avec les magasins dits de nouveautés, comme La Belle Jardinière (créée dès 1824 mais démolie et reconstruite en 1867), ancêtres des grands magasins du Second Empire.
25[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Inauguré en 1860 par Napoléon III, le Jardin d’acclimatation, créé en 1854, au cœur du Bois de Boulogne, à l’initiative de la Société Impériale d’Acclimatation, avait pour vocation de favoriser le développement de plantes et animaux utiles ou délicats : il venait de rouvrir en 1872, après le siège de Paris où les animaux avaient été abattus pour nourrir la population ; ce qui est vrai des espèces animales et végétales ne l’est pas pour la dynastie des Bourbons ni pour celle des Bonaparte, alors définitivement déchues (voir aussi l’entrée « Dynastie »).
26[Par Nathalie Preiss] Avec la version initiale de cette entrée, parue dans Le Charivari du 29 avril 1869 : « Voir aux noms propres ÉMILE OLLIVIER », commence une véritable campagne contre ce dernier, vu comme le traître par excellence (voir, infra, les entrées « Ailes », « Apostat », « Arlequin ») : en effet, député républicain de la troisième circonscription de la Seine, il avait été reçu par Napoléon III le 10 janvier 1867 en vue d’une libéralisation du régime, et s’en était expliqué par une lettre ouverte du 19 janvier 1867, mais, devenu en quelque sorte candidat officiel du gouvernement pour les élections législatives du 23 mai 1869, il sera alors considéré comme un renégat et échouera, malgré un livre-confession justifiant son itinéraire politique de « précurseur », intitulé Le 19 janvier. Compte-rendu aux électeurs de la 3e circonscription de la Seine, vilipendé par Le Charivari (témoin l’entrée « Attrape » : « Pour tout le monde cela se date du 1er avril, par M. Ollivier du 19 janvier », parue dans le numéro du 4 juillet 1869 mais absente de cette édition de 1874). Battu à Paris, il sera néanmoins élu dans le Var, et deviendra bientôt ministre de la Justice et des Cultes de Napoléon III et une pièce maîtresse de sa politique « libérale », jusqu’à la chute du régime, le 4 septembre 1870.
27[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Métaphore musicale filée à partir de celle de « concert européen », en référence, ironique, à l’accord que Napoléon III avait voulu passer avec le républicain italien Garibaldi, en 1864, aux termes duquel ce dernier se serait engagé à ne pas attaquer les états pontificaux en échange du retrait des troupes françaises (qui en assuraient la sécurité depuis 1849), mais qui s’était soldé par un échec et la victoire française de Mentana (1867) contre les troupes dudit Garibaldi, obtenue, selon la malheureuse et fameuse formule du général Failly, grâce aux fusils à aiguille Chassepot (du nom de leur inventeur) qui avaient « fait merveille » !
28[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss]À l’époque, l’accordéon est appelé aussi « soufflet à musique », d’où le jeu avec « soufflet », au sens de « gifle ». Cette entrée s’inscrit dans la lignée de la caricature de Daumier de la série Études musicales, parue dans le Petit Journalpour rire (n° 258, 9 décembre 1865) : « L’ACCORDÉON, DIT SOUFFLET À MUSIQUE. — On n’a pas encore le droit de tuer les gens qui jouent de cet instrument, mais il faut espérer que cela viendra ». [https://www.researchgate.net/figure/The-Accordion-A-Blow-to-Music-by-Honore-Daumier-1865_fig2_239829526]. Mais, dans la mesure où cette entrée, absente de la tranche « Académie-Acte », parue dans Le Charivari du 29 avril 1869, n’apparaît que dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume, elle peut renvoyer aussi au soufflet-camouflet reçu par la France de la part de la Prusse, avec la dépêche d’Ems (refus de Guillaume Ier de s’abstenir lors de la question de la succession d’Espagne, rédigé en des termes provocateurs par Bismarck), cause de la guerre, perdue, de 1870-1871.
29[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Officier militaire qui « orchestre » l’intendance, la logistique des troupes, d’où l’emploi métaphorique ici pour celui qui accorde les pianos, et poursuite de la métaphore musicale appliquée à la politique européenne (voir, supra, l’entrée « Accord (Bon) »), un « accordeur » signifiant, à l’origine, un « conciliateur ».
30[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Déjà présente dans la version du Charivari du 29 avril 1869, cette entrée, conservée dans cette édition de 1874, peut aussi être lue comme une allusion au « mauvais quart d’heure » de l’accouchement difficile de l’Assemblée constituante, élue le 8 février 1871 en vue de la signature du traité de paix avec la Prusse : c’est le 17 février 1871 que Thiers sera nommé « chef de l’exécutif de la République française ».
31[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Dans Le Charivari du 29 avril 1869, cette entrée apparaît comme une possible allusion, après la chute de la reine d’Espagne Isabelle II, à la nouvelle constitution espagnole, proclamée en 1869, où monarchie et politique libérale s’harmonisent. Conservée dans cette édition de 1874, son orientation change et peut faire référence alors à la modification libérale, le 20 mai 1870, de la constitution de l’Empire de 1852, et peut-être aussi aux lois constitutionnelles du 31 août 1871 et du 13 mars 1873 visant à limiter le pouvoir de Thiers, jugé trop favorable aux républicains modérés, et mis en minorité en mai 1873.
32[Par Nathalie Preiss] Autre version dans Le Charivari du 29 avril 1869 : « Frère de la parole à la mode de Caïn », c’est-à-dire frères ennemis, tels Abel et Caïn dans l’Ancien testament (avec, en sus, jeu sur l’expression « à la mode de Caen »). Cette modification s’explique par le souci de Véron de ne pas se répéter, puisqu’il procède à un jeu analogue pour l’entrée (elle conservée, voir infra) « Autrui ».
33[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Par ce jeu sur l’expression : « On ne prend pas les mouches avec du vinaigre » et sur la dénomination « vinaigre des quatre voleurs », remède antiseptique à base de vinaigre et de plantes aromatiques, satire du monde des affaires et notamment de l’essor des sociétés en commandite par actions, réputées duper les actionnaires, sur le modèle de « M. Gogo » trompé et volé par Robert-Macaire, personnage de mélodrame (L’Auberge des Adrets, 1823), devenu par la grâce et la grimace de l’acteur Frédérick Lemaître et le crayon et la plume de Daumier et Philipon dans la série Les Cent-et-Un Robert-Macaire (parue dans Le Charivari de 1836 à 1838), le type du spéculateur hâbleur, c’est-à-dire du blagueur (voir les entrées « Blague » et « Poche »).
34[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Deux poids, deux mesures, en effet : déjà présente dans le numéro du Charivari du 5 mai 1869, cette entrée (avec la variante : « la » loi au lieu d’« une » loi) fait allusion à la loi libérale sur la presse du 11 mai 1868, qui supprimait notamment l’autorisation préalable et avait demandé, sinon neuf, du moins, cinq mois de discussions à la Chambre, alors que la loi de Sûreté générale, en 1858, avait été prise immédiatement à la suite de l’attentat d’Orsini contre Napoléon III. Mais, dans cette édition de 1874, avec ledit passage de « la » loi à « une » loi, il y a aussi possible allusion à la loi du 6 juillet 1871 qui soumet les journaux satiriques à caricatures à une autorisation préalable, laquelle sera délivrée, à partir de février 1872, par la Division de la Sûreté générale du ministère de l’Intérieur : l’on retrouvait bien le temps de la loi de Sûreté générale de 1858.
35[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Lors du vote du budget par l’Assemblée, des « centimes additionnels », c’est-à-dire des taxes associées à tel ou tel impôt, peuvent être ajoutés : présente dans la tranche alphabétique parue le 5 mai 1869 dans Le Charivari, mais conservée pour l’édition en volume de 1873 et de 1874, cette entrée apparaît dès lors comme une possible allusion à l’augmentation par Thiers des impôts indirects, destinée à permettre le remboursement de l’emprunt lancé pour régler l’indemnité de 5 milliards due à la Prusse victorieuse, aux termes du traité de Francfort du 10 mai 1871.
36[Par Nathalie Preiss] Dans la version initiale, parue dans Le Charivari du 5 mai 1869, cette entrée, à teneur politique — « En ce qui concerne la république, adressez-vous à MM. Baroche, Rouher et Ce [sic] » —, visait respectivement les ministres Pierre-Jules Baroche (1802-1870) et Eugène Rouher (1814-1884), tous deux fidèles soutiens de l’Empire autoritaire, qui devaient démissionner de leurs fonctions en juillet 1869, avec la libéralisation du régime. La nouvelle version, apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume, ne semble pas relever de l’allusion politique, à moins que, précisément, elle n’en constitue une, particulièrement sévère à l’égard de la IIIe République.
37[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue pour la première fois dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
38[Par Nathalie Preiss] Dans la version initiale, parue dans Le Charivari du 5 mai 1869, l’allusion politique était plus claire encore puisqu’à la place de « démocrate » figurait le nom de « Baudin », soit Alphonse Baudin, député républicain opposé au coup d’État (2 décembre 1851) du futur Napoléon III, tué sur la barricade du faubourg Saint-Antoine, le 3 décembre 1851, et devenu dès lors le symbole de la liberté et de la démocratie : il entrera au Panthéon en 1889, lors de la célébration du centenaire de la Révolution française.
39[Par Nathalie Preiss] La version initiale, parue dans Le Charivari du 5 mai 1869, visait, plus précisément encore, les candidats officiels suscités par le pouvoir impérial, en vue des élections législatives des 24 mai et 7 juin 1869 : « La seule raison d’être des députés officiels X…, Y…, Z… ».
40[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Jeu sur le sens politique d’« adresse », discours des députés voté en réponse à celui du trône, supprimé en 1830 et rétabli en 1861, avant d’être remplacé par le droit d’interpellation en vertu du décret du 31 janvier 1867, et les paroles que la fourmi adresse à la cigale dans la fable de La Fontaine, « La Cigale et la fourmi » : « Vous chantiez, j’en suis fort aise. / Eh bien ! dansez maintenant. » (Livre I, 1).
41[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Version « conjugale » du mystère chrétien de la Trinité, Dieu en trois personnes.
42[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Jeu sur la méthode de l'enseignement mutuel, né au XVIIIe siècle en Angleterre, en faveur des élèves les plus pauvres, et qui consistait à laisser aux élèves d'un niveau plus avancé la responsabilité d'aider ceux d'un niveau inférieur: échange qu'interdit précisément l'adversité.
43[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Déjà présente dans le numéro du Charivari du 5 mai 1869, cette entrée prend un relief particulier dans l’édition en volume de 1873 et 1874, puisque, lors du siège de Paris, des ballons, les aérostats, avaient été utilisés pour acheminer le courrier hors de la capitale — Nadar, passionné d’aérostation (voir les entrées « Ascension », « Oiseau ») avait créé une Compagnie d’aérostiers : onze tonnes de plis avaient été ainsi transportées, nonobstant la surveillance de l’ennemi, témoin la caricature de Jules Renard, dit Draner, parue dans la série Souvenirs du siège de Paris (1870-1871, au Bureau de L’Éclipse) et intitulée « Aérostier » [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carqb1377-14_001.jpg?itok=JgZATajp], où l’on remarque aussi les pigeons voyageurs chargés du transport inverse. La métaphore initialement choisie trouve alors une nouvelle pertinence puisque ledit transport, de la province vers Paris, avait été assuré aussi par ballons métalliques à ailettes, dits « boules de Moulins », jetés dans la Seine (voir, dans la bibliographie, l’article de G. Dreyfuss).
44[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Association d’idée avec d'autres « pigeons », puisque le terme signifie, en argot, une dupe. Cette entrée apparaît en effet dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
45[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] A partir du titre d'une chanson d'Amélie Perronnet (1832-1903), "Si j'étais petit papier" (1865), jeu sur le double sens du terme "affranchissement": l'affranchissement postal, réduit, grâce à la petite taille et au faible poids du papier, et l'affranchissement, au sens de libération d'un peuple. Présente dans la version du Charivari du 11 mai 1869, cette entrée acquiert une nouvelle portée, dans l'édition de 1874 du dictionnaire, avec l'entrée "Aérostats"  et, surtout, avec la caricature d'André Gill (qu'elle a pu inspirer) parue le 6 avril 1873 dans L'Eclipse, "L'Affranchissement" [], représentant Thiers, considéré comme l'agent de la libération du territoire (il avait permis, par l'emprunt, le paiement avant échéance de l'indemnité de 5 milliards due aux Prussiens, condition de la fin de l'occupation de certains territoires) en timbre-poste collé sur l'Alsace-Lorraine, région, quant à elle, annexée par l'ennemi. 
46[Par Nathalie Preiss] Absente de la tranche alphabétique « Affiche-Alarmiste », parue dans Le Charivari du 11 mai 1869, cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l'édition en volume. 
47[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] L’absinthe (voir, supra, l’entrée à ce mot) était réputée aussi pour favoriser la digestion et la circulation du sang, et pour ouvrir l’appétit (Grand dictionnaire… de P. Larousse, op. cit.). Absente de la tranche alphabétique « Affiche-Alarmiste », parue dans Le Charivari du 11 mai 1869, cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
48[Par Nathalie Preiss] Absente de la tranche alphabétique « Affiche-Alarmiste » parue dans Le Charivari du 11 mai 1869, cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l'édition en volume, et participe à la critique anticléricale, récurrente dans Le Carnaval du dictionnaire (voir l'entrée suivante, elle, présente dans la tranche initiale du 11 mai 1869).
49[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Critique et politique, contre les agents de l’ordre, et anticléricale, contre l’Église, avec l’allusion aux discussions sur le dogme de l'Infaillibilité du pape, qui avaient précédé l'ouverture du concile Vatican I, le 8 décembre 1869, lequel le proclamera le 18 juillet 1870.
50[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Dérivé d'agio (« différence en plus entre les cours d'une même monnaie », Dictionnaire historique..., A. Rey dir., op. cit..) », le terme, né en 1710, désigne bientôt péjorativement toute technique spéculative fructueuse mais frauduleuse qui joue sur le cours des valeurs et de la bourse.
51[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Critique anticléricale contre le culte lucratif des reliques qui s'était développé sous l'ordre moral et religieux du Second Empire puis de la présidence de Mac-Mahon, puisque l'agnus désigne une médaille de cire, bénie par le pape, avec l'empreinte de l'agneau pascal (figure du Christ) ou un petit reliquaire ou une image pieuse entourée de broderies donnée aux enfants (Granddictionnaire... de P. Larousse, op.cit.).
52[Par Nathalie Preiss] Entrée qui apparaît pour la première fois dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
53[Par Nathalie Preiss] Cette entrée apparaît pour la première fois dans l'édition en volume.
54[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] C'est-à-dire à "en découdre", à combattre: allusion au fusil Chassepot, fusil à aiguille (voir, supra, l'entrée "Accord (Bon)").
55[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, cette entrée joue sur le sens, induit par ce qui précède, de porteur de fusil à aiguille et sur celui de responsable des aiguillages: l'emploi du terme dans ce sens est nouveau et lié au développement du réseau ferroviaire sous le Second Empire. 
56[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, cette entrée ajoute aux attaques contre Émile Ollivier, nombreuses dans les entrées de cette lettre « A » (voir, infra, les entrées « Apostat », « Arlequin »), et, pour la plupart, déjà présentes dans Le Charivari de 1869, lequel menait alors une véritable campagne contre ce dernier, en campagne précisément ! Il y a donc là possible allusion aux « ficelles », aux ruses, de celui qui avait tourné casaque en faveur de Napoléon III (voir, supra, l’entrée « Accommodant ») et avait inspiré à Daumier une caricature de la série Actualités (parue dans Le Charivari du 24 mars 1869) où il apparaissait en chauve-souris devant une urne électorale, avec cette légende empruntée à la fable de La Fontaine « La Chauve-Souris et les deux belettes » (Livre II, 5) : « Je suis oiseau, voyez mes ailes. / Je suis souris, vivent les rats » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30639431/f3.highres]. Mais, dans cette édition de 1874, cette entrée peut aussi renvoyer au recueil intitulé La Ménagerie impériale (1870) de Paul Hadol, illustrateur du dictionnaire, où sont caricaturés sous des traits d’oiseaux et autres espèces animales les figures du Second Empire, régime alors déchu, et, notamment, à Napoléon III, « LE VAUTOUR (Lâcheté-Férocité) », tenant dans ses serres la France ensanglantée, sans montrer les « ficelles » de ses forfaits [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10505633m/f11.highres ].
57[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] En s'inquiétant de dangers supposés, l'alarmiste se fait, malgré lui, dénonciateur de dangers réels. D'avril à juillet 1848, Daumier avait publié dans Le Charivari une série de sept planches intitulée Alarmés et Alarmistes.
58[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Carnet à feuilles blanches (selon l'étymologie), l'album est présenté par les dames tenant salon à leurs hôtes choisis pour qu'ils y déposent pensées, vers, airs, dessins : dans le chapitre XV du roman de Balzac, La Muse du département (1843), « Le diable emporte les albums », ladite muse « mendie » pour son album une pensée des Parisiens, Bianchon et Lousteau.
59[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Référence au Coran, recueil  par le prophète Mahomet de la parole du Dieu unique, Allah, mais dont il a existé, à la mort du Prophète, des copies apocryphes. 
60[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Terme issu de l’arabe, qui désigne une petite niche ou un renfoncement. Le retournement charivarique de « voleurs » en « volés » prend tout son sens dans cette édition de 1874, puisque, lors du bombardement de Paris par les Prussiens, certains Parisiens n’avaient pas hésité à louer leur cave et à exploiter leurs voisins, avec ce type de réclame : « Cave fraîchement décorée. Avec alcôve à deux lits » ! (« Échos », Le Charivari, 15 janvier 1871).
61[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
62[Par Nathalie Preiss] Dans la version du Charivari du 14 mai 1869, la définition s’achevait ainsi : « N’est-ce pas, Émile ? », personnalité contre Émile Ollivier (voir les entrées « Accommodant », « Ailes », « Apostat », « Arlequin ») ou, plutôt, son soutien, le journaliste, député, créateur de La Presse et de bien d’autres journaux et entreprises, Émile de Girardin, cible privilégiée du Charivari depuis la monarchie de Juillet (omniprésent en Robert-Macaire dans la série de Daumier et Philipon publiée de 1836 à 1838 dans ce journal : voir les entrées « Actionnaire », « Blague », « Poche »).
63[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l'édition en volume, elle participe à la critique anticléricale omniprésente dans le dictionnaire.
64[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Terme utilisé par l’inventeur, en 1796, de l’homéopathie, le médecin allemand Samuel Hahnemann, pour désigner, et dénoncer, la médecine officielle, alors seule en vigueur (voir aussi l’entrée « Homéopathe »). Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
65[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Pierre Véron, rédacteur en chef du Charivari, sait de quoi il parle !
66[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] A la scène XVI de la pièce de Shakespeare, Juliette tente de retenir Roméo en lui disant que le chant d'oiseau entendu est le chant, nocturne, du rossignol, mais Roméo rectifie, avec l'exactitude des célèbres montres de luxe Bréguet (du nom du fondateur de la marque, Louis-Abraham Bréguet, qui s'installe à Paris en 1775) : « C'était l'alouette, messagère du matin, et non le rossignol.[...] Je dois partir et vivre, ou rester et mourir ».
67[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
68[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
69[Par Nathalie Preiss] Précisons qu'avant de désigner un véhicule, le terme s'applique à un hôpital ambulant qui accompagne les armées. Ironie ici, présente tout au long du Carnavaldu dictionnaire, à l'égard de l'association entre guerre et gloire (notamment après la guerre franco-prussienne). Voir les entrées « Assaut », « Boucherie », « Carnage », « Invalide », « Tuerie ».
70[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
71[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Allusion aux lorettes, femmes entretenues (voir la note de la Préface au mot « gommeuses ») qui attendent de leur protecteur l’idéal : « être dans ses meubles ». Ainsi, dans le chapitre « Être ou ne pas être dans ses meubles » de sa Physiologie de la lorette (1841), Maurice Alhoy écrit : « Toute Lorette a eu, a, ou aura un mobilier. La vie de la Lorette est un passage du noyer à l’acajou, de l’acajou au palissandre, et souvent un retour du palissandre au noyer » (p. 30). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
72[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Déjà présente dans la version du Charivari du 19 mai 1869, cette entrée acquiert une nouvelle portée dans cette édition de 1874, avec les discussions parlementaires sur l'amnistie des Communards qui, après le vote d'une amnistie partielle en 1879, ne sera acquise qu'en 1880.
73Satire politique fondée sur l’assimilation entre le ruban rouge de la Légion d’honneur et l’appât que l’on utilise pour attraper les grenouilles, d’où la référence à la fable de La Fontaine « Les Grenouilles qui demandent un roi » (Livre III, 4), reprise par une caricature d’André Gill parue dans L’Éclipse du 16 février 1873, montrant différents hommes politiques à l’assaut d’une rampe qui les mène à Thiers, chef du gouvernement exécutif [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10685446/f1.highres].
74[Par Nathalie Preiss] Absente de la tranche alphabétique « Amitié-Anecdote », parue dans Le Charivari du 19 mai 1869, cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1869, en vue de l'édition en volume.
75[Par Léa Damoiseau] Déjà présente dans la tranche alphabétique parue le 19 mai 1869, cette entrée, fondée sur le renouvellement de l'expression, qui signifie sacrifier (au feu) le moins important pour sauver le plus important, en l'occurrence, la vie, acquiert une portée particulière, dans cette édition de 1874, après la guerre franco-prussienne de 1870 (voir l'entrée « Invalide »).
76[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Terminaison latine associée à un nom propre, le terme en vient à désigner un recueil de pensées, de traits d’esprit, d’un homme ou d’une femme célèbres. Ce qui est devenu un véritable genre au XVIIIe siècle perdure au siècle suivant, avec, par exemple, le recueil des bons mots du marquis de Bièvre, Bievriana (1799), qui connut de multiples éditions tout au long du XIXe siècle. Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
77[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Parce que les anabaptistes, qui constituaient une  branche du protestantisme, considéraient que les enfants ne devaient recevoir le sacrement du baptême, que lorsqu'ils étaient en âge de le comprendre. Entrée apparue dans l'édition de 1873.
78[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Satire des moeurs contemporaines puisque, dans la tradition judéo-chrétienne, l'anachorète désigne un ermite retiré dans le désert qui pratique l'abstinence en tous domaines, pour mieux faire l'expérience de la plénitude divine. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.  
79[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Satire des comptes rendus des débats à l'Assemblée nationale, censés viser l'exhaustivité et amputés de certains échanges, pour des raisons politiques, à l'image du « lit de Procuste », ce brigand qui coupait les pieds de ses victimes s'ils dépassaient du lit où il les avait ligotées.
80[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Déjà présente dans la tranche alphabétique correspondante parue le 19 mai 1869, cette entrée, dans cette édition de 1874, prend un relief particulier et évoque le spectre de l’anarchie agité par les partisans de l'ordre moral et social (Mac-Mahon en tête), qui finiront, en mai 1873, par l'emporter sur Thiers, considéré trop favorable aux libéraux (voir aussi, supra, l'entrée « Accroc »).
81[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Retournement charivarique contre l’Église catholique, puisque prononcer un anathème (en grec, « malédiction ») signifiait, dans le vocabulaire religieux, rejeter, excommunier, voire soumettre au tribunal de l’Inquisition (voir cette entrée) et à la torture du gril (d’où l’expression « être sur le gril ») ceux que ladite Église considérait comme hérétiques. L’ultramontain Veuillot (voir, supra, l’entrée « Abêtir ») s’était fait le chantre de l’Inquisition. Dans la version du Charivari du 19 mai 1869, le « gril » était remplacé par une « rôtissoire » !
82[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Par le jeu étymologique sur le substantif « réclame », qui désigne alors une publicité tapageuse, et le verbe « se réclamer de », satire de la prétention à s'inscrire dans une illustre lignée.
83[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
84[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Double satire puisque l'anecdote est ici vue comme une scorie - un « poussier » désignant un ensemble de résidus pulvérulents - de la prétendue grande Histoire, réduite à l'état de « mottes ».
85[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Allusion à la fin de la pratique ancestrale de la saignée, déjà vilipendée par Molière, et à la découverte en 1855 par Thomas Addison de la maladie du sang qu'Anton Biermer venait de qualifier, en 1872, d'« anémie pernicieuse », deux ans avant la parution du Carnaval dudictionnaire en volume (d'où son absence dans la tranche alphabétique correspondante parue dans Le Charivari du 19 mai 1869, mais sa présence dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l'édition en volume).
86[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Parallèle satirique entre deux façons d'écrire l'histoire (au sens premier, l'annaliste fait la chronique, année par année, d'un règne ou d'une époque) en faveur du grand historien romain Tacite, auteur des Annales du règne de Tibère à celui de Néron (110 ap. J.-C.), contre le jésuite Jean-Nicolas Loriquet (1767-1845), auteur d'une Histoire de France à l'usage de la jeunesse (1809), où Napoléon Bonaparte est présenté comme « le lieutenant général par intérim des armées de Louis XVIII » !
87[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Par ce jeu sur le sens militaire de « poudre », munition utilisée pour les armes, cette entrée, déjà présente dans la version du Charivari du 26 mai 1869, prend une acuité particulière en 1874, à la suite de l’annexion de l’Alsace-Lorraine par la Prusse, à l’issue de la guerre de 1870.
88[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
89[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau) Satire à double foyer et contre le christianisme, qui désigne par « Annonciation », l'« avertissement », l'annonce par l'ange Gabriel à la vierge Marie qu'elle enfantera Jésus, fils de Dieu, et contre la législation répressive sur la presse de Napoléon III selon laquelle, après deux avertissements motivés, un journal pouvait être suspendu par décision ministérielle (loi du 17 février 1852).
90[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Satire fondée sur un jeu entre l’expression « écrire avec des pattes de mouche » — écrire petit — et « faire la mouche du coche », vouloir se rendre indispensable et, dès lors, se faire importun, en référence à la fable de La Fontaine « Le Coche et la mouche ». Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
91[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Allusion au personnage du Barbier de Séville (1773) de Beaumarchais, don Bazile, maître de chant de la jeune Rosine, pupille du barbon Bartholo, que ce dernier veut épouser, et qui conseille à Bartholo d’user de la calomnie contre son concurrent, le comte Almaviva (acte II, scène 8). La métaphore religieuse s’explique par le fait que le personnage, associé à l’hypocrite Tartuffe, est repris par la caricature du temps pour stigmatiser l’enseignement catholique et notamment les Jésuites et, avec l’avènement à la présidence de la République du maréchal Mac-Mahon, l’alliance du « sabre et du goupillon » (voir l’entrée à ce mot).
92[Par Nathalie Preiss] Dans la version initiale, parue dans Le Charivari du 26 mai 1869, l’entrée se faisait à « Anthropophage », défini ainsi : « Philanthrope exagéré ». La modification apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
93[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Critique des courtisans de tous bords qui font antichambre pour obtenir faveurs ou décorations d'un homme politique, à l'instar d'un laquais, valet portant une livrée, c’est-à-dire un habit, aux armes de son maître. 
94[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Critique de la tendance ultramontaine de l’église catholique française, incarnée par Veuillot (voir, supra, l’entrée « Abêtir »), qui reconnaît et défend le pouvoir non seulement spirituel mais aussi temporel du pape (préservé en 1849 contre les républicains par le futur Napoléon III : voir, supra, l’entrée « Accord (Bon) »), qui, avec la chute du Second Empire, devra y renoncer (voir aussi l’entrée « Ultramontain »).
95[Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Satire du monde des affaires avec reprise du jeu de mots de la série charivarique de Daumier et Philipon, publiée chez Aubert sous le titre Les Cent-et-Un Robert-Macaire (voir, supra, l’entrée « Actionnaire »), qui est inaugurée par la planche du « Robert-Macaire banquiste » jouant sur le « dividende antichippé » (explication du dessin, Le Charivari, 20 août 1836). Voir aussi l’entrée « Chiper ».
96[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Le journal L’Univers, dirigé par le catholique ultramontain Veuillot, est vu comme un poison (voir les entrées « Abêtir » et « Univers (Journal) »), dont l’œuvre de l’anticlérical Voltaire constituerait le contre-poison.
97[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Satire de l’usage des sous-pieds (voir l’entrée à ce mot), bandes élastiques passées sous le pied et attachées au bas des pantalons, pour éviter qu’ils ne plissent, considérés comme des « opposés aux pieds », des « anti-pieds », sens étymologique d’« Antipodes ». Entrée apparue dans l’édition de 1873.
98[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Au sens propre, « celui qui donne son opinion avant un autre », et, dans les comptes rendus des débats parlementaires, « celui après lequel on parle » et qui est toujours qualifié d’« honorable », épithète prise donc ici ironiquement, par antiphrase !
99[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Le Carnaval du dictionnaire se fait aussi dictionnaire satirique de rhétorique (voir les entrées « Alexandrin », « Apologue », « Bouts-rimés », « Calembours », « Cantate », « Diphtongue », « Épigramme », « Épithalame », « Fable », « Grammaire », « Hiatus », « Licence », « Orateur », « Palinodie », « Panygérique », « Préface », « Prose », « Quatrain », « Rime », « Vers »).
100[Par Nathalie Preiss] Commentaire absent de la version initiale parue dans Le Charivari du 28 mai 1869.
101[Par Nathalie Preiss] Cette entrée, à l’origine, visait encore une fois Émile Ollivier (voir aussi les entrées « Accommodant », « Ailes », « Apostasie », « Apostat », « Arlequin »), puisque, dans la version du Charivari du 28 mai 1869, elle était précédée de l’entrée « Aplatir — Se livrer sur un homme à un vote comme celui de la troisième circonscription », allusion à la défaite de ce dernier, dans la troisième circonscription de Paris, aux élections législatives du 23 mai 1869.
102Jeu de mots sur le sens figuré, « avoir du toupet », de l’audace, et le sens propre du terme, avec allusion à la mode, pour les hommes chauves, des faux toupets, dont la caricature avait notamment affublé Louis-Philippe, roi bourgeois sans couronne.
103[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Récit fictif qui, tel la fable (voir l’entrée à ce mot) « habille » la vérité qu’il défend pour mieux la mettre au jour. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
104[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Dans la version initiale du Charivari du 28 mai 1869, l’accusation d’apostasie qui, dans le vocabulaire religieux, signifie le reniement de sa foi, vise Émile Ollivier, républicain, devenu fervent partisan de Napoléon III (voir, supra, les entrées « Accommodant », « Ailes », et, infra, les entrées « Apostat », « Arlequin »). Mais, dans cette édition de 1874, cette entrée vaut aussi pour les généraux de Napoléon III, dont la capitulation devant la Prusse est vue comme un reniement de la religion de la patrie, qu’ils ont rendue esclave de l’ennemi, notamment avec l’annexion de l’Alsace-Lorraine en mai 1871 (voir, supra, l’entrée « Accord (Bon)»).
105[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Dans la version initiale du Charivari du 28 mai 1869, l’attaque contre le « rénégat » Émile Ollivier se confirme avec cette définition : « Teinturier en drapeaux à l’enseigne du Bel-Olivier », qui fait écho à la caricature d’André Gill, parue dans L’Éclipse du 14 mars 1869, intitulée « La lessive d’Émile », où ce dernier s’efforce d’effacer la couleur du drapeau républicain avec du savon de marseille : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1067426m/f1.highres, mais l’effacement de la personnalité (attaque ad hominem) dans cette édition de 1874 permet de poursuivre aussi l’accusation de l’entrée précédente contre ceux que Véron considère comme des traîtres à la patrie et au drapeau français, qui, en Alsace-Lorraine, annexée par la Prusse, a dû prendre les couleurs du drapeau allemand (voir aussi l’entrée « Drapeau »).
106[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Satire de la cupidité des modernes pharmaciens par un jeu sur l’expression « comptes d’apothicaire » (datant de 1826) et « dorer la pilule » (faire passer agréablement le désagréable), prise au sens propre. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
107[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Poursuite du discours anticlérical, voire antireligieux. 
108[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Discours solennel, qui n’a de grand que son habillage, la « grande livrée » désignant l’habit porté pour les grandes circonstances par les domestiques attachés à un maître. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
109[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Métaphore satirique contre la multiplication à l’époque des supposées apparitions de la Vierge, à la suite de celles que l’Église avait reconnues (Lourdes, Notre-Dame de La Salette), vues ici comme des voleurs qui soutirent de l’argent aux crédules, la forêt de Bondy (dans l’actuelle Seine-Saint-Denis) étant devenue synonyme de repaire de brigands.
110[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] La claque désigne l’ensemble des claqueurs, payés pour applaudir (ou siffler) au théâtre : elle était constituée de gens de peu, d’où l’usage de l’expression « jeu de mains, jeu de vilains », ce dernier terme désignant sous l’Ancien Régime les paysans, les gens de modeste condition, opposés aux nobles (voir aussi l’entrée « Claque »). Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
111[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Dans cette édition de 1874, cette entrée, déjà présente dans Le Charivari du 28 mai 1869, prend une actualité nouvelle : selon le traité de Francfort du 10 mai 1871, la France devait verser à la Prusse une indemnité de 5 milliards, qui certes fut remboursée par Thiers avant l’échéance, mais grâce aux emprunts auprès des petits épargnants et à l’augmentation des impôts indirects.
112[Par Nathalie Preiss] Jeu sur le sens juridique d’« appel » d’un jugement, qui peut, paradoxalement, aboutir à une condamnation plus lourde que celle du jugement en première instance, notamment dans les procès de presse auxquels Véron fait ici allusion.
113[Par Nathalie Preiss] Entrée qui ne figure pas dans la tranche alphabétique « Arbitre (Libre)-Armoiries », parue dans Le Charivari du 8 juin 1869, mais dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume
114[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Notamment chez les violonistes débutants !
115[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Entrée déjà présente dans la tranche alphabétique correspondante parue dans Le Charivari du 8 juin 1869, qui fait possiblement allusion à Monseigneur Dupanloup (1802-1878), évêque d’Orléans, défenseur ardent de l’enseignement catholique et qui, académicien depuis 1854, s’était élevé violemment (avec menace de démission) contre l’élection d’Émile Littré à l’Académie, acquise néanmoins en 1871, d’où cette annonce du Charivari du 29 février 1872 : « On prétend que M. Dupanloup vient de se faire fabriquer une carte de visite ainsi conçue : DUPANLOUP / SPÉCIALISTE DE PAMPHLETS / Gros et détail/ FAIT L’EXPORTATION ».
116[Par Nathalie Preiss] Dans la version initiale parue dans Le Charivari du 8 juin 1869, cette définition était complétée par une attaque ad hominem contre les grands travaux du préfet de la Seine, le baron Haussmann : « Haussmann se charge de penser pour eux ». Dans l’édition de 1874, l’attaque ne commence qu’avec l’entrée « Artères » (voir infra) pour ne plus s’arrêter (voir les entrées « Avenue », « Assainissement ») !
117[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Critique récurrente du coup d’État du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte, devenu, le 2 décembre 1852, empereur, sous le nom de Napoléon III.
118[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Le compositeur et violoniste Niccolo Paganini (1782-1840) s’était rendu célèbre par sa virtuosité et son art de la variation, d’où la comparaison avec le théologien Arius (IVe siècle), à l’origine de débats subtils sur l’identité de nature entre Dieu le Père et le Fils, Jésus-Christ : ses sectateurs, appelés « Ariens », étaient donc considérés comme hérétiques par l’Église catholique, tenants de la Trinité (Dieu en trois personnes d’une même nature : le Père, le Fils et le Saint-Esprit).
119[Par Nathalie Preiss] Absente de la tranche alphabétique « Arbitre (libre)-Armoiries », parue dans Le Charivari du 8 juin 1869, mais présente dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, cette entrée est jumelle de la caricature d’Alfred Le Petit (voir l’entrée « Zut »), parue dans le journal Le Grelot, alter ego du Charivari, le 13 avril 1873, intitulée « Cendrillon », où cette dernière, image de la République, lave le linge de ses deux sœurs, « Monarchie » et « Empire » — deux figures de l’aristocratie — marqué à leurs armes respectives : la fleur de lys et l’abeille (voir, supra, l’entrée « Abeilles ») [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t5145643w].
120Le personnage d’Arlequin, valet bouffon issu de la commedia dell’arte italienne et reconnaissable à son habit à losanges multicolores, à l’image de ses tours et détours, est un personnage phare de la caricature au XIXe siècle, souvent associé à celui de paillasse (voir la note associée à ce mot dans la Préface), et utilisé pour dénoncer la versatilité et la malhonnêteté des hommes politiques : aussi, quoi que Véron en dise, ledit Arlequin perdure-t-il, sous les traits, par exemple, de celui qui, d’abord dans l’Opposition, avait fait allégeance à Napoléon III, dit Badinguet, et était devenu ministre de tout premier rang, Émile Ollivier (voir, supra, les entrées « Accommodant », « Ailes », « Apostat »), témoin la planche de Louis-Valentin-Émile de La Tremblais de la série Affiliation de Badinguet : « ÉMILE OLLIVIER (dit Cœur-Léger) » (parce qu’il avait malencontreusement utilisé cette formule devant l’Assemblée, le 17 juillet 1870, lors de la déclaration de guerre de la France contre la Prusse) [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53028703k].
121L’arquebuse est une arme à feu utilisée lors de la Saint-Barthélemy (1572) où, sur ordre de la reine catholique, Catherine de Médicis, furent massacrés à Paris les protestants français.
122[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Somme donnée en acompte lors de la signature d'une vente, à titre de garantie.
123[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Référence à la fameuse « affaire Lafarge » : en 1840, Marie Capelle avait été accusée d’avoir empoisonné son mari, Charles Lafarge, maître de forges en Corrèze, avec des gâteaux fourrés à l’arsenic. Elle fut alors condamnée aux travaux forcés puis grâciée par Napoléon III. Elle avait publié ses Mémoires durant le procès, dont le retentissement est lié à l’assimilation que l’on fit entre le supposé empoisonnement du mari et « l’empoisonnement » de cette femme mal mariée, par la lecture du roman-feuilleton. Flaubert s’en souviendra dans Madame Bovary, et Jules Vallès rangera Mme Lafarge dans « Les Victimes du livre » (1864).
124[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Par ce jeu sur le sens technique (« Avenue ») et anatomique d’« Artères », allusion aux grands travaux, fort coûteux (2 milliards et demi de francs-or, d’où des emprunts, de 1855 à 1869, d’un montant de 830 milions. Voir Pierre Milza, Napoléon III, Perrin, 2004, p. 424), entrepris sous Napoléon III par le préfet de la Seine, le baron Haussmann, et, notamment, au percement de grandes avenues, autour de la place de l’Étoile (avenue de Friedland, avenue de Wagram…) et de grands boulevards (le boulevard baptisé de son nom, le boulevard Malesherbes etc.), aux dépens d’un vieux Paris (voir « Le Cygne » de Baudelaire), suspect de favoriser embuscades et barricades (voir aussi, infra, l’entrée « Avenue »). Dans la planche n° 8 de sa Ménagerie impériale (1870), Paul Hadol, illustrateur du Carnaval du dictionnaire, caricature Haussmann ainsi : « LE CASTOR (Activité-Lucre) ».
125[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Allusion à la prison de Sainte-Pélagie, ironiquement sise rue de la Clef !, dans le Ve arrondissement de Paris, où le créateur du Charivari, Philipon, avait été maintes fois incarcéré, à la suite des condamnations de son journal par la censure, et qui, en 1873, restait d’une cruelle actualité avec la loi sur la presse du 6 juillet 1871, rétablissant, entre autres restrictions, l’autorisation préalable pour les journaux satiriques illustrés.
126[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Variation parodique, familière à Véron (voir l’entrée « École »), sur la fameuse formule de l’abbé Sieyès, dans son opuscule, Qu’est-ce que le Tiers-État ? (1789) : « Qu’est ce que le Tiers-État ? — Tout. / Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? — Rien. / Que demande-t-il à être ? — Quelque chose ».
127[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Jeu sur la fête catholique, qui célèbre l’Ascension du Christ auprès de Dieu le Père après sa résurrection, et la passion de Nadar, caricaturiste collaborateur du Charivari avant de devenir photographe, pour l’aérostation : il avait notamment fait fabriquer, en 1863, un ballon baptisé Le Géant, avec lequel il avait volé plusieurs fois, et qui avait inspiré le caricaturiste André Gill pour sa une du journal La Lune, le 2 juin 1867 [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105355943.item]. Il avait mis cette passion au service de l’acheminement du courrier, lors du siège de Paris en 1871 (voir, supra, l’entrée « Aérostats »).
128[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Référence à un topos des études et romans de mœurs de l’époque qui veut que le pauvre étudiant bohême ou sa grisette, dénués de tout, jusqu’à la braise pour se chauffer, se suicident par asphyxie avec leur réchaud à charbon. Déjà, Louis Reybaud joue de ce topos dans Jérome Paturot à la recherche d’une position sociale (éd. illustrée par Grandville, 1846), où Jérôme et Malvina qui, chacun à sa façon, ont écrit leur testament, s’apprêtent (en vain) à mourir : « Le réchaud était allumé, l’air se raréfiait ; nous nous disposâmes de la manière la plus convenable et la plus commode pour mourir » ; il en va de même chez Balzac, dans Splendeurs et misères des courtisanes (1843-1847), où Esther, qui n’a rien d’une grisette, est qualifiée ainsi, justement au moment de sa tentative, avortée, de s’asphyxier au charbon. Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
129[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
130[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Nouvelle allusion critique aux grands travaux, coûteux, du baron Haussmann pour moderniser, aérer, assainir Paris, par le percement de grandes avenues (voir les entrées « Artères », « Avenue »), mais aussi le développement des égouts et la création d’un réseau d’eaux usées et d’eau potable.
131[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Renversement carnavalesque de l’exhortation biblique : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas subir » (Livre de Tobie, IV, 15), plus connue sous la forme : « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît ».
132[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume, elle participe, au lendemain de la défaite de Sedan et du siège de Paris, à la critique, récurrente dans le dictionnaire, d’une guerre associée à la mort et à la débâcle (voir les entrées « Boucherie », « Carnage », « Tuerie »).
133[Par Nathalie Preiss] Allusion, récurrente dans le dictionnaire, au coup d’État du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte, alors président de la République élu le 10 décembre 1848.
134[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Jeu sur l’expression « les oies du Capitole », qui, au IVe siècle av. J.-C., auraient sauvé Rome, par leurs cris, de l’invasion gauloise menée par Brennus. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
135[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Renversement carnavalesque de la devise : « Honni soit qui mal y pense ! ». Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
136[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Jeu sur le double sens d’« assiette », celui de pièce de vaisselle, et le sens originel : ce sur quoi l’on asseoit, fait reposer quelque chose, en l’occurrence, la base, l’assise, à partir de laquelle on répartit l’impôt, puis la répartition elle-même (voir aussi, reposant sur le même jeu, l’entrée « Impôt »).
137[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Critique, récurrente dans le dictionnaire, du monde des affaires : les actions non nominatives, dites « actions au porteur », émises par les sociétés financières du temps, sont assimilées aux assignats de l’époque calme ! de la Révolution française, monnaie de papier d’abord gagée sur les biens nationaux confisqués de la noblesse et du clergé, et, bientôt, sur du vent ! (voir, supra, les entrées « Actionnaire » et « Actions »).
138[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Paroles que Véron attribue aux « assommeurs » (au sens étymologique de « tueurs »), provocateurs à la solde du pouvoir qui, dans les rassemblements, avaient pour but d’obliger les opposants à sortir de l’ombre et à les faire taire par la manière forte. Daumier fait de son Ratapoil, type du partisan de Louis-Napoléon Bonaparte, élu le 10 décembre 1848 président de la République, et de son coup d’État du 2 décembre 1851, l’un de ces « assommeurs », muni de son gourdin, témoin la planche de la série Actualités, parue dans Le Charivari du 12 juillet 1851, intitulée « Aux Champs-Élysées », légendée ainsi : « Ratapoil — Par suite d’une délibération philanthropique du comité du 10 décembre… à deux sous le gourdin … à deux sous ! » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3057506b/f3.highres].
139[Par Léa Damoiseau] Renversement charivarique sur la voix grammaticale du verbe, à l’encontre des académiciens, réputés léthargiques (voir la note au mot « pavot » dans la Préface).
140[Par Léa Damoiseau] Critique contre la musique, jugée tonitruante, de Wagner, dont la représentation de Tannhaüser, le 13 mars 1861, à l’Opéra, avait provoqué un scandale, réitéré avec la représentation de Ricazi, le 6 avril 1869, témoin la caricature d’André Gill parue dans L’Éclipse du 16 avril 1869, montrant Wagner enfonçant au marteau une note de musique dans le tympan saignant d’un auditeur ! [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84267301/f1.item]. Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
141[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
142[Par Léa Damoiseau et Nathalie Preiss] Attaque ad hominem visant l’astronome Urbain Leverrier (1811-1877), qui avait découvert la planète Neptune en 1846, et croyait en avoir découvert une autre, baptisée Vulcain, et qui, partisan de Napoléon III puis du gouvernement de Mac-Mahon, avait été rétabli, en 1873 (cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume), dans ses fonctions de directeur de l’Observatoire de Paris, dont il avait été écarté pour incompatibilité de caractère avec ses collègues. Le 12 mars 1873, Cham publiera dans Le Charivari une caricature intitulée « Le Soleil et la Lune voyant revenir M. Le Verrier » et faisant grise mine !
143[Par Léa Damoiseau] Allusion aux ateliers nationaux destinés aux ouvriers les plus démunis, mis en place lors de la Révolution de 1848, sous l’impulsion de Louis Blanc et sous l’influence notamment de la philosophie humanitaire (1840) de Pierre Leroux, qui empruntait au christianisme, en le « laïcisant » et en le détournant de son sens, et appelait à une régénération de l’humanité par elle-même.
144[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
145Présente déjà dans la tranche correspondante parue dans Le Charivari du 22 juin 1869, cette entrée, conservée dans l’édition de 1873 et 1874, prend un caractère prémonitoire après l’annexion de l’Alsace-Lorraine, à l’issue de la guerre franco-prussienne (voir, supra, l’entrée « Accord (Bon) »), tout comme, avant elle, la planche de Hadol, illustrateur du Carnaval du dictionnaire, intitulée Nouvelle Carte d’Europe dressée pour 1870, « Carte drôlatique d’Europe dressée par Hadol », où chaque pays est antropomorphisé, avec cette légende : « […] La FRANCE repousse les envahissements de la PRUSSE, qui avance une main sur la HOLLANDE l’autre sur l’AUTRICHE. L’ITALIE, aussi, dit à Bismarck : Ôte donc tes pieds de là. La CORSE et la SARDAIGNE… un vrai Gavroche qui rit de tout […] » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53028721h/f1.item].
146[Par Léa Damoiseau] Concept juridique né au XIXe siècle, les « circonstances atténuantes » entrent dans le Code pénal de 1810, mais n’étaient alors prévues que pour quelques matières correctionnelles. Elles sont généralisées à l’ensemble des crimes, par la loi du 28 avril 1832 (et aux délits, en 1928). L’on sait que la peine de mort ne sera abolie en France qu’en 1981.
147[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] L’atticisme, en Grèce, désigne l’art oratoire de la précision et de la concision (opposé à « l’asianisme »), et, par métonymie, sa figure privilégiée, l’ellipse. Il s’agit bien ici d’un « atticisme » nouvelle manière !, emprunté à l’argot du gamin de Paris, qui condense la formule injurieuse : « Et ta sœur [au sens de “maîtresse”], est-elle malade ? » (Lorédan Larchey, Dictionnaire historique d’argot, op. cit.), en une apostrophe familière : « Et ta sœur ? », encore en usage (mais avec un point d’exclamation, dans le sens : « à d’autres ! »). Cette entrée figurait déjà dans Le Charivari du 4 juillet 1869, avec, bien entendu, la variante : « (Un Athénien de 1869) ».
148[Par Nathalie Preiss] Entrée parue dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
149[Par Nathalie Preiss] Même si les relations entre propriétaires et locataires relèvent du lieu commun et avaient donné lieu à plusieurs séries caricaturales dans Le Charivari (dont celle de Daumier, en 52 planches, publiées de 1848 à 1856 : Locataires et propriétaires), l’apparition de cette entrée dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume, s’éclaire aussi par la révocation, due à Thiers, le 7 mars 1871, du moratoire sur les loyers voté par l’Assemblée nationale le 13 août 1870.
150[Par Léa Damoiseau] Inversion carnavalesque de la formule attribuée à Cicéron : « Deux augures ne peuvent se regarder sans rire ».
151[Par Léa Damoiseau] Selon les Métamorphoses d’Ovide, Atalante promet d’épouser celui qui la battrait à la course, sinon il mourra. Hippomène, l’un des prétendants, jette des pommes d’or qui la distraient et gagne. Critique ici de l’aumône aux pauvres, qui préviendrait et endormirait toute prétention ou revendication sociale. Absente de la tranche alphabétique correspondante du 4 juillet 1869, cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
152[Par Léa Damoiseau et Nathalie Preiss] Critique récurrente de la cupidité du clergé, par l’allusion à l’épisode du Nouveau Testament où Jésus s’emporte contre les marchands du Temple et les chasse de ce qui doit rester maison de Dieu. Cette entrée ne figurait pas dans la tranche alphabétique correspondante, parue dans Le Charivari du 4 juillet 1869, sans doute parce que sa teneur faisait alors l’objet de l’entrée « Église » : « Serait-ce par manière d’allégorie qu’on donne aux autels la forme d’un comptoir ? », parue dans Le Charivari du 1er janvier 1870, et, par un chassé-croisé, disparue de l’édition de 1873 et de cette édition.
153[Par Nathalie Preiss] Satire au carré, puisqu’il s’agit là d’une parodie des vers de la satire « Des femmes » de Boileau : « Quelle joie, en effet, quelle douceur extrême, / De se voir caressé d’une épouse qu’on aime ! /[…]/ De voir autour de soi croître dans sa maison, / Sous les paisibles lois d’une agréable mère, / De petits citoyens dont on croit être père ! ».) (Satires, X, v. 9-14).
154[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Jeu ironique sur le « feu de la passion », puisque l’auto-da-fé (au sens étymologique, « acte de foi », en portugais), orthographié communément « autodafé », désigne le supplice du feu auquel le tribunal catholique de l’Inquisition, gardien jaloux de la foi, condamnait les supposés hérétiques (jusqu’au XVIIe siècle en Espagne) ou les ouvrages jugés contraires à la foi catholique (voir aussi les entrées « Bûchers », « Inquisition »).
155[Par Nathalie Preiss] Autre version dans Le Charivari du 7 juillet 1869 : « Un monsieur qui veut être d’autant plus maître des autres qu’il se sent moins maître de lui-même ».
156[Par Léa Damoiseau] C’est-à-dire frères ennemis, par le jeu sur l’expression, « cahin-caha », « difficilement », et sur le nom de Caïn, meurtrier de son frère Abel, dans l’Ancien Testament.
157[Par Léa Damoiseau et Nathalie Preiss] Renversement, assurément carnavalesque, par Le Carnaval du dictionnaire de 1874 de ce qui, en 1869, s’intitulait dans Le Charivari « Dictionnaire de l’avenir », où cette entrée, et pour cause !, ne figurait pas (elle apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume). L’avenir, en effet, est vu, à juste titre, après la guerre franco-prussienne, comme une menace, par le renouvellement de l’expression devenue figée au début du XIXe siècle, « épée de Damoclès », qui fait référence à l’épée suspendue, et tenue par un fragile crin de cheval, au-dessus de la tête du courtisan et flagorneur Damoclès, à qui Denys, tyran de Syracuse (IVe siècle), voulait faire comprendre ainsi la situation, toujours périlleuse, du souverain.
158[Par Apolline Gautier et Léa Damoiseau] Ce que l’on a appelé « l’expédition du Mexique » renvoie à un épisode fort malheureux de la politique extérieure de Napoléon III, qui, pour faire pièce à l’influence libérale des États-Unis au Mexique, et consolider en Europe ses alliances avec l’Autriche et la papauté (voir aussi l’entrée « Croisades »), entreprit de favoriser l’avènement au pouvoir de l’archiduc autrichien Maximilien de Habsbourg, qui devint empereur du Mexique le 10 avril 1864. Mais « l’aventure », qui dura de 1861 à 1867, se solda par de très lourdes pertes militaires françaises et l’exécution de l’empereur Maximilien, le 19 juin 1867.
159[Par Léa Damoiseau] Le baron Haussmann avait entrepris d’ouvrir de grandes avenues pour moderniser Paris (voir l’entrée « Artères ») mais aussi de construire de grands immeubles dits depuis « haussmanniens », d’où ce calembour sur « folie », au sens de démence, et au sens architectural de maison de campagne (issu de « folia », feuille), puis de plaisance, de l’aristocratie.
160[Par Léa Damoiseau] Métaphore militaire qui renvoie à l’arsenal de la législation répressive du Second Empire sur la presse, dont le système des avertissements (voir, supra, l’entrée « Annonciation »).
161[Par Nathalie Preiss] Dans la version du Charivari du 14 juillet 1869, une coquille, peut-être voulue, puisque, au mépris de l’ordre alphabétique, « Agent » (l’entrée existe déjà) est substitué à « Azur ».

B

Lettrine B :  

BABEL1 (tour de) — Ancien édifice avec les pierres duquel on a construit au bout du pont de la Concorde un monument très-laid2.

BABIL (tour de) — La Chambre de Versailles.3

BACHELIER — Citoyen tout heureux d'avoir reçu son bon à tirer... le diable par la queue.4

BADAUD — Une ! deux ! trois ! Regardons-nous tous ensemble dans la glace.

BADIGEON — C'est Chose qui appelle les vieilles fardées de la peinture surmûres.5

BAGNE — Endroit ou l'on rôtit le boulet.6

BAIL — Recette infaillible pour se donner envie de déménager.

BAILLEUR (de fonds) — Le monsieur qui crache pendant que le gérant fume.7

BAILLON — Petit objet qu'on met, à ce qu'il paraît, sur la bouche de la presse pour lui apprendre à mieux parler.8

BAIONNETTE — Lit de repos de l'ordre.9

Nota. — Il s'y empale de temps à autre. (S'adresser pour plus amples renseignements à toutes les conspirations militaires.)

BAISEMENT (de mains) — Cérémonie tombée en désuétude ; les courtisans d aujourd'hui se contentent des pieds.

BAISSIER — Spéculateur qui place les malheurs publics à 10 0/0... et au-dessus.

BAL — Ressemblerait trop souvent à un concours de boucherie, si la réjouissance n'y faisait défaut.

BALADIN — Celui qui obtient toujours les places où il faudrait un calculateur10.

BALAFRE — Comme quoi le sabre signe parfois ses articles.

BALAI — Instrument à l'usage des ménagères et des coups d'État. Dans ce dernier cas, le manche prend quelquefois sa revanche.11

BALANCE — Mon professeur de philosophie nous représentait jadis le libre arbitre sous cette forme. Bien ! mais est-il sûr que nous mettions nous-mêmes les poids dedans ?12

BALANÇOIRE — Mal de mer artificiel.

BALCON — Excroissance de pierre qui pousse sur le visage des maisons.13

BALEINE (poisson) — Anachronisme à nageoires.14

BALEINE (de corset) — Digue qui a le plus souvent affaire à des marées basses15.

BALLE — La plus pénétrante des objections.16

BALLET — L'opéra des sourds.

BALLON — Quel emblème de certains potentats !... C'est gros, c'est creux et ça ne sait pas se diriger.17

BALLOTTAGE — Où le suffrage universel demande à refaire... mais non à être refait.

BANDEAU — Il paraît que la maladie du mariage est bien plus grave que la maladie de l'amour. L'amour, en effet, ne porte qu'un bandeau ; le mariage une écharpe.18

BANNISSEMENT — La mort en détail.

BANQUE — Satanée idée d'avoir mis ce mot-ci tout entier dans celui qui suit !

BANQUEROUTE — Banque... route... Cela veut-il dire que c'est le plus court moyen de faire son chemin dans la banque ?19

BANQUET — Repas de corps qui est rarement un repas d'esprit.20

BAPTÊME — Enrôlement involontaire.

BAPTISER — Faire pour l'Église un contribuable de plus.

BARBARES — Pourquoi les appeler ainsi ? Ils n'avaient pourtant pas inventé la poudre21.

BARBOUILLEUR — Mes confrères

(Un peintre quelconque.)22

BARÈME — L'art d'aimer du quartier Bréda.23

BAROMÈTRE — On lui en veut quand il prédit l'orage. C'est comme les souverains avec la presse.

BARREAU — Substantif qui sert tour à tour à défendre les criminels contre la prison et la prison contre les criminels.24

BARRICADE — Endroit où les tyrans s'étonnent toujours de retrouver en tas les pierres qu'ils ont jetées dans le jardin de leurs sujets.

BAS-BLEU — Conscrite qui aspire à devenir maréchale d'Encre25.

BASSINOIRE — Soleil de lit.26

BASTILLE —

À mon beau château,
L'on y râle, l'on y râle !...

(Vieille ronde du bon temps.)27

BASTONNADE — Le grand pan ! pan !28

BATAILLE — Façon dont les princes lavent leur linge sale dans le sang.

BÂTARD — Ouvrage repoussé par la commission de l'estampille matrimoniale.

BATEAU — Procédé flottant pour parqueter les rivières.

BATISSE — Que c'est comme un bouquet de fleurs... dont l'empire offrait les épines aux contribuables.29

BÂTON (de maréchal) — Ce que chaque soldat finirait par trouver dans sa giberne, si le plus souvent en cherchant il ne perdait pas la tête... et le reste.30

BATTOIR — Ce que Hyacinthe a dans ses gants31.

BAVARD — Moulin à son.32

BAVER — Faire de la polémique.

(Plusieurs de ces messieurs.)33

BEAUTÉ — Une propriété qui rapporterait crânement34, sans les réparations locatives.

(Mlle Chose.)

BÊCHE — Notre maréchal-des-logis pour le dernier voyage.35

BEDAINE — Qu'est-ce qu'en doivent penser les gens qui meurent de faim ?

BÉGAYER — Tituber de la langue.

BÉGUEULE — Fanfaronne de vertu.36

BELLE-MÈRE — La caricature de la maternité... à la manière noire.37

BÉNÉDICTIN — Liquoriste de Dieu.38

BÉNÉFICE — Le grand ressort des consciences modernes39.

BENZINE — L'absolution des collets d'habit, comme l'absolution est la benzine des âmes40.

BERCEAU — Le bourgeon de l'homme.

BERGER — Comme les peuples font toujours de moutons de Panurge, la poésie aime à donner ce nom aux souverains. Dommage que ces pasteurs-là aiment tant les côtelettes.

BERGÈRE — Une fossile de la romance, dont on ne retrouve de traces que quand il faut rimer avec fougère.

BÊTISE — On ne saurait croire à quel point, avec un habit brodé, cela impose à certaines gens.

BIBERON — Dévouement maternel avec un bout en caoutchouc.

BIBLE — Si jamais ceux qui l'ont écrite se sont doutés de ce qu'on trouverait dedans...!

BIBLIOMANE — L'hystérique du bouquin.41

BIBLIOTHÉCAIRE — Le pion des livres.

BICHE — Femelle du cerf, a dit Buffon... — Par les cornes, ajoute Gavroche, quand il voit passer ces dames42.

BIENFAIT — N 'est jamais perdu... pour celui qui le reçoit.

BIENTÔT — Adverbe de consolation à l'usage des opprimés.

BIÈRE — Une invasion en tonneaux dont Dreher est le Blücher43.

BIERRE — C'est peut-être ça qui fait que je ne me suis jamais senti de goût pour les planches.44

BIFURCATION — Point où l'aiguilleur Fortoul fit dérailler jadis le train universitaire. On a oublié d'y élever un monument expiatoire45.

BIGAMIE — Ce qu'on peut appeler une idée biscornue46.

BIGOTERIE — Faux en religion publique.

BIJOUX — Du temps d'Ève, c'étaient des pommes ; maintenant ce sont des poires... en diamants47.

BILLETS DOUX — Feuilles de l'arbre de l'amour. Elles jaunissent avec le mariage48.

BINOCLE — Des lunettes qui n'avouent pas49.

BIOGRAPHE — À l'instar des photographes, celui qui fait le plus ressemblant défigure toujours un peu.

BISSEXTILE — Année à rallonges.

BIVOUAC — L'alcôve de la guerre.50

BLAGUE. — Nom donné aux vessies dans lesquelles on met le tabac et à celles qu'on veut nous faire prendre pour des lanternes51.

BLANC —

BLANCHIR —

[Accolade]

Hein ! madame, si à un certain âge le visage pouvait troquer avec les cheveux !52

BLANCHISSEUSE — Blanchit mes rideaux... après les avoir fait rougir53.

(Un célibataire.)

BLASON — Étude des fossiles.

BLASPHÉMER — Marcher sur un pied qui n'existe peut-être pas.

BLOUSE — Pauvres ouvriers ! est-ce parce que vous êtes si faciles à tromper qu'on a inventé le mot blouse ?54

BLUET — Du ciel à l'emporte-pièce55.

BOA — Comme animal, il se nourrit de lapin ; comme fourrure, il se fabrique avec.56

BOBO — Le mal des autres.

BŒUF — Au moins, ça devrait le préserver d'avoir des cornes57 !...

BOMBARDEMENT — Les vraies giboulées... de Mars.58

BONHEUR — C'est comme le Juif errant59; une foule de gens croient l'avoir vu passer, personne n'a pu l'arrêter.

BONHOMIE — Le cœur en robe de chambre.60

BONI — Les quelques sous que veut bien réserver aux pauvres diables la munificence des monts-de-piété61.

BONNE-FORTUNE — On a bien fait, à notre époque, de mettre le mot fortune là-dedans.62

BONNET — La grisette étant défunte, il n'en reste plus à jeter par-dessus les moulins... Mais on se rattrape sur les chapeaux63.

BORGNE — Un demi d'yeux.64

BOSSU — Cardinal laïque... — Comment cela ?... — Parbleu !... son Éminence65.

BOUCHE — Comme ce qui y entre vaut mieux que ce qui en sort !66

BOUCHERIE — Fabrique de croix d'honneur en plein vent.

(Un tacticien.)

BOUCHON — Le Bartholo de la bouteille... Il la laisse fuir parfois.67

BOUCLIER — Arme qui ne se trouve plus qu'au Musée des métaphores.

BOUDOIR — Petite Bourse.

BOUFFON — Cet emploi est aujourd'hui occupé auprès des princes par des messieurs sérieux et chamarrés de broderies.

BOUGIE — Le travesti du suif.68

BOULET — Argument ad hominem.

BOURGEOIS — Un souverain que le suffrage universel a mis en disponibilité.

BOURREAU — C'est lui qu'on pourrait appeler un exécuteur... testamentaire.69

BOURSE — Temple où les colonnes ne sont pas ce qu'il y a de plus grec.70

BOUSSOLE — Instrument que tous les despotes retrouvent, après leur chute, au bureau des objets perdus.

BOUTEILLE — Cours de rhétorique, de un à six francs l'exemplaire.

BOUTIQUIER — Pontife71 du dieu Argent, qui prend son comptoir pour un autel.

BOUTON — Aux habits, ça attache. Sur la figure, c 'est le contraire.72

BOUTS-RIMÉS — Jeux de la bêtise et du hasard.73

BRACELET — Bague de poignet.

BRACONNIER — Un voleur sympathique... Serait-ce parce qu'il assassine souvent par-dessus le marché ?

BRAILLARD — D'où le composé décembraillard... Souvenez-vous-en74 !

BRAS — Un gaillard qui en ce monde a fait passer de bien vilains quarts d'heure à la pensée.

BRASSERIES — Revanche d'Iéna. Ces Allemands sont sans pitié.75

BRAVACHE — Une lame qui a toujours l'air de vouloir sortir du fourreau... L'air seulement.

BRETELLES — Des sous-pieds dans l'autre sens76.

BRÉVIAIRE — Il paraît qu'il faut le revoir pour le croire..77

BRIGADIER — Un pape dont le concile des Pandores a depuis longtemps proclamé l'infaillibilité78.

BRIGAND — Est-il bête de risquer sa vie en plein vent quand il pourrait fonder comme un autre sa petite société en commandite !79

BROSSER — Ôter la poussière. (Au figuré.) La faire mordre à son ennemi.

BROUILLARD — Les caissiers appellent de ce nom symbolique le papier qu'ils mettent entre les pages de leurs comptes nébuleux.80

BÛCHERS — L'Inquisition les avait peut-être inventés pour donner raison à la fête des Cendres.81

BUDGET — L'art de mettre le couvert du pouvoir sur une table de multiplication.

BUFFET — Pas de meilleure définition que la vieille : un endroit où l'on vend aux gens qui passent des aliments qui ne passent pas.

BUSC — Pourquoi tant de fortifications quand six fois sur sept c'est pour ouvrir la porte aux assiégeants82 ?

1[Par Léa Damoiseau] L’ensemble de la lettre « B » parut initialement dans Le Charivari, du 14 juillet au 22 septembre 1869, selon la chronologie et la répartition suivantes : 14 juillet (« Babel-Baïonnette »), 17 juillet (« Baisement-Ballon »), 23 juillet (« Ballotage-Barricades »), 29 juillet (« Bastille-Bénédictin »), 12 août (« Berger-Bière »), 18 août (« Bifurcation-Bonheur »), 10 septembre (« Boni-Boulet »), 14 septembre (« Bourgeois-Bravache »), 22 septembre (« Brigadier-Buffet »). En 1873, deux tranches complémentaires parurent dans Le Charivari, en vue de l’édition en volume : le 25 janvier, « Anémie-Bégueule », et, le 31 janvier, « Bénéfice-Brouillard ». Disparaît dans cette édition l’entrée suivante, parue dans la tranche du 23 juillet 1869 : « Bannière — La patrie en calicot » [sans doute parce que la teneur en est reprise dans l’entrée « Drapeau »]. Les variantes entre ces différentes parutions seront indiquées au fil du texte.
2[Par Nathalie Preiss] Allusion critique à l’Assemblée nationale, sise au Palais Bourbon, place de la Concorde, par un jeu antiphrastique sur « concorde », puisque, dans l’Ancien Testament, la destruction par Yahvé de la tour de Babel, érigée par les hommes parlant tous la même langue, entraîne la multiplication et la confusion de toutes les langues (voir la note associée à ce mot dans la Préface et l’entrée suivante).
3[Par Léa Damoiseau] Par l’assimilation entre Babel et babil, critique des débats bavards et confus à l’Assemblée nationale qui, à partir du 20 mars 1871, jusqu’en 1875, siègera à Versailles. Cette entrée, bien entendu, ne figure pas dans la version initiale de la tranche alphabétique « Avilissement-Baïonnette », parue dans Le Charivari du 14 juillet 1869, et apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
4[Par Léa Damoiseau] Jeu sur « bon à tirer », formule par laquelle un auteur autorise l’imprimeur à publier les dernières épreuves de son ouvrage, et l’expression « tirer le diable par la queue », avoir peu de ressources : le baccalauréat est conçu comme un diplôme pour une pauvreté assurée !
5[Par Nathalie Preiss] Badigeon, tel est le nom du peintre de la série caricaturale de Gustave Doré (qui avait commencé à quinze ans, en 1847, sa carrière dans Le Charivari), publiée chez Aubert, l’éditeur du Charivari, en 1850 : Trois Artistes incompris et mécontens (le deuxième étant Sombremine, auteur dramatique, et le troisième, Tartarini, violoniste et compositeur !). Le calembour n’apparaît pas dans cette série et il semble bien que « Chose », en l’occurrence, soit Pierre Véron lui-même qui, sous l’un de ses pseudonymes, Jean Ralph, le reprendra dans les « Échos du palais » du Charivari du 27 juillet 1885. Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
6[Par Léa Damoiseau] Par un jeu de mots sur « balai » et « boulet », attaché à la cheville du bagnard, renouvellement de l’expression « rôtir le balai », qui signifie « être dans la pauvreté », car l’on fait chauffer le balai pour obtenir de la chaleur. Cette version apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume ; la version du 14 juillet 1869 s’en tenait à: « Duo où l’un chante faux… et l’autre vole ou assassine ».
7[Par Léa Damoiseau et Nathalie Preiss] Jusqu’en mai 1870, date de sa suppression, existait pour les journaux le principe du cautionnement, somme réservée, qui, en cas d’amende, n’était pas versée par le gérant, mais par un tiers qui devait donc, selon le sens argotique, « cracher » à sa place. Si cette entrée, parue dans la tranche alphabétique correspondante du 14 juillet 1869, est conservée dans l’édition de 1874, c’est que la loi sur la presse du 6 juillet 1871 avait rétabli le principe du cautionnement (voir Christian Delporte, « La Liberté de la presse, par Alfred Le Petit », Parlement[s], Revue d’histoire politique, 2014/3, n° 22. En ligne sur Cairn : https://www.cairn.info/revue-parlements2-2014-3-page-145.htm).
8[Par Léa Damoiseau et Nathalie Preiss] Entrée parue également dans la tranche alphabétique du 14 juillet 1869, et conservée en 1874 pour la même raison que la précédente (allusion à la loi restrictive et répressive sur la presse du 6 juillet 1871. Voir aussi, sur les différentes lois restrictives, les entrées « Annonciation », « Article », « Muselière »).
9[Par Léa Damoiseau] Allusion critique au rétablissement de l’ordre par la baïonnette Chassepot (voir l’entrée « Accord »).
10[Par Léa Damoiseau] Variation sur l’une des formules de Figaro dans son célèbre monologue contre le comte Almaviva dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais : « on pense à moi pour une place, mais par malheur j’y étais propre : il fallait un calculateur, c’est un danseur qui l’obtint. » (acte V, scène 3).
11[Par Léa Damoiseau] Allusion au coup d’État de Napoléon III le 2 décembre 1851 et à sa chute, après la défaite de Sedan, considérée comme un « retour de balai ».
12[Par Nathalie Preiss] Cette entrée et la suivante apparaissent dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
13[Par Léa Damoiseau] Critique de l’architecture des immeubles haussmanniens qui comportent un grand balcon au second étage (voir aussi les entrées « Artères » et « Assainissement »).
14[Par Léa Damoiseau] Allusion à l’épisode de l’Ancien Testament où le prophète Jonas est avalé par une baleine (Livre de Jonas, III).
15[Par Léa Damoiseau] Métaphore maritime née de l’allusion précédente et jeu sur la polysémie de « baleine », au service d’une satire récurrente de la maigreur des femmes du temps (voir les entrées « Appas », « Corset », « Coton », « Maigreur », « Sein »).
16[Par Nathalie Preiss] Version apparue dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume ; la version initiale, parue dans Le Charivari du 17 juillet 1869, allait presque droit au but : « Argument de plomb à l’usage de la dialectique des princes » !
17[Par Léa Damoiseau] [hyperlien caricature]
18[Par Léa Damoiseau] Métaphore satirique fondée sur l’expression « porter le bras en écharpe » (à la suite d’une fracture ou blessure), revivifiée par l’allusion à l’écharpe portée par le maire ou son représentant, lors de la célébration d’un mariage, alors que l’Amour, Eros, ne porte, quant à lui, qu’un bandeau sur les yeux, symbole de son aveuglement.
19[Par Léa Damoiseau] Jeu de mots sur ce qui désigne alors la faillite frauduleuse.
20[Par Léa Damoiseau] Jeu de mots fondé sur la polysémie de « corps », puisque, dans le vocabulaire militaire, le repas de corps désigne le repas d’un corps d’armée, d’un régiment.
21[Par Léa Damoiseau] Renouvellement de cliché par référence à la poudre de fusil, puisque la version initiale du Charivari du 23 juillet 1869 comportait cette variante : « […] ils n’avaient pourtant pas inventé les chassepots » (voir l’entrée « Accord »), mais aussi, dans cette version, allusion à la poudre de canon, après la guerre franco-prussienne, de nouveau vilipendée (voir les entrées « Assaut »,« Boucherie », « Carnage »).
22[Par Nathalie Preiss] Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
23[Par Léa Damoiseau] En guise d’Art d’aimer à la manière d’Ovide, le barème (du nom du mathématicien Barrême), ouvrage d’arithmétique et répertoire de calculs tout faits, convient aux femmes entretenues aux amours tarifées du quartier Bréda, situé aux alentours de Notre-Dame-de-Lorette à Paris, d’où leur nom de « lorettes » (voir la note de la Préface au mot « gommeuses »). Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l’édition en volume
24[Par Léa Damoiseau] Jeu sur le barreau devant lequel plaide l’avocat (d’où, par métonymie, le « barreau » pour l’ensemble des avocats) et le barreau de la prison. Cette entrée a été ajoutée dans les éditions de 1873 et 1874.
25[Par Léa Damoiseau] Calembour sur le titre de la pièce de Vigny, La Maréchale d'Ancre (1831), le Bas-bleu (traduction de « blue-stocking », appellatif appliqué à un homme), désignant plaisamment, à partir de 1840, les femmes ayant des prétentions littéraires, voire toute femme-auteur: Daumier leur consacrera une série de 40 planches, parue dans Le Charivari, du 30 janvier au 7 août 1844. Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
26[Par Léa Damoiseau] Paronomase plaisante avec « ciel de lit » (situé au-dessus du lit), puisque cet instrument contenant des braises est destiné à réchauffer l'intérieur du lit. Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
27[Par Léa Damoiseau] En lien avec ce symbole de l'Ancien Régime qu'est la prison de la Bastille, parodie sombre du refrain d'une chanson française du XVIIIe siècle : « Ah, mon beau château/L'on y danse, l'on y danse ».
28[Par Léa Damoiseau] Jeu sur l'onomatopée et l'épithète « le grand Pan », appliquée, dans la mythologie grecque, à Pan, dieu du Tout. Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
29[Par Léa Damoiseau] Poursuite de la critique des grands travaux du baron Haussmann à Paris (voir les entrées « Artères », « Assainissement », « Avenue »), qui avaient engendré des dépenses colossales. La version initiale parue dans Le Charivari du 29 juillet 1869 ne laisse aucun doute à ce sujet puisque « M. Haussmann » occupe la place de « l’empire » !
30[Par Léa Damoiseau] Critique de la guerre dès 1869 (cette entrée paraît dans la tranche alphabétique correspondante du 29 juillet 1869), qui prend toute sa dimension dans cette édition de 1874, à la suite de la guerre franco-prussienne (voir aussi les entrées « Assaut », « Carnage », « Gloire »…).
31[Par Léa Damoiseau] L'acteur Louis-Hyacinthe Duflost, dit Hyacinthe (1814-1887), avait de très grandes mains, de véritables « battoirs ».
32[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
33[Par Nathalie Preiss] Dans la version initiale, parue dans Le Charivari du 29 juillet 1869, il y avait attaque ad hominem puisque la parenthèse indiquait un seul de ces messieurs: « Louis Veuillot », ultramontain, directeur de L'Univers, cible récurrente du Charivari et du dictionnaire (voir les entrées « Abêtir », « Ultramontain », « Univers (Journal) »).
34[Par Nathalie Preiss] Dans l'argot des lorettes, l'équivalent de « sacrément ». L'adverbe est dérivé de l'adjectif « crâne », au sens de « beau »: dans la série de Gavarni publiée dans Le Charivari, Les Débardeurs, deux lorettes en carnaval, déguisées en débardeurs, commentent ironiquement le spectacle du bal de l'Opéra ainsi : « — Y en-t-i des femmes, y en a -t-i'... Et quand on pense que tout ça mange tous les jours que Dieu fait ! C'est ça qui donne une crâne idée de l'homme ! »(Le Charivari, 30 mai 1840).
35[Par Léa Damoiseau] Parce que, dans l'armée, le maréchal des logis organise le déplacement et le campement (en l'occurrence définitif) des troupes.
36[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 25 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
37[Par Léa Damoiseau et Nathalie Preiss] La belle-mère est souvent caricaturée en mauvaise mère, en marâtre, d’où un jeu ici sur le double sens du mot « noir », la « manière noire » désignant une technique de gravure en creux (que peut utiliser la caricature), qui consiste, avant de dessiner un motif, à produire des hachures très serrées sur le support, d’où un fond noir qui permet ensuite de rendre toutes les nuances de lumière souhaitées.
38[Par Léa Damoiseau] Parce que les moines bénédictins, pour subvenir à leurs besoins, fabriquent et vendent une liqueur, appelée pour cette raison la « Bénédictine ».
39[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
40[Par Léa Damoiseau] Nouvelle satire anticléricale puisque la benzine est un détachant en vogue à l’époque : Le Charivari faisait alors la réclame pour la Benzine Collas (voir aussi l’entrée « Tache »). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l’édition en volume, comme la suivante.
41[Par Léa Damoiseau] Selon Charles Nodier, dans « L’amateur de livres » (Les Français peints par eux-mêmes, 1841), le bibliomane « pèse » et « entasse » pathologiquement les livres sans les apprécier, à la différence du bibliophile. En quelque sorte, le bibliomane est au bibliophile ce qu’est la fièvre à la ferveur.
42[Par Léa Damoiseau] Parce que, synonyme de femme légère (voir la note de la Préface associée au mot « gommeuses »), la « biche », dans l’argot de Gavroche, le gamin de Paris des Misérables de Hugo, est susceptible « de faire cocu, de faire des cornes à », en l’occurrence, de rendre cocues les femmes légitimes.
43[Par Léa Damoiseau] Fils du maître brasseur Anton Dreher senior (1810-1863), Anton Dreher junior favorisa à partir de 1870 l'exportation de la bière paternelle qui s'intronisa en France à l'occasion de la guerre franco-prussienne de 1870, d'où l'assimilation avec le général prussien Blücher, vainqueur de Napoléon à Waterloo (1815).
44[Par Léa Damoiseau et Apolline Gautier] Jeu de mots sur les planches du cercueil (la bierre, orthographiée néanmoins dans la version du 12 août 1869, « Bière ») et les planches du théâtre.
45[Par Léa Damoiseau et Nathalie Preiss] Hippolyte Fortoul (1811-1856), ministre de l'Instruction publique de Napoléon III, fut à l'origine de la « bifurcation des études », qui devait perdurer, en créant, à partir de la classe de quatrième, deux sections distinctes : la section littéraire et la section scientifique.
46[Par Léa Damoiseau] Jeu sur « faire des cornes à, rendre cocu », la bigamie désignant ici celle de la femme ou de l'homme adultère (voir, supra, l'entrée « Biche » et, infra, l'entrée « Cornes »).
47[Par Léa Damoiseau] Jeu sur le « diamant poire » qui désigne une taille de diamant fantaisie (variante de la taille brillant), en forme de goutte d'eau.
48[Par Léa Damoiseau] En lien avec la tentation tout à la fois d’Ève et des « filles d’Ève », attirées par les bijoux, évoquée précédemment, allusion au cocuage (le jaune étant la couleur des cocus. Voir les entrées « Jaune » et « Jaunisse »), pourvoyeur de billets doux entre amants. Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l’édition en volume, comme la suivante.
49[Par Léa Damoiseau] Parce que le binocle, à la différence des lunettes, ne comporte par de branches et est donc facilement escamotable.
50[Par Nathalie Preiss] Entrée qui apparaît dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l’édition en volume, après la guerre franco-prussienne de 1870-1871.
51[Par Nathalie Preiss] Emprunté au vocabulaire militaire, le terme s’inscrit dans la langue en 1809. Sur le modèle de la blague à tabac du soldat (en peau de vessie de porc), la blague désigne une plaisanterie trompeuse, fondée non sur le couple mensonge-vérité, mais sur le couple plein-vide (elle est l’équivalent du « puff » anglais qui fait « paf »), et relève de la hâblerie, du boniment : elle fait bien prendre des « vessies pour des lanternes ». Le blagueur, c’est le banquiste, le hâbleur, le fanfaron, qui cache moins la présence de malversations inavouables qu’il n’exhibe l’absence de fonds improbables et trouve sa pleine expression dans le type de Robert-Macaire : à partir du personnage campé par Frédérick Lemaître dans le mélodrame L’Auberge des Adrets qui s’épanouit dans la pièce Robert Macaire (1835), il envahit la caricature, les études de mœurs, la littérature (voir les entrées « Actionnaire », « Chiper », « Poche ») car la blague engage une remise en cause de la représentation, fondée sur la tradition de la mimesis, et se trouve donc au cœur de l’œuvre de Balzac, de Flaubert ou des Goncourt (voir, dans la bibliographie, Pour de rire ! La blague au XIXe siècle ou la représentation en question).
52[Par Nathalie Preiss] Cette entrée et les suivantes, jusqu’à « Bombardement » comprise, apparaissent dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
53[Par Léa Damoiseau] En raison des scènes « libres » entre le célibataire et la blanchisseuse, dont les rideaux, censés les cacher, rougissent de honte ou de plaisir.
54[Par Léa Damoiseau] Jeu sur l’emploi argotique de « blouser » : « tromper », issu du vocabulaire du billard, où il signifie « prendre au piège » (Lorédan Larchey, Dictionnaire historique d'argot, op. cit.).
55[Par Léa Damoiseau et Nathalie Preiss] Renouvellement du cliché « à l’emporte pièce » (avec mordant), ce dernier terme désignant une forme en métal que l’on applique sur une surface meuble (le ciel ici), pour y découper ladite forme (en l’occurrence la fleur, couleur ciel : le bleuet).
56[Par Léa Damoiseau] Parce que les femmes en entourent leur cou comme elles le feraient d’un serpent boa, le terme désigne en effet une longue écharpe de fourrure (de lapin ! ou autre).
57[Par Léa Damoiseau et Nathalie Preiss] Castré, à la différence du taureau, le bœuf, resté « célibataire » !, ne risque pas de porter de cornes, c’est-à-dire, dans l’argot du gamin de Paris, de se retrouver cocu (voir, supra, les entrées « Biche », « Bigamie », et, infra, « Cornes »).
58[Par Léa Damoiseau et Nathalie Preiss] Allusion au bombardement de Paris par les Prussiens, du 5 au 28 janvier 1871, avec jeu sur « Mars », le dieu romain de la Guerre, qui donne son nom au premier mois du printemps, en raison précisément de la reprise des guerres après l’hiver. Cette entrée, et pour cause, ne figurait pas dans la tranche alphabétique correspondante, parue dans Le Charivari du 18 août 1869.
59[Par Léa Damoiseau et Nathalie Preiss] Figure mythique, née au Moyen Âge, le « juif errant », qui n’a pas permis à Jésus Christ de se reposer chez lui, est condamné à marcher éternellement. La figure, qui traverse littérature, caricature, peinture, est l’occasion d’évoquer les vicissitudes de l’humanité ou d’une époque, témoin le célèbre roman d’Eugène Sue, Le Juif errant, paru de 1843 à 1845 dans Le Constitutionnel. Cette entrée et la suivante ont été ajoutées pour l'édition de 1874.
60[Par Nathalie Preiss] Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l'édition en volume,
61[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Établissement de crédit créé en faveur des plus pauvres, en 1637, à Paris, le Mont-de-Piété (voir l’entrée à ce mot), qui donna naissance, sous l’impulsion de Louis XIII, à plusieurs autres établissements de ce type, prête sur gages : le débiteur laisse en gage ses biens, en échange d’une certaine somme d’argent et, à l’issue d’une durée déterminée, peut les récupérer moyennant un remboursement du prêt avec intérêts (voir l’entrée « Engagements »). S’il ne peut rembourser, ses biens sont vendus aux enchères et les « boni » représentent la différence excédentaire, qui lui est versée (mais amputée de la somme à rembourser avec les intérêts !), entre le prix de la mise aux enchères et le prix de vente effectif des biens engagés.
62[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
63[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau, Nathalie Preiss] Dès 1840, la grisette (du nom du tissu de sa robe), jeune couturière qui, dans les études et caricatures de mœurs, de Gavarni notamment, se signale par son élégant bonnet et sa cheville fine, et vit maritalement avec l’étudiant en droit ou en médecine qu’elle entretient plus qu’elle n’est entretenue par lui, entre en concurrence avec la lorette (voir la note de la Préface associée à « gommeuses », et les entrées « Ameublement » et « Meubles »), elle entretenue et peu encline au travail, mais raffolant comme la grisette des chapeaux roses, lors des sorties du dimanche. Et c’est la lorette à chapeau qui, dans la seconde moitié du siècle, semble supplanter la grisette, en dépit, après la Physiologie de la grisette (1841), d'un Paris-grisette (1854), d'où, en 1871, la chanson de Léon Labarre, sur une musique de Charles Malo: La Dernière Grisette.
64[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
65[Par Apolline Gautier, Léa Damoiseau,  Nathalie Preiss] Jeu sur le sens d’« éminence » : parce que l’accès au cardinalat n’est donné qu’exceptionnellement aux laïcs, le titre d’« Éminence » qui lui est associé ne peut venir de sa position élevée dans la hiérarchie ecclésiastique mais d’une autre « élévation », celle d’une bosse (voir aussi l’entrée « Éminence ») ! Possible allusion critique aussi à Giacomo Antonelli qui, diacre et non prêtre, avait été élevé par le pape Pie IX au rang de cardinal en 1847, et, devenu son bras droit, soutenait sa politique conservatrice et sa résistance à la perte de son pouvoir temporel (voir aussi les entrées « Antichrétien » et « Ultramontain »).
66[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
67[Par Nathalie Preiss] Antonomase à partir du nom du personnage du Barbier de Séville de Beaumarchais, vieux barbon qui retient prisonnière sa pupille Rosine, et veut l'épouser, mais la laisse fuir, malgré lui et la surveillance serrée du maître de chant Bazile, dans les bras du comte Almaviva, d'où le titre complet: Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile (1775) !
68[Par Léa Damoiseau et Apolline Gautier] Remise en cause de la hiérarchie qui s’établit, à partir du début du XIXe siècle, entre la chandelle faite de suif, composé issu de la graisse animale, peu coûteuse et réservée aux plus pauvres, et la bougie, plus chère, qui a l’avantage de ne pas dégager de mauvaises odeurs parce que, depuis l’invention de Chevreul (1825), elle est fabriquée à partir d’une nouvelle substance, la stéarine, issue néanmoins du suif, mais purifié ! Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
69[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
70[Par Léa Damoiseau et Apolline Gautier] Voulue par Napoléon Ier et conçue en style néo-classique par l’architecte Brongniart, la Bourse de Paris (achevée en 1826), située dans le deuxième arrondissement actuel, a tout du temple grec, mais il y a plus grec que ses colonnes : les spéculateurs véreux qui la fréquentent, puisque, dans l’argot du jeu, un « grec » désigne un tricheur, un floueur.
71[Par Léa Damoiseau et Apolline Gautier] Dans l’Antiquité, un « pontife » désigne un prêtre, membre des collèges sacerdotaux de Rome, qui officiait sur le pont Sublicius, pont sacré de Rome, d’où, peut-être, son nom (d’après Émile Littré, Dictionnaire de la langue française), puis, dans le monde judéo-chrétien, un haut dignitaire ecclésiastique (ainsi, dans l’église catholique, le pape est qualifié de « souverain pontife »), et, par extension, tout personnage important ou qui fait l’important.
72[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
73[par Léa Damoiseau et Apolline Gautier] Satire de ce jeu de salon, qui consistait à « fabriquer » un poème à partir de rimes données à l’avance, fondée sur la parodie du titre de la comédie de Marivaux, Le Jeu de l'amour et du hasard (1730).
74[Par Nathalie Preiss] Le néologisme « décembraillard » désigne les partisans de Louis-Napoléon Bonaparte (élu président de la République le 10 décembre 1848), qui avaient formé, en 1849, un « Comité du 10 décembre », en vue d’un coup d’État, qui aura lieu le 2 décembre 1851. Le terme désignera, à partir de 1852, les sectataires de celui qui devient empereur sous le nom de Napoléon III, et Daumier fait de son type Ratapoil un « décembraillard » et un « assommeur » (voir l’entrée à ce mot ). Mais Véron, jouant ici sur le fait que « braillard » en argot s’applique à un enfant criard, met en garde contre le retour du bonapartisme en la personne du fils de Napoléon III, caricaturé par l’illustrateur du dictionnaire, Hadol, dans sa Ménagerie impériale, en serin et qualifié, plus bas, de « serin de proie » (voir l’entrée « Tyran »).
75[Par Léa Damoiseau et Apolline Gautier] Allusion satirique à la multiplication des brasseries à Paris, liée à l'exportation de la bière allemande (voir, supra, l’entrée « Bière »), favorisée par l’occupation prussienne, et vue ici comme une revanche allemande contre la victoire de Napoléon Ier sur la Prusse, à Iéna, le 14 octobre 1806.
76[Par Léa Damoiseau et Nathalie Preiss] Parce qu’à la différence des bretelles, qui retiennent les pantalons par le haut, les sous-pieds, bandes élastiques cousues au bas du pantalon et passées sous le pied, le maintiennent vers le bas (voir aussi les entrées « Antipodes » et « Sous-pied »). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
77[Par Léa Damoiseau et Apolline Gautier] Le bréviaire désigne un livre de prières, que le prêtre doit lire chaque jour, aux heures liturgiques, d’où le renouvellement du cliché : « il faut le voir pour le croire ». Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
78[Par Léa Damoiseau et Apolline Gautier] Satire fondée sur une double métaphore : celle, commune, de « pandore » appliquée à un gendarme (voir l’entrée « Gendarme ») — le brigadier désignant un chef de régiment de la gendarmerie — et celle de l’Infaillibilité pontificale, dogme qui, après maints débats, sera proclamé le 18 juillet 1870, à l’issue du concile Vatican I.
79[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l'édition en volume.
80[Par Léa Damoiseau, Apolline Gautier, Nathalie Preiss] Synonyme de papier buvard, au service de la satire, récurrente dans le dictionnaire, du monde des affaires (voir aussi « Actionnaire », « Caissier », « Faillite »). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 31 janvier 1873, en vue de l’édition en volume.
81[Par Léa Damoiseau et Apolline Gautier] Jeu anticlérical sur le « mercredi des cendres » - qui, pour les catholiques, marque, après le « Mardi Gras », l’entrée en Carême - et la condamnation au feu du bûcher (autodafé) prononcée par le tribunal catholique de l’Inquisition (notamment espagnole, au XVe siècle) contre ceux qu’il considérait comme hérétiques (en 1497, à Florence, le prédicateur catholique Savonarole, pourfendeur des « mauvaises mœurs », avait organisé, précisément le Mardi Gras, un « Bûcher des vanités », où avaient été brûlés les livres jugés immoraux). Voir aussi les entrées « Auto-da-fé » et « Inquisition ».
82[Par Léa Damoiseau] Satire récurrente dans Le Carnaval du dictionnaire des mœurs féminines, avec cette métaphore guerrière appliquée au corset à baleines des dames, fait pour être défait.

C

Lettrine C :    

1CABALE — Mot inventé par les auteurs désireux de nous couper le sifflet.2

CABARET — École de natation où l'on apprend au suffrage universel... à se noyer.3

CABAS — L'osier de ma mère !

(Ces dames du corps de ballet.)4

CABINET — Franchement, il est bon à mettre au cabinet... Se dit maintenant d'une nullité qu'on fait ministre.5

CABINET (particulier) — Ma seconde chambre.6

CÂBLE — Cordon ombilical des deux mondes.7

CABOTIN — Nom que les acteurs n'entendent pas que le public leur donne... Probablement pour se réserver le plaisir de se le décerner entre eux.8

CABRIOLET — Ancien parloir pour cochers.9

CACHE-NEZ — Le conservatoire des rhumes.

CACHET (lettres de) — Se prononce aujourd'hui : Mandatd'amener.10

CADAVRE — C'est lui qui dort et c'est nous que son sommeil fait rêver.11

CAFARD — Un comédien qui n'a qu'un seul geste : le signe de la croix.12

CAFÉ (local) — Un centre d'où il est bien rare qu'il parte des rayons.

CAISSE (grosse) — Tambour qui a pris du ventre.13

CAISSIER — Un ange gardien qui joue trop souvent des ailes.14

CAISSON — Garde-manger du canon.15

CALEMBOURS — Les double-fonds du langage.16

CALOMNIE — Évangile selon saint Basile17.

CALVITIE — Pas amusant quand on peut dire à une femme pour qui on soupire : « Je vous implore à trois genoux18  ... ».

CAMARADE — Sous-ami.19

CAMARILLA — On dit bien : la lie du peuple. Pourquoi ne dirait-on pas la lie du trône ?20

CAMÉLÉON — Un animal qui fait de la politique sans le savoir21.  

CAMÉLIA — Pourquoi l'a-t-on pris pour emblème de ces dames ? — Parbleu ! parce qu'il ne sent rien.22

CAMELOTTE — Voyons, monsieur le boutiquier, n'ayez pas peur, je ne peux pas insérer ici l'Almanach des 25,000 adresses.23

CAMP — École normale de carnage.24

CAMPÊCHE — Des vendanges qui se moquent du baromètre.25

CANDEUR — Une antiquité.26

CANDIDAT — Un monsieur qui demande ses entrées au théâtre de la politique : trop souvent comme claqueur.27

CANCAN — L'argot de la danse28

CANIF — Coutellerie pour contrats.29

CANON — L'Europe ! une bonbonnière ! a dit un petit-fils de Gavarni.30

CANONISER — Faire semblant d'ouvrir aux autres une porte dont on n'a pas la clef.31

CANTATE — Le seul morceau de poésie où les rimes soient à la fois croisées... et plates.32

CANTHARIDE — Petite mouche qui, à ce qu'il paraît, empêche de manquer le coche.33

CANTIQUE — Les cantates du royaume du ciel.

CANTONNIER — Le valet de chambre des rues.34

CAPITAL — Un père pour les affaires... Un père Ugolin, bien entendu.35

CAPITALE — Un cerveau qui a souvent une hypertrophie.36

CAPITALISTE — Le brochet des marais de la spéculation. Tant plus il est gros, tant plus il a avalé de petits poissons37 .  

CAPITOLE — Tremplin de l'ingratitude populaire.38

CAPRICE Simili-amour.

CAPTATION —

CAPUCIN —

[Accolade]

Comme le hasard fait bien les choses
! Avoir mis ces deux mots-là dans la même colonne39

CARDINAL — M. de Tillancourt les appelle des sous-papes desûreté..

Pas si sûrs que ça !40

CARÊME — Les truffes de la mortification et le turbot de la pénitence.41

CARICATURE — La glace dans laquelle les autres nous voient..42

CARNAGE — Le chemin de la croix.43

CARNASSIER — Le tigre, le lion, la médisance, la spéculation, etc., etc., etc.44

CARNAVAL — C'est si malpropre que le lendemain il faut mettre des Cendres dessus.45

CAROTTE — Légume qu'on récolte en semant de la graine de niais.46

CARTOUCHE — C'est à voir les expéditions des conquérants qu'on se dit que les cartouches ça va avec les Mandrins.47

CASEMATE — Demandez ! L'Art d'y fourrer ses concitoyens et de s'en faire des millions de revenus...

Nota. — Ce manuel a vieilli.48

CASSE-TÊTE — Instrument ancien, à la vue duquel les Parisiens étaient piétrifiés.49

CASTES — Divisions qui faisaient de la société un jeu de marelle. — 1789 a marché sur les raies.50

CASUISTE — Le grec de la piété. Il apprend à tricher Dieu.51

CATACLYSME — La révolution dont on n'est pas.52

CATALEPSIE — Répétition générale de la mort.53

CATÉCHISME — Le guide Joanne de la foi.

Nota. — Se méfier, il y a des réclames..54

CATHOLICISME — Parodie du christianisme.

CÉLÉBRITÉ — Un soleil qui s'aveugle lui-même.55

CÉLIBATAIRE — Braconnier légal.56

CELLULAIRE (système) — Fabrique d'aliénés dirigée par l'État57.

CENSEUR — Un bourreau qui se prend pour un chirurgien.

CENT-GARDE — Souvenir... sans regret.58

CERTIFICAT — Fausse-clef donnée au domestique qu'on renvoie, pour qu'il puisse s'introduire chez autrui.59

CENTRALISATION — Est en politique ce que la congestion est en médecine.

CERNEAU — Le Fanfan Benoîton des comestibles.60

CERVEAU — Une cuisine dont on voit bien le fourneau, mais dont on n'a jamais vu le cuisinier.

CÉSARIENNE (opération) — Du moment où il y a du César quelque part, on est sûr que le sang coule.61

CHAGRIN — C'est étonnant comme on supporte bien celui qu'on fait aux autres !

CHAIRE — Estrade dont les rebords rappellent la margelle d'un puits. Histoire de faire croire que la vérité va en sortir.62

CHAMARRURES — Tout ça, c'est des affaires de livrées.

CHAMBELLAN — Maintenant que ce fonctionnaire ne porte plus de clef dans le dos, c'est lui-même que nous portons sur les épaules63.

CHAMPAGNE — Beaucoup de bruit pour rien.64

CHANTRE — Faut-il, pour vociférer ainsi, qu'il soit convaincu que Dieu est sourd à ses prières !

CHAOS — Regardez autour de vous.

CHAPELET — Dévotion à faux pois.65

CHAPON — Mets cher aux chanoines. Peut-être en souvenir de Fulbert.66

CHARRUE — L'accoucheuse de la terre.

CHARTE — Un parachute que les rois sont toujours les premiers à crever.67

CHARTREUSE — Maison de commerce qui a pour enseigne : AuSaint-Esprit... de vin.68

CHÂSSE — Boîte à amorces pour la pêche aux croyants.69

CHASTETÉ — Substantif beaucoup moins féminin que la grammaire ne se l'imagine.

CHÂTEAU —

CHAUMIÈRE —

[Accolade]

Deux vis-à-vis qui sont toujours sur le point d'entrer en danse.70

CHAUFFEUR — Vestale à vapeur.71

CHAUVE-SOURIS — Avoir des ailes et s'enfermer tout le jour dans un trou. Il me semble voir la poésie réaliste.72

CHEMINÉE — Appareil ingénieux pour chauffer l'intérieur... des murs.

CHER — Bien trouvé par la vénalité amoureuse qui court ! Le même mot pour ce qu'on aime et pour ce qui coûte.

CHEVILLE — S'adapte indistinctement aux pieds de l'homme et aux pieds des vers.

CHICOT — Ruines pour gencives.

CHIFFRES — Les témoins à charge de tout pouvoir personnel.

CHIGNON — On s'en fait un avec tout, même avec ses cheveux.

CHIMÈRE — Que voulez-vous, toutes les cimes se perdent dans la brume.73

CHIMPANZÉ — Un animal qui doit toujours avoir envie d'intenter à l'homme un procès en contrefaçon.74

CHIPER — Voler en taille-douce.75

CHIROMANCIE — Science qui prétend donner raison à la formule : Avoir le cœur sur la main.76

CHIRURGIEN — Un couteau intelligent... ou qui croit l'être.

CHLOROFORME — Ami mortel.77

CHOUANS — La bonne cause, disaient-ils. Eh bien ! elle engendrait de jolis effets !78

CHRÉTIEN — Ne pas voir ultramontain.79

CHUTE — Mot qu'un auteur épèle toujours ainsi : C. h. u. suc... te, cès... Succès.

CICATRICE — Marque de fabrique de la guerre.80

CIEL — ???

CIERGE — Il faut toujours que ça finisse par couler.81

(Un Philosophe.)

CIGUË — Boisson tombée en désuétude, faute de Socrates.82

CIMETIÈRE — L'arithmétique prétend que la division seule peut avoir un reste... Et pourtant le cimetière, c'est le reste de la multiplication.83

CIRCONCIRE — Annexer à la religion juive. Pour la nôtre, on dit : circonvenir.84

CLAQUE — Comme la violette, elle voudrait se dissimuler ; mais, comme elle, elle se révèle par son parfum.85

CLARINETTE — Pour en jouer ainsi tous, il faut que les aveugles s'entendent... Non, au fait, il faut plutôt qu'ils ne s'entendent pas !8687

CLERGÉ — Locataire principal du paradis, qui veut trop gagner sur ses sous-locations.

CLOÎTRE — Bâtiment de Procuste.88

COCHER — Un dilettante qui aime trop l'air de Galathée : Ah ! verse encore...89

COCOTTE — D'où vient cette métaphore du genre gallinacée ? Est-ce de ce que les poules se nourrissent dans le fumier ?90

CŒUR — Expression anatomique.

COLLABORATION — Avez-vous vu deux oiseaux chercher à se becqueter la cervelle ? C'est ça.

COLLÉGE — Établissement où l'on est censé faire des hommes et où l'on ne fabrique que des bacheliers.

COLLISION — Demandez aux gouvernements si ce n'est pas toujours le lapin qui a commencé ?91

COLONISATION — Mot qui n'a jamais été français.92

COMMISSAIRE — Un monsieur qui porte le ventre en écharpe.93

COMMISSIONNAIRE — Notre Mercure Galant. En voilà un dont la médaille n'est pas une médaille de sauvetage !94

COMMUNISTE — Citoyen qui voudrait retourner la devise : l'Union fait la force, et dire : la Force fera l'union.

COMPRESSION — Elle produit juste le même effet sur les ressorts et sur les peuples.

CONCILE — La grève de la raison. 95

CONCORDAT — A saint père souverain et demi.96

CONFÉRENCE — Il y a des modes pour l'ennui comme pour les pantalons.

CONFESSION — Ça me fait toujours penser aux petits trous que les garçons percent dans les portes pour voir ce qui se passe dans les cabinets.97

CONFIDENCE — X..., quand il se servait de l'irrigateur, disait :

— Je vais m'administrer une confidence.

— Pourquoi ?

— Parce que c'est difficile à garder, parbleu !98

CONFRATERNITÉ — Façon d'aimer ses confrères comme on aime les beefsteacks.99

CONGRÈS — Si vis bellum, para pacem.100

CONQUÉRANT — Le mangeur qui parie de manger un dîner de douze couverts à lui tout seul. Il finit toujours par en crever.101

CONSCIENCE — Un chef d'orchestre qui s'agite, mais que ses musiciens mènent.

CONSCRIPTION — La loterie du sang.102

CONSCRIT — Un futur héros qui troquerait bien le bâton de maréchal qu'il a dans sa giberne contre un bâton de voyage pour retourner cheux lui.103

CONSERVATEUR — Un individu qui, plutôt que de réparer sa maison, la laisse s'écrouler.104

CONSERVATOIRE — Établissement où il y a des casseurs de voix, comme il y a des casseurs de pierre sur les routes.

CONSIDÉRATION — C'est le pendant de la santé. On n'en sent le prix que quand on ne l'a pas.

CONSIGNE — Le mandat impératif du troupier.

CONSOLATION — Cataplasme posé sur la douleur d'autrui. Par malheur il ne manque pas de maladroits qui se trompent et prennent de la farine de moutarde au lieu de farine de lin.105

CONSTANCE — On a fait du mot un nom propre, probablement parce qu'il n'est pas commun.

CONSTITUTION — École de viol.

CONSULTATION — Que vouliez-vous qu'il fît contre trois ?...106

CONTRIBUABLE — C'est le pouvoir qui régale et c'est nous qui payons.

CONTRÔLE — Opération qui ne fait peur qu'aux bijoux et aux gouvernements également faux.

CONVALESCENCE — La lune de miel de la santé.

CONVENTION — Elle a cassé des œufs, mais elle a fait : omelette.

CONVERSION — Apostrophez toutes les girouettes, elles répondront : — C'est la faute du vent.

CONVICTION — Change en général quand elle a besoin de monnaie.

CONVOI — Les chemins de fer se sont rendu justice en adoptant ce mot funèbre.107

COPISTE — Un miroir qui heureusement n'est pas forcé de réfléchir.108

COQUETTERIE — La luxure platonique.

COQUlNERIE — On aurait presque envie de dire de nos jours : « Voir Succès. »

CORBEILLE (de la bourse) — Un panier auquel on n'a pas mis d'anse, dans le fol espoir qu'on ne pourrait pas ainsi la faire danser.109

CORBILLARD — Le vrai omnibus110.

CORNES — Est-ce de là, pauvres maris ! qu'est venue l'expression : Être le bœuf ?111

CORRECTION (maison de) — Aussitôt dehors on recommence. Il ne peut pas y avoir correction ; le vice ne relit jamais ses épreuves...112

CORSET — Comme quoi il n'y a pas que Jonas qui ait été victime de la baleine.113

COTON — Rassurez-vous, Madame, je ferai comme si je ne savais rien.114

COUP (d'État) - Mot qui pourrait donner à croire à un étranger que chez nous c'est un état de faire de ces coups-là.115

COUR — Dans une maison, c'est l'endroit qui a le plus souvent besoin d'être balayé. Dans un pays aussi.

COURAGE — L'art d'avoir peur sans que ça paraisse.116

COURONNE — Qualification qui indique qu'un cheval ou un homme ne peut plus rien valoir.117

COURTISAN —

COURTISANE —

[Accolade]

Le double fléau des places publiques.

COUSIN — Parent pour la main gauche, comme disent les morceaux de piano.

COUTURIÈRE — Thomas Vireloque, regardant passer dans son luxe une lionne pauvre, disait l'autre jour :

— Pour pouvoir s'habiller comme ça, faut-il qu'elle se déshabille118 ! 

CRÂNE — Une enveloppe qui ne sait pas ce qu'il y a dans sa lettre.

CRÉANCIER — Un pauvre diable qui malheureusement par son avoir se met trop souvent le doit dans l'œil.119

CRÉATION — Mesdames et messieurs, l'auteur désire garder l'anonyme.120

CREDO — Profession de foi des candidats au Paradis. — Nota. Elle ne sait pas plus ce qu'elle dit que les autres.

CRITIQUE — N'est-ce pas que ça fait un peu l'effet d'un eunuque qui tiendrait des cours de génération comparée.121

CROCODILE — Lézard monté en graine.122

CROASSER — Écrire dans l'Univers.123

CROISADES — Expédition du Mexique du temps. Les beaux résultats produits ont démontré que ce qu'on aurait du se croiser... c'étaient les bras.124

CROIX (d'honneur) — Insigne qui mériterait plus souvent d'être attaché avec une faveur qu'avec un ruban.125

CROQUIS — Les fondations d'un tableau.

CROSSE — Il y en avait jadis de deux sortes : les crosses de fusils et les crosses d'évêques. Depuis Mentana, cela a l'air de ne plus faire qu'un126.   

CROUPIER — Manche de râteau en os... et en chair.

CROÛTE — Dérision ! gémissait un malheureux rapin ; ils disent que je fais des croûtes ; si c'était vrai, j'aurais au moins du pain !

CUIRASSIER — Soldat qu'on enferme dans une rôtissoire pour l'envoyer au feu.

CULTE — Le seul spectacle dont les directeurs fassent toujours leurs frais.

CUMUL — Encore ! encore ! encore !... Tout le foin qu'ils ne peuvent pas manger, ils le mettent dans leurs bottes.

CZAR — Anachronisme en uniforme127.

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « C » parut initialement dans Le Charivari, du 22 septembre au 16 novembre 1869, selon la chronologie et la répartition suivantes : 22 septembre (« Cabaret-Cachet »), 28 septembre (« Cafard-Candidat »), 4 octobre (« Cancan-Carême »), 10 octobre (« Caricature-Cellulaire »), 17 octobre (« Censeur-Charivari), 25 octobre (« Chartreuse-Clergé »), 1er novembre (« Cloître-Communisme »), 11 novembre (« Compression-Conscience »), 12 novembre (« Conscription-Convention »), 16 novembre (« Convoi-Cousin »), 23 novembre (« Crâne-Czar »). S’ajoutèrent, en 1873, en vue de l’édition en volume, des tranches complémentaires (plus de 70 entrées), parues les 3 février (« Cabale-Carnaval »), 7 février (« Carotte-Cuirassier ») et 16 février (« Conservateur-Défunt »). Mais, de la tranche du 3 février 1873, disparaît, dans l’édition en volume, l’entrée « Capon — Nom d’amitié du lâche », comme disparaissent, dans ladite édition, certaines entrées parues en 1869, telles la tonitruante entrée (voir l’« Introduction critique ») « Charivari — Quels artistes et quels rédacteurs ! quel papier ! Un trimestre 20 francs pour les départements, 18 francs pour Paris / Pardon… J’oubliais les primes splendides », et les entrées suivantes : « Charade — Les communiqués du Journal officiel » ; « Chocolatier — Candidat caca-hoté, n’est-ce pas, mon pauvre M. Devinck ? » [industriel, à la tête d’une fabrique de chocolat, et fervent bonapartiste, Jules Devinck avait été vaincu pour la deuxième fois par Thiers aux élections du 23 mai 1869] ; « Colonne — Est-ce à cause de l’Invasion finale qu’il faut être fier en la regardant ? » [Allusion ironique au refrain de la célèbre chanson de Debraux (1818) consacrée à la colonne Vendôme, témoin des victoires napoléoniennes : « Ah ! Qu’on est fier d’être français / Quand on regarde la colonne ! »] ; « Concert — Séance musicale où, chose étrange, c’est le pianiste qui rêve et le public qui dort ». Seront indiquées, au fil du texte, les variantes entre ces différentes parutions.
2[Par Marie Daumont] Critique d’ordre aussi politique avec un jeu sur « sifflet » : les auteurs dramatiques, ici, en fait, les censeurs, critiqués, « sifflés » par Le Charivari, crient au complot (c’est le sens du mot « cabale », qui, en hébreu, désigne la tradition et, plus particulièrement, une interprétation mystique de la Torah) pour mieux lui « couper le(s) sifflet(s) ». Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
3[Par Marie Daumont] Jeu sur l’« eau » des écoles de natation, qui se multiplient à partir de la monarchie de Juillet, et le « vin » des cabarets, accusés d’altérer le discernement des classes populaires. Tout au long du dictionnaire, transparaît une certaine défiance à l’égard du suffrage universel, avec l’idée d’un peuple encore en enfance à éduquer (voir aussi les entrées « Suffrage universel », « Scrutin », « Urne »).
4[Par Marie Daumont] Allusion au panier de la « mère d’actrice », mère factice qui n’a rien d’une mère mais tout de ce que l’on appelle dans les études de mœurs de l’époque, la « marchande à la toilette », qui pourvoit, moyennant finances, en habits et accessoires les actrices débutantes et figurantes (voir, en 1841, dans Les Français peints par eux-mêmes, l’article « La mère d’actrice » de Louis Couailhac, collaborateur du Charivari et auteur, la même année, d’une Physiologie du théâtre, publiée par Aubert, éditeur dudit journal). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
5[Par Marie Daumont] Reprise satirique du jugement d’Alceste sur le sonnet d’Oronte, dans Le Misanthrope de Molière (acte I, scène 2, v. 376) et jeu sur deux sens du mot « cabinet » : chez Molière, un meuble (mais aussi, déjà, le sens de « lieu d’aisance ») et, ici, le cabinet d’un ministre.
6[Par Nathalie Preiss] Dans la version initiale, parue dans Le Charivari du 22 septembre 1869, cette entrée différait, mais pas la teneur de la satire : « Cabinet (de restaurant) — Boudoir de louage ». La nouvelle version apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume. Un cabinet particulier désigne une pièce réservée dans un restaurant où le client peut dîner en galante compagnie, d’où la définition de « seconde chambre », mais aussi, en lien avec l’entrée précédente, satire politique à l’égard du « cabinet du ministre » et de la politique « en chambre » !
7[Par Marie Daumont] Le premier câble télégraphique transatlantique, destiné à accélérer la communication entre l’Amérique du Nord notamment et l’Europe, fut posé en 1858, et fonctionna quelques semaines : il fallut attendre 1869 pour une mise en service satisfaisante de ce nouveau système de communication (voir aussi l’entrée « Télégraphe »). La version initiale de cette entrée, parue dans Le Charivari du 22 septembre 1869, différait : « Plus fort que les ficelles de M. Dennery tout de même », personnalité contre Adolphe Dennery, auteur dramatique prolifique (dans l’argot du théâtre, les « ficelles » désignent des procédés éculés). La nouvelle version apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume, mais Véron n’a pas pris garde au doublon avec la définition de « Télégraphe », entrée parue dans Le Charivari du 9 mars 1872.
8[Par Marie Daumont] Le « cabotin » désigne un acteur qui « fait le cabot », qui a tendance à forcer son jeu, à jouer avec exagération. La version initiale, parue dans Le Charivari du 22 septembre 1869, se présentait ainsi : « Moi artiste dramatique… mais les confrères A…, B…, C… ». La nouvelle version apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
9[Par Marie Daumont] Voiture attelée légère qui comporte souvent une capote amovible. Cette entrée, comme la suivante, apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
10[Par Marie Daumont] Critique des limites à la liberté d’expression, notamment en raison des lois restrictives sur la presse du 6 juillet 1871, avec l’assimilation du mandat d’amener — procédure qui consiste pour la force publique à faire comparaître un individu devant un juge d’instruction — aux lettres de cachet, qui, sous l’Ancien Régime, émanaient du roi et valaient condamnation, sans autre forme de procès.
11[Par Marie Daumont] C’est-à-dire « cauchemarder ». Référence possible, à partir du Cauchemar (1781) de Füssli (qui pèse sur le dormeur), à de nombreuses caricatures du XIXe siècle montrant le pouvoir assailli par le cauchemar de la liberté qu’il a tuée. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
12[Par Marie Daumont] Terme d’origine arabe désignant un incroyant, le « cafard » signifie, à partir du XVIe siècle, un « faux dévot », un « hypocrite » (et, en 1834, dans le langage enfantin, il prend le sens de « rapporteur », de « mouchard »), d’où la référence implicite ici à la comédie de Molière, Tartuffe ou l’imposteur (1669), le type du faux dévot. Après la défaite de Sedan, référence critique aussi à l’alliance du « trône » (celui du Second Empire) et de « l’autel » (l’Église catholique) et du sabre (l’armée) (voir l’entrée « Goupillon »), visée par André Belloguet dans sa caricature d’octobre 1870 intitulée « La Borne-Réaction » (et sous-titrée « Les points noirs »), où une trinité formée par un Jésuite coiffé de son chapeau noir et marqué au dos de l’inscription « Orléans » (l’évêque d’Orléans, Mgr Dupanloup), Bismarck, coiffé de son casque à pointe, et Napoléon III de son bicorne, fait face au cri de « La république ou la mort », avec cette légende : « […] arrière les cafards : goupillons et calottes, / Encensoir, eau bénite, armée de sacristains ; / Vous nous avez valu : les sabres et les bottes […] » [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carqb5291_001.jpg?itok=aJ6bnLwV]. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
13[Par Marie Daumont] Jeu de mot sur deux sens du terme : l’instrument de musique et le tambour de la garde nationale, soldat réputé pour sa prestance et sa minceur ! Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
14[Par Marie Daumont] Parce qu’il s’envole avec la caisse : satire de mœurs ici du monde des affaires, des gérants de société voleurs, sur le modèle de Robert-Macaire (voir les entrées « Actionnaire », « Anticiper », « Blague », « Poche ») qui, dans la pièce du même nom (1835), crée une compagnie d’assurances contre le vol et s’envole avec la caisse en ballon !
15[Par Marie Daumont] Grande caisse montée sur roues, utilisée dans l’armée pour le transport des munitions, des vivres etc. Entrée déjà présente dans Le Charivari du 28 septembre 1869, mais, qui, en 1874, fait figure d'allusion à la réquisition par Thiers, en mars 1871, face au début de l'insurrection qui allait devenir la Commune, des canons, financés par les Parisiens, et destinés à la défense contre les Prussiens.
16[Par Marie Daumont] Parce que fondés sur l’homonymie de deux mots de sens différent : plaidoyer ici pro domo puisque Véron pratique le calembour dans Le Carnaval du dictionnaire, fidèle en cela aux « carillons » du Charivari. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
17[Par Marie Daumont] Référence ici à l’éloge de la calomnie par le dissimulé Bazile, maître de chant de la jeune Rosine, dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais, qui conseille au vieux Bartholo ce procédé pour discréditer son rival en amour, le comte Almaviva. Dans son opéra (1816), adapté de la pièce, Rossini en fera le célèbre « Air de la calomnie ». La métaphore religieuse s’explique par l’accusation d’hypocrisie (voir l’entrée « Cafard ») portée par Véron et la presse d’opposition contre l’Église catholique, incarnée par les Jésuites.
18[Par Marie Daumont] Saillie du gamin de Paris contre les chauves (voir les entrées « Genou » et « Genouillère »). La version initiale, parue dans Le Charivari du 28 septembre 1869, appariait par une accolade « Calotte » et « Calvitie », avec cette définition : « S’adresser à M. Rouher » (Eugène Rouher, fidèle ministre de Napoléon III, au service d’une politique autoritaire, qu’en 1870, dans sa Ménagerie impériale, Hadol, l’illustrateur du Carnaval du dictionnaire, croque en « PERROQUET (Domesticité. Jactance) »). La version nouvelle apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
19[Par Marie Daumont] Allusion possible à l’article fort critique de Hyacinthe Latouche sur la « camaraderie littéraire » (1829), qui fit date. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
20[Par Marie Daumont] Terme d’origine espagnole, la « camarilla » désigne la cour du roi, et, péjorativement, un entourage qui exerce sur lui une influence occulte et souvent néfaste, d’où le jeu sur l’expression « lie du peuple » (au sens propre, le dépôt d’une boisson fermentée, soit les bas-fonds). Est ici visée l’impératrice Eugénie de Montijo, à l’influence certaine, réputée coquette et soucieuse de s’entourer d’une véritable cour, à qui Hadol, l’illustrateur du Carnaval du dictionnaire, prêtera la figure de « LA GRUE (Pose-Bêtise) » (à l’époque, la « grue » signifie tout à la fois « femme bête » et « prostituée ») dans sa Ménagerie impériale (1870), et Alfred Le Petit celle d’une « rose impériale » que les courtisans viennent butiner (voir l’entrée « Rose »).
21[Par Marie Daumont] Parce que le caméléon prend la couleur de son environnement, critique de l’opportunisme politique, qui, dans la version initiale du Charivari du 28 septembre 1869, vise Émile Ollivier considéré par Pierre Véron comme un apostat (voir cette entrée), un rénégat. Mais, dans cette édition de 1874, la définition renvoie aussi à la planche 29 de La Ménagerie impériale (1870) de Hadol, illustrateur du dictionnaire, « Musée des empaillés » où, à côté du crocodile (Magnan), du crabe (Walewski), se tient le caméléon Adolphe Billaut qui, après avoir manifesté, en 1848-1849, des sympathies libérales, devint un instrument fidèle de la politique de Napoléon III, qui l’avait nommé ministre d’État, en 1863, l’année même de sa mort [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10505633m/f39.highres].
22[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Référence au roman d’Alexandre Dumas, La Dame aux camélias (1848), ces « dames » désignant les femmes entretenues (voir la note de la Préface associée à « gommeuses »). Dans la version initiale parue dans Le Charivari du 28 septembre 1869, la définition diffère : « Fleur de proie ». La version nouvelle apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume, Véron ayant fait passer la métaphore dans l’entrée « Tyran — Serin de proie », parue dans Le Charivari du 1er février 1872.
23[Par Marie Daumont] Satire en fait contre l’ensemble des commerçants, accusés de vendre de la « camelotte », de la marchandise de piètre qualité, L’Almanach des 25000 adresses, de Sébastien Bottin, recensant, par ordre alphabétique, toutes les maisons de commerce de Paris. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
24[Par Marie Daumont] Critique récurrente, dans Le Carnaval du dictionnaire, de la guerre associée à une « boucherie », un « carnage » (voir ces entrées).
25[Par Marie Daumont] Satire des marchands de vin parisiens censés faire vieillir vin et eau-de-vie dans des tonneaux en bois exotique de Campêche, alors qu’il ne s’agit que d’eau claire !, témoin l’article paru dans Le Charivari du 5 janvier 1873: « Crime de la science, eau de vie de Paris », et la caricature de Daumier de la série Actualités, parue dans le même journal, le 23 janvier 1844, montrant un sergent de ville vidant les tonneaux d’un marchand de vin, intitulée « UN MD DE VIN CONTRARIÉ DANS SON COMMERCE » et légendée ainsi : « Dites donc…. père Madzinguin… votre bois de Campêche n’empêche pas qu’on ne vide vos tonneaux dans le ruisseau… on a bien raison de dire que l’eau retourne toujours à la rivière ! » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3053968k/f3.highres].
26[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l'édition en volume.
27[Par Marie Daumont] C’est-à-dire qui reste au seuil de la carrière politique sans y jouer de véritable rôle, puisque le claqueur (voir, infra, l’entrée « Claque ») désigne un homme payé pour applaudir ou siffler une pièce de théâtre, jouée par d’autres.
28[Par Marie Daumont] Voir la note associée à ce mot, dans la Préface. 
29[Par Quentin Lamorlette] Allusion à l’expression populaire : « Mettre un coup de canif dans le contrat », qui signifie « rompre ».
30[Par Marie Daumont] Possible allusion à la « Carte drôlatique [sic] d’Europe dressée par Hadol » (l’illustrateur du dictionnaire), en 1870, qui a tout d’une poudrière ! (voir l’entrée « Atlas »)
31[Par Quentin Lamorlette] Dans le langage ecclésiastique, élever au rang de saint : nouvelle critique anticléricale.
32[Par Quentin Lamorlette] Jeu sur le double sens de « rime plate » : dans le vocabulaire de la métrique, rime entre deux vers successifs, et, au sens figuré, rime sans relief, banale.
33[Par Quentin Lamorlette] Jeu grivois sur les expressions « faire la mouche du coche », se vouloir indispensable (en référence à la fable de La Fontaine, « Le Coche et la mouche ») et « manquer le coche », l’occasion, puisque la cantharide est un coléoptère, utilisé, une fois séché et réduit en poudre, comme médicament, aux vertus aphrodisiaques. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
34[Par Quentin Lamorlette] Puisqu’il est chargé de l’entretien de la voirie. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
35[Par Quentin Lomorlette] Critique du capital qui se nourrirait de ses prétendus bénéficiaires, à l’image d’Ugolin, tyran de Pise (xiiie siècle), qui, une fois emprisonné à l’instigation de l’archevêque Ruggeri, aurait mangé ses quatre enfants, morts de faim : Dante le place, aux côtés de son bourreau qu’il dévore, dans le dernier cercle de son Enfer.
36[Par Quentin Lamorlette] Jeu sur l’étymologie latine de « capitale », « caput », tête
37[Par Quentin Lamorlette] Dans le prolongement de l’entrée « Capital », dénonciation du capitaliste-spéculateur qui absorbe le bien de ses actionnaires, tel le brochet, poisson carnassier.
38[Par Quentin Lamorlette] Parce que, selon la formule latine consacrée : « Arx tarpeia Capitoli proxima » (« La Roche tarpéienne est tout près du Capitole »), la faveur populaire, après avoir célébré une gloire sur le Capitole à Rome, est prompte à la faire tomber de la toute proche roche tarpéienne, d’où l’on précipitait les condamnés à mort. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.
39[Par Quentin Lamorlette] Ironie ici à l’égard de l’une des branches de l’ordre mendiant des Franciscains : particulièrement attachés au vœu de pauvreté, les Capucins vivent de l’aumône et doivent donc capter, sinon les héritages, du moins, l’attention.
40[Par Marie Daumont] Digne des « carillons » du Charivari, dont Edmond de Tillancourt (1808-1880), homme politique de Centre-gauche, était dans ce journal l’acteur récurrent (voir l’entrée « Jupon »), calembour sur « soupape de sûreté », système mis au point dans ces années 1870, pour l’évacuation de la vapeur, qui vise ici des cardinaux peu efficaces puisque le pape, à la suite de la chute de Napoléon III, s’était vu privé de ses états et, partant, de son pouvoir temporel (voir les entrées « Accord (bon) », « Crosse », « Saint-Siège », « Temporel (pouvoir) », « Vatican »).
41[Par Marie Daumont] Jeu sur le « Carême », temps de pénitence, avant Pâques, pour les catholiques, et le nom d’Antonin Carême (1784-1833), cuisinier de l’évêque et diplomate Talleyrand-Périgord, pays des truffes, qui donnait de somptueux repas où s’exerçait aussi sa légendaire diplomatie. Lors de l’un d’eux, mémorable, afin de ne pas vexer deux de ses hôtes, qui lui avaient offert chacun un turbot, il fit apporter le premier par un valet qui feignit de faire malencontreusement tomber ledit poisson, et, avec munificence, appela alors un deuxième valet qui apporta le second turbot !
42[Par Nathalie Preiss] C’est bien celle que brandit la Vérité sortant de son puits de la lettrine de Hadol pour cette lettre « C » https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f91.item.texteImage, qui fait signe vers l’affiche de lancement de Grandville pour La Caricature, journal créé en 1830 par Philipon, deux ans avant Le Charivari (voir l’« Introduction critique »).
43[Par Quentin Lamorlette] Critique récurrente d’une vision héroïque de la guerre, avec un jeu sur le « chemin de croix » — stations de la passion du Christ jusqu’à sa mise en croix — et la croix d’honneur obtenue pour de hauts faits militaires (voir l’entrée à ce mot, infra).
44[Par Quentin Lamorlette] Apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume, cette entrée rend hommage au sous-titre de La Ménagerie impériale (1870) de Hadol (voir, supra, les entrées « Camarilla » et « Caméléon ») : La Ménagerie impériale, composée de ruminants, amphibies, carnivores et autres budgétivores qui ont dévoré la France pendant 20 ans.
45[Par Quentin Lamorlette] Très vivace encore au XIXe siècle, le carnaval est synonyme de libération des mœurs et connaît son apogée le Mardi gras avec, notamment, la procession du Bœuf-Gras, et sa fin, le lendemain, le « mercredi des cendres », qui, avec l’imposition de cendres sur le front, marque pour les catholiques l’entrée en Carême. Cette entrée fait son apparition dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, au moment où Véron doit songer au titre de son volume Le Carnaval du dictionnaire, qui, rappelons-le, paraît en octobre 1873..
46[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Parce qu’en argot, la « carotte », terme de jeu, signifie le fait de tromper. Dans la série des Cent-et-Un Robert-Macaire de Daumier et Philipon, Robert-Macaire (voir les entrées « Actionnaire », « Poche ») pratique « la carotte en grand », et Hadol, illustrateur du dictionnaire, publie dans Le Charivari du 1er février 1872 une planche de caricatures, intitulée « Le Royaume des carottes », recensant la carotte de l’employé, la carotte du collégien etc. Dans la première version du 10 octobre 1869, la carotte était tirée par les lorettes du quartier Bréda (voir la note au mot « gommeuses » de la Préface et l’entrée « Barême ») : « S’il ne s’agissait que de cultiver ce légume-là, tous les étages du quartier Bréda prendraient pour enseigne : À la Belle Jardinière » (voir l’entrée « Acclamations »). La nouvelle version, apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume, s’éclaire alors d’autant plus.
47[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Jeu sur la « cartouche » de fusil et sur le nom du célèbre brigand, Louis-Dominique Garthausen, dit Cartouche (1693-1721), souvent associé dans la culture populaire au non moins célèbre contrebandier Louis Mandrin (ils moururent tous deux du supplice de la roue). Absente dans la version du 10 octobre 1869, et apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, cette entrée vise et le conquérant prussien et celui qui a été l’artisan de cette conquête, défaite pour la France, Napoléon III, témoin cette caricature, fondée sur le même jeu de mots, de Napoléon III enchaîné, intitulée : VÉRITABLE PORTRAIT DU CÉLÈBRE MANDRIN COURONNÉ. CELUI QUI A FAIT LE PLUS DE CARTOUCHES EN FRANCE POUR LE ROI DE PRUSSE » [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carg047592_001.jpg?itok=7spfuqZ0].
48[Par Marie Daumont] Allusion aux revenus que pouvait rapporter la construction de fortifications et ouvrages de guerre aux fournisseurs aux armées, mais qui, après la défaite de Sedan, ne sont plus guère d’actualité.
49[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Antiphrase et allusion, puisque cette massue, d’origine fort ancienne, était alors d’actualité : l’on désignait ainsi le bâton des agents de l’ordre que le préfet de police de Paris, Joseph-Marie Pietri (1820-1903), d’où le néologisme, enjoignait à ses hommes d’utiliser sans « hésitation » ni « défaillance » (circulaire de décembre 1867, Grand dictionnaire universel … de P. Larousse, op. cit.). Mais la critique va plus loin avec la référence à la guillotine de la Terreur, associée, tout au long du XIXe siècle, à la tête coupée de Méduse qui pétrifie et qui, ici, « pietrifie » : parue dans Le Charivari du 10 octobre 1869, cette entrée, en 1874, prend tout son éclat avec la caricature de Faustin Betbeder, dit Faustin, intitulée ironiquement « Apothéose » (1870) où, au pied de la guillotine, gisent les têtes coupées de Napoléon III et de son entourage, dont celle de Joseph-Marie Pietri : [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carqb1514_001.jpg?itok=aHRTtmKu].
50[Par Marie Daumont] Parce que la Révolution française de 1789 a mis fin à une société fixe et inégalitaire, fondée sur trois ordres (« castes » et cases de la marelle) distincts : la noblesse, le clergé, le tiers-état.
51[Par Marie Daumont] En argot, un « grec » désigne un tricheur. L’image, anticléricale, vise ici les Jésuites, « casuistes », c’est-à-dire chargés de résoudre les cas de conscience, mais en « s’arrangeant » avec leur conscience et celle des autres, précisément !
52[Par Nathalie Preiss] Cette entrée, comme les deux suivantes, apparaît dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.
53[Par Marie Daumont] Parce qu'il s'agit d'une paralysie complète du corps.
54[Par Quentin Lamorlette] Nouvelle satire anticléricale, puisque les « Guides-Joanne » désignent une collection de guides touristiques, lancée par Hachette, qui, en 1851, s’était associé les services d’Adolphe Joanne, et que « réclame » signifie tout à la fois « article publicitaire » et, dans le vocabulaire ecclésiastique, « partie du répons que l’on reprend après un verset ».
55[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.
56[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Amant potentiel qui part chasser sur des terres qui ne sont pas les siennes. La version initiale, parue dans Le Charivari du 10 octobre 1869, différait: "Un monsieur pas bête qui s'est rappelé que tout croissant, même celui de la lune de miel, finit par deux cornes". Dans la mesure où Véron choisit de faire passer la teneur de cette entrée dans celle d'"Epouse"!, parue dans Le Charivari du 6 mars 1870, il lui substitue cette nouvelle version, apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873.
57[Par Marie Daumont] Tout au long du XIXe siècle, il y eut, en France et en Europe, débat sur les avantages et inconvénients des différents régimes d’emprisonnement : un régime reposant sur le principe d’un isolement des prisonniers, la nuit, et du partage des activités, le jour, et le régime dit « cellulaire », adopté en France en 1836 (à la suite de l’ouvrage que Tocqueville lui consacra au retour de son voyage aux États-Unis où il avait pu l’observer) et supprimé en 1853, reposant sur celui de l’isolement total des prisonniers, jour et nuit. Ce système, que Véron critique ici, fut néanmoins rétabli par la loi du 5 juin 1875.
58[Par Nathalie Preiss] Critique, récurrente dans le dictionnaire, du Second Empire, puisque ce terme désigne un soldat de l’escadron d’élite « Les Cent-Gardes », que Napoléon III avait créé en 1854 pour sa protection personnelle. Il avait été dissous après la défaite de Sedan (4 septembre 1870) : aussi cette entrée n’apparaîtra-t-elle, bien entendu, que dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.
59[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.
60[Marie Daumont] Antonomase inattendue avec le nom de l’un des personnages de la comédie en 5 actes de Victor Sardou (théâtre du Vaudeville, 4 novembre 1865, publiée en 1866 chez Michel Lévy, éditeur de Pierre Véron), La Famille Benoîton : Fanfan, le petit dernier, qui connaît déjà tout de la spéculation à la hausse et à la baisse, et joue à la « petite Bourse » aux timbres-poste, serait l’image du cerneau de noix que l’on sort de sa coque à peine mûr, mais déjà savoureux.
61[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Jeu ici sur le nom de l'opération, par laquelle le général romain, Julius Caesar, était né, et le titre de César attribué ensuite à tous les empereurs romains, et repris par Napoléon Ier et Napoléon III, particulièrement visé ici, puisqu'il avait publié chez Plon, respectivement en 1865 et 1866, les deux premiers tomes d'une Histoire de Jules César (achevée après sa mort, en 1887, par son officier d'ordonnance, Eugène Stoffel). Absente de la tranche alphabétique correspondante du 17 octobre 1869, cette entrée apparaît, après la chute de l'Empire, dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.
62[Par Marie Daumont] Jeu sur l’expression allégorique : « La Vérité sort du puits » et sa manifestation iconographique, reprise par Hadol précisément pour la lettrine de la lettre « C » (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f91.item.texteImage), au service d’une satire anticléricale, puisque c’est du haut de sa chaire que le prêtre prononce son homélie, son sermon, censé délivrer la vérité.
63[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] C’est avec la chute de Napoléon III que s’éteint en effet la charge de grand chambellan, confiée à un grand officier, en l’occurrence le duc de Bassano, qui avait pour fonction suprême le service de la chambre du roi ou du prince, d’où l’ajout à ses armes personnelles, brodées au dos de sa livrée, de deux clés prolongées chacune par une couronne : c’est pourquoi Hadol, l’illustrateur du dictionnaire, représente, dans la planche n° 31 de sa Ménagerie impériale (1870), le « MUSÉE DES EMPAILLÉS », « le chambellan Nero », le chien de Napoléon III !, avec sa livrée « porte-clefs » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10505633m/f41.item.zoom]. La définition donnée ici s’éclaire par le fait qu’en novembre 1869, avait été promulguée une loi contre le cumul de la charge de chambellan et du mandat de député : les 17 « cumulards » concernés avaient présenté leur démission à l’empereur, qui l’avait refusée, et étaient donc à la charge de la nation (voir Éric Anceau, « Les députés chambellans du Second Empire », Revue du souvenir napoléonien, oct-nov. 1997, p. 25-39, en ligne : https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/les-deputes-chambellans-du-second-empire/).
64[Par Marie Daumont] Jeu sur le titre traduit de la comédie de Shakespeare, Much Ado About Nothing (1600). Cette entrée, comme la suivante, apparaît dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume. 
65[Par Nathalie Preiss] Parce que le chapelet est un objet de dévotion (commun à plusieurs religions) qui, dans la confession catholique, se présente sous la forme d’un bracelet constitué de quatre séries de dix grains, que l’on égrène en récitant à chaque fois une prière (par exemple, le « Je vous salue Marie », le « Notre Père », le « Je crois en Dieu »…). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.
66[Par Marie Daumont] Coq castré, le chapon est ici associé à l’histoire d’Abeilard, théologien du Moyen Âge, épris de son élève Héloïse, au grand dam de l’oncle de cette dernière, le chanoine Fulbert, qui le fit castrer (voir aussi l’entrée « Retranchement »).
67[Par Marie Daumont] Allusion à la « charte octroyée » en 1815 par Louis XVIII au peuple français et dont la violation par Charles X fut à l’origine de la révolution de juillet 1830, mais aussi, puisque cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume, possible allusion à la menace du retour du petit-fils de Charles X, le comte de Chambord, que ses partisans, les légitimistes, appelleront, en vain, à régner sous le nom de Henri V, en 1871 et en 1873 (voir l’entrée « Absence »).
68[Par Marie Daumont] Poursuite de la satire anticléricale, omniprésente dans le dictionnaire, visant ici le commerce de la liqueur (leur seule ressource) fabriquée par les moines de la Grande Chartreuse (dont elle tient son nom), d’où le jeu sur « l’esprit de vin », alcool obtenu par la distillation du vin, et le Saint Esprit, l’une des trois personnes de la Trinité divine, pour les chrétiens.
69[Par Marie Daumont] La métaphore appliquée ici à ce réceptacle richement orné contenant les reliques d’un saint participe de la satire, récurrente dans le dictionnaire, du culte grandissant (et payant !) des reliques à l’époque et du culte de l’Église catholique pour les biens matériels (voir l’entrée « Autel »).
70[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Renouvellement de l’expression « entrer en danse », qui signifie « entrer en conflit », par une possible allusion à Giselle (1841), célèbre ballet d’Adolphe Adam où la jeune paysanne, morte de douleur en apprenant que son amant Albrecht est un jeune noble, est vengée par la reine des Willis (les jeunes vierges mortes), mais sauve de cette vengeance son bien aimé Albrecht. Renouvellement redoublé par le fait que la Chaumière désignait un bal public fort célèbre, sis près de l’Observatoire, qui accueillit jusqu’à sa fermeture en 1853 étudiants et grisettes mais aussi jeunes aristocrates (y compris les fils de Louis-Philippe). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.
71[Par Marie Daumont] Jeune vierge préposée à l’entretien du feu sacré dans les temples à Rome, la vestale ici a changé de sexe et désigne le conducteur des trains à vapeur, chargé lui aussi de veiller à entretenir le feu… du charbon.
72[Par Nathalie Preiss] Cette entrée et les quatre suivantes (jusqu’à « Chicot » comprise) apparaissent dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.
73[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.
74[Par Marie Daumont] Nouveau renversement carnavalesque puisque c’est le singe qui est censé contrefaire l’homme (voir aussi l’entrée « Singe »). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.
75[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Allusion aux « dividendes antichipés » de Robert-Macaire, dans la série caricaturale dessinée par Daumier sur des légendes de Philipon parue dans Le Charivari de 1836 à 1838 (voir les entrées « Actionnaire » et « Anticiper »), la « taille douce » désignant la gravure, en creux, notamment au burin, même si, en fait, les planches de la série sont des lithographies, qui ne relèvent pas de la gravure mais du dessin au crayon gras sur pierre. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.
76[Par Marie Daumont] Parce qu'il s'agit d'un art divinatoire qui repose sur la lecture des lignes de la main. 
77[Par Marie Daumont] Utilisé comme anesthésique à partir de 1847, il sera, en 1848, l’instrument du suicide du dentiste américain Horace Wells, qui travaillait sur ses effets, et qui, ainsi anesthésié, se trancha l’artère fémorale. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.
78[Par Marie Daumont] Critique contre les Chouans, Vendéens catholiques favorables à l’Ancien Régime, par un jeu sur le mot « cause », pris dans le sens « d’intérêt à défendre » et dans le sens, logique, de « motif ». Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.
79[Par Marie Daumont] Nouvelle critique contre les chrétiens catholiques favorables au pouvoir temporel du pape et, notamment, contre Louis Veuillot, directeur du journal L’Univers, organe de l’ultramontanisme (voir les entrées « Abêtir », « Antichrétien », « Ultramontain » et « Univers »). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.
80[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.
81[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.
82[Par Marie Daumont] Véron déplore ainsi l'absence de philosophes à l'image de Socrate, que les Athéniens avaient condamné à boire ce poison mortel.
83[Par Quentin Lamorlette] Jeu sur les différents sens de « division » et de « multiplication » et du mot « reste » : les cimetières sont répartis en « divisions » cadastrales, et il faut entendre ici « reste » non au sens arithmétique mais au sens de « relief », « vestige », qui, par définition, dans un cimetière, se multiplie au fil du temps. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.
84[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.
85[Par Marie Daumont] Véritable institution dans les théâtres du temps, formée par les « claqueurs », répartis plus ou moins discrètement dans la salle, et chargés, contre rétribution, d’applaudir ou de huer, et qui, issus des classes pauvres (voir aussi l’entrée « Applaudissements »), étaient réputés justement « ne pas sentir la violette » !
86[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.
87[Par Marie Daumont] Parce que ces joueurs de clarinette désignent en fait des mendiants aveugles qui ne savent pas en jouer. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.
88[Par Marie Daumont] De même que les victimes du brigand Procuste sont soumis à l’amputation de leurs membres (d’où l’expression le « lit de Procuste » : voir l’entrée « Analytique »), de même, en entrant dans la vie monastique, le moine est soumis à « l’amputation capillaire » de la tonsure.
89[Par Marie Daumont] Jeu sur deux sens du mot « verser » : « se renverser » et « verser à boire », à partir des fameux vers de l’opéra-comique en 2 actes, Galatée (1852, livret de Michel Carré et de Jules Barbier, musique de Victor Massé), où la statue de Pygmalion, Galatée, très animée ! et enivrée de vin de Chio implore : « Ah ! verse encore ! / Vidons l’amphore ! », d’où la métaphore de « dilettante », « amateur [au sens de connaisseur] de musique », appliquée au cocher.
90[Par Marie Daumont] En argot, métaphore animale (le genre des gallinacés, de « gallus », « coq » en latin, comprend les poules, coqs, pintades…) appliquée sous le Second Empire aux femmes entretenues ; elle est alors en concurrence avec « biche », « chameau », « girafe » (voir la note de la Préface au mot « gommeuses »).
91[Par Nathalie Preiss] Expression consacrée utilisée pour se dédouaner d’un coup de force, le lapin étant présenté comme un animal agressif et provocateur contre lequel il faut se défendre ! Répétition de l’histoire : dans le numéro du journal Le Don Quichotte du 30 avril 1887, Charles Gilbert-Martin intitule « C’est le lapin qui a commencé ! » une caricature montrant, avec Bismarck en observateur, des molosses allemands fondant sur un lapin pris au piège, à la fontière franco-allemande, avec cette explication : « Ils l’ont fait tomber dans un piège / Ils l’ont presque assommé de coups, / En disant : “Que Dieu nous protège / Et que Bismarck soit avec nous !” / Et par ce guet-apens stupide / Si le bon sens est renversé, / Ils répondent d’un air candide : / “Le lapin avait commencé !” » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7124411m/f1.highres].
92[Par Marie Daumont] Antiphrase bien entendu, étant donné la colonisation de l'Algérie depuis 1830, puis, sous le Second Empire, celle de l'Afrique de l'Ouest (le Sénégal notamment, avec la création des contingents de tirailleurs sénégalais au service de la France), et, en Asie et dans le Pacifique, celle la Cochinchine (actuel Sud Vietnâm), de la Nouvelle Calédonie et de la Polynésie.
93[Par Marie Daumont] Dans la caricature du temps, celui qui est chargé d’une fonction officielle (et plus ou moins grassement payé pour cette « commission ») est précisément « chargé » d’un ventre proéminent, où s’étalent ruban ou écharpe, témoins de ses fonctions, d’où le renouvellement de l’expression « porter son cœur en écharpe ».
94[Par Nathalie Preiss] Jeu sur le nom du journal, le Mercure galant, fondé en 1672, qui le tenait de celui du dieu romain du commerce et des voyages, et possible allusion à l’imprimeur d’Alphonse Lemerre et de Michel Lévy frères, éditeur de Véron, Jules Claye, qui, en 1867, avait obtenu à l’Exposition universelle une médaille d’or (pour un nouveau procédé de stéréotypie), puisque cette entrée, apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume, remplace, semble-t-il, l’entrée « Imprimeur : Le commissionnaire de la pensée », parue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, et disparue dans l’édition en volume.
95[Par Marie Daumont] Satire anticléricale contre le concile Vatican I (1868) où fut élaboré le dogme de l’Infaillibilité pontificale (voir aussi l’entrée « Agent »).
96[Par Quentin Lamorlette] Poursuite de la satire avec cette allusion au Concordat de 1801, accord établi par Bonaparte alors premier consul (il sera aboli en 1905 avec la séparation de l’Église et de l’État, sauf en Alsace-Lorraine alors encore annexée par l’Allemagne), entre la France et le pape, aux termes duquel ce dernier doit partager son autorité avec l’État français (à propos de la nomination des évêques, par exemple), d’où le jeu sur l’expression « À malin, malin et demi » (on trouve toujours plus malin que soi).
97[Par Marie Daumont] Critique anticléricale avec cette comparaison entre le cabinet d’aisance et le confessionnal.
98[Par Marie Daumont] Parce qu’un « irrigateur » est une poire à lavement, un « clysopompe » (voir l’entrée, infra, à ce mot). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.
99[Par Marie Daumont] Antiphrase car on peut  peut aimer le beefsteack saignant!
100[Par Marie Daumont] Inversion de l’expression latine : « Si vis pacem, para bellum » (si tu veux la paix, prépare la guerre), typique de la logique d’inversion carnavalesque du Charivari, liée ici à la paix très armée signée avec la Prusse le 10 mai 1871 (annexion de l’Alsace-Lorraine, occupation du territoire jusqu’au paiement de l’indemnité de guerre de 5 milliards…)
101[Par Marie Daumont] Dans le prolongement des entrées précédentes, attaque contre le roi de Prusse, Guillaume Ier, représenté en « Guillaume le boucher » par André Belloguet dans sa série Pilori-Phrénologie [.
102[Par Marie Daumont] Instituée en 1798, la conscription consistait à réquisitionner, en temps de guerre, tous les jeunes hommes à partir de 20 ans, l’effectif de l’armée régulière étant insuffisant. Dès la Restauration, elle fut « amendée » par un tirage au sort : n’étaient requis pour la guerre, toujours associée par Véron au carnage (voir les entrées « Assaut », « Boucherie »…), que ceux qui avaient tiré un mauvais numéro, d’où la métaphore de la « loterie », ou n’avaient pu payer « un homme », c’est-à-dire un remplaçant (voir l’entrée à ce mot et l’entrée « Hanches »).
103[Par Marie Daumont] Voir l'entrée précédente.
104[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l'édition en volume.
105[Par Marie Daumont] Emplâtre destiné à guérir ou prévenir une infection, le cataplasme à la farine de moutarde « attaque » le mal avec plus de vigueur que celui qui est fabriqué avec de la farine de lin.
106[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Réplique de Julie, justifiant, contre son père indigné, la fuite feinte de son frère Horace devant les trois Curiaces, dans la tragédie de Corneille, Horace (1640), et utilisée ici contre la « consultation contradictoire » en médecine, qui consiste à mettre en lice trois médecins en cas de diagnostic difficile : en effet, la question de Julie entraîne cette réponse définitive du vieil Horace : « Qu’il mourût ! ». C’est précisément le cas pour Raphaël de Valentin, soumis à trois médecins, dans La Peau de chagrin de Balzac.
107[Par Marie Daumont] Satire des accidents de chemins de fer par un jeu sur le sens, ferroviaire, d’« ensemble de wagons » et sur le sens, funéraire, de « corbillard » (voir aussi, infra, l’entrée à ce mot).
108[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.
109[Par Marie Daumont] Depuis 1855, la « corbeille » désigne métaphoriquement, à la Bourse, l’espace circulaire où se trouvent les agents de change (Dictionnaire historique…, A. Rey dir., op. cit.) : belle occasion de renouveler ici l’expression, « faire danser l’anse du panier », soit « dépenser sans compter » !
110Souvenir de la série lithographique de Grandville, Voyage pour l’éternité (1830), variation sur le motif de la danse macabre, dont la couverture représente un corbillard-omnibus, dans lequel la mort invite à monter, surmonté de ce titre : Voyage pour l’éternité. Service général des omnibus accélérés. Départ à toute heure et de tous les points du globe. [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carg008601_rec_001.jpg?itok=CPzjOxQ2].
111[Par Marie Daumont] Jeu sur l’expression « faire des cornes à », « faire cocu », et la formule « être le bœuf », qui signifie en argot « travailler pour rien » (Lorédan Larchey, Dictionnaire historique d’argot, op. cit.), que Véron lie au fait que cet animal, castré, ne peut rendre la pareille (voir les entrées « Biche » et « Bœuf ») ! Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.
112[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l'édition en volume.
113[Par Marie Daumont] Jeu sur deux sens du mot « baleine » qui désigne ici et la tige métallique glissée dans les corsets et l’animal qui, selon l’épisode biblique du Livre de Jonas, engloutit le prophète Jonas, qui s’est soustrait à la mission que Dieu lui a confiée.
114[Par Marie Daumont] Allusion satirique au coton qui compense les décolletés peu avantageux (voir aussi les entrées « Appas » et « Sein »).
115[Par Marie Daumont] Jeu de mots sur « état », qui vise le coup d’État de Bonaparte du 18 Brumaire an VII (1799), devenu Napoléon Ier le 2 décembre 1804, et celui de son neveu, Louis-Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851, devenu, le 2 décembre 1852, Napoléon III.
116[Par Marie Daumont] Déjà présente dans la tranche alphabétique correspondante du 16 novembre 1869, cette entrée, conservée pour l’édition en volume, participe à la critique récurrente de Véron contre l’absence de courage des généraux français, notamment lors de la guerre de 1870 et le siège de Paris (voir notamment les entrées « Retirer (se) » et « Riz »).
117[Par Marie Daumont] Parce qu’une couronne désigne la cicatrice d’un cheval blessé et qui ne peut donc plus concourir, satire ici de la monarchie défunte, incarnée par le comte de Chambord, caricaturé par André Gill monté sur un cheval fourbu (voir l’entrée « Absence »).
118Allusion au titre de la série de Gavarni, Les Propos de Thomas Vireloque (parus dans Œuvres nouvelles, publiées par l’éditeur du Carnaval du dictionnaire, Michel Lévy frères, en 1855) et à celui de l’ouvrage de Jules Lermina (1868), qui le reprend, consacrés à ce Diogène du peuple qui ne mâche pas ses mots et qui vise ici la « lionne », la femme élégante, « femelle du lion », mot importé d’Angleterre en 1840, avec un sens proche de celui de « dandy » (autre importation anglaise), auquel, en 1842, Félix Deriège avait consacré une Physiologie du lion. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l’édition en volume.
119[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Renouvellement du cliché : « se mettre le doigt dans l’œil », « se tromper », puisque l’« avoir » désigne la « partie positive d’un compte, opposée à « doit » (Dictionnaire historique…, A. Rey dir., op. cit.), et qu’en l’occurrence, un créancier dépend bien de ce que lui « doit » le débiteur, souvent sans avoir !
120[Par Marie Daumont] Sur le mode du salut de l’auteur au public lors de la création d’une pièce de théâtre, allusion à l’anonymat qui préserve de la censure sur les théâtres et les journaux, mais aussi satire contre la Création divine, dans la même veine que l’entrée « Credo », ces entrées étant toutes deux apparues dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l’édition en volume.
121[Par Quentin Lamorlette] De même que l'eunuque, physiologiquement incapable de procréer, pourrait difficilement se prononcer sur le sujet, de même, la critique, incapable de créer, serait  incompétente pour juger des mérites de la création littéraire et artistique.  
122[Par Quentin Lamorlette] Parce qu’en argot, un « lézard » désigne un voleur de chiens, et le « crocodile », un usurier : il y a progression dans la hiérarchie du vol ! Cette entrée, absente de la tranche alphabétique correspondante du 23 novembre 1869 comme des tranches complémentaires des 7 et 16 février 1873, n’apparaît qu’avec l’édition en volume.
123[Par Marie Daumont] Nouvelle attaque contre le journal ultramontain de Veuillot, L’Univers (voir les entrées « Abêtir », « Antichrétien », « Chrétien », « Ultramontain », « Univers »), avec la métaphore, courante dans le discours anticlérical textuel et visuel, du corbeau qui croasse, appliquée aux Frères de la doctrine chrétienne, en raison de leur robe noire, et, plus largement, aux hommes d’Église, accusés d’obscurantisme.
124[Par Marie Daumont] Parce que l’expédition du Mexique, entreprise de 1861 à 1867 par Napoléon III, visait à y instituer, contre les libéraux soutenus par les États-Unis, un souverain européen et catholique, favorable à la France, en la personne de l’archiduc autrichien Maximilien de Habsbourg, mais s’était soldée par l’exécution de ce dernier le 19 juin 1867 et la mort de milliers de soldats français (voir aussi l’entrée « Aventure »).
125[Par Marie Daumont] Par un jeu sur le double sens de « faveur » (identique à celui de l’entrée « Hochet »), qui désigne tout à la fois un avantage indu et un ruban, critique du favoritisme aux dépens du mérite dans l’obtention de la croix de la Légion d’honneur (voir aussi les entrées « Dignité » et « Honneur »).
126[Par Quentin Lamorlette] Allusion à la victoire des troupes pontificales, soutenues par la garnison française protégeant les états du pape, le 3 novembre 1867, à Mentana, contre les troupes républicaines de Garibaldi. Apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume, cette entrée dénonce l’alliance du sabre et du goupillon favorisée par Napoléon III et poursuivie par le président de la république Mac-Mahon, ultramontain (voir l’entrée à ce mot), partisan du pouvoir temporel du pape.
127[Par Quentin Lamorlette] Allusion au régime autocratique du tsar de Russie, Nicolas Ier, défait lors de la guerre de Crimée (1854-1855), gagnée par la France, et mort un avant le traité de Paris (1856) qui l’achevait. Cette entrée, présente dans la tranche alphabétique correspondante du 23 novembre 1869, et conservée dans cette édition de 1874, vise aussi son successeur, Alexandre II, apparemment plus libéral, mais qui, à la suite de la défaite de Sedan et de la chute de Napoléon III, poursuivit l’anachronisme, avec, notamment, la remilitarisation de la Mer noire.

D

Lettrine D :  

1DAGUERRÉOTYPE — Une glace qui a de la mémoire.2

DAMNATION — Les travaux forcés à perpétuité pour avoir secoué un tapis par la fenêtre, comme pour avoir assassiné une personne, voilà la justice distributive du catholicisme.

DANSE — Chose presque aussi désagréable à voir qu'à recevoir.3

DATE — Quelle est la femme d'esprit vieillie qui disait, en parlant de son acte de naissance : Mon état incivil ?4

DÉBUT — Le frère siamois de l'émotion.

DÉCADENCE — Hier pour Aujourd'hui. Aujourd'hui pour Demain... Et ainsi de suite... Au fond vous savez que ça n'est pas vrai du tout ?

DÉCENCE — Une ancienne mode.

DÉCEPTION — Le recul de l'espérance.

DÉCÈS — C'est une idée si agréable, qu'on a éprouvé le besoin d'avoir un tas de mots pour l'exprimer : Décès, mort, trépas...

DÉCHÉANCE — Le mot de la fin des peuples.

DÉCLAMATIONS — Les discours du parti auquel on n'appartient pas.

DÉCLARATION (de guerre) — Cartel portant que ce seront les témoins qui se battront pour les princes qui se sont querellés.5

DÉCLARATION (d'amour) — Passons... je n'entends rien à la comptabilité.

DÉCOLLETER (se) — Ô appas âgés pourquoi répétez-vous tous, comme un mot d'ordre : — C'est le moment de nous cacher, montrons-nous !6

DÉDAIN — Les échasses de l'orgueil.

DÉFECTION — Sic itur ad astra.7

Demandez à tous les traîtres de vous traduire ça.

DÉFUNT — Une qualité qui donne immédiatement toutes les autres.8

DÉGAINER — Habitude qui tend vraiment trop à devenir une seconde nature.9

DÉGRAFER — Ouvrir une prison où il n'y a souvent pas de prisonniers.

DÉISME — À supposer que...10

DÉLIVRER — Opération qui expose quelquefois à avoir affaire à des peuples qui vous répondent comme Mme Sganarelle : « Et s'il me plaît d'être battu ! »11

DÉLUGE — Incident qui a donné raison au proverbe : Laver son linge sale enfamille.12

DÉMAGOGUE — Un homme qui ne songe pas que les indigestions amènent la diète.

DEMAIN — L'homme masqué des luttes de la vie.13

DÉMÉNAGEMENT — Dire que dans les plaies d'Égypte on avait oublié celle-là !14

DEMI-MONDE — Est appelé ainsi parce que l'homme y manque de moitié.

DEMOISELLE — Si ça a de la malice !... Est-ce qu'on ne parle pas toujours du fil de la vierge.15

DÉMOLITIONS — Qui a frappé par la pioche périra par la pioche.

(Évangile selon Haussmann.)16

DÉMON — Il y a comme ça des tas de fausses nouvelles !...

DÉNOUEMENT Au théâtre, c'est le public, en politique ce sont les balles qui choisissent ce moment-là pour siffler.

DENTS — Mme X..., qui est affligée de dents d'un noir d'ébène, ne rit jamais, de peur d'ouvrir la bouche. D'où ce propos de Z. :

— Ce n'est pas étonnant qu'on boude, quand on n'a que des double-six.17

DÉPÊCHE (télégraphique) — Un moyen de faire des réclames à la célérité... de la poste.18

DÉSARMEMENT — Le contraire de Petit-Jean. Ce qu'il sait le moins, c'est son commencement.19

DÉSHONNEUR — Un bon placement, à ce qu'il paraît.

DÉSIR — Voyage incognito sous le nom de l'amour.20

DESPOTE — Un homme qui professe pour ses contemporains un mépris que la postérité lui rendra.

DESTINÉE — Un livre dont les pages ne sont pas coupées.21

DEUIL — On doit avoir choisi le noir parce que c'est la couleur qui va le mieux au teint.

(Pensée d'une anonyme.)

DEVOIR — (le) — Substantif masculin. (Peu usité.)

DIABÈTE — Ce qui peut s'appeler raffiner la maladie !22

DIABLE — Puisque ça fait aller leur commerce !23

DIADÈME — Et l'almanach prétend que le carnaval ne dure que trois jours !24

DIAPASON — La fourche caudine de la musique.25

DIAMANTS — Ce ne sont pas ces dames qui se plaignent quand on jette de ces pierres-là dans leur jardin.

DICTATEUR — Ça signe sauveur, mais l'histoire s'obstine presque toujours à lire sauteur.

DIEU — Ni vu, ni connu !...

DIGESTION — Puisse-t-elle ne jamais vous faire penser au vers :

Triste retour, monsieur, des choses d'ici-bas26 !

DIGNITÉ — Un mot dont le singulier et le pluriel n 'ont jamais pu se mettre d 'accord.27

DIMANCHE — Jour où, sous prétexte de se reposer, on se rend malade pour toute la semaine.

DIPHTHONGUE — Deux voyelles qui parlent à la fois.28

DIPLOMATIE — Loyauté à double fond.

DISCIPLE — Avez-vous vu ces miroirs qui déforment la figure quand on se regarde dedans ? Voilà.

DISCIPLINE — Vous lui donnez un homme, elle vous rend une machine.

DISCORDE — Locataire principale du théâtre de Versailles.29

DISCOURS — Que voulez-vous ! c'est le seul inconvénient de l'éloquence.30

DISPENSES — Prix courants du salut.31

DIVIDENDE — Actionnaire, rappelle-toi saint Thomas. Il demandait à toucher avant de croire.32

DIVORCE — Les autres condamnés à perpétuité ont bien l'amnistie en perspective.33

DOCTEUR — Un chasseur pour qui la chasse est ouverte toute l'année.34

DOGME — Je n'en sais rien, donc j'en suis sûr.35

DOIGT (de la providence) — Au lieu de nous montrer partout ce fameux doigt, il me semble qu'elle ferait mieux de nous tendre la main.36

DOMESTIQUE — Maladie interne.

DOT — Remède externe.37

DOUTE — A-t-il été assez exploité par les religions ! Dame ! par un grand brouillard, on s'attache au bras du premier guide venu.38

DRAPEAU — Ce que c'est pourtant que les conventions !... Entrer dans une boutique et dire : « Donnez-moi trois mètres cinquante d'étoffe pour me faire une patrie !39

DROIT — Un synonyme de Force.40

DUEL — À preuve...41

DYNASTIE — Ce qui s'appelle compter sans son hôte.42

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « D » parut initialement dans Le Charivari, du 3 décembre 1869 au 1er janvier 1870, selon la chronologie et la répartition suivantes : 3 décembre (« Damnation-Dégrafer »), 5 décembre (« Déisme-Dépêche »), 23 décembre (« Désarmement-Dieu »), 25 décembre (« Dignité-Drapeau »), 1er janvier 1870 (« Droit-Dynastie »). S’ajoutèrent, en vue de l’édition en volume, deux tranches complémentaires : « Conservateur-Défunt », et « Demain-Entremetteur », parues respectivement dans les numéros du 16 février et 21 février 1873. Les variantes entre ces différentes parutions seront indiquées au fil du texte.
2[Par Marie Daumont] En effet, ce procédé photographique, mis au point, de 1813 à 1829, par Niepce et Daguerre, permettait de fixer les images de la chambre noire sur des plaques d’argent sensibilisées à la vapeur d’iode. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l’édition en volume.
3[Par Marie Daumont] Parce que, dans l’argot populaire, la « danse » est synonyme de coups reçus, de mauvais traitements. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l’édition en volume.
4[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l'édition en volume.
5[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Entrée déjà présente dans la version originale parue dans Le Charivari du 3 décembre 1869, elle prend, après 1870, tout son sens avec cette utilisation du vocabulaire du duel (un cartel désigne la lettre de provocation au duel de l’offensé à l’offenseur), parfaitement adapté à la déclaration de guerre de la France à la Prusse (à la suite de la dépêche d’Ems du roi de Prusse Guillaume Ier: voir l’entrée « Accordéon »), prononcée le 17 juillet 1870 devant l’Assemblée, par le ministre de Napoléon III, Émile Ollivier, d’un « cœur léger » - fâcheuse expression que, dès lors, la caricature ne cessera de lui associer (voir l’entrée « Arlequin »).
6[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l'édition en volume.
7[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Locution latine qui signifie « Ainsi atteint-on les astres » (la gloire). La version initiale, parue dans Le Charivari du 3 décembre 1869, diffère, avec cette « personnalité » (attaque ad hominem), à la suite de la citation : « Demandez à M. Ollivier de vous traduire ça ». Républicain devenu député bonapartiste en mai 1869 et ministre de Napoléon III, il est l’image du traître par excellence pour Le Charivari, qui, en 1869, mène campagne contre lui (voir les entrées « Accommodant », « Ailes », « Apostat », « Arlequin »). Avantage de l’allusion sur la personnalité, dans cette édition de 1874, après la guerre franco-prussienne, sont visés aussi ici les maréchaux Bazaine (qui sera condamné) et Trochu, dont la capitulation devant la Prusse, qui à Metz, qui à Paris, fit figure de trahison (voir aussi les entrées « Apostasie » et « Apostat »).
8[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l'édition en volume.
9[Par Marie Daumont] Critique antimilitariste qui condamne la position systématiquement belligérante de la France.
10[Par Marie Daumont] Dans la version initiale parue dans Le Charivari du 5 décembre 1869, autre formulation, mais même scepticisme : « Autre hypothèse ».
11[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Allusion probable à l’expédition du Mexique (voir l’entrée « Aventure »), décidée par Napoléon III et destinée à prétendument « délivrer » ce pays de l’influence libérale des États-Unis et à lui imposer un empereur européen et catholique, l’archiduc Maximilien d’Autriche, mais en vain, puisqu’il sera exécuté le 19 juin 1867 et les troupes françaises, défaites, par un pays qui semble dire à son supposé sauveur, comme Martine, la femme de Sganarelle battue par son mari, dans Le Médecin malgré lui de Molière : « Il me plaît à moi d’être battue » (acte I, scène 2) !
12[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Allusion à l’épisode de La Genèse (7-9) où Yahvé, confronté à la corruption du monde, le plonge sous un déluge destructeur de quarante jours, non sans avoir auparavant enjoint à Noé de construire une arche, symbole d’alliance, pour y recueillir sa famille — d’où le renouvellement de l’expression « laver son linge sale en famille », régler ses problèmes entre soi (d’autant plus qu’à l’issue du déluge, Noé entre en conflit avec son fils Cham) — ainsi que tous les êtres animés, en vue d’un nouvel ordre du monde.
13[Par Marie Daumont] Parce que, selon l’expression consacrée : « On ne sait pas de quoi demain sera fait ». Apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume, cette entrée évoque, entre autres, la guerre franco-prussienne de 1870.
14[Par Marie Daumont] Référence au passage du Livre de l'Exode, dans l’Ancien Testament, où, devant le refus réitéré de Pharaon de délivrer les Hébreux guidés par Moïse, qu’il retient prisonniers, Yahvé le soumet à d’épouvantables fléaux, les dix « plaies d’Égypte », devenue expression consacrée, synonyme de « grands malheurs ».
15[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Métaphoriquement, le fil de la vierge désigne l’un de ces fils blancs et légers tissés par les araignées en automne : il est pris ici au sens propre, avec une valeur antiphrastique, puisque les demoiselles visées sont les « demoiselles de magasin », couturières et modistes qui confectionnent et vendent des articles de mode, et qui, réputées femmes faciles et habiles à attirer le chaland, n’ont rien de la vierge ingénue et tout de la maligne jeune fille (l’on pense, dans un autre contexte, à « La Maline » de Rimbaud) !
16[Par Marie Daumont] Variation parodique sur la phrase du Christ, dans l’Évangile, à l’un de ses compagnons, qui, de son glaive, tranche l’oreille du serviteur du Grand Prêtre, venu avec d’autres l’arrêter, à l’instigation de Judas : « Rengaine ton glaive ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive » (Matthieu, 26, 52). Est visé ici le préfet de la Seine, le baron Haussmann, instigateur, sous le Second Empire, de grands travaux visant à moderniser, aérer Paris, au prix de nombreuses démolitions (voir les entrées « Artères », « Assainissement », « Avenue »).
17[Par Marie Daumont] Métaphore argotique empruntée au jeu de dominos — le double-six désignant le domino qui comporte le plus de pois noirs - et s’appliquant ici aux dents gâtées ; métaphore filée puisque « bouder au dominos » signifie, en argot, « passer son tour ». Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume.
18[Par Marie Daumont] Jeu sur le verbe « se dépêcher » et le déverbal « dépêche », nouvelle officielle transmise par le télégraphe (1800), qui, depuis le début du XIXe siècle, s’était perfectionné en fiabilité et rapidité (voir aussi les entrées « Câble » et « Télégraphe »).
19[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Présente dans la version initiale, parue dans Le Charivari du 23 décembre 1869, cette entrée visait les débats de cette année-là sur le désarmement, appelé, en vain, par les pacifistes, tel Gambetta, avec cette référence à la comédie de Racine, Les Plaideurs (1668), où le portier Petit-Jean s’improvise avocat et déclare : « Ce que je sais le mieux, c’est mon commencement » (acte II, scène 3). En 1873, date de la parution du dictionnaire en volume, dans le contexte de l’après-guerre franco-prussienne et de l’annexion de l’Alsace-Lorraine, la définition de 1869 est plus que jamais d’actualité.
20[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.
21[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.
22[Par Marie Daumont] Jeu sur le sens figuré et sur le sens technique de « raffiner » (purifier) le sucre, puisque le diabète se manifeste par un taux trop élevé de sucre dans le sang. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume.
23[Par Marie Daumont] Critique anticléricale contre l’Église qui joue sur la peur du diable, de l'Enfer, pour inciter les fidèles à chercher le salut en son sein.
24[Par Marie Daumont] Allusion charivarique aux prétentions au trône, depuis l’avènement de Louis-Philippe (à l’issue précisément de trois journées révolutionnaires : les « Trois Glorieuses », 27-28-29 juillet 1830), Bourbon de la branche cadette, du comte de Chambord, Bourbon de la branche aînée, petit-fils de Charles X, appelé à régner sous le nom de Henri V pour ses partisans légitimistes, et vu ici comme un roi de carnaval. Cette entrée figure dans la version du Charivari du 23 décembre 1869 et prend dans l’édition de 1874 tout son sel, puisque, après la défaite de Sedan, les légitimistes ont cru par deux fois au retour du comte de Chambord, définitivement compromis, le 27 octobre 1873, par son refus du drapeau tricolore (voir les entrées « Absence », « Absent », « Drapeau », « Rétablir »).
25[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] En forme de fourche, le diapason, qui mesure l’échelle des sons, indique et donne le la aux instrumentistes, qui doivent s’y conformer, sous peine de cacophonie, d’où le jeu avec l’expression « passer sous les Fourches Caudines », c’est-à-dire, « se soumettre au joug de, s’humilier devant », en référence au célèbre épisode de l’histoire romaine, en 321 av. J.-C., où l’armée romaine, bloquée par les Samnites dans le défilé des Fourches Caudines, dut subir l’humiliation d’avancer devant ses vainqueurs, les mains liées derrière le dos. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume.
26[Par Marie Daumont] Variation parodique sur la réplique de Dorine dans Tartuffe de Molière : « Juste retour, monsieur, des choses d’ici-bas ; / Vous ne vouliez pas croire, et l’on ne vous croit pas. » (acte 5, scène 3). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume.
27[Par Marie Daumont] Par ce jeu sur le singulier et le pluriel, critique récurrente, dans le contexte de la défaite devant la Prusse, contre les marques officielles de la gloire militaire et l’absence de véritable titre à cette gloire (voir l’entrée « Croix (d’honneur) »)
28[Par Marie Daumont] Parce qu'elles se prononcent simultanément.
29[Par Quentin Lamorlette] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume, elle vise l’Assemblée nationale qui, après s’être réfugiée à Bordeaux, à la suite de la défaite de Sedan, n’avait pu revenir à Paris en raison de la Commune (mai 1871) et avait alors élu domicile à l’Opéra royal du château de Versailles, théâtre, à tous égards !, de vifs débats, à propos notamment de la nature du gouvernement (monarchie, république ?) (voir les entrées « Babil » et « Babel »).
30[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.
31[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Satire anticléricale récurrente contre notamment les « Indulgences » (voir aussi l’entrée à ce mot), qui, à l’origine, désignent une remise, une dispense d’une pénitence imposée par l’Église, puis une intercession auprès de Dieu (Encyclopedia universalis), par les autorités ecclésiastiques pour la remise des péchés : « payantes » à tous égards !, elles étaient accordées à une époque donnée (jubilés, fêtes liturgiques), d’où la métaphore du « prix courant », c’est-à-dire lié à une période donnée, à la différence du « prix constant ».
32[Par Quentin Lamorlette] Critique récurrente du monde des affaires et des actionnaires bernés par les Robert-Macaire aux dividendes « antichipés » (voir les entrées « Actionnaire » et « Anticiper »), avec un jeu sur la déclaration de l’incrédule saint Thomas, après la résurrection du Christ : « Si je ne vois à ses mains la marque des clous, si je ne mets le doigt dans la marque des clous et si je ne mets la main dans son côté, je ne croirai pas. » (Jean, 20, 25-26).
33[Par Marie Daumont] Si les Communards condamnés à mort bénéficieront d'une amnistie en 1880, les époux condamnés au mariage devront attendre 1884 pour que le divorce, aboli en 1816, soit rétabli.
34[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.
35[Par Marie Daumont] Allusion satirique anticléricale à la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception (1865) et du dogme de l’Infaillibilité pontificale (proclamé le 18 juillet 1870, à l’issue du Concile Vatican I réuni en décembre 1869) : voir aussi les entrées « Agent » et « Infaillibilité ».
36[Par Marie Daumont] Poursuite de la satire avec le jeu sur l’expression « tendre la main » et sur la formule biblique, dès lors renouvelée, « le doigt de Dieu », c’est-à-dire la manifestation de la volonté divine dans la création tout entière, jugée ici d’une aide toute relative ! Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume.
37[Par Marie Daumont] Parce qu’il s’agit des biens, mobiliers ou immobiliers, que la future mariée peut apporter au ménage lors du mariage, et qui viennent donc compenser certains maux domestiques, la ruine du futur époux, par exemple !
38[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume, qui poursuit la critique anticléricale des entrées « Doigt », « Dogme ».
39[Par Quentin Lamorlette] Déjà présente dans la tranche alphabétique correspondante parue dans Le Charivari du 25 décembre 1869 (voir l’entrée « Apostat »), cette entrée prend dans cette édition de 1874 un nouveau relief, après l’échec des tentatives de Restauration de la branche aînée des Bourbons, lié à la question du choix de la couleur du drapeau, hautement symbolique : le comte de Chambord avait refusé par deux fois, en 1871 et en 1873, de troquer le drapeau blanc pour le drapeau tricolore (voir les entrées « Absence », « Absent », « Diadème »).
40[Par Quentin Lamorlette] Jeu sur la formule de Bismarck : « La force prime le droit » (qui signifierait que le pouvoir exécutif l’emporte sur le pouvoir législatif, lorsqu’il s’enlise dans des débats infructueux), caricaturée par Cham dans Le Charivari du 2 septembre 1864, au moment où la Prusse s’impose face à l’Autriche : « Professeur du nouveau droit prussien développant l’axiôme : La force prime le droit. — Du biceps, der Teufel ! un beau coup de poing ! tout est là ! ». Mais, dans cette édition de 1874, cette entrée (initialement parue dans Le Charivari du 1er janvier 1870) joue aussi avec le retournement de la formule par André Gill, dans la caricature parue à la une de L’Éclipse du 25 mai 1873 : « Le droit prime la force », représentant la Justice tenant en laisse un ours très monarchique avec sa fleur de lys — allusion à la tentative avortée d’une restauration des Bourbons en la personne du comte de Chambord, par les légitimistes élus en nombre à l’Assemblée aux élections du 8 février 1871, et réputés favorables à l’alliance du sabre et du goupillon !
41[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Effet de miroir entre le duel, qui n’est effectif que lorsque l’un des deux adversaires, les « contraires », est touché, et l’expression juridique « À preuve du contraire », soit « la vérité admise en attendant que soit prouvé le contraire », précisément par mise en attente du terme « contraire » ! Cette entrée, déjà présente dans la tranche alphabétique correspondante parue dans Le Charivari du 1er janvier 1870, peut, dans cette édition de 1874, d’une part, faire écho à l’entrée « Déclaration », fondée sur la métaphore du duel, en suggérant une éventuelle revanche de la France contre la Prusse, et, d’autre part, faire référence à la discussion d’alors sur une énième loi interdisant le duel (notamment après l’assassinat par Pierre Bonaparte, le 10 janvier 1870, du journaliste Victor Noir, témoin du directeur de journal Grousset, gambettiste avec qui Pierre Bonaparte était en délicatesse, confondu avec celui de Rochefort, fondateur de La Lanterne antibonapartiste, avec qui le cousin de Napoléon III était aussi en conflit), « contraire » au duel, témoin cette caricature de Cham, parue dans Le Charivari du 14 novembre 1872, « LOI CONTRE LE DUEL », avec cette légende : « Exiger que le combattant soit entre ses deux témoins quand son adversaire lui tire dessus » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3067090t/f3.highres].
42[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Expression qui signifie « se tromper », « attendre quelque chose qui ne se réalise pas », en l’occurrence, la pérénnité des dynasties. Déjà présente dans la tranche alphabétique correspondante parue dans Le Charivari du 1er janvier 1870, cette entrée prend un relief particulier dans cette édition de 1874, après l’effacement des Bourbons de la branche aînée (à la suite du retour avorté du comte de Chambord) ou de la branche cadette (avec le comte de Paris, se retirant au profit du comte de Chambord) et celle des Bonaparte (avec la chute de Napoléon III, mort le 9 janvier 1873).

E

Lettrine E :  

1EAU-DE-VIE — Ainsi appelée parce qu'on en meurt.

ÉCHAFAUD — Petite construction destinée à donner raison au vers :

Ainsi que la vertu le vice a ses degrés2.

ÉCHINE — Une partie du corps qui finit par trop se pénétrer de la morale du Chêne et du Roseau.3

ÉCHO — En voilà un gaillard qui cultive le mot de la fin !

ÉCLAIR — L'avertissement de l'électricité.

Quand la foudre tombe, c'est le communiqué.4

ÉCOLE — Qu'est l'instituteur ? Rien. — Que devrait-il être ? — Tout.5

ÉCONOMIE POLITIQUE — Dire qu'il a fallu créer une science nouvelle pour constater que la faim des uns n'est pas compensée par l'indigestion des autres !6

ÉCORCE — Le paletot des arbres.7

ÉCRIVAIN (public) — J'en ai connu un qui me disait :

— Je suis plume de peine.8

ÉCROUELLES — Tout ce qui restera bientôt du droit divin.9

EFFRONTERIE — Le carrefour qui mène à tout.10

ÉGALITÉ — Le lièvre du civet liberté.11

ÉLECTEUR — Un tuteur en tutelle.

ÉLECTIONS — Je vous demande votre avis, à condition que ce sera le mien.

(Le pouvoir personnel.)

ÉLECTRICITÊ — La foudre aux commissions12.

ÉLOGE — Un prêté qui attend toujours un rendu.13

ÉLOQUENCE — La crinoline de la pensée. Dessous c'est souvent d'un maigre !...14

EMBAUMER — À quoi bon faire le ménage dans un appartement qui ne sera plus habité ?15

ÉMEUTE — Un fœtus de révolution.

ÉMIGRÉ — Un mari qui a divorcé, sous prétexte qu'il avait tous les torts.

ÉMINENCE — Cette éminence-là n'est toujours pas la bosse de l'humilité, messieurs les cardinaux.16

EMPALER — Comme quoi un paratonnerre peut ne pas être un préservatif.17

EMPHASE — Une vessie qui veut se faire prendre pour une lanterne.

EMPRUNT — Payez et le gouvernement sera considéré.18

ÉMULATION — Jalousie pour le bon motif.19

ENCEINTE (femme) — La postérité... cellulaire.20

ENCENS — Supposer que Dieu, qui a créé les fleurs, leur préfère l'odeur de la pharmacie !

ENCRE — Pas beaucoup d'écrivains tout de même qui sachent s'en servir sans salir ou se salir.21

ENCYCLOPÉDIE — La boutique à treize sous de la science.

ENFANT — Comme quoi, dans l'espèce humaine, c'est le papillon qui précède la chenille.22

ENFER — L'enfer après cette terre ! Mais ce serait de l'orgeat après du trois-six !23

ENFUMER — Opération civilisatrice heureusement tombée en désuétude. (Relire l'histoire du maréchal Pélissier.)24

ENGAGEMENT (au Mont-de-Piété) — La bienfaisance usuraire.25

ENGRENAGE — Tous les vices.

ENLÈVEMENT — Combinaison amoureuse dans laquelle le voleur est souvent le volé.

ENQUÊTE — La lanterne du bourgeois de Falaise. On oublie toujours d'en allumer la chandelle.26

ENTHOUSIASME — C'est comme le feu grégeois27, le secret en est perdu.

ENTREMETTEUSE — Marchande pour la toilette.28

ÉPARGNER — Garder une poire pour la soif, c'est bien ; mais il faudrait aussi pouvoir garder une soif pour la poire.

ÉPIDÉMIE — La mort en chœur.

ÉPIGRAMME — Cela rappelle le convoi de Marlborough. Sauf le dernier vers, les autres ne portent jamais rien.29

ÉPILOGUE — La moutarde après dîner.

ÉPINE — Garde-du-corps de la rose.

ÉPINIÈRE (moelle) — Un capital que notre époque place en général à fonds perdus.30

ÉPITHALAME — Genre de poésie qui a l'air de prendre au sérieux l'expression ciel de lit.31

ÉPOUSE — Un ange, monsieur ! — Je ne dis pas non ; mais ce qu'il y a de terrible pour la lune de miel, c'est que toutes les lunes finissent en forme de croissant et tous les croissants en forme de cornes.32

ESCRIME — Cours de meurtre en quarante leçons.

ESPÉRANCE — Le vrai tronc33 pour les pauvres.

ESPION — Un individu qui prend trop au sérieux le reproche contenu dans ce vers :

Auras-tu donc toujours des yeux pour ne point voir ?34

ESPRIT — Un gaillard qui a la manie de se battre en duel avec le cœur.

ESTAMPILLE — Autre temps, autres mœurs. Jadis le bourreau marquait les livres qui déplaisaient au pouvoir ; aujourd'hui on marque les livres qui lui plaisent.

ESTOMAC — Le Grand-Central.35

ÉTAT — Un être impersonnel, dont la raison se traduit par bien des folies.

ÉTERNITÉ — Un peut-être exploitant un je n'en sais rien.

ÉTYMOLOGIE — Où la recherche de la paternité n'est pas interdite.

EUNUQUE — Un rôle qui pourrait être agréable sans les coupures.36

ÉVANGILES — Un concert spirituel dont les instrumentistes ont oublié d'accorder leurs violons.37

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « E » parut initialement dans Le Charivari, du 1er janvier au 6 mars 1870, selon la chronologie et la répartition suivantes : 1er janvier (« Eau-de-vie — Église »), 18 janvier (« Électeurs-Enfant »), 9 février (« Enfumer-Épouse »), 12 février (« Escrime-Évangiles »), 6 mars (« Exécution -Extrême-onction »). Notons que toutes les entrées de cette dernière tranche ont disparu dans l’édition en volume : « Exécution — Et monté sur le faîte, il aspire à descendre (Corneille) »; « Exhumation — Comme les prétendants se connaissent, ils « s’honorent » ; « Exorde — Une antichambre qui est souvent plus grande que l’appartement » ; « Exploitation — (Voir Cultes) »; « Extrême-onction — Une huile qui malheureusement n’empêche pas la lampe de s’éteindre ». De même, disparaissent, dans l’édition en volume, les entrées : « Échauffourrée — voir Lard et Chapeau » [ces deux dernières entrées n’ont jamais paru, même dans la version initiale du Charivari] et « Étrennes — Pour être original il faudrait en dire du bien passons » [en effet !]. En revanche, le 21 février 1873, parut dans Le Charivari une tranche complémentaire, en vue de l’édition en volume : « Demain-Entremetteuse ». Les variantes entre ces différentes parutions seront indiquées au fil du texte.
2[Par Marie Daumont] Variation sur la réplique d’Hippolyte dans Phèdre de Racine : « Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés » (acte IV, scène 2), et jeu sur le sens de « degrés » (qui désignent ici les marches qui mènent à l’échafaud).
3[Par Marie Daumont] Jeu sur l’expression « plier l’échine » (se soumettre servilement) et, dans la fable de La Fontaine, la réponse du roseau à la condescendance du chêne, s’inquiétant de sa fragilité: « Je plie, et ne romps pas » (« Le Chêne et le Roseau », Livre I, 22).
4[Par Marie Daumont] Allusion à l’essor du télégraphe au XIXe siècle (voir l’entrée « Câble »), porteur des communiqués officiels. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume.
5[Par Marie Daumont] Plaidoyer en faveur de ce qui sera l’objet de la loi Ferry de 1881 (l’école primaire laïque, gratuite et obligatoire), par la référence à la fameuse formule de l’abbé Sieyès de janvier 1789, à propos du Tiers-État : « Qu’est-ce que le Tiers-État ? — Tout. / Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? — Rien. / Que demande-t-il à être? — Quelque chose. » (voir aussi l’entrée « Artiste »).
6[Par Marie Daumont] Ironie à l’égard d’une science, inaugurée par l’ouvrage d’Adam Smith, Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776), qui repose sur l’idée que l’économie est régie par des lois, notamment celles du marché, source d’une auto-régulation de la société.
7[Par Marie Daumont] Un paletot est un manteau long et large porté l’hiver. Daumier s’était moqué de cette mode dans sa planche intitulée « L’indispensable visite chez le tailleur du Palais-Royal » de la deuxième série des Étrangers à Paris : « Ce paletot semble avoir été fait exprès pour monsieur… il lui va comme un gant !… — comme un gant un peu large, il me semble… enfin n’importe […] » (Le Charivari, 5 juin 1844). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume.
8[Par Marie Daumont] Jeu sur l’expression « homme de peine », visant à souligner la triste condition de celui qui, pour vivre, prête sa plume à des travaux subalternes (lettres, documents officiels…). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume.
9[par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Sous la monarchie de droit divin, le roi est réputé thaumaturge, c’est-à-dire capable, le jour de son sacre, à l’image du Christ, de guérir les écrouelles (abscès) des malades : cette entrée, apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume, participe à la satire, récurrente dans le dictionnaire, des prétentions au pouvoir des légitimistes, partisans du retour, raté, du comte de Chambord (voir les entrées « Absence », « Absent », « Présomptif », « Prétendant »).
10[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.
11[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.
12[Par Marie Daumont] Allusion au télégraphe électrique (voir, supra, l’entrée « Éclair »).
13[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.
14[Par Marie Daumont] Jupon de crin inventé par César-Louis Oudinot sous la monarchie de Juillet, la crinoline, sous le Second Empire, avait pris une ampleur démesurée et fait les délices des caricaturistes : en 1857, l’éditeur du Charivari, Aubert, avait publié un album de 45 lithographies intitulé Crinolinomanie. Véron fait donc ici d’une pierre trois coups : contre l’éloquence, la crinoline, et les femmes (voir les entrées « Appas », « Maigreur », « Sein ») !
15[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.
16[Par Marie Daumont] Par une allusion à la phrénologie de Gall, le fameux système des « bosses » (voir l’entrée « Phrénologie »), jeu sur le double sens d’« éminence » : la protubérance, plus ou moins élevée, du bossu, et le titre donné aux cardinaux, parce qu’ils se situent au sommet de la hiérarchie ecclésiastique (voir aussi l’entrée « Bossu »).
17[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.
18[Par Nathalie Preiss] Présente dans la version initiale de la tranche alphabétique correspondante parue dans Le Charivari du 18 janvier 1870, cette entrée, conservée dans cette édition de 1874, acquiert une nouvelle portée avec le remboursement par Thiers, avant échéance, de l’indemnité de guerre de 5 milliards due à la Prusse, aux termes du traité de Francfort du 10 mai 1871, grâce à l’emprunt public (voir aussi l’entrée « Affranchissement »). Dans Le Grelot du 4 août 1872, le caricaturiste Alfred Le Petit, collaborateur du Charivari, publie à la une une planche intitulée « Au sujet de l’emprunt », représentant Thiers de dos en caissier, devant un guichet couvert de pièces d’or où continue d’affluer la foule, avec cette légende : « Contemplation » !
19[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.
20[Par Marie Daumont] Calembour, digne des « carillons » du Charivari, sur le sens obstétrical, être « enceinte », et le sens architectural d’« enceinte » fortifiée qui enferme et isole, d’où le jeu sur le « régime cellulaire », régime carcéral qui condamne les prisonniers à l’isolement, jour et nuit (voir l’entrée « Cellulaire »). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume.
21[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.
22[Par Marie Daumont] Parce qu’en argot, une « chenille » désigne une femme laide, ou un enfant (une femme aussi) au mauvais caractère.
23[Par Marie Daumont] Renversement carnavalesque de la conception catholique de l’enfer, lieu de condamnation éternelle et cruelle des pécheurs non repentis, puisque l’orgeat n’est qu’un sirop d’orge ou d’amande pour enfants, bien inoffensif à côté du « trois-six », eau-de-vie très forte, à 60° (trois mesures d’eau pour trois mesures d’alcool à 90°, à peu près).
24[Par Marie Daumont] Critique de la colonisation française (voir l’entrée à ce mot), par cette allusion au maréchal Pélissier (1794-1864), duc de Malakoff, qui s’était fait tristement connaître lors de la colonisation de l’Algérie, pour l’« enfumade » du Dahra (18 juin 1845) : il avait enfumé quelque 700 combattants et civils algériens, pris au piège dans la grotte de Dahra et tous morts asphyxiés.
25[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Critique de cet établissement de crédit (voir l’entrée « Mont-de-Piété ») qui prête sur gage aux plus pauvres : pour une durée déterminée, le débiteur « engage » ses biens en échange d’une certaine somme d’argent. À l’issue de la durée du prêt, il peut récupérer les biens engagés s’il parvient à rembourser la somme prêtée, à un taux d’intérêt jugé ici proche de celui de l’usure. S’il est insolvable, ses biens sont vendus aux enchères.
26[Par Marie Daumont] Selon la légende, rapportée dans les Contes normands (1839) de Jean de Falaise (pseudonyme de Charles-Philippe de Chennevières-Pointel), le maire de Falaise, commune du Calvados, avait ordonné aux habitants, pour maintenir l’ordre public, de se munir le soir d’une lanterne, mais l’un d’eux, qui circulait certes avec une lanterne mais sans chandelle, puis avec chandelle mais sans l’allumer, avait été arrêté par un soldat du guet, obligeant le maire à préciser son arrêté ainsi : « Nous, Maire de Falaise, aussi noble que le Roy, si plus n’est, ordonnons à toute personne de sortir de chez elle, la nuit venue, que munie d’une lanterne, d’une chandelle dedans et qui soit allumée. / Qu’on se le dise !! » (texte d’une carte postale, datée de 1909 : « Légende de la lanterne ». « Le Gars de Falaise », publiée sur le site : https://www.cpa-bastille91.com/la-legende-de-la-lanterne-le-gars-de-falaise/).
27[Par Marie Daumont] Le feu grégeois (ou grec), utilisé par les Byzantins au VIIe siècle contre les Turcs, était réputé ne jamais s'éteindre, tel celui de l'enthousiasme.
28[Par Marie Daumont] Jeu sinistre sur un type très exploité par les études et romans de mœurs au XIXe siècle, la « marchande à la toilette », qui fait commerce de vêtements d'occasion, mais aussi des corps des jeunes femmes dans le besoin.
29[Par Marie Daumont] Dans l’épigramme, court poème satirique, c’est le dernier vers qui « porte » le coup, d’où le jeu avec le couplet de la chanson « Malbrough s’en va-t-en guerre » (ou « Mort et convoi de Malbrough ») : « L’un portait son grand sabre / L’autre ne portait rien ».
30[Par Marie Daumont] Jeu sur l’expression familière : « se faire avoir jusqu’à la moëlle », être totalement trompé, dupé, notamment dans le monde des affaires (voir les entrées « Actionnaire », « Action »).
31[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Parce qu’un « ciel de lit » désigne un rideau ou un dais placé au-dessus du lit (dans un lit à baldaquin par exemple), et que l’épithalame, pièce poétique récitée lors d’un mariage en l’honneur des nouveaux mariés, est bien de nature à les faire monter au septième ciel !
32[Par Marie Daumont] Jeu habituel dans le dictionnaire sur l’infidélité des époux, qui se cocufient mutuellement, se font des « cornes » (voir les entrées « Biche », « Bigamie », « Jaune », « Jaunisse »…).
33[Par Marie Daumont] C’est-à-dire, à l’entrée d’une église, en faveur notamment des nécessiteux, une boîte fermée destinée à recueillir l’offrande des fidèles, présentés ici comme fort peu généreux et obligeant les plus pauvres à « compter » sur l’Espérance, l’une des trois vertus théologales.
34[Par Nathalie Preiss] Emprunt à la lamentation du grand prêtre Joad, dans la tragédie de Racine, Athalie, à propos du peuple de la tribu de Juda, qui, tenté par l’idolâtrie, se détourne de Dieu : « Auras-tu donc toujours des yeux pour ne point voir, / Peuple ingrat ? / […] » (acte I, scène 1).
35[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Par cette allusion à la construction de l’immense gare de New-York (67 voies), achevée en 1871 au sud de Central Park, renouvellement de l’apologue antique de Ménénius Agrippa, repris par La Fontaine avec sa fable « Les Membres et l’estomac » (Livre III, 2), visant à montrer la nécessité, pour le corps politique, de ne pas vilipender cet organe central, qui semble ne se nourrir que des efforts des autres, mais qui, en fait, les nourrit et leur est nécessaire. Selon les époques, l’estomac représente le Sénat romain, le pouvoir royal, ou, en l’occurrence, l’Assemblée nationale. Parue initialement dans Le Charivari du 12 février 1870, cette entrée, conservée dans cette édition de 1874, renvoie plus particulièrement au parti du Centre, partisan d’une république dans l’esprit de 1789, réuni en 1872 autour de Thiers, et qui, selon Le Charivari du 25 juin 1872, peine à s’imposer entre républicains, favorables à une république plus sociale, et anti-républicains : « Que devient le Grand Central ? Ce nouveau fractionnement paraît devoir avorter. La Chambre tend de plus en plus à se diviser en deux parties : ceux qui veulent de la République et ceux qui n’en veulent pas. Ce sera plus net ainsi ». Thiers tombera en mai 1873, vaincu par les partisans de Mac-Mahon, qui, malgré ses sympathies légitimistes, deviendra président de la république.
36[Par Marie Daumont] Puisqu'un eunuque est castré.
37[Par Marie Daumont] Parce que, dans les quatre Évangiles, celui de Jean ne consonne pas avec les trois autres — ceux de Matthieu, Luc et Marc — appelés, eux, « synoptiques », en raison des similitudes observées entre leurs récits respectifs des épisodes de la vie de Jésus.

F

Lettrine F :  

1FABLE — La costumière de la vérité2.

FAGOTS — Pas logiques, les cléricaux. Ils n'aiment pas la lumière et ils brûlent les gens.3

FAILLITE — L'art de se faire un tremplin d'une planche de cercueil.4

FAIM — Dieu a voulu la faim ? Moi, alors, je voudrais bien les moyens !

(Un misérable.)5

FARD — Giboyer, parlant à une de ces dames, définissait le maquillage : — Tromperie sur la qualité de la chose vendue.6

FASHION — L 'art de se déformer correctement7.

FATALISME — Une doctrine qui cherche à contrefaire la signature de Dieu.8

FAUCON — Cet oiseau-là, bien sûr, c'est un homme qui a dû lui apprendre la confraternité.9

FAUSSAIRE — Un artiste qui a eu tort de se vouer exclusivement au genre parodie.

FAUSSE-COUCHE — Un assiégé qui se presse trop d'exécuter une sortie.10

FAUTEUIL (académique) — Enterrement assis.11

FAVORITE — Ma pauvre loi salique, ça te prouve-t-il assez combien tu étais bête !12

FEMME — Elle fut, dit l'Écriture, formée d'une côte d'Adam.13

Eh bien ! en voilà une côte sur laquelle il y a eu des naufrages !

FEU — Il a beau incendier parfois, impossible de s'en passer... Juste comme pour la liberté.14

FEUILLETON — Moi, les rez-de-chaussée, ça m'enrhume !

(Un anonyme.)15

FIANÇAILLES — On place les adversaires face à face. Une !... Deux !... C'est l'adultère qui dit : Trois !  

FIDÉLITÉ — Vertu dont le deuil se porte en jaune16.

FINANCIER — Dialogue à propos d'eux tous :

— Vous savez... ce fameux banquier ?

— Ah ! oui... Machin... pneumatique17.

FLANELLE — Si le Code l'avait prévue, on n'aurait peut-être pas osé abolir le divorce.18

FLATTEUR — Un chien à qui son aveugle demande de le faire écraser.

FLEUR-DE-LYS — En horticulture je ne sais pas, mais en politique j 'affirme que ce n'est pas une plante remontante.19

FŒTUS — Une âme à l'eau-de-vie.20

FOLIE — Désertion à l'intérieur.

FONCTIONNAIRE — Rouage ainsi nommé par ironie, parce qu'il ne fonctionne jamais quand on en a besoin.

FORÇAT — Un individu qui a trouvé la chaîne en voulant se procurer la montre.21

FORCEPS — Le rossignol de la serrure humaine.22

FORÊT — Ville d'arbres.23

FORFAIT — Le crime endimanché.

FORTUNE — À notre époque de servilisme, c'est sur les yeux des autres qu'elle met un bandeau.24

FOSSOYEUR — C'est la mort qui fait les malpropretés et c'est lui qui gratte pour les cacher.

FOU — Un absent qui a peut-être raison.25

FOUR — Ordinairement, c'est le four qui fait la galette : au théâtre, c'est l'inverse.26

FRANÇAIS — Jadis rimait toujours avec succès. Prenons garde, du train dont nous y allons, que ça ne finisse par rimer avec décès.27

FRANCHISE — Archaïsme.

FRANC-MAÇONNERIE — Est-ce à cause de M. Haussmann que le pape s'obstine à prendre les maçons pour des entrepreneurs de démolition ?28

FRATERNITÉ — Quatre syllabes, rien de plus.

FRIMAS — Façon dont M. Viennet disait : — Ça pince aujourd'hui.29

FROC — Je vous demande ce que ces pauvres orties peuvent en faire.30

FRONTIÈRE — Procédé imaginé par les rois pour mener les peuples à la lisière.31

FROTTEUR — Au moins lui, quand il fait son cavalier seul, la chose lui rapporte ! 

32

FUGUE — Substantif qui sert à la fois à désigner un certain morceau de musique et ce qu'il y a à faire pour y échapper.

FUITE — Action familière au gaz et aux caissiers.

FUMIER — A la campagne, on fait des fleurs avec du fumier; à Paris, c'est l'inverse.

FUTURE — Je ne l'ai pas vue, mais cent mille écus de dot! Une affaire splendide... — Oui, dont un amant sera le dividende.

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « F » parut initialement dans Le Charivari, du 6 mars aux 18-19 avril 1870, selon la chronologie et la répartition suivantes : 6 mars (« Factieux-Fatalisme »), 19 mars (« Fard-Forfait »), 2 avril (« Forçat-Fuite »), 18-19 avril (« Fumier-Future »). Certaines entrées disparaissent dans les éditions en volume de 1873 et 1874, dont la première : « Factieux — Et dire que s’il réussit, on l’appellera peut-être Sire ! », et les suivantes : « Faculté (de médecine) — On écrit Faculté, on prononce : Impuissance ; « Famille — Au nord, Caïn ; au sud, les filles Goriot ; à l’est, Ugolin ; à l’ouest, Mme Lafarge ! … » [pour ces deux derniers noms, voir les entrées « Capital », « Divorce »] ; « Fanatisme — Une grimace qui se prend pour un sourire » ; « Fongus — Merci ! je n’ai pas envie d’être incriminé dans le complot » ; « Force — Le second prénom d’Émile Ollivier [voir la campagne contre ledit à la lettre « A » : « Accommodant », « Ailes », « Apostat », « Arlequin »] ; « Fourbu — Nous reviendrons sur le mot à l’article Sénat » [la critique sera en effet plus acerbe encore à l’article « Sénat »] ; « Fusil — Évangile selon saint Chassepot » [Voir l’entrée « Aiguille »]. En revanche, parut, dans Le Charivari du 7 mars 1873, une tranche complémentaire, « Fable-Guerre », en vue de l’édition en volume, dont sera néanmoins retranchée l’entrée : « Flageolet (Haricot) — Un médisant. Il y a des bruits qu’on a tort de faire courir ». Les variantes entre ces différentes parutions seront indiquées au fil du texte.
2[Par Quentin Lamorlette] Référence à la fable de Florian, « La fable et la vérité », où « [l]a fable, richement vêtue, / Portant plumes et diamants » (Livre I, 1, 1792) propose à la vérité sortant nue de son puits (voir l’entrée « Vérité » et la lettrine « C ») de l’habiller pour mieux l’imposer, et, surtout, à l’illustration de Grandville de l’édition des Fables de Florian chez Dubochet et Cie (1842) : [https://picclick.fr/Rare-Eo-1842-Premier-Tirage-Grandville-133449068145.html?refresh=1]. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
3[Par Quentin Lamorlette] Critique, récurrente dans ce dictionnaire, de l’obscurantisme des gens d’église, opposés aux Lumières, mais fervents ! partisans du feu des autodafés (voir l’entrée à ce mot, et l’entrée « Inquisition ») contre les supposés hérétiques et leurs livres. Souvenir possible, dans la même perspective, du refrain de la chanson de Béranger contre les Jésuites, « Les Missionnaires » (1819) : « Éteignons les lumières / Et rallumons le feu ! » à l’origine de la caricature de Grandville (parue le 7 août 1830 dans La Silhouette) : [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6955654d.item]. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
4[Par Nathalie Preiss] Parce que le failli renaît de ses cendres ou naît de celles des autres !, tel Robert-Macaire (voir les entrées « Actionnaire », « Anticiper », « Blague », « Poche ») et sa « piété filiale » : « Messieurs, une souscription par Actions est ouverte chez moi pour l’érection d’un Mausolée sur lequel on lira — À LA MÈRE DE ROBERT-MACAIRE / Elle fut digne du PANTHÉON, elle mourut en faillite » (allusion au Panthéon littéraire de Girardin. Planche n° 99 de la série de Daumier et Philipon, Les Cent-et-Un Robert-Macaire, parue dans Le Charivari du 25 novembre 1838). Il s'agit de la version de la tranche complémentaire parue le 7 mars 1873, mais la version initiale de cette entrée, parue dans Le Charivari du 6 mars 1870, relevait de la même inspiration : « La dernière mode, n'est-ce pas, Mercadet ? », puisqu'elle renvoyait à la pièce de Balzac, Le Faiseur (1840), jouée en 1851 sous le titre Mercadet, où le personnage éponyme, un financier failli, réplique de Robert-Macaire, passe sa vie à attendre son associé Godeau, qu'il a créé de toutes pièces !, et qui finit par s'incarner et arriver !
5[Par Quentin Lamorlette] Calembour sur l’expression : « La fin justifie les moyens ». Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
6[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Sans être une citation exacte, propos digne en effet d'Anatole Giboyer, personnage de la comédie d'Émile Augier, Les Effrontés (1861), qui campe la figure du journaliste bohème, collaborateur du journal La Conscience publique. Il réapparaîtra, mais moins bohème et préoccupé du devenir de son fils naturel, dans Le Fils de Giboyer (1865), comédie en 5 actes du même Augier, pour laquelle l'illustrateur du dictionnaire, Hadol, dessina plusieurs croquis destinés à la série La Vie parisienne publiés dans Le Charivari.
7[Par Quentin Lamorlette] Jeu sur le sens étymologique de « fashion », « forme », terme anglais emprunté au français « façon », de « façonner », « donner une forme », qui prend le sens de « mode » et qui, sous l’influence de l’anglomanie, s’inscrit, à partir de 1820, dans la langue française avec le sens d’« élégance » puis, par métonymie, de « société à la mode, élégante ».
8[Par Nathalie Preiss] Version apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l’édition en volume ; la version initiale, du 6 mars 1870, différait quelque peu, du moins, dans sa formulation : « Avant de prétendre que tout est écrit, il faudrait nous prouver l’existence de l’écrivain ».
9[Par Quentin Lamorlette] Renversement carnavalesque, récurrent dans ce dictionnaire : le plus rapace n’est pas celui qu’on pense ! (voir aussi l’entrée « Confraternité »). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
10[Par Quentin Lamorlette] Apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, cette entrée vise l’échec des « sorties » du général Trochu, lors du siège de Paris (septembre 1870-janvier 1871). Voir les entrées « Retirer (se) » et « Riz ».
11[Par Quentin Lamorlette] Dans ce « Dictionnaire anti-académique » (titre qui apparaît, dans Le Charivari, à partir de la lettre « R », le 2 novembre 1871), cette entrée (apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873) participe bien à la critique récurrente des académiciens, réputés léthargiques, et ensevelis dans leurs fauteuils (voir la note de la Préface associée à « pavot », et l’entrée « Genouillère »).
12[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l’édition en volume. Si la loi salique (de l’époque des Francs Saliens), interdisait l’accession des femmes au trône, tant qu’il y avait des héritiers mâles, elle ne pouvait interdire l’influence des favorites, dont le pouvoir en matière de politique intérieure et extérieure n’était pas négligeable : est probablement visée ici l’une des favorites de Napoléon III, l’actrice Marguerite Bellanger (pseudonyme de Julie Lebœuf), maîtresse de l’empereur, de 1863 jusqu’à sa mort, en 1873, que Hadol, l’illustrateur du dictionnaire, avait caricaturée ainsi, dans La Ménagerie impériale (pl. n° 10) : « LA CHATTE (Souplesse-Rouerie) » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10505633m/f20.item.zoom].
13[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
14[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
15[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Au XVIIIe siècle, le feuilleton, inventé par Geoffroy dans le Journal des débats, désigne une critique de théâtre, située au bas, au « rez-de-chaussée » du journal : c’est en 1836 qu’Émile de Girardin, dans son journal quotidien La Presse, a l’idée de substituer à la critique dramatique une « tranche de roman » (en l’occurrence La Vieille Fille de Balzac), d’où l’expression de « feuilleton-roman » (pour le différencier du feuilleton dramatique), qui devient, avec Les Mystères de Paris d’Eugène Sue (1842-1843), un genre littéraire à part entière sous le nom de « roman-feuilleton » et qui, d’abord situé dans le corps du journal, descend, comme le feuilleton dramatique, au « rez-de-chaussée » : s’il enrhume le lecteur qui garde l’anonymat !, c’est qu’il est en effet décrié par certains pour ses longueurs et qu’en argot, « enrhumer » signifie « ennuyer ».
16[Par Quentin Lamorlette] Parce que le jaune est la couleur des « cocus » (voir les entrées « Jaune » et « Jaunisse »).
17[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873. Allusion au personnage de Robert-Macaire (voir les entrées « Actionnaire », « Blague », « Poche »), le type du blagueur, dans le sens du XIXe siècle, c’est-à-dire de « puffer », qui trompe par une blague (sens issu de « blague à tabac »), une enflure qui ne cache rien, mais exhibe le rien, un puff qui fait « paf », comme un ballon ou une bulle de savon. Ainsi, Hadol, l’illustrateur du dictionnaire, dessina Nadar (ici visé ?) sur son ballon Le Géant (voir les entrées « Aérostats », « Ascension »), avec cette « marque » : « Le Géant / Forte Blague / à tabac » [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/car_card14986.jpg?itok=WOedUhnK].
18[Par Quentin Lamorlette] Ce tissu de coton et, le plus souvent, de laine, était utilisé dans la fabrication de sous-vêtements, certes efficaces contre le froid, mais peu propices aux relations amoureuses (lors de l'épidémie de choléra de 1832, elle avait servi à la fabrication de ceintures censées protéger l'estomac) !
19[Par Quentin Lamorlette] Une plante remontante fleurit plusieurs fois par an, alors que la fleur-de-lys, symbole de la monarchie, semble en 1874 (cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l’édition en volume) définitivement fanée, avec le retour, avorté, du comte de Chambord (voir les entrées « Absence » et « Diadème »).
20[Par Quentin Lamorlette] Allusion aux fœtus conservés dans l’alcool, éléments quasi obligés des cabinets de curiosités, devenus cabinets d’histoire naturelle.
21[Par Marie Daumont] Jeu sur le mot « chaîne » : la chaîne de montre et celle du forçat, condamné aux travaux forcés et enchaîné. Cette entrée n’apparaît que dans l’édition en volume.
22[Par Marie Daumont] Pince utilisée pour crocheter une serrure, le rossignol fournit la métaphore adéquate pour cet autre instrument utilisé en obstétrique et qui, également en forme de pince, permet de saisir la tête du nouveau-né lorsque l’accouchement se fait difficilement. Cette entrée n’apparaît que dans l’édition en volume.
23[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
24[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Dans l’Antiquité, la Fortune présidait aux aléas de la destinée humaine, et distribuait les biens et les maux selon son gré - elle pouvait donc être bonne ou mauvaise : c’est pourquoi, dans la tradition iconographique, elle est représentée avec un bandeau sur les yeux, et assise le plus souvent sur une roue, image des hauts et des bas de la destinée (d’où la métaphore de la « roue de la fortune »). Si Véron ici renouvelle la tradition avec cette satire de mœurs, Hadol n’est pas en reste avec la lettrine historiée qui ouvre la lettre « L », où elle est juchée sur un moderne vélocipède : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f147.item.texteImage.
25[Par Quentin Lamorlette] Jeu sur l’expression consacrée : « Les absents ont toujours tort ».
26[Par Marie Daumont] Dans l’argot du théâtre, « four » signifie une pièce qui tombe : on dit donc qu’elle « fait four », souvent à cause de la claque (voir l’entrée à ce mot), qui a été payée pour, qui a donc reçu de la « galette », synonyme d’« argent » en argot.
27[Par Nathalie Preiss] Déjà présente dans la version du Charivari du 2 avril 1870, parue sous le titre « Dictionnaire de l’avenir », cette définition revêt ici un sens prémonitoire, après la défaite de Sedan.
28[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Avec un jeu sur « francs-maçons » — libres penseurs constitués en loges au XVIIIe siècle, qui se doivent assistance et solidarité, dans la lignée des maîtres maçons « francs » du Moyen Âge, c’est-à-dire libres, accueillis, sur la foi de signes secrets, par leurs pairs —, satire à double détente et contre le baron Haussmann, auteur des grands travaux de modernisation de Paris (et de disparition du vieux Paris) (voir les entrées « Artères », « Avenue ») et contre le pape Pie IX qui, en septembre 1865, dans un texte intitulé Multiplices Inter, avait condamné toute collusion entre les catholiques et ceux qu’il considérait comme des membres d’une société secrète, adversaire de l’Église.
29[Par Quentin Lamorlette] Ironie à l’égard du style de l’ancien ministre de Louis-Philippe, devenu académicien dès 1830 et mort en 1868, Jean-Pons-Guillaume Viennet, qui se rêvait poète (il s’était risqué à l’épopée avec sa Franciade, en 1863) et avait été, pendant toute sa vie publique, la cible du Charivari. Hadol poursuit avec la lettrine historiée de la lettre « I » qui évoque implicitement ses mânes : « Ici reposent les Poésies de Mr X membre de l’Institut » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f177.item.texteImage].
30[Par Quentin Lamorlette] Jeu sur l’expression : « Jeter le froc aux orties », c’est-à-dire « abandonner l’état religieux », le froc désignant la houppe des capuchons des manteaux ecclésiastiques et, par métonymie, l’habit monastique.
31[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Dans le contexte de l’annexion de l’Alsace-Lorraine par la Prusse (cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l’édition en volume), critique politique, par un jeu sur le mot « lisière », synonyme en effet de « frontière », mais qui désigne aussi un ruban dont l’on se servait en guise de harnais pour empêcher les bébés de tomber, d’ou l’expression « tenir en lisière », soit, par extension, « contenir », « retenir prisonnier ».
32[Par Quentin Lamorlette] Dans le vocabulaire de la danse, le « faire cavalier seul » désigne la figure du quadrille où l’homme danse seul et a alors peu de chance de séduire sa cavalière, alors que, dans l’argot de la police, l’expression désigne celui qui, dans la foule, se frotte aux femmes pour les aguicher.

G

Lettrine G :  

GALANTERIE — Compliment, côté des hommes ; injure, côtédes femmes.1

GALIMATIAS — Le style du voisin.

(Un homme de lettres.)2

GALLICANISME — L'art de concilier ce qu'on doit à la croix de Jésus et ce qu'on doit à la croix de la Légion d'honneur.

(L'Évêque ***.)3

GAMIN (de Paris) — Champignon du pavé qui, à l'encontre des autres, cherche à avoir l'air vénéneux quand il ne l'est pas.4

GAMME — Une drôle de gymnastique ! Elle fatigue surtout les autres.

GANACHE — Est-ce pour rendre justice à l'Académie qu'on en a fait un synonyme de fauteuil ?5

GANTS — Pourvu qu'ils n'aient pas de taches, la conscience a le droit d'en avoir.6

GARDE-MALADE — Particulière qui va en ville se faire soigner par les gens qui sont dans leur lit.7

GARE — Les chemins de fer, vu la façon dont ils traitent la vie humaine, devraient sur leur façade ajouter à ce mot-là un point d'exclamation. Au moins on serait prévenu.8

GASTRALGIE — L'effet.

GASTRONOMIE — La cause.

GAUCHE (la) — Côté du cœur, dit l'anatomie.

GAUDRIOLE — La sauce poivrade de la conversation.9

GÉANTS — Les pièces montées de l'espèce humaine.

GENDARME — La botte de Pandore.10

GÉNÉALOGIE — Un jardin où il pousse trop souvent des racines... grecques.11

GÉNÉROSITÉ — Un philosophe a dit : — Les hommes, c'est comme les vins : plus ils sont généreux et vieux, plus ils sont dépouillés.12

GENÈSE — Acte de naissance fantaisiste.13

GÉNIE — Les envieux prétendent que c'est une maladie... parce qu'ils en souffrent.14

GENOU — Deux Invalides passaient. Le premier chauve, le second avec deux jambes de bois.

— Lequel est le plus embêtant, fit Gavroche, n'avoir qu'un genou ou bien en avoir trois ?

GENOUILLÈRE — La calotte de velours que les académiciens se mettent sur la tête.15

GENTILHOMME — C'est lui qui le dit.

GÉOGRAPHIE — Acte d'accusation des conquérants.16

GÉRANT — Les voyageurs pour la ligne de Bruxelles, en voiture !17

GESTES — La ponctuation de la parole.18

GIBELOTTE — Chat échaudé...19

GIRAFE — Animal à rallonge.

GIROUETTE — En politique, elles se prennent toutes pour un paratonnerre.20

GIVRE — Le procédé Ruolz de la nature.21

GLOIRE — Ce que je lui reproche surtout, ce n'est pas d'être une fumée, mais c'est qu'elle ne va presque jamais sans feu.22

GOBELET — Ne pas confondre avec urne électorale.23

GOITRE — Une saillie qui ne fait pas rire.24

GORGE — Est-on assez dévalisé quand on s'aventure dans ces diables de montagnes !

(Pensée d'un voyageur... ou d'un entreteneur.)25

GOUPILLON — Un sceptre à barbe.26

GOUTTE — Et voilà l'expiation !...27

(V. HUGO.)

GOUVERNANTE — Le régime constitutionnel en jupons28

GOUVERNEMENT — Je ne le suis pas, et j'en suis bien aise, car si je l'étais je ne m'aimerais guère, et je tiens à ma propre sympathie.29

GRABAT — Le lit, ce refuge pour tous, devenant pour le pauvre un supplice de plus.

GRAMMAIRE — C'est comme les truffes... Ils sont des douzaines dans le monde écrivant qui n'en ont pas mangé personnellement.

GRAMMAIRIEN — Le sergent de ville de la littérature. Contrairement aux autres, celui-là n'arrête pas assez.

GRAVE — Les gens dits sérieux font tant de mal en ce monde que je prends le mot grave dans le même sens pour un homme ou pour un accident..

GREFFE (la) — Dire que, depuis le temps que l'on voit faire les jardiniers, l'instruction n'est pas encore gratuite et obligatoire !30

GREVE — De laquelle des deux les orages sont-ils le plus à craindre?31

GRISETTE — La gavroche de l'Amour.32

GROGNARD — Faut-il que la France soit assez patiente pour écouter sa gloire !...33

GROSSESSE — La seule bosse qui fournisse des renseignements sur deux personnes à la fois.

(Un élève de Gall.)34

GRUE — Une simple nuance : celles des quais soulèvent ; celles des boulevards lèvent.35

GUÊPE — L'emblème de la critique... L'aiguillon sans le miel.

GUÉRISON — Une chose dont les médecins sont bien innocents, mon Dieu !

GUERRE — Drôle d'idée d'avoir inventé l'épidémie artificielle !36

GUÊTRES — Mitaines de pied.37

GUILLOTINE —

Et, monté sur le faîte, il aspire à descendre.38

GUIMPE — La guimpe promet toujours, mais trop souvent ce qui est dessous ne tient pas.39

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « G » parut initialement dans Le Charivari, du 18-19 avril au 8 mai 1870, selon la chronologie et la répartition suivantes : 18-19 avril (« Galanterie-Gastronomie »), 27 avril (« Gauche (La)-Gloire »), 7 mai (« Gobelet-Grossesse »), 8 mai (« Grue-Guimpe »). Une tranche complémentaire, « Fable-Guerre », en vue de l’édition en volume, parut dans Le Charivari du 7 mars 1873. Les variantes entre ces différentes parutions seront indiquées au fil du texte.
2[Par Marie Daumont] Discours jargonnant et confus. 
3[Par Marie Daumont] Contrairement à l’ultramontanisme (voir l’entrée « Ultramontain »), représenté alors par Veuillot, qui reconnaît le pouvoir spirituel et temporel du pape (alors menacé), le gallicanisme, représenté notamment par l’évêque d’Orléans, Mgr Dupanloup, ne reconnaît que son pouvoir spirituel, et peut donc conjuguer allégeance à la nation (la croix de la Légion d’honneur) et allégeance à Rome (la croix de Jésus).
4[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Omniprésent dans Le Carnaval du dictionnaire, le gamin de Paris (dont le Gavroche de Hugo dans Les Misérables constitue le type), comparé ici au champignon de Paris, « pousse » sur le pavé de Paris et se signale par ses traits d’esprit — lazzi ou (voir, infra, l’entrée « Genou ») graffiti —, qui, en matière politique, n’ont néanmoins rien d’innocent, à tel point qu’associé, dans Le Charivari, au caricaturiste fou du roi qui renverse les rôles et dit la vérité, il devient la figure de la contestation par excellence, celle d’un peuple en enfance appelé à se lever et à s’élever (voir l’entrée « Zut » et l’« Introduction critique »).
5[Par Marie Daumont] En argot, une « ganache » (à l’origine, « mâchoire grossière ») désigne une personne obtuse et, notamment, un « vieillard radoteur » (Dictionnaire historique…, A. Rey dir., op. cit.), mais aussi, dans le vocabulaire du mobilier du XIXe siècle, un fauteuil capitonné, apprécié par les vieillards, d’où, probablement, son nom (voir le glossaire établi par Jean-Jacques Gautier, dans Balzac, architecte d’intérieurs, Paris, Somogy, 2016, p. 246). La métaphore vise donc doublement les quarante académiciens, désignés, par métonymie, comme les « quarante fauteuils » (voir aussi la Préface).
6[Par Marie Daumont] Jeu sur l’expression « se donner les gants de quelque chose », c’est-à-dire se donner le beau rôle.
7[Par Nathalie Preiss] Inversion carnavalesque, caractéristique du dictionnaire, choisie précisément par Hadol pour la lettrine de cette lettre « G » : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f157.item.texteImage.
8[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Par ce jeu sur le substantif « gare » de chemin de fer et l’impératif du verbe « se garer », pris dans le sens de « se garder », « se protéger », allusion aux nombreux accidents ferroviaires depuis la monarchie de Juillet, tels le déraillement du train reliant Paris à Versailles, évoqué par Vigny dans le poème des Destinées, « La Maison du berger » (1844). Parue dans Le Charivari des 18-19 avril 1870, et conservée dans cette édition de 1874, cette entrée évoque aussi le grave accident du 4 octobre 1870, en gare de Critot (Normandie) qui, en pleine débâcle de la défaite de Sedan, coûta la vie à plus de vingt soldats.
9[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Terme générique, la gaudriole (du latin « gaudire », « se réjouir ») désigne l’art de s’amuser en racontant des histoires lestes (des gaudrioles) : elle apporte donc bien piment et piquant à la conversation !
10[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Jeu de mot sur l’expression reçue, venue de la mythologie, « la boîte de Pandore », d’où cette dernière fait sortir tous les maux de la terre, à l’origine, en argot, de l’antonomase « pandore » pour désigner un gendarme, autorité redoutée, source de nombreux maux pour qui y contrevient (voir aussi l’entrée « Brigadier »).
11[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
12[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l'édition en volume. 
13[Par Quentin Lamorlette] Satire anticléricale, voire antireligieuse, récurrente dans le dictionnaire, qui vise ici le premier livre de l’Ancien Testament, le livre de La Genèse, récit de la création divine. Cette version apparaît dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l’édition en volume, mais la version initiale, parue dans Le Charivari du 27 avril 1870, allait dans le même sens : « Le premier brevet d’invention ».
14[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
15[Par Marie Daumont] Métaphore satirique contre les académiciens, née de la métaphore précédente, qui fait de la calvitie un troisième genou (voir l’entrée « Calvitie », initialement associée à une entrée « Calotte », disparue, qui visait Rouher).
16[Par Marie Daumont] Apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, cette entrée fait allusion à l’occupation prussienne d’une partie de la France (jusqu’au paiement de l’indemnité de guerre, acquis en 1873), et à l’annexion, pensée définitive, de l’Alsace-Lorraine, aux termes du traité de Francfort du 10 mai 1871 (voir aussi l’entrée « Atlas », parue quant à elle, dans Le Charivari du 4 juillet 1869, et qui, dans l’édition de 1874, acquiert une nouvelle portée critique).
17[Par Nathalie Preiss] Référence à un topos des études et caricatures de mœurs de l’époque : la fuite en Belgique des gérants de société véreux qui ont fait faillite et échappent ainsi à leurs créanciers, tel Robert-Macaire (voir les entrées « Actionnaire », « Poche ») dans la dernière planche de la série de Daumier et Philipon, Les Cent-et-Un Robert-Macaire (Aubert, 1839), parue initialement dans Le Charivari du 28 octobre 1838 : « À tous les cœurs bien nés que la patrie est chère ! / — Adieu, pays des arts et des briquets phosphoriques…. Adieu / terre ingrate qui chasse tes enfans, qui les exile, qui les persécute……. / Adieu !!!… je porte ailleurs mes / pénates, mon industrie et mes capitaux…. […] ».
18[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
19[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Jeu sur l’adage : « Chat échaudé craint l’eau froide » (quiconque a connu un revers se garde d’un autre, même moins périlleux), qui retrouve ici son sens propre puisqu’une gibelotte désigne une recette (sorte de fricassée) non de chat mais de lapin… : allusion (cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873), à la pénurie de viande pendant le siège de Paris, à l’origine de recettes inédites, qui inspirèrent les caricaturistes, témoin cette planche de Cham (pl. 119) : « Le danger de manger de la souris est qu’ensuite votre chat coure après » (Cham et Daumier, Album du siège. Recueil de caricatures publiées pendant le siège de Paris (1870-1871)dans « Le Charivari ») : [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10653361/f55.item].
20[Par Nathalie Preiss] Métaphore convenue pour qualifier un opportuniste en politique, témoin le fameux Dictionnaire des girouettes […]. Par une Société de girouettes d’Alexis Eymery (1815), mais qui est renouvelée par celle de « paratonnerre ». Déjà présente dans la version du Charivari du 27 avril 1870, cette définition a pu donner à Stop (Louis Morel-Retz) l’idée de la caricature parue dans la série Actualités du Charivari, le 11 mars 1872, « Girouettes et paratonnerres », représentant celles de la Commune (avec son bonnet phrygien et l’inscription « Pétrole »), de la Prusse (avec son aigle), du télégraphe officiel (avec ses initiales « RF »), de la monarchie (avec son drapeau), et de la France (avec son coq gaulois), et légendée ainsi : « Celles-ci sont le jouet des orages / Celle-là nous protège contre eux » : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3063741h/f3.highres.
21[Par Marie Daumont] Alliage de cuivre et d’argent mis au point en 1841 par Henri, comte de Ruolz, qui était utilisé pour recouvrir des pièces d’orfèvrerie, à l’image du givre recouvrant les paysages et y dessinant d’artistiques figures, mais qui, à sa différence, était assorti de la connotation péjorative d’artifice, de « plaqué or » ou « argent » (voir les entrées « Vantardise » et « Vraisemblance »).
22[Par Marie Daumont] Jeu sur l’expression : « Il n’y a pas de fumée sans feu », au service d’une critique récurrente dans le dictionnaire, contre la guerre, et, notamment, contre l’association entre guerre et gloire, dans le contexte de la guerre franco-prussienne (voir les entrées « Assaut », « Boucherie », « Carnage », « Laurier », « Tuerie »).
23[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Antiphrase, puisque le joueur de gobelets, qui, dans les foires, fait passer une muscade de l’un à l’autre ou la fait disparaître comme par enchantement, constitue, à l’instar du paillasse (voir la Préface et la note associée à ce mot), un motif récurrent de la caricature politique du XIXe siècle contre les hommes au pouvoir, considérés comme des saltimbanques, des joueurs de tours, des escamoteurs. Ainsi, dans le numéro du Charivari du 12 juillet 1870 (la version initiale de cette entrée paraît dans le numéro du 7 mai 1870), Cham représente Bismarck en joueur de gobelets mettant sous celui de l’Espagne le casque à pointe prussien (référence à la succession d’Espagne, à l’origine de la guerre franco-prussienne. Voir l’entrée « Accord »). Voir aussi la lettrine de Hadol pour la lettre « E », où l’urne électorale se transforme en diable pour enfants : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f135.item.texteImage.
24[Par Marie Daumont] Jeu sur le mot « saillie » qui, au sens propre, désigne une excroissance, une protubérance, tel le goître qui se forme au cou (à la suite, par exemple, d’une hypothyroïdie), et, au sens figuré, une pique, une « sortie » spirituelle contre quelqu’un.
25[Par Nathalie Preiss] Calembour sur le mot « gorge », pris dans le sens, anatomique, de « poitrine » féminine et dans le sens, géographique, de « vallée étroite ». Ce calembour, digne des « carillons » du Charivari, figure dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873.
26[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Dans l’Église catholique, un goupillon désigne, à l’origine, une tige garnie de « barbes », au sens de poils ou de plumes, que l’on plonge dans l’eau bénite pour l’aspersion des fidèles. Par métonymie, il désigne le pouvoir de l’Église catholique et est associé au sabre (métonymie de l’armée) et au sceptre, c’est-à-dire au trône ou à ce qui en fait office, le Second Empire de Napoléon III (voir l’entrée « Cafard » et la caricature de « La Borne-Réaction »), et, après la défaite de Sedan et la chute de Thiers (24 mai 1873), la république du très catholique Mac-Mahon, partisan de l’ordre moral et religieux.
27[Par Marie Daumont] À propos de la maladie articulaire de la goutte, souvent consécutive à des excès alimentaires, allusion au poème des Châtiments (1853) de Hugo, « L’expiation », qui évoque la retraite de Russie, et, pour la première fois, la peur et le doute de Napoléon : « […] Napoléon comprit qu’il expiait / Quelque chose peut-être […] » (Livre V).
28Déjà présente dans la version initiale du Charivari du 7 mai 1870, cette entrée prend un tour particulièrement piquant dans cette édition de 1874, après la parution dans L’Éclipse du 22 juin 1873 d’une caricature d’André Gill, représentant Thiers (qui venait d’être mis en échec à l’Assemblée le 24 mai 1873 et avait dû céder la place au futur président, de tendance monarchiste !, Mac- Mahon) en fille de Mme Angot (personnage éponyme de l’opéra-comique de Charles Lecocq, 1873), au refrain séditieux : « C’nétait pas la peine / Non pas la peine, assurément / De changer de gouvernement », interdite, et pour cause, par la censure.
29[Par Marie Daumont] Variation, familière à Véron (voir aussi l’entrée « Misanthrope »), sur la phrase définitive de M. Prudhomme — type du bourgeois aux lieux communs inventé par Henry Monnier (1830) — à propos des épinards, évoquée par Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues (1880) : « Épinards : Ne jamais rater la phrase célèbre de Prudhomme : “Je ne les aime pas, j’en suis bien aise, car si je les aimais, j’en mangerais, et je ne puis pas les souffrir”. (Il y en a qui trouveront cela parfaitement logique et qui ne riront pas.) » !
30[Par Marie Daumont] Elle ne le sera qu'avec les lois Jules Ferry du 8 juin 1881 et 28 mars 1882,  qui rendent l'instruction primaire gratuite et obligatoire.
31[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Jeu sur le sens, social, de « grève », apparu vers 1845 et issu, par métonymie, du sens, géographique, de la « grève » qui bordait la Seine, lieu de rassemblement des ouvriers à la recherche d’une embauche, mais aussi (à l’emplacement de l’actuelle place de l’Hôtel de Ville) des exécutions capitales, occasion de spectacle et de manifestations populaires (Dictionnaire historique, A. Rey dir., op. cit.). Allusion probable ici à la vague de grèves sévères de la fin de l’année 1869 et du début de l’année 1870 (le 8 octobre 1869, l’affrontement entre les mineurs d’Aubin, dans l’Aveyron, et l’armée avait fait 14 morts, et, en janvier 1870, l’on comptait 7000 ouvriers grévistes au Creusot), qui aboutit à l’arrestation, le 30 avril 1870, des têtes françaises de l’Internationale, accusées de l’avoir fomentée.
32[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Du nom du tissu dont elle était vêtue au XVIIe siècle, la grisette, jeune couturière en atelier ou en chambre, devient un type dans les études de mœurs et le roman du XIXe siècle (voir aussi l’entrée « Bonnet »). Jeune fille libre qui entretient l’étudiant, plus qu’elle n’est entretenue (à la différence de la lorette), elle manie l’argot et l’esprit de la bohème et du gamin de Paris, incarné par le Gavroche des Misérables de Hugo, et, figure du peuple en enfance appelé à se lever, comme lui, elle chante la république et monte sur les barricades lors de la révolution de juillet 1830, telle la Mimi Pinson de Musset : « Mimi n’a pas l’âme vulgaire, / Mais son cœur est républicain. / Aux trois jours elle a fait la guerre /Landerirette ! / En casaquin. » (« Mimi Pinson. Profil de grisette », Le Diable à Paris, 1845).
33[Par Marie Daumont] Parce que, dans le contexte du Second Empire de Napoléon III, « Napoléon le petit », et du désastre de Sedan, la France est peu encline à entendre parler d’héroïsme et de gloire, apanage de ces soldats d’élite de Napoléon Ier, à lui tout dévoués.
34[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Jeu sur la phrénologie (voir l’entrée à ce mot), discipline inventée par le docteur Gall (1757-1828) et qui consistait à déceler le développement de telle faculté du cerveau par la protubérance qu’il était censé entraîner sur telle région du front, d’où son appellation plaisante de « système des bosses ». En l’occurrence, la bosse vaut pour deux ! Véron, selon le jeu texte-image au cœur de ce dictionnaire, s’inspire ici d’un dessin manuscrit de son illustrateur Hadol (conservé au musée Carnavalet), intitulé « Cours de phrénologie », « La Bosse de la maternité », représentant une femme fort enceinte, flanquée de son mari et de deux enfants en bas âge [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/54165-9.jpg?itok=C3Peu48a].
35[Par Marie Daumont] Jeu sur le sens technique de « grue », appareil servant à soulever les charges, et sur son sens argotique de l’époque : le terme, après avoir signifié « femme bête », désigne, à partir du Second Empire, une « prostituée » (synonyme de « chameau » et de « girafe »), qui fait le trottoir et le boulevard pour y « lever » les clients. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
36[Par Nathalie Preiss] Critique, récurrente dans le dictionnaire, de la politique de Napoléon III et de son entourage, accusés d’avoir entraîné la France dans la guerre, perdue, contre la Prusse. Cette entrée, et pour cause, fait son apparition dans la tranche complémentaire du 7 mars 1873.
37[Par Quentin Lamorlette] Parce que, comme les mitaines qui laissent les doigts libres, elles ne recouvrent que la partie antérieure du pied (avant les orteils).
38[Par Quentin Lamorlette] Humour noir sur le vers oxymorique fameux, de la tragédie de Corneille, Cinna, prononcé par Auguste, revenu des fastes du pouvoir (acte II, scène 1).
39[Par Marie Daumont] Une guimpe désigne, à partir de 1840 (Dictionnaire historique…, A. Rey dir., op. cit.), un corsage féminin, en tissu léger. Satire, récurrente dans le dictionnaire, de la maigreur dissimulée des femmes (voir aussi les entrées « Appas », « Coton », « Dégrafer », « Maigreur », « Sein »).

H

Lettrine H :  

1HABILE — Un des synonymes de coquin2.

HABIT — Reliure qui vaut le plus souvent mieux que le livre.3

HABITUDE — Une servante qui finit par épouser son maître.4

HAINE — L'envers de tout amour.

HALEINE — Je ne sais rien de lâche comme d'abuser ainsi de sa force.

HANCHES — On demande des remplaçants (Pardon, mesdames, la vérité avant tout).5

HARICOT — .........6

HARPE — Encore de la musique !7

HASARD — Connu aussi sous le sobriquet de Providence.8

HAUSSE —

Car toujours on mesure en ces ardentes luttes
À la hauteur des bonds la profondeur des chutes.

(Les Chants du Crépuscule.)9

HÉRÉSIE — La paille mise hors la loi par la poutre. 10

HÉRITIER — Un monsieur qui ramasse le gibier tué par un autre.11

HERMAPHRODITE — Deux moitiés qui ne font pas un tout. J'ajoute à cette définition : Reproduction interdite.12

HÉROS — Ça coûte trop cher, les gloires entretenues !13

HEUREUX — Fausse nouvelle qu'on fait courir encore, bien que personne n'y croie plus.14

HIATUS — Les rencontres de chemins de fer de la prosodie.15

HIRONDELLE — Égoïsme vole !16

HISTOIRE — Tenue des livres en partie trouble.17

HISTORIEN — Est-ce qu'il ne vous fait pas un peu l'effet d'un photographe qui opérerait par correspondance ?18

HOCHET — Pour les grands enfants, des rubans qui sont presque toujours des faveurs.19

HOMŒOPATHE — Croyez-moi et buvez de l'eau.20

HOMME — Je n'aurais jamais assez de place pour vous dire tout le mal que j'en pense, s'il s'agissait de mon prochain ; tout le bien, s'il s'agit de moi.

HONNEUR — Une île escarpée et sans bords... Seulement, la tolérance contemporaine y a ajouté des escaliers.21

HÔPITAL — La gamelle de la souffrance.

HORLOGE — Instrument qui nous coupe la vie comme on coupe le pain aux bébés.22

HORS-D'ŒUVRE — Les récitatifs d'un dîner.23

HOSPITALITÉ — Chez les Écossaises de Paris, elle se vend et ne se donne jamais.24

HOSTIE — Il paraît que les âmes digèrent !25

HOTTE —

Les rendez-vous de noble compagnie
Se donnent tous en ce charmant séjour.

(Pré aux Clercs.)26

HUMILITÉ — La pire des qualités, et pourtant il y en a de bien mauvaises !

HYPERBOLE — Le verre grossissant de la pensée.27

HYPOCRISIE — La parodie de la vertu. Nota. — Elle a toujours eu plus de succès que la pièce.28

HYSTÉRIE —

Quand on prend du galant on n'en saurait trop prendre.29

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « H » parut initialement dans Le Charivari, en deux tranches alphabétiques : « Habile-Hermaphrodite », le 8 mai 1870, et « Huître-Hyperbole », le 13 mai 1870. S’y ajouta, le 13 mars 1873, une tranche complémentaire, « Habit-Jumeaux », en vue de l’édition en volume. Mais, dans cette édition, l’entrée « Huître » disparaît : « Un propriétaire dont nous sommes les Haussmann », sans doute en raison du nombre déjà important d’attaques contre le préfet de la Seine et ses grands travaux dans la lettre « A » (voir les entrées « Artères », « Avenue », « Assainissement »). Les variantes entre ces différentes parutions seront indiquées au fil du texte
2[Par Coraline Hipolito] Satire de mœurs puisque le terme « coquin », au XIXe siècle, désigne, d’après le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse, une « personne sans scrupule, capable de bassesse et de malhonnêteté », un escroc qui appartient au monde du crime. On trouve également la définition de « dénonciateur » dans le Dictionnaire historique d'argot de Lorédan Larchey (1881). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
3[Par Coraline Hipolito] Inversion satirique de la métaphore attendue (la reliure pour l’habit), dont Pierre Véron est coutumier (voir l’entrée « Relieur »). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
4[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
5[Par Coraline Hipolito] Satire, récurrente dans ce dictionnaire, de la maigreur des femmes et de leurs artifices (voir les entrées « Appas », « Coton », « Dégrafer », « Guimpe », « Maigreur », « Sein »), et allusion à la mode de la crinoline qui amplifie outre mesure lesdites hanches. Possible allusion grivoise aussi car, au XIXe siècle, le « remplaçant » désigne l’homme qu’un conscrit (voir cette entrée), tiré au sort pour aller combattre, paie pour le remplacer, et il est dit alors qu’il « s’achète un homme » (ce système allait être aboli par la loi militaire du 27 juillet 1872).
6[Par Coraline Hipolito] En argot, « haricot » signifie « musicien » (Lorédan Larchey, Dictionnaire historique d’argot, op. cit.), d’où l’entrée suivante : « Harpe ». Sens argotique lié aussi à ce que l’on appelait, en argot également, « l’hôtel des haricots », maison d’arrêt pour ceux (fort souvent des écrivains, des artistes) qui avaient oublié ou refusé de se soumettre à leur devoir de garde national.
7[Par Coraline Hipolito] Entrée appelée par la précédente, puisque, en argot, cet instrument de musique, à cause de ses cordes, désigne un barreau de la grille de fer apposée aux fenêtres d’une prison, d’où « pincer de la harpe », « aller en prison » (Lorédan Larchey, op. cit.).
8[Par Coraline Hipolito] Satire anticléricale, récurrente dans ce dictionnaire.
9[Par Coraline Hipolito et Nathalie Preiss] Satire de la spéculation, fondée sur une parodie des vers du poème « Applaudissement » de Hugo, paru non dans Les Chants du crépuscule mais dans Les Châtiments (1853), recueil dirigé, on le sait, contre Napoléon III : « Car tu vas t’élancer, ô grand peuple courbé, / Et, comme le jaguar dans un piège tombé, / Tu donnes pour mesure, en tes ardentes luttes, / A la hauteur des bonds la profondeur des chutes. » (Livre VI, 16).
10[Par Coraline Hipolito] Référence à l’Évangile : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? Ou comment peux-tu dire à ton frère : “Laisse-moi ôter une paille de ton œil, toi qui as une poutre dans le tien” ? Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère. » (Matthieu, 7, 1-6) : nouvelle satire anticléricale contre l’Église catholique, prompte à dénoncer l’hérésie, les dévoiements de la doctrine, chez les autres, avant de voir les siens.
11[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
12[Par Coraline Hipolito] Jeu sur sur le sens juridique et sur le sens génésique de « reproduction ».
13 [Par Coraline Hipolito et Nathalie Preiss] Parue dans la tranche alphabétique correspondante du 8 mai 1870, cette entrée vilipendait les dignités, les décorations accordées par Napoléon III (voir les entrées « Dignité », « Honneur », « Rubans »), mais, conservée dans cette édition de 1874, elle participe aussi à la critique, récurrente dans le dictionnaire, de la fin des vraies gloires, des grands hommes, dans le contexte de la défaite de Sedan et de l’invasion prussienne, où, selon Véron, les généraux, prétendus « héros » (notamment Trochu, voir l’entrée : « Retirer (se) »), entretenus aux frais de l’État, avaient rimé avec « zéros » (voir l’entrée « Rien »).
14[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
15[Par Coraline Hipolito] En poésie, le hiatus désigne la rencontre, sans fusion, entre deux voyelles, d'où la métaphore des rails de chemin de fer, qui, eux non plus, ne se confondent pas !
16[Par Coraline Hipolito] Référence possible à la chanson de Béranger « Les Hirondelles » (1839) où « […] « Je vous revois encore, / Oiseaux ennemis des hivers. / Hirondelles, que l’espérance / Suit jusqu’en ces brillants climats, / Sans doute vous quittez la France :/De mon pays ne me parlez-vous pas ? ».
17[Par Coraline Hipolito] Critique de l’écriture de l’histoire (voir l’entrée « Annaliste ») et de l’histoire elle-même, par un jeu sur l’expression comptable « tenir les livres » de comptes « en partie double » (c’est-à-dire par ordre chronologique et par ordre thématique).
18[Par Coraline Hipolito] Suite de la critique de l’historiographie, qui se ferait de seconde main, sans véritable connaissance des événements, et plaidoyer pour celle du journalisme, associée, via Nadar, à la photographie (voir aussi la note associée à « N’bougeons plus ! » de la Préface).
19[Par Coraline Hipolito] Satire du goût des décorations, fondée sur le double sens de « faveur », qui désigne à la fois un « ruban » et un avantage donné pour un supposé mérite (voir aussi, fondée sur le même jeu de mot, l’entrée « Croix (d’honneur) »).
20[Par Coraline Hipolito] Satire de l’homéopathie, vue comme une nouvelle religion à l’eau claire !, inventée en 1796 par le médecin allemand Samuel Hahnemann (1755-1843). Dans La Physiologie du médecin (1841), publiée chez Aubert, l’éditeur du Charivari, et écrite par son rédacteur en chef d’alors, Louis Huart, le principe de cette nouvelle médecine est formulé ainsi : « vous prenez un petit paquet de poudre blanche, pesant environ un milligramme ; de ce milligramme, vous prenez avec les barbes d’une plume quelques atomes que vous transportez dans une carafe pleine d’eau claire ; vous remuez, vous remuez, pendant quelques minutes, puis vous remplissez un verre… […] Vous prenez une petite cuillerée à café, vous la remplissez à moitié du liquide en question, — et vous l’avalez ! — le liquide pas la cuillerée à café ! » (p. 30-31).
21[Par Coraline Hipolito] Par ce jeu sur le singulier et le pluriel du même mot, satire de la course aux honneurs (voir aussi l’entrée « Dignité »), considérée comme la fin de la vertu aristocratique de l’honneur (voir aussi les entrées « Héros », « Hochet »).
22[Par Coraline Hipolito] Référence possible à la conception du temps dans le poème de Baudelaire « L’Horloge », vue comme un instrument qui découpe la vie : « Trois mille six cents fois par heure, la Seconde / Chuchote : Souviens-toi ! — Rapide, avec sa voix / D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois, / Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde ! ».
23[Par Coraline Hipolito] Dans un opéra, les récitatifs désignent les paroles déclamées entre les parties chantées, d’où ici son application métaphorique aux « hors-d’œuvre » qui, à la différence d’aujourd’hui, désignaient non des mets présentés au début du repas, mais entre les plats principaux. Possible satire anticléricale aussi contre le bénédicité, prière chrétienne récitée, cette fois, en début de repas (voir, infra, l’entrée « Hostie »).
24[Par Coraline Hipolito] Inversion carnavalesque de la réplique de Dikson dans le célèbre opéra-comique en trois actes d’Eugène Scribe et de Boiëldieu, La Dame blanche (1825) : « Chez les montagnards écossais / L’hospitalité se donne / Elle ne se vend jamais », appliquée ici aux femmes vénales de Paris. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
25[Par Coraline Hipolito] Ironie anticléricale, voire antireligieuse, à l’encontre de la conception catholique de la communion au corps ressuscité du Christ, présent sous l’espèce du pain et sous la forme d’une galette de pain sans levain, l’hostie (du latin « hostia », victime donnée en sacrifice).
26[Par Coraline Hipolito] Début de l’air « Les rendez-vous de noble compagnie » de l’acte I de l’opéra-comique, Le Pré aux clercs (1832), de Ferdinand Hérold, qui se poursuit ainsi : « Et doucement on y passe la vie / À célébrer le champagne et l’amour », d’où le lien avec la hotte où l’on recueille les raisins lors des vendanges.
27Par Coraline Hipolito] La métaphore optique appliquée à cette figure de rhétorique qui vise à amplifier est un possible clin d’œil à celle de Hugo dans la préface de Cromwell, appliquée cette fois au « vers », dit « forme optique de la pensée ».
28[Par Coraline Hipolito] Métaphore théâtrale en situation car « hypocrisie » signifie, au sens étymologique, le fait de porter un masque dans le théâtre antique. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
29[Par Coraline Hipolito] Parodie de l’expression : « Quand on prend du galon, on n’en saurait trop prendre » (c’est-à-dire, quand on le peut, il ne faut pas hésiter à tout prendre : en l’occurrence, pour la femme associée à l’hystérie à l’époque, prendre tous les hommes), elle-même parodie des vers du Roland de Quinault (acte II, scène 5) : « Qui goûte de ces eaux ne saurait se défendre / De suivre d’amoureuses lois. Goûtons-en mille et mille fois ; / Quand on prend de l’amour, on n’en saurait trop prendre. » Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l’édition en volume.

I

Lettrine I :  

 1IDÉAL — Regarder en l'air et se laisser tomber dans un puits... qui n'est pas, hélas celui de la Vérité2 .

IDOLÂTRIE — Toutes les religions, parbleu ! à les entendre mutuellement.3

IDYLLE — La tisane des quatre-fleurs de la poésie.4

IGNORANTIN — Cour d'assises de... Attentats à la pudeur...5

ILLUSION — Une ombre qui vaut mieux que la proie.

IMAGINATION — Ce qui m'a tué. (Pascal.) — Ce qui m'a fait vivre. (Alexandre Dumas.)6

IMBÉCILE — Étoffe à hommes sérieux.7

IMMORTALITÉ — Suppose que tu t'appelles Yau-de-Poêle...8

IMMORTEL — L'Académie a voulu en faire le synonyme d'empaillé. Cela n'a pas mordu.9

IMPARTIALITÉ — L'eunuque de la pensée.10

IMPATIENTS — Des mouches, hélas ! qui ne manquent jamais le coche.11

IMPÉRIALE — Pourquoi diable cette partie des omnibus s'appelle-t-elle ainsi ?... Est-ce parce qu'on n'y arrive qu'en escaladant ?12

IMPERTINENCE — Jurez-moi donc qu'elle vous déplaît, madame !

IMPIE — Pas de danger qu'un clérical emploie ce mot-là si vous avez assassiné ; mais si vous avez fait gras un vendredi, oh alors...13

IMPÔT — Puisqu'il a une assiette, pourquoi mange-t-il toujours dans la nôtre ?14

IMPRIMERIE — Cuisine de la pensée. — On porte en ville.15

IMPUDENCE — Le plus précieux de tous les défauts.

IMPUISSANCE — Mise à la retraite d'un acteur qui manquait toujours son entrée.16

IMPUNITÉ — Ce qui fait l'aplomb des despotes.

INAUGURATION — La providence des restaurateurs qui ont des poulets de cent deux ans à écouler.

INCESTE — Amour de la famille trop développé.17

INCONSTANCE — Sont-ils drôles ! disait Cocodette : ils me reprochent ça... Je fais comme tout le monde, je change... quand j'ai plus de monnaie18 .

INDEX (commission de l') — Serait-ce à cause du doigt qu'elle se met dans l'œil qu'on lui donne ce nom ?19

INDIFFÉRENCE — La plus portative des cuirasses.

INDIGENT —

Soyez plutôt coquin si c'est votre talent.

(BOILEAU, édition revue.)20

INDIGESTION — À l'inverse des autres, au baromètre de l'estomac, c'est quand ça remonte que c'est signe de tempête.21

INDIRECTS (impôts) — Comme s'ils n'allaient pas tous directement dans la poche des gouvernants...22

INDULGENCES — Il faut que j'envoie ma conscience à la lessive...; seulement ce blanchisseur est d'un cher !...23

INÉDIT — Ce qui n'a guère paru que huit ou dix fois dans chacune des langues connues.24

INFAILLIBILITÉ — Si ça empêche de se tromper, ça n'empêche pas de tromper les autres.25

INFANTICIDE — Quelle opinion voulez-vous que les animaux aient de nous ?

INFIDÉLITÉ — Faites à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît.26

INFINI — Le plus ancien des logogriphes.27

INFIRMIER — On en rit de ces soldats-là ! C'est logique ; ils travaillent à donner la vie, au lieu de travailler à donner la mort.

INGÉNUE — En sortant du Conservatoire, elle débute ainsi. Deux ans après, vu les pièces à maillot, il ne lui reste plus que la dernière syllabe.28

INGRATITUDE — L'art d'acquitter ses notes sans les payer.

INQUISITION — Quelle piété ils avaient, monsieur ! Tout feu ! tout flammes !29

INTELLIGENCE — Une horloge qui avance pendant la première moitié de sa durée et qui retarde pendant l'autre.30

INTOLÉRANCE — Est-ce que tous les manches de poignard n'ont pas la forme d'une croix ?31

(Un artiste du drame de la Saint-Barthélemy.)32

INVALIDE — Trognon de gloire.33

INVASION — Le dessert de l'impérialisme.34

IRRIGATEUR —

Non, dans l'intimité je n'aime pas la pompe.

(Vers de tragédie.)35

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « I » parut initialement dans Le Charivari, du 13 au 29 mai 1870, selon la chronologie et la répartition suivantes : 13 mai (« Idolâtrie-Inceste »), 16 mai (« Illusion-Inconstance ») avec des chevauchements entre ces deux tranches alphabétiques, 21 mai (« Index-Ingénue »), et 29 mai (« Inhabile-Ivrogne »). S’ajouta, le 13 mars 1873, une tranche complémentaire, « Habit-Jumeaux », en vue de l’édition en volume. Mais disparaissent, dans cette édition, l’entrée : « Imprimeur — Le commissionnaire de la pensée », parue dans cette dernière tranche du 13 mars 1873 (disparition due sans doute à l’apparition de l’entrée « Commissionnaire », dans la tranche complémentaire du 7 février 1873), et les entrées suivantes, parues dans la tranche « Inhabile-Ivrogne » du 29 mai 1870 : « Inhabile — Appelez Chose déshonnête si vous voulez, mais inhabile… Il ne vous pardonnerait pas » ; « Initial — Le tambour-major des phrases » ; « Innocence — Un capital qui, à l’encontre des autres, perd sa valeur avec les années » ; « Inquisiteur — Un Veuillot à poil au lieu d’un Veuillot à plume » [voir la note de l’entrée « Inquisition »], « Insignes — Reliques dont trop de gens, hélas ! sont les ânes » [jeu sur la fable de La Fontaine, « L’Âne et les reliques »] ; « Institut — Une Sainte-Périne qui paie les pensionnaires » [Sainte-Périne était et est encore un établissement pour personnes âgées] ; « Instruction — Le levier d’Archimède… Ce qui fait que les despotes n’en veulent plus, c’est qu’avec cet outil-là, c’est contre eux qu’on soulève le monde » ; « Inventaire — Pour combien faut-il pleurer son oncle ? » ; « Invention (brevet) — Billet de logement pour l’hôpital » ; « Isthme — La membrane des frères Siamois en plus grand » ; « Itinéraire — Route que l’on prend pour se ménager le plaisir de ne pas la suivre » ; « Ivrogne — Le seul homme peut-être qui ne soit pas égoïste. À chaque verre il dit : À votre santé… Et il ne pense pas à la sienne ». Les variantes entre ces différentes parutions seront indiquées au fil du texte.
2[Par Coraline Hipolito et Nathalie Preiss] Référence à la fable de La Fontaine, « L’Astrologue qui se laisse tomber dans un puits » (Livre II, 13) — qui fait elle-même référence à l’histoire, rapportée par Socrate, dans le Théétète de Platon, du philosophe mathématicien Thalès de Milet tombant dans un puits, à vouloir regarder les étoiles -, et jeu sur l’allégorie de la Vérité sortant du puits, reprise par Hadol pour la lettrine de la lettre « C » : cette entrée, d’ailleurs, fait son apparition dans la tranche complémentaire du 13 mai 1873, en vue de l’édition illustrée en volume, où se met en place un jeu iconotextuel (et « intericonotextuel »), caractéristique du Carnaval du dictionnaire (voir l’« Introduction critique »).
3[Par Nathalie Preiss] Dans la version initiale parue dans Le Charivari du 13 mai 1870, cette entrée s'arrêtait à : « Toutes les religions, parbleu ! ».
4[Par Coraline Hipolito] La tisane des quatre-fleurs est une tisane adoucissante et convient donc au genre de l’idylle qui évoque un monde tout de douceur et d’harmonie.
5[Par Coraline Hipolito] Critique contre les Frères ignorantins, à l’origine, religieux de l’ordre de saint Jean de Dieu et désignant ici les Frères des Écoles chrétiennes.
6[Par Coraline Hipolito et Nathalie Preiss] Blaise Pascal, mort en 1662 d’un accident vasculaire, était atteint depuis son plus jeune âge de symptômes mal définis (vertiges, paralysies…), associés par certains, au XIXe siècle, à une névrose hystérique (considérée, à tort, comme un produit de l’imagination) qui l’aurait conduit à la mort (alors même que, dans ses Pensées, il met en garde contre les leurres de l’imagination). Dans la version initiale du Charivari du 16 mai 1870, le nom de Ponson du Terrail, prolifique auteur de romans-feuilletons, à l’imagination fertile, puisqu’il avait créé le fameux personnage de Rocambole, figurait à la place de celui d’Alexandre Dumas père, non moins prolifique auteur de romans parus en feuilletons (Les Trois Mousquetaires, Le Comte de Monte-Cristo) : Véron a donc attendu la mort de Dumas, le 5 décembre 1870, pour effectuer cette substitution, en guise d’oraison funèbre !
7[Par Coraline Hipolito] Jeu sur l’expression « avoir de l’étoffe ».
8[Par Coraline Hipolito] Véron prête ici aux Immortels (les académiciens) se rencontrant, ce mot de l’époque : « Vous avez un ami, n’est-ce pas ? Je suppose qu’il s’appelle yau de poêle… (Ah ! il faut qu’il s’appelle yau de poêle, par exemple, et que vous le tutoyiez !…). Alors, quand vous le voyez, vous lui demandez : Comment vas-tu yau de poêle ?… (Le Figaro, 30 octobre 1856, p. 5).
9[Par Coraline Hipolito] Dans la continuité de l’entrée précédente, satire récurrente dans le dictionnaire des « Immortels », les académiciens, comparés ici à des animaux de musée empaillés. Cette version apparaît dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873; la version initiale, parue dans Le Charivari du 16 mai 1870, était plus expéditive : « Qui ne peut pas mourir. Les académiciens se sont donné ce nom-là et ils ont eu raison. Ils ne peuvent pas mourir… C’est déjà fait ».
10[Par Coraline Hipolito] De même que, privé de ses organes sexuels, l’eunuque n’affirme aucune appartenance à un genre plutôt qu’à un autre, de même, l’impartial ne prend parti pour aucun camp. La version initiale, parue dans Le Charivari du 16 mai 1870, jouait du néologisme : « l’eunuquisme de la pensée ».
11[Par Coraline Hipolito] Jeu sur les expressions « manquer le coche » (manquer l’occasion) et « faire la mouche du coche », intervenir de façon intempestive, en référence à la morale finale de la fable de La Fontaine « Le Coche et la mouche » : « Ils font partout les nécessaires, / Et, partout importuns, devraient être chassés. » (Livre VII, 8).
12[Par Coraline Hipolito] Étage supérieur de l’omnibus : il y a là tout à la fois une critique de l’origine du Second Empire, fondé sur le coup d’État, le 2 décembre 1851, de celui qui était alors président de la république, Louis-Napoléon Bonaparte, et de ses bénéficiaires, arrivés aux honneurs, au mépris des lois.
13[Par Coraline Hipolito] Satire anticléricale contre les catholiques qui considèreraient un meurtre moins grave que le fait de manger de la viande le vendredi, jour anniversaire de la mort du Christ, où, pour cette raison, il sont tenus de faire pénitence et de manger « maigre ».
14[Par Coraline Hipolito] Satire, à partir des deux sens du mot « assiette » : l’assiette où l’on dépose les aliments et l’assiette des impôts, c’est-à-dire la somme de base (l’assise) à partir de laquelle on calcule l’impôt (voir aussi, reposant sur le même jeu, l’entrée « Assiette »).
15[Par Coraline Hipolito] Avant le XIXe siècle, il n’y avait pas de restaurants à la carte et les restaurateurs « portaient les repas en ville » aux particuliers qui les commandaient ; dans le domaine de l’imprimerie, existait ce que l’on appelle les « travaux de ville », dont les cartes de visite, d’où la métaphore, mais qui vise ici, de façon ironique, les ouvrages de librairie : cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
16[Par Coraline Hipolito] Allusion grivoise apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
17[Par Nathalie Preiss] Version apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, moins équivoque que la version initiale du 13 mai 1870: " Dame! aussi ! à force d'entendre prêcher l'amour de la famille...".
18Diminutif de « cocotte » (voir l’entrée à ce mot) selon le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de P. Larousse (op. cit.), féminin de « cocodès », « dandy ridicule », selon le Dictionnaire historique d’argot de Lorédan Larchey (op. cit.), elle désigne sous le Second Empire une femme aux mœurs légères et à l’allure provocante : le type est dessiné par Alfred Pépin en première page de L’Éclipse du 22 novembre 1868 et par Hadol, l’illustrateur du Carnaval du dictionnaire, dans la Revue comique du 20 octobre 1871.
19[Par Coraline Hipolito et Nathalie Preiss] Nouvelle satire anticléricale, avec le renouvellement du cliché « se mettre le doigt dans l’œil » (se tromper), puisque l’index désigne le doigt de la main, qui, précisément, désigne, « indique », et a donné son nom à la Congrégation de l’Index, créée en 1586 par le pape Sixte-Quint, qui avait mission de désigner les livres à ne pas lire, voire de les interdire : Balzac, Dumas en feront les frais. L’église catholique de France, gallicane (voir l’entrée « Gallicanisme ») prenait des libertés par rapport à ces mises à l’index, mais, le retour, en 1870, de l’ultramontanisme (voir l’entrée « Ultramontain »), mit fin à cette indépendance.
20[Par Coraline Hipolito] Injonction satirique au pauvre — incité à devenir « coquin » (voir l’entrée « Habile »), c’est-à-dire escroc, pour échapper à sa condition —, fondée sur une parodie du vers de l’Art poétique de Boileau (1674) : « Soyez plutôt maçon si c’est votre talent, / Ouvrier estimé dans un art nécessaire, / Qu’écrivain du commun et poète vulgaire. » (Chant IV, v. 26).
21[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873.
22[Par Coraline Hipolito et Nathalie Preiss] Critique ici moins du gouvernement et, notamment, pour un lecteur de 1874, de Thiers, qui avait augmenté les impôts indirects pour rembourser l’emprunt destiné à payer l’indemnité de 5 milliards due à la Prusse (selon les termes du traité de Francfort du 10 mai 1871), que du discours reçu sur le gouvernement. Flaubert se souviendra du procédé dans son Dictionnaire des idées reçues.
23 [Par Coraline Hipolito] Critique anticléricale du système des Indulgences, dans la confession catholique, qui, à l’origine, désignait la remise de pénitences imposées par l’Église, puis une intercession, payante !, auprès de Dieu par certaines autorités ecclésiastiques (voir l’article de l’Encyclopedia universalis à ce propos) pour permettre aux fidèles, qui s’achetaient ainsi, selon leurs détracteurs, une conscience, de se purifier, de se laver de leurs péchés, d’où la métaphore (voir aussi l’entrée « Dispenses »). Le système a perduré mais avec une visée plus spirituelle que matérielle.
24[Par Coraline Hipolito] Critique de l’art de la réclame dans le monde de la librairie.
25[Par Coraline Hipolito] Critique anticléricale contre le dogme de l’Infaillibilité du pape, élaboré lors du concile Vatican I, et proclamé le 18 juillet 1870 (voir aussi les entrées « Agent », « Dogme »).
26[Par Coraline Hipolito] Inversion carnavalesque de l’objurgation biblique : « Ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas que l’on te fît » (voir aussi l’entrée « Assassin »).
27[Par Coraline Hipolito] Manifestation du scepticisme de Pierre Véron puisqu’un logogriphe désigne une « sorte d’énigme dans laquelle on compose avec les lettres d’un mot, divers autres mots qu’il faut deviner, aussi bien que le mot principal » (Grand dictionnaire universel... de P. Larousse, op. cit.): Le Charivari en avait fait sa spécialité en matière politique. 
28[Par Coraline Hipolito] L’actrice débutante commence par des rôles de jeune ingénue innocente pour évoluer vers des rôles plus suggestifs où elle est quasi « nue », en « maillot », c’est-à-dire avec un haut près du corps, l’équivalent de l’actuel justaucorps pour une danseuse.
29[Par Coraline Hipolito] Critique anticléricale, par le renouvellement du cliché « Tout feu, tout flamme » (enthousiaste !), contre le tribunal catholique de l’Inquisition, né au XIIIe siècle, chargé de poursuivre et de supprimer par les flammes les hérétiques eux-mêmes puis les livres réputés impies (voir l’entrée « Auto-da-fé ») et que Veuillot (d’où l’entrée « Inquisiteur », qui le visait spécifiquement, et qui disparaît dans l’édition en volume du dictionnaire : voir supra), cible du dictionnaire et du Charivari, ne voyait pas d’un si mauvais œil, alors même que l’institution n’existait plus en France, depuis le siècle précédent.
30[Par Coraline Hipolito] Métaphore qui exprime le fait que, dans la seconde partie de la vie, l’intelligence peut éventuellement se muer en démence. Cette version est apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873 et diffère quelque peu de la version initiale du 29 mai 1870 : « On constate le bec de gaz… Mais l’allumeur ? ».
31[Par Nathalie Preiss] Version apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, qui fait écho à l’entrée « Arquebuse » ; c’est peut-être pour cette raison qu’elle a été substituée à la version initiale, plus générale, du 29 mai 1870: « Foi à main armée ».
32[Par Coraline Hipolito] Allusion anticléricale au massacre de la Saint-Barthélemy, ordonné par Catherine de Médicis, le 24 août 1572, contre les protestants, qui inspira à François Dubois le tableau intitulé Le Massacre de la Saint-Barthélemy (1576).
33[Par Coraline Hipolito et Nathalie Preiss] Paronomase avec « moignon » : cette version, apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873 (la version initiale, parue dans Le Charivari du 29 mai 1870, s’en tenait aux « tessons de la gloire ») s’inscrit dans la critique, récurrente dans le dictionnaire, contre l’association, toute napoléonienne (c’est à l’Hôtel des Invalides que furent transportées, en 1840, les cendres de Napoléon), entre guerre et gloire, notamment à la suite de la défaite de Sedan et du siège de Paris (voir les entrées « Assaut », « Boucherie », « Carnage », « Massacre », « Tuerie »). Dès le 6 août 1870, Alfred Le Petit, caricaturiste collaborateur du Charivari et dessinateur patenté de La Charge (voir l’« Introduction critique »), faisait paraître à la une de ce journal une « Actualité », figurant une boutique « Au vieu-z-héro prussien / Seul fournisseur des armés (Breveté G.D.G) / ici on raccommode parfaitement les soldats sans têtes, on / leur remet des bras, des jambes, des nez etc., le tout au plus juste prix […] » : [https://www.retronews.fr/journal/la-charge/06-aout-1870/2665/4439691/1].
34[Par Nathalie Preiss] La version initiale, parue dans Le Charivari du 29 mai 1870, différait : « Viol pour nations ». Cette version-ci, apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l’édition en volume, vise l’empereur Napoléon III, coupable pour Véron de l’invasion prussienne de 1870-1871, mais aussi, avec cette métaphore culinaire présente également dans l’entrée « Conquérant » (ajoutée précisément pour l’édition en volume), le vainqueur, le roi de Prusse Guillaume Ier, et ses parèdres.
35[Par Coraline Hipolito] Jeu sur le double sens de « pompe », « solennité », dans le vocabulaire soutenu de la tragédie, et, ici, « clysopompe », seringue pour lavement vaginal ou anal, dans le vocabulaire prosaïque courant. À la quatrième page du Charivari des années 1869-1874, fréquentes sont les annonces pour l’« Irrigateur / Invention du Docteur Eguisier, » de la marque Drapier et fils (voir aussi l’entrée « Monarque »). Cette entrée fait son apparition dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l’édition en volume.

J

Lettrine J :  

JALOUSIE — Une passion qui presque toujours regarde en Champagne si la Picardie brûle.1

JAMBE — Un utile, madame, dont vous avez fait l'agréable.2

JARRETIÈRE — Le décrochez-moi ça de la galanterie.3

JAUNE —

L'ÉPOUX — Ma femme, un cœur d'or !.

L'AMI — Ça se voit à tes reflets, mon bonhomme.4

JAUNISSE — Allons, bon ! voilà que les maris déteignent !

(Cri du cœur d'un célibataire ictérisé.)5

JÉSUITE — Ils disent : Je suis de la société de Jésus... Judas en disait autant.6

JEÛNE — Pour gagner le ciel, il ne me semble vraiment pas que ce soit au ventre qu'il faille se mettre des ailes.7

JEUNESSE — Comme quoi la vie est un feu d'artifice qui commence par le bouquet.

JOCKEY — La paire de pincettes avec laquelle les sportsmen tirent les marrons du feu.8

JOURNALISME — Le malheur c'est qu'il y ait sur la porte : Entrée libre.9

JOIE (fille de) — Voir : Misère, Vice, Coups, Décrépitude, Mort, Fosse commune.

JUIFS — Des collaborateurs à qui Dieu le Père a octroyé de drôles de droits d'auteur.10

JUMEAUX — N'est-ce pas, madame, qu'on ne dit pas toujours : Bis repetitaplacent ?11 

JUPON — Un nez à la Roxelane, c'est un nez retroussé... J'aime les jupons à la Roxelane.12

JURY — La justice en uniforme de garde national.13  

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « J » parut initialement dans Le Charivari du 31 mai 1870. S’y ajouta une tranche complémentaire « Habit-Jumeaux », le 13 mars 1873, en vue de l’édition en volume. Les variantes entre les différentes parutions seront indiquées au fil du texte.
2[Par Coraline Hipolito] Jeu sur la célèbre formule de l’Art poétique d’Horace qui préconise de joindre « l’utile à l’agréable » (utile dulci). Voir aussi l’entrée « Abbaye ».
3[Par Coraline Hipolito] L’expression, qui désigne alors la boutique d’un fripier (1842), puis un vêtement d’occasion (1847), notamment un chapeau de femme (Dictionnaire historique…, A. Rey dir., op.cit.), retrouve son sens originel puisque décrocher la jarretière de la mariée à l’issue du repas de noces était (et est encore) une coutume courante, dans certaines campagnes notamment.
4[Par Coraline Hipolito] Renouvellement du cliché, « avoir un cœur d’or », par le jeu sur la couleur jaune, associée traditionnellement au cocu.
5[Par Coraline Hipolito] Poursuite du jeu précédent, l’ictère étant le nom savant de « jaunisse ». Ces deux entrées, apparues dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l’édition en volume, participent à la satire du mariage nécessairement associé au cocuage, récurrente dans Le Carnaval du dictionnaire (voir les entrées « Bigamie », « Cornes », « Mari », « Mariage »…).
6[Par Coraline Hipolito] Jeu sur l’expression « être de la société de », soit « être de l’entourage de, de la compagnie de », et le nom de l’ordre des Jésuites, la Compagnie ou Société de Jésus, incarnation, dans le discours anticlérical, de l’Église catholique et de l’hypocrisie, symbolisée par Judas, le disciple qui trahit Jésus et le livre à ses ennemis (voir aussi l’entrée « Cafard »).
7[Par Coraline Hipolito] Poursuite de la critique anticléricale (cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l’édition en volume), avec cette satire du jeûne, qui consiste notamment à ne pas manger « gras », c’est-à-dire à ne pas manger de viande, pendant le Carême et le vendredi, en mémoire du vendredi saint, jour de la mort de Jésus.
8[Par Coraline Hipolito] Dans le contexte de la loi du 6 juin 1869 légalisant le pari mutuel sur les courses de chevaux, satire des bénéfices que les sportsmen retirent sans peine des paris sur les jockeys qui œuvrent pour eux, par la combinaison de l’expression « tirer les marrons du feu » (issue de la fable de La Fontaine, « Le Singe et le chat ») — c’est-à-dire retirer les bénéfices d’une situation délicate en en faisant prendre les risques à d’autres —, et d’un jeu sur le mot « pincettes », pris au sens propre d’instrument pour attraper les bûches sans se brûler dans le foyer d’une cheminée et au sens métaphorique de jambes maigres (des jockeys). C’est cette entrée que Hadol a choisie, pour la lettrine de la lettre « I », qui met en balance ! deux jockeys en train de se peser : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f187.item.texteImage.
9[Par Coraline Hipolito] Double critique du journalisme, accusé ici et d’accueillir le tout venant, sans véritable talent, et de ne pas toujours rapporter les bénéfices espérés.
10[Par Coraline Hipolito] Parce que, à partir de l’Ancien Testament, le peuple juif est à la fois le peuple élu de Dieu et le peuple persécuté.
11[Par Coraline Hipolito] Jeu sur la formule de l’Art poétique d’Horace : bis repetita placent [ce qui est répété plaît]. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
12[Par Coraline Hipolito] Calembour grivois sur « retrousser », fondé sur une allusion à la comédie de Favart, Les Trois Sultanes (créée en 1761, et sans cesse reprise au XIXe siècle), où le sultan Soliman II s’éprend de la plus délurée de son sérail, la française Roxelane, dont le « nez en l’air semble narguer l’amour » (acte I, scène 1). Dans la version du Charivari du 31 mai 1870, le calembour est attribué à celui que le journal, dans ses « carillons », a préposé au jeux de mots, Tillancourt (voir l’entrée « Cardinal » !).
13[Par Coraline Hipolito] Aux assises, le jury est composé de citoyens ordinaires, et qui donc, à l’époque, étaient tenus d’effectuer leur service de garde national. C’est pourquoi les lois répressives sur la presse la soumettaient au tribunal correctionnel et non au jury d’assises, toujours plus clément en cette matière.

K

Lettrine K :  

1KERMESSE — Congestion de gaieté.

KIOSQUE (à journaux) — C'est comme dans les pharmacies. On y vend des remèdes et des poisons.2

KNOUT — L'État, c'est moi.

(Traduit du russe).3

KORAN — Autre guitare.4

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « K » parut dans la tranche alphabétique complémentaire, « Kermesse-Oubli », publiée dans Le Charivari, le 14 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
2[Par Coraline Hipolito] La vente des journaux en kiosque et au numéro est une innovation du Second Empire (c’est précisément cette nouveauté que choisit Hadol pour lettrine de la lettre « K » : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f193.item.texteImage); n’est pas nouvelle en revanche, pas plus que celle des journaux opposés au Charivari, la satire des apothicaires et des médecins !
3[Par Coraline Hipolito et Nathalie Preiss] Référence à la phrase de Louis XIV, manifestation de l’absolutisme (voir l’entrée à ce mot), et appliquée ici au tsar russe qui ferait du knout (sorte de fouet), véritable instrument de torture, le fondement de son pouvoir (voir aussi l’entrée « Czar »). Véron rejoint ici Gustave Doré, collaborateur du Charivari, du Journal pour rire, du Journal amusant, qui, pendant la guerre de Crimée (1854-1856), avait publié une Histoire pittoresque, dramatique et caricaturale de la Sainte Russie (1854), fort critique à l’égard des virtuoses du knout : les tsars dans leur ensemble et le tsar Nicolas Ier en particulier (vaincu, lors de cette guerre de Crimée, par la France et l’Angleterre), et qui se situait « dans le droit fil d’un pamphlet » intitulé précisément « Le Knout et les Russes (1853) » (selon David Kunzle, cité par Thierry Grœnsteen, « Doré, pionnier de la bande dessinée » : https://www.editionsdelan2.com/grœnsteen/spip.php?article14).
4[Par Coraline Hipolito] Dans l’argot des bohèmes et des jeunes poètes romantiques, l’expression « autre guitare » signifie « rengaine », répétition, « Koran » n’étant qu’une variante orthographique de « Coran », connu aussi sous le nom d’« Alcoran » (voir cette entrée qui, de plus, insiste sur les nombreuses versions du texte). En outre, il y a là un jeu avec l’entrée « Abricot (couleur) — Ousqu’est ma guitare ? », parodie du langage bohème et romantique, avec référence au poème « Guitare » de Hugo (Les Rayons et les ombres 1840), qui renvoie à l’Espagne romantique associée à l’Orient, et qui est suivi d’un poème intitulé « Autre guitare » (Hugo joue sans doute sur le sens « bohème » de l’expression), dans la même veine orientale.

L

Lettrine L :  

1LAIDEUR — Infirmité qui fait le désespoir d 'une femme et la joie de toutes les autres.2

LANGUE — L'arme qui a la plus longue portée connue3.

LARMES — Sécrétion aqueuse des glandes de l'œil. 

(Un médecin.)

— En fait de larmes, nous avons d 'abord la manne purgative.

(Un pharmacien.)

— Ce qu'il faut mettre dans l'arrosoir pour faire pousser les carottes4.

(Une petite dame.)

— 4,000 francs de recette tous les soirs.

(Un dramaturge.)

— Si on ne les avait pas pour brouiller la vue du monde, y aurait pas moyen de faire passer toutes les monnaies douteuses.

(Une marchande de couronnes.)

— Celles qui sont dorées, c'est trente sous de plus la paire.

(Un monsieur.)

— La dernière chose que versent mes actionnaires.

(Robert-Macaire.)5

LAURIER — La vilaine plante, qui ne pousse qu'arrosée de sang !6

LAYETTE — Notre préface à tous.7

LECTEUR — Un prisonnier qu'on a bien du mal à empêcher de s'évader.8

LÉGITIMITÉ — La jument de Roland.

Toutes les qualités ; seulement, elle est morte9.

LÈVRE — La rose sur laquelle on est exposé à rencontrer le plus de chenilles.

LIAISON — Prison d'agrément.10

LIBERTÉ — Le plus imité de tous les diamants.11

LIBERTIN — Un imbécile qui oublie que, quand on a mangé son fonds, on fait faillite.12

LIBRAIRIE — Spécialité de cervelles crues.13

LICENCE — Une figure de rhétorique.14

LIE (du peuple) — Vous n'avez pas le droit de faire les dégoûtés, puisqu'on vous offre les moyens de la filtrer et que vous ne voulez pas.15

LIERRE — Moi, j'en ferais l'emblème de la flatterie qui rampe aux pieds de la puissance, avec cette devise modifiée :

— On meurt où je m'attache.16

LILAS — Le P. P. C. de l'Hiver.17

LINCEUL — Vêtement pour la coupe duquel il n'y a pas besoin de consulter les gravures de modes.

LIT — L'amour disant à la mort : Du même au même.

LITANIES — Le dogme du radotage.18

LITHOTRITIE — Système médical qui a pris pour devise : Diviser pourrégner.19

LITRE — On appelle ça une mesure de capacité. Demandez aux abrutis de l'ivrognerie ce qu'ils en pensent.20

LOCATAIRE — Un sujet-despote, un despote-sujet.21

LOGE (de concierge) —

LOGE (D'ACTRICE) —

[Accolade]

Deux extrêmes qui se touchent par le Conservatoire.22

LOGIQUE — Un bon outil, qu'on nous vend presque toujours sans la manière de s'en servir.

LONGTEMPS — Un mot qui se dit on ne sait pourquoi.

LOUANGE — Un prêté qui appelle toujours son rendu.

LUETTE — Le loquet du gosier.

LUNDI — Le plus canonisé de tous les saints.23

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « L » parut initialement, en 1870, dans Le Charivari en deux tranches alphabétiques, qui se chevauchent : « Lacet-Lentille », le 4 juin, et « Larmes-Lundi », le 12 juin. Une tranche complémentaire, « Kermesse-Oubli », parut dans le numéro du 14 mars 1873, en vue de l’édition en volume. Mais les entrées suivantes, présentes dans les tranches de 1870, disparaissent dans les éditions de 1873 et 1874 : « Lacet — Le verrou d’une prison où souvent il n’y a pas de prisonniers « [entrée supprimée sans doute parce qu’elle faisait doublon avec l’entrée « Dégrafer »] ; « Laconisme — La constipation du langage »; « Lampion — Genre d’illuminations que les gouvernemens [orthographe d’époque conservée] allument en leur propre honneur pour se faire croire sans doute qu’il y a encore mèche » ; « Lapidaire — Écosseur de pierres précieuses » ; « Larcin — Le petit nom du vol » ; « Lavandière — Blanchisseuse en vers » ; « Légende — La bohème de l’histoire » ; « Légèreté — Dire que ce sont les femmes légères qui pèsent le plus lourd dans la balance des hommes (Un philosophe) » ; « Législateur — Railleur pour peuples » ; « Légitimation — Un post-scriptum signé, ajouté à une lettre anonyme » ; « Lentille — Verre et légume également grossissants » ; « Livre — Comme les champignons : un aliment ou un poison ». Les variantes entre les différentes parutions seront indiquées au fil du texte.
2[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
3[Par Nathalie Preiss] La version initiale, parue dans Le Charivari du 4 juin 1870, jouait sur la métaphore du « chassepot », fusil à aiguille : « Chassepot de salon » ; dans la mesure où Véron l’avait utilisée pour l’entrée « Accord » (voir ce mot), il l’a supprimée dans la tranche complémentaire parue le 14 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
4[Par Nathalie Preiss] Au sens de « tromperie » pour obtenir de l’argent : voir l’entrée « Carotte ».
5[Par Coraline Hipolito et Nathalie Preiss] Avec le spéculateur Robert-Macaire, le type du blagueur (au sens du XIXe siècle), qui cache moins la présence de fonds véreux qu’il ne fait mousser une absence de fonds juteux, les actionnaires ne versent pas plus de larmes que ne leur sont versés de dividendes (voir les entrées « Actionnaire », « Actions », « Blague », « Chiper », « Poche »).
6[Par Caroline Hipolito et Nathalie Preiss] Dans la version initiale du Charivari du 4 juin 1870, l’on pouvait lire cette définition du bien nommé « Dictionnaire de l’avenir » : « Jolie plante s’il ne fallait l’arroser rouge ». Cette version-ci apparaît dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873 : en effet, après la guerre franco-prussienne et la capitulation de la France, les tranches alphabétiques parues dans Le Charivari de 1871 et 1872 et les tranches complémentaires de 1873, en vue de l’édition en volume, mettent l’accent sur la critique, récurrente par ailleurs dans le dictionnaire, du prétendu héroïsme guerrier, pourvoyeur des lauriers de la gloire (voir les entrées « Assaut », « Carnage », « Tuerie »).
7[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.
8[Par Coraline Hipolito] Comme chez tout rédacteur en chef d’un journal, inquiétude constante de Pierre Véron, rédacteur en chef du Charivari, à propos du nombre d’abonnés (voir l’entrée « Abonné »). Cette entrée ne figurait pas encore dans la tranche alphabétique « Lacet-Lentille », parue dans Le Charivari du 4 juin 1870 ; elle apparaît dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873, en vue de l’édition en volume, et pour cause : mieux valait ne pas effrayer ledit lecteur !
9La comparaison entre cette version parue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873, en vue de l’édition en volume, et la version parue dans Le Charivari du 4 juin 1870 est particulièrement intéressante : « Les lys ne filent pas, dit l’Évangile. Comme ils ont filé depuis, tout autre commentaire en est superflu » car elle illustre parfaitement la moderne contemporanéité baudelairienne de ce texte (voir l’« Introduction critique »). En effet, si Véron a modifié la version initiale en mars 1873 et l’a conservée pour l’édition d’octobre 1873 et, a fortiori, de 1874, c’est qu’entre 1870 et 1873, les lys, emblème de la monarchie légitimiste incarnée par le comte de Chambord, appelé à régner sous le nom de Henri V, ont bien tenté de revenir, en 1871 : il y a donc là référence à la caricature d’André Gill, « Henri V » de sa série Les Prétendants, parue dans L’Éclipse du 1er janvier 1871, représentant le comte de Chambord, écrasant de son poids son cheval fort fourbu [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1067552f/f1.highres] ; retour néanmoins raté, en raison du refus du drapeau tricolore par ledit Henri V. Le cheval, comparé ici ironiquement à la jument Veillantif du valeureux Roland dans La Chanson de Roland est donc en effet plus que fourbu, mort ; et cette nouvelle version de mars 1873 sonne encore plus vrai en octobre 1873, lorsqu’une deuxième tentative, pour la même raison, échoue : Veillantif est cette fois morte… et enterrée !
10[Par Coraline Hipolito] Liaison amoureuse et parfois dangereuse!
11[Par Nathalie Preiss] Version apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873 ; la version initiale du 12 juin 1870 était plus acerbe encore : « Il y a trop longtemps que nous ne l’avons vue pour faire son portrait de mémoire ».
12[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
13[Par Coraline Hipolito] Possible autopromotion par Véron de sa future nouvelle Le Raccommodeur de cervelles !
14[Par Coraline Hipolito] Justification plaisante de la licence des mœurs par le sens de « licence » en rhétorique, soit une liberté que s’octroie le poète par rapport à la règle et l’usage reçus.
15[Par Coraline Hipolito] Renouvellement de cette expression métaphorique figée par le rappel de son sens propre — le dépôt, à jeter ou filtrer, qui se forme au fond d’un récipient contenant une boisson fermentée (la lie de vin) — au service d’une ironique défense des bas-fonds populaires contre le discours de l’ordre moral et social.
16[Par Coraline Hipolito] Critique des partisans et courtisans du Second Empire déchu (cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873), par un renversement carnavalesque de la formule associée à la symbolique du lierre.   
17[Par Coraline Hipolito] « Pour prendre congé » : formule apposée sur un nouveau type de carte de visite de l’époque que l’on laisse au domicile d’une personne que l’on n’a pu rencontrer (Grand dictionnaire universel…, de P. Larousse, op. cit.). Le lilas, fleur de printemps, sonne bien le congé de l’hiver (cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873).
18[Par Coraline Hipolito] Critique doublement anticléricale et contre le dogme de l'Infaillibilité pontificale  (discuté lors du concile Vatican I dès 1869 et proclamé, à son issue, le 18 juillet 1870) et contre ces prières fondées sur la répétition d'une même formule, comme la litanie catholique des saints.  
19[Par Coraline Hipolito et Nathalie Preiss] Selon son étymologie grecque, la lithotritie désigne une technique permettant de « casser » et de disperser, et donc d’éliminer, les calculs de la vessie notamment, d’où le renouvellement de l’expression consacrée, qui vise ici Napoléon III, atteint de cette maladie, et, surtout, le docteur Auguste Nélaton (1807-1873), qui l’avait soulagé grâce à la fameuse sonde de son invention (dite depuis « sonde de Nélaton »), et était devenu son chirurgien personnel… et sénateur impérial !
20[Par Coraline Hipolito] Jeu de mot sur le terme « capacité », pris tout à la fois au sens de mesure d’un contenant et au sens d’aptitude intellectuelle.
21[Par Coraline Hipolito et Nathalie Preiss] Critique de mœurs récurrente au XIXe siècle sur les relations difficiles et réversibles entre locataires et propriétaires (d’où la série de Daumier, 1848-1856, Locataires et propriétaires), qui s’étaient encore tendues avec le moratoire sur les loyers voté le 13 août 1870 et sa suppression, le 7 mai 1871 (voir aussi l’entrée « Augmentation »), d’où l’apparition de cette entrée (comme celle d’« Augmentation ») dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.
22[Par Coraline Hipolito] Jeu sur un topos des études et romans de mœurs de l'époque : la fille de la portière (la concierge) aspire à devenir actrice et commence et finit comme figurante !
23[Par Coraline Hipolito] Jeu sur « canon » qui désigne, en argot, un verre de vin rouge et, dans le vocabulaire ecclésiastique, un décret permettant la canonisation, l’élévation d’une personne au rang de « saint », puisque le lundi, selon une coutume populaire, revivifiée au XIXe siècle avec l’industrialisation, était réputé jour de la « saint Lundi », et donc chômé, d’où quelques débordements, au sens premier du terme !

M

Lettrine M :  

1MACADAM — L'âge de la boue !... C'est le nôtre.2

MACARONI — Alimentation au kilomètre3.

MACÉRATION — Faites macérer le cornichon dans le vinaigre, ou l'homme dans le cagotisme, le résultat est aussi acide4.

MÂCHOIRE — Une antiphrase ; car on donne toujours ce nom à des sénateurs ou à des académiciens qui n'ont plus de dents.

MAGASIN — Moi, j'aime autant une boutique où l'on ne me vole pas.

MAGISTER — Les premiers seront les derniers, dit notre budget d'un ton évangélique. Et il donne 100,000 francs au ministre souvent inutile et vingt sous par jour à l'instituteur5.

MAIGREUR — Des os qui ne passeront jamais pour une réjouissance.

MAILLOT — Pourquoi ne l'aimeraient-ils pas, ces bons vieux de l'orchestre, puisqu'ils sont en train de retomber en enfance6?

MAÎTRESSE — Le superflu, chose si nécessaire !

MAJESTÉ — Lisez les Mémoires du temps de Louis XIV, pour savoir dans quel ustensile à irrigation cette Majesté-là peut aller se nicher7.

MALADE — Homme qui commence à apprécier la santé.

MAMAN — Épithète à laquelle ont droit dix demoiselles sur cent8.

(Un statisticien de la rue Notre-Dame de Lorette.)

MANANTS — Les nobles les appelaient aussi vilains... Il est vrai que c'était à une époque où il y avait peu de miroirs où se regarder soi-même9.

MANCHON — Étui à déclarations10.

MANSARDE — A vingt ans on y est bien... Air connu... Seulement, ce n'est pas le pain dur qu'on aime, ce sont les bonnes dents avec lesquelles on le croque.11

MARBRIER — Le maçon de la mort.

MARÉCHAL —

Tel brille au second rrrrang qui s'éclipse au premier.

NOTA — N'allez pas prendre cette définition pour une personnalité12.

MARÉCHAUSSÉE — On suppose que cela s'écrivait jadis : Marée-chaussée, à cause des analogies de parfum.

MARGUERITE — Consultations gratuites de l'amour13.

MARI — Il faudrait en dire du bien pour être original, et je ne me sens pas la force de pousser le paradoxe jusque-là14.

MARIAGE — Duel à coups de cornes15.

MARMOTTE — L'Épiménide des bêtes16.

MARTYR — Une dupe sublime.

MASSACRE — Un des moyens de persuasion de l'humanité.

MATÉRIALISME — Une affirmation qui est une négation.

MATIN — Le printemps de la journée.

MATURITÉ — Une qualité que les fruits envient peut-être aux femmes, mais sans vice versâ.

MAUSOLÉE — Commode de pierre où l'on serre sa famille17.

MÉCÈNE — Pépiniériste artistique et littéraire.

MÉDECIN — Marchand de santé qui fait comme les boursiers et vend souvent ce qu'il n 'a pas18.

MÉDICAMENT — Le hasard de la fourchette.

MÉDIUM (pour spiritisme) — Ceux d'entre eux qui se rengorgent me font l'effet d'un poteau télégraphique qui se prendrait pour l'électricité19.

MÉLODIE — Non..., j'ai trop peur de la nouvelle école20.

MELON — Végétal d'un naturel aimant21.

N'est-il pas fait pour le côte à côte ?

MÉMOIRE — Caisse d'épargne de la pensée. Seulement c'est l'intelligence qui dépose et c'est le corps qui retire.

MÉNAGE — Duo... à trois voix.

MENDIANT — Le rentier de la compassion.

MENUET — Les pompes funèbres de la danse22.

MERCURE — Au baromètre de l'amour il marque toujours tempête.

MÉRITE — La seule chose que l'on ne pardonne pas à notre époque.

MESSE — Marchandise qui, à ce qu'il paraît, se négocie à vingt ou trente personnes à la fois. Bah ! le poëte a dit :

Chacun en a sa part et tous l'ont tout entière.23

MEUBLES — Le madrigal le plus goûté au quartier Bréda24.

MILLION — Un chiffre qui en général n'est si rond que parce qu'il s'est nourri du prochain.

MINISTRE — Ambitieux qui, en courant après du maroquin, ne trouve le plus souvent que du chagrin25.

MINORITÉ — La raison du plus faible.

MIRACLE — Mensonge en commandite.

MIRLITON — L'Académie des poëtes anonymes26

MIROIR — Êcole des mines27.

MISANTHROPE — Ce n'est pas comme pour les épinards. Il ne peut pas souffrir les hommes et il en mange toute la journée28.

MISÈRE — Une maladie que les docteurs de la réaction déclarent incurable pour n'avoir pas l'ennui d'en chercher le remède.

MISSIONNAIRE — Commis voyageur en dévotion.29

MODE — La seule loi à laquelle tout le monde obéisse, probablement parce qu'elle est facultative.

MODESTIE — La housse du talent.

MOLLET — Le cas de dire ou jamais que les absents ont tort30.

MOMIES — Confitures de cadavre.

MONARCHIE — Forme de gouvernement, dit Bescherelle. Soit, si ici la forme n'emportait pas tant les fonds31.

MONASTÈRE — Le vrai théâtre des Inutiles.

MONARQUE — Un berger... qui mène trop souvent ses brebis du côté de l'abattoir.

MONOMANE — Homme chez lequel on remarque ceci de singulier qu'il est possédé d'une seule folie, tandis que les autres en ont plusieurs32.

MONT-DE-PIÉTÉ — Usure et philanthropie33 .

MORALE — La police de la raison.

MORGUE — Garde-manger de la mort.

MORT — Un point... Est-ce tout 34?

MOUCHARD — Un monsieur pas difficile qui se contente de n'avoir ni l'honneur, ni l'argent.

MUSE — Une bonne vieille dame qui n'a pas pu survivre à feu Viennet, son dernier amant35

.

MUSELIÈRE — Ce qui rapproche le chien de l'homme... par les journalistes36.

MUSIQUE — La lance d'Achille. Rossini cicatrisant les blessures faites par Wagner37.

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « M » parut initialement dans Le Charivari, du 18 juin au 8 juillet 1870, selon la chronologie et la répartition suivantes : 18 juin (« Macadam-Mandement »), 28 juin (« Mansarde-Mausolée »), 5 juillet (« Meubles-Monastère »), 6 juillet (« Mécène-Monarque »), avec des chevauchements entre ces deux tranches, 8 juillet (« Monde (Demi)-Musique »). Une tranche complémentaire, « Kermesse-Oubli », parut dans Le Charivari du 14 mars 1873, en vue de l’édition en volume. Disparaissent dans cette édition les entrées suivantes, parues respectivement dans les tranches du 18 juin et du 8 juillet 1870 : « Mandement — Un goupillon qui vous présente le plus souvent l’eau bénite du côté du manche » et « Multitude — L’horreur de M. Thiers qui lui demande tout de même ses voix. » Les variantes entre ces différentes parutions seront indiquées au fil du texte.
2[Par Wendy Perrin] Inventé, au début du XIXe siècle, par John McAdam, qui lui donne son nom, ce revêtement des chaussées, à base de pierres concassées agglomérées avec du goudron, avait l’avantage, par rapport aux pavés, d’offrir un plan régulier, mais l’inconvénient de produire de la boue en hiver et de la poussière en été.
3[Par Wendy Perrin] Parce que la pâte des macaronis était fabriquée « au kilomètre » et coupée ensuite.
4[Par Wendy Perrin] Critique anticléricale contre les « cagots », les dévots, qui s’imposent la macération en guise de pénitence pour gagner le paradis.
5[Par Wendy Perrin] Paradoxe contre le pouvoir en place, à partir de la parole du Christ, à la fin de la « Parabole des ouvriers envoyés à la vigne » : « Voilà comment les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. » (Matthieu, 20, 16).
6[Par Wendy Perrin] Jeu sur le double sens de « maillot », qui désigne à la fois les langes des enfants et le justaucorps ajusté des danseuses, objet de la convoitise desdits « bons vieux » (voir aussi l’entrée « Ingénue »).  
7[Par Wendy Perrin] Allusion à la fistule anale de Louis XIV, l’appareil à irrigation ou « irrigateur » (voir l’entrée à ce mot), désignant, en l’occurrence, la poire à lavement ou clystère.
8[Par Wendy Perrin] Allusion aux femmes entretenues, les lorettes (voir, dans la préface, la note associée à « gommeuses »), devenues mères malgré elles.
9[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Jeu sur l’évolution du sens de « vilain », qui désigne, à l’origine, « un paysan, un homme de basse condition » par rapport au noble (voir aussi l’entrée « Applaudissements »), puis une personne désagréable, moralement et physiquement (Dictionnaire historique de la langue française, A. Rey dir., op. cit.). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.
10[Par Wendy Perrin] Parce que cette pièce de vêtement, en forme de cylindre évidé, le plus souvent en fourrure, qui entoure les mains pour les protéger du froid, peut faire aussi office d’abri des billets doux !
11[Par Wendy Perrin] Référence au refrain de la célèbre chanson de Béranger (1780-1857), « Le grenier » : « Dans un grenier qu’on est bien à vingt ans ! ». Dans la version initiale du 28 juin 1870, une infime variante : « les bonnes dents que l’on a », au lieu de : « les bonnes dents avec lesquelles on le croque ».
12[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Parodie du vers de La Henriade (1728) de Voltaire, à la gloire de Henri III : « Tel brille au second rang qui s’éclipse au premier », et allusion, avec ce triplement du « r », au maréchal François Certain Canrobert (1809-1895), originaire du Lot, fervent partisan de Napoléon III, qui, interrogé à propos de la position qu’il adopterait en cas d’émeute, aurait répondu : « Mon Dieu, c’est bien simple, je veux aussi mon cadavre, moi ; jusque là, je ne bouge pas : mais aussitôt qu’ils m’auraient démoli un homme, rrran ! […] cela veut dire que je jetterai, s’il le faut, quarante mille hommes par terre. […] ce que je crains le moins, ce sont ces masses profondes et compactes. Deux régiments avec leurs chassepots, je n’en demande pas davantage » (Journal du Lot, 19 janvier 1870). Malgré un démenti de l’intéressé, l’onomatopée lui sera définitivement associée dans Le Charivari, témoin ce calembour du numéro du 7 mai 1870 : « On s’est étonné du fameux rrran ! attaché à tort ou à raison, au maréchal Canrobert ; cette exclamation n’a cependant rien que de très normal et de très ordinaire, car toujours le maréchal fait rrran ! ». Conservée dans cette édition de 1874, cette entrée peut aussi être lue comme une attaque contre le maréchal Bazaine, accusé de trahison et condamné pour avoir cédé Metz aux Prussiens (27 octobre 1870) et capitulé. Dans les deux cas, quoi qu’en dise Véron, il s’agit bien d’une « personnalité », c’est-à-dire, dans le vocabulaire du temps, d’une attaque ad hominem.
13[Par Wendy Perrin] Référence au jeu où l’on effeuille une marguerite en faisant coïncider à chaque pétale arraché l’un des degrés de l’amour : « Je t’aime », « un peu », « beaucoup », « passionnément », « à la folie », « pas du tout » : la dernière nuance énoncée est censée exprimer la vérité sur les sentiments que l’on nourrit pour l’autre.
14[Par Wendy Perrin] Pierre Véron, enfant né de père inconnu, ne cesse de les moquer tout au long du Carnaval du dictionnaire.
15[Par Wendy Perrin] Mise en pratique de la satire annoncée : les conjoints se « font des cornes », se font « cocus » (voir les entrées « Biche », « Cornes », « Jaune », « Jaunisse »).
16[Par Wendy Perrin] Nom d’un sage crétois (vie siècle av. J.-C.) réputé s’être endormi plus de cinquante ans dans une caverne, appliqué ici, par antonomase, à l’animal dormeur par excellence !, qui hiberne la moitié de l’année.
17[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Satire de la mode des monuments funéraires que les familles bourgeoises faisaient élever à la mémoire de leurs défunts (un « mausolée » désignant un tombeau somptueux sur le modèle de celui du roi Mausole, l’une des Sept Merveilles du monde), témoin le cimetière du Père-Lachaise. Flaubert avait ironisé sur la décoration desdits mausolées dans L’Éducation sentimentale (1869), à l’occasion de l’enterrement du banquier Dambreuse : « Les tombes se levaient au milieu des arbres, colonnes brisées, pyramides, temples, dolmens, obélisques, caveaux étrusques à porte de bronze. On apercevait dans quelques-uns des espèces de boudoirs funèbres, avec des fauteuils rustiques et des pliants. » !
18[Par Wendy Perrin] En 1862, Pierre Véron avait publié, chez Dentu, un roman satirique intitulé précisément Les Marchands de santé : réédité en 1872, chez Michel Lévy frères, il figure dans la liste des ouvrages publiés, qui ouvre cette édition, datée de 1874, du Carnaval du dictionnaire (voir la « Liste des ouvrages »).
19[Par Wendy Perrin] Orgueil du médium, alors qu'il n’est que l’instrument.
20[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] La version initiale parue dans Le Charivari du 6 juillet 1870 constituait une personnalité contre Wagner : « — Non…, j’ai trop peur de Wagner ». Dans la mesure où l’attaque réapparaît à l’entrée « Musique » (voir infra), publiée dans Le Charivari du 8 juillet 1870, Véron l’a modifiée pour l’édition en volume et elle acquiert alors une autre portée, en faveur cette fois de la Société Nationale de Musique, fondée le 25 février 1871, qui, dans le contexte de la guerre franco-prussienne, favorisait la musique de chambre française, notamment les pièces pour piano et mélodie (chant composé à partir d’un poème), renouvelée par un Charles Gounod ou un Gabriel Fauré, qui composeront des mélodies sur des poèmes d’Alfred de Musset, de Lamartine, ou de Verlaine.
21[Par Wendy Perrin] Personnification à partir d’un calembour sur « côte » (celle du végétal et celle de l’homme), fondée sur le sens argotique d’alors du mot « melon », qui désignait un niais, d’où nombre d’études et de caricatures de mœurs de l’époque où l’amateur de melon ne fait qu’un avec le végétal, témoin « L’amateur de melon » de Louis Huart, prédécesseur de Pierre Véron à la rédaction en chef du Charivari, dans le Musée pour rire (Aubert, 1840, t. III) ou, dans le numéro du Charivari du 1er juillet 1872, cette caricature de Draner, de la série Actualités, représentant l’oncle et le neveu devant des melons flétris, avec cette légende : « — Tu le vois, mon pauvre Adolphe, mes melons ne sont pas réussis cette année … ils sont tous morts. / Hélas, mon oncle, nous sommes tous mortels » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3066956k/f9.highres].
22[Par Wendy Perrin] Renouvellement de l’expression par le rappel du sens originel de « pompe », « solennité » : cette danse aristocratique, trépassée comme l’aristocratie, est vue comme l’enterrement somptuaire de la danse.
23[Par Wendy Perrin] Jeu anticlérical sur le célèbre vers de Hugo du premier poème des Feuilles d’automne (1831), à propos de l’amour d’une mère : « Chacun en a sa part et tous l’ont tout entier. »
24[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Parce que les lorettes, qui hantent le quartier Bréda, proche de l’église Notre-Dame-de-Lorette, qui leur a donné son nom (voir la note de la Préface au mot « gommeuses »), ne peuvent rêver de la part de leur protecteur de poésie galante (c’est le sens de « madrigal »), de cadeau galant plus beau que celui d’« être dans ses meubles » (voir l’entrée « Ameublement »).
25[Par Nathalie Preiss] Jeu sur les doubles sens respectifs de « maroquin » et de « chagrin » : le maroquin désigne le cuir issu de peaux de chèvres du Maroc (ou de moutons), utilisé pour les reliures et, ici, par métonymie, le porte-documents en maroquin d’un ministre ; de même, outre la peine, le « chagrin » désigne un cuir issu de peaux de chèvres ou d’ânes (voir La Peau de chagrin de Balzac !), utilisé aussi en reliure.
26[Par Wendy Perrin] Académie des poètes qui ne parviennent pas à se faire un nom, car les « vers de Mirliton » (petite flûte utilisée aussi comme jouet pour les enfants) désignent des vers de piètre valeur.
27[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Calembour sur « mines », attitudes que l’on prend devant le miroir, et les « mines » de charbon ou d’autres minerais, puisque « l’École des mines » avait été fondée en 1783 dans le but de former des ingénieurs compétents pour les diriger. Prestigieuse école d’ingénieurs, elle forme et ouvre maintenant à bien d’autres fonctions.
28[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Adaptation parodique de la phrase définitive de « Monsieur Prudhomne », l’homme des lieux communs, type textuel et visuel créé en 1830 par Henry Monnier dans ses Scènes populaires dessinées à la plume, et reprise par Flaubert dans le Dictionnaire des idées reçues (1880) à l’entrée « Épinards » : « Ne jamais rater la phrase célèbre de Prudhomme : “Je ne les aime pas, j’en suis bien aise, car si je les aimais, j’en mangerais, et je ne puis pas les souffrir”. (Il y en a qui trouveront cela parfaitement logique et qui ne riront pas.) » !
29[Par Nathalie Preiss] Dans la version initiale parue dans Le Charivari du 5 juillet 1870, la critique était plus acerbe encore (à moins que ce ne fût une coquille !) puisque cette définition renvoyait non à « Missionnaire » mais à « Millionnaire » !
30[Par Wendy Perrin] Renouvellement de cliché appliqué à la mode masculine des faux mollets destinés à compenser l'absence de galbe de certains  (peuvent se produire quelques mésaventures lorsque les faux mollets tournent au mauvais moment, comme le souligne Balzac dans La Muse dudépartement, à propos de M. de La Baudraye!).
31[Par Wendy Perrin] À partir du dictionnaire célèbre du lexicographe Louis-Nicolas Bescherelle, jeu sur le sens de « fond », opposé à la « forme », et sur le sens financier du terme au pluriel, contre la monarchie, qui ne s’avoue pas défunte (voir l’entrée « Absence »), et ses dépenses somptuaires aux dépens de la nation.
32[Par Wendy Perrin] Jeu sur le double sens de « singulier » (« unique » et « remarquable ») puisque, étymologiquement, le terme désigne une personne atteinte d’une idée fixe, mais il a aussi la « singularité » d’être le terme générique d’une multitude de types de monomanes : le pyromane, le bibliomane…
33[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Critique de cet établissement de crédit, créé en 1637 en faveur des plus pauvres, et situé rue des Blancs-Manteaux, dans le Marais, à Paris (sous l’impulsion de Louis XIII, d’autres établissements de ce type se créèrent en province) : les personnes laissent en gage leurs biens en échange d’une somme d’argent, selon un délai déterminé, à l’issue duquel elles doivent rembourser le prêt mais à un taux d’intérêt parfois proche de celui de l’usure (voir aussi l’entrée « Engagement »), pour récupérer les biens engagés. Faute de quoi lesdits « engagements » sont vendus aux enchères. Appelé en argot « ma tante » (nom que lui aurait donné le fils de Louis-Philippe pour cacher le fait qu’il y avait laissé en gage une montre afin de solder une dette de jeu), le Mont-de-Piété, témoin des revers d’une destinée, joua un grand rôle dans le roman et l’imaginaire du XIXe siècle. Il perdure sous le nom de « Crédit Municipal de Paris ».
34[Par Wendy Perrin] Jeu, familier à Véron, sur l’expression « Un point c’est tout » (voir aussi l’entrée « Tombeau »).
35[Par Wendy Perrin] Allusion à Jean-Pons-Guillaume Viennet (1777-1868), académicien, ancien ministre de Louis-Philippe, qui avait des prétentions littéraires (voir l’entrée « Frimas ») et était régulièment la cible du Charivari, et c’est bien lui, l’« Immortel », que Hadol enterre avec la lettrine « I » : [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f177.item.texteImage]
36[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Allusion aux lois répressives sur la presse du Second Empire, qui, conservée dans cette édition de 1874, vise aussi celle du 6 juillet 1871, qui rétablissait le cautionnement et, pour les journaux à caricatures, comme Le Charivari de Véron, l’autorisation préalable, dépendante, à partir de février 1872, de la Division générale de la Sûreté du ministère de l’Intérieur (voir aussi l’entrée « Activement »).
37[Par Wendy Perrin] Comme la lance d’Achille réputée tout à la fois blesser et guérir les blessures, la musique de Rossini est censée guérir le mal provoqué par celle de Wagner, jugée assourdissante (voir l’entrée « Assourdir »).

N

Lettrine N :  

1NAISSANCE (extrait de) — Le seul extrait que ne cultivent pas les vieilles coquettes qui s 'inondent de parfums.2

NARCOTIQUE — Qui assoupit. Se trouve dans les pharmacies, les théâtres et les cabinets de lecture.

NATION — Ouvrage de marqueterie politique3.

NATTES — Les coiffeurs, variant une formule de 48, devraient mettre sur leur porte : Armes vendues4 !

NÉCROLOGIE — À l'entendre, rien que des perfections ici-bas. C'est ce qui a dû donner naissance au proverbe :

— Le feu purifie tout.5

NÉNUFAR — Dormez, dormez, chères amours6 !

NERFS — Ficelles... terriblement exploitées par les médecins7.

NEVEU — Vampire de salon8.

NOBLESSE — C'est comme pour la religion : on continue à pratiquer sans croire.

NOM — Comme il faut bien s'occuper en ce monde, quand on n'a pas le sien à faire, généralement on le défait.9

NON — Le seul mot français que je n'aie jamais pu prononcer.

(Une femme de feu.)10

NOURRICE — La caricature de la maternité.

NUDITÉ — La mère de la déception11.

NUIT — Temps qu'on peut également consacrer au sommeil.12

NULLITÉ — Un numéro qui sort très-souvent à la loterie du succès.13

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « N » (« Narcotique-Nudité ») parut dans Le Charivari du 8 juillet 1870. Une tranche complémentaire (« Kermesse-Oubli ») parut le 14 mars 1873, en vue de l’édition en volume. Les variantes entre ces différentes parutions seront indiquées au fil du texte.
2[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
3[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] La marqueterie, en ébénisterie, désignant un procédé (et son résultat) qui consiste à insérer dans le bois diverses matières (nacre, métal précieux...), la nation est ici vue comme un assemblage composite : est ainsi visé le travail d'unification de l'Allemagne entrepris par Bismarck, qui trouvera son aboutissement avec la proclamation officielle de l'unité allemande dans la Galerie des Glaces du Château de Versailles, le 18 janvier 1871, à l'issue de la guerre franco-prussienne.
4[Par Wendy Perrin] Variation parodique sur la formule placée à l’entrée des clubs révolutionnaires de 1848: « Armes défendues », qui vise ici la mode des fausses nattes, témoin la lettrine de Hadol pour la lettre « N » du Carnaval du dictionnaire : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f219.item.texteImage.
5[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.
6[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Symbole du calme et de l’insensibilité à toute tentation, Grandville, dans ses Fleurs animées (1847), lui réserve ce sort : « ne pouvant aimer ni être aimée […], la froide fleur du Nénuphar n’avait trouvé de refuge qu’au couvent ».
7[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Satire à double cible à l’encontre et des médecins et des dames, réputées sujettes à ce type de maladie, témoin la version initiale de cette entrée, parue dans Le Charivari du 8 juillet 1870 : « Le prestige des Bourbeau [Olivier Bourbeau, alors ministre de l’Instruction publique de Napoléon III] de la médecine. Que deviendraient-ils le jour où ils ne pourraient plus dire quand ils ne savent rien : — Madame, ce sont les nerfs ! ».
8[Par Wendy Perrin] Parce que le prétendu neveu de la maîtresse de maison attire, « aspire » l’attention de toutes les jeunes filles à marier, réunies dans son salon.
9[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.
10[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.
11[Par Wendy Perrin] Satire récurrente dans Le Carnaval du dictionnaire des appâts trompeurs des femmes (voir les entrées « Appas », « Coton », « Sein »).
12[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.
13[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.

O

Lettrine O :  

1OASIS — Un mot d'esprit dans un discours académique.

OBÉLISQUE — Des originaux, ces Egyptiens ! Ils faisaient les mirlitons carrés2.

OBLIGÉ — Ah ! tu m'as infligé l'humiliation d'un service ! Tu me le payeras, gredin3!

OBSERVATOIRE — Établissement qui a la vie bien dure pour n'être pas mort d'une Leverriérite aiguë4.

OCCASION — Doit-elle avoir de la besogne, si c'est elle qui fait tous les larrons d'aujourd'hui 5!

ODÉON — Le pôle nord de l'art dramatique. Il est tout naturel qu'on y rencontre des ours6.

ŒIL — La fenêtre de l'âme. Trop souvent, par malheur, il n'y a personne à la croisée.

OFFICIEUX — Employé de la Société générale des pavés de l'ours7.

OISEAU — Un Nadar arrivé à son but.8

OISIVETÉ — Maman Gigogne, puisqu'elle a tous les vices pour enfants9.

OMNIBUS — Les principes de 89 à quatre roues10.

OPHICLÉIDE — Je me plais à croire que s'il n'y avait eu que ce genre de serpent-là, Ève n'aurait pas pris un si dangereux plaisir à l'écouter11.

OPINION (politique) — Un jeu où les tricheurs ne retournent pas le roi, mais se laissent retourner par lui12.

OPPOSITION — Le fouet du char de l'État13.

OPPRESSEUR — Fabricant d'explosions.

OR — Rouge, couleur de la honte ; jaune, couleur de l'envie. Les deux s'expliquent.

ORATEUR — Costumier pour pensée.

ORDRES — Ceux qu'on porte à la boutonnière font avaler ceux qu'on exécute14.

OREILLE — Un collecteur dont l'intelligence est le filtre.

ORGUE — Petit meuble à musique qui démontre que ce qui est commode n'est pas toujours agréable15.

ORGUEIL — Un paon qui fait la roue, même sans avoir de plumes à la queue.16

ORTHOGRAPHE — Une Française que trop de gens traitent en étrangère.

ORPHÉON — Le pique-nique du chant17.

OTAGE — À la guerre aussi, on donne des gages. Ce n'est pourtant pas un jeu innocent.

OUBLI — Une éponge qu'on ne trouve jamais quand on en a besoin.18

OUVERTURE (d'opéra) — Moi, je n'aime pas les vestibules plus ornés que la maison.

OUVREUSE — Une dame pour qui, à l'heure du petit banc, c'est tous les soirs la fête des Loges19.

OUVRIER — But qui s'avance ! but qui s'avance20  !

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « O » (« Oasis-Ouvrier ») parut dans Le Charivari du 8 juillet 1870. S’y ajouta, dans le numéro du 14 mars 1873, une tranche complémentaire, « Kermesse-Oubli », en vue de l’édition en volume. A disparu dans cette édition l’entrée « Obésité — Et voilà l’expiation ! / (V. Hugo) », parue initialement le 8 juillet 1870, sans doute parce que la définition avait déjà été utilisée pour l’entrée « Goutte », parue dans Le Charivari du 7 mai 1870. Seront indiquées, au fil du texte, les variantes entre les différentes parutions.
2[Par Wendy Perrin] L’obélisque de Luxor avait été offert par le pacha d’Égypte à Charles X en 1827 et érigé sur la place de la Concorde en 1836 : il n’est en effet pas cylindrique, à la différence d’un mirliton, petite flûte dont jouent les enfants, et qui a donné son nom à une pâtisserie fourrée de crème, cylindrique en effet.
3[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.
4[Par Wendy Perrin] Allusion ironique à l’astronome Urbain Le Verrier (1811-1877), découvreur de la planète Neptune en 1846, qui avait été nommé directeur de l’Observatoire de Paris en 1854, mais, d’une humeur particulièrement inégale à l’égard de ses collaborateurs, avait été révoqué de ses fonctions en 1870, avant d’y être rétabli en 1873, quatre ans avant sa mort (voir aussi l’entrée « Astronome »).
5[Par Wendy Perrin] Jeu sur l’expression : « L’occasion fait le larron », « larron » signifiant « voleur ».
6[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Critique contre la prétendue pauvreté du répertoire du théâtre de l’Odéon (qui servira de dépôt de vivres lors du siège de Paris), puisque, dans l’argot du théâtre, un « ours blanc » (d’où la métaphore du pôle) désigne une pièce refusée par maints théâtres et que l’on ressort en période creuse (Jean-Baptiste Tuffet, Les Mystères des théâtres de Paris, 1844). Parce que le terme désigne aussi un roman qui ne trouve pas d’éditeur, Balzac, à l’inverse, dans les Petites misères de la vie conjugale (1846), propose : « On devrait appeler ours blanc celui de la librairie, et les autres des ours noirs ».
7[Par Wendy Perrin] Souhaitant agir de façon invisible, il est maladroit, à l’image de l’ours de la fable de La Fontaine, « L’Ours et l’amateur de jardins » (Livre VIII, 10), qui, voulant écraser avec un pavé une mouche qui importune son ami endormi, tue ce dernier, d’où l’expression : « le pavé de l’ours » (bonne intention qui rate son effet).
8[Par Nathalie Preiss] Allusion à la passion du photographe Nadar, caricaturiste et collaborateur du Charivari (voir la note associée à « N’bougeons plus ! » dans la Préface), pour l’aérostation (voir les entrées « Aérostats » et « Ascension »).
9[Par Wendy Perrin] Jeu sur l’expression : « L’oisiveté, mère de tous les vices ». Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.
10[Par Wendy Perrin] Métaphore née du sens étymologique du mot : en latin, « omnibus » signifie « pour tous », d’où le nom donné à ce type de transport en commun, créé en 1826, et l’assimilation ici aux principes de 1789, notamment à « l’égalité de tous » devant la loi.
11[Par Wendy Perrin] Satire de la musique produite par cet insrument à vent en forme de serpent, d’où son nom (ophis, en grec, désignant un serpent).
12[Par Wendy Perrin] Nouvel effet de retournement carnavalesque, récurrent dans Le Carnaval dudictionnaire.
13[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Métaphore filée à partir de l'image reçue attribuée, sous la monarchie de Juillet, au journal Le Constitutionnel (Henry Monnier la mettra dans la bouche de Monsieur Prudhomme, le type du bourgeois de l'époque), et omniprésente dans la caricature politique, notamment dans Le Charivari, où Véron officie. 
14[Par Wendy Perrin] Jeu satirique sur deux sens du mot « ordre », l’un désignant un commandement, l’autre l’appartenance à une société honorifique, d’où, par métonymie, la dignité ainsi octroyée sous forme d’une décoration (l’ordre de la Légion d’honneur, par exemple).
15[Par Wendy Perrin] Satire contre la musique de cet orgue portable qu’est l’orgue de Barbarie, par un jeu sur deux sens et deux formes du mot « commode », le nom qui désigne un meuble, et l’adjectif : « facile », auquel s’ajoute le renouvellement de l’expression: « joindre l’utile à l’agréable » (voir aussi l’entrée « Abbaye »). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.
16[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.
17[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] « Pique-nique » signifiant encore au XIXe siècle, « repas où chacun apporte quelque chose » (Dictionnaire historique…, A. Rey dir., op. cit.), la métaphore s’explique par le fait que le nom d’« orphéon » (dérivé du nom de la figure mythologique du poète Orphée) avait été donné par le compositeur Louis Bocquillon, dit Wilhem (créateur de classes de chant fondées sur le principe de l’enseignement mutuel), à la société de chant choral qu’il avait créée en 1833, et que chaque membre, par définition, nourrissait de sa voix. Le succès de ladite société fit du terme un nom commun, avec bientôt le sens souvent péjoratif de « fanfare ». Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.
18[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 14 mars 1873.
19[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] L’ouvreuse, au théâtre, était chargée d’ouvrir et de fermer les loges, dont la « loge grillée » où pouvaient se célébrer les mystères de l’amour (d’où le jeu sur la « fête des loges », au sens de « tréteaux », créée au Moyen Age) réservées aux spectateurs de marque, et plaçait sous les pieds des dames un petit banc, comme le précise la Physiologie du parterre de Léon Guillemin (Paris, Desloges !, 1841) : « L'ouvreuse vient d’installer son monde. Une main prévenante ou plutôt ambitieuse a placé le petit banc sous les pieds délicats qui doivent y trouver leur appui. La porte des loges vient de se refermer ; la discrétion en tire les verrous ; l'amour souvent en ferme les rideaux ! » (p. 20). C'est cette « fête des loges » qu’évoque la lettrine de Hadol qui, elle, ouvre ! la lettre « O » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f225.item.texteImage].
20[Par Wendy Perrin] Satire du discours à la Prudhomme des forces du maintien de l’ordre à l’encontre des ouvriers en grève, vus tout à la fois comme une menace (il s’avancent) et comme une cible (but à atteindre).

P

Lettrine P :  

1PACTE (de Bordeaux) — La monarchie disant au gouvernement républicain :

— Puisque je suis stérile, fais-toi eunuque 2!

PAGANISME — Une religion qui avait pour devise :

— Plus on est de fous, plus on prie3.

PAIX — Fraternité à aiguille4.

PALAIS — Hôtel meublé pour souverains.

Nota. — On ne fait plus que des baux très-courts5.

PALÉOGRAPHE — Le Cuvier de l'écriture6.

PALEFROI — Prononcez cheval7.

PALINODIE — Eh bien, quoi ?... Est-ce que ce n'est pas dans les usages, de couronner son édifice par une girouette 8?

PANACHE — Le vrai nerf de la guerre.

PANÉGYRIQUE — Faire l'article... de la mort9.

PANTHÉISME — Formule religieuse qui équivaut à peu près à ceci : Rien estdans tout10.

PANTHÉON — Il fallait des grands hommes ; ce furent des chanoines qui l'obtinrent11.

PANTOMIME — Un art qui fait des pieds et des mains12.

PAPA — Le plus usurpé de tous les titres.

PAPIER — Une rosière qui se laisse violer par tout le monde13.

PARADIS — Le pourboire des âmes.

PARAPLUIE — Le symbole de l'amitié. Il vous manque presque toujours au moment de l'orage.

PARASITE — A varié ainsi le dicton.

« Il n 'y a que le premier repas qui coûte.14 »

PARATONNERRE — Le désarmement d 'en haut.15

PARENTS — Ennemis donnés par la nature.

PARENTHÈSE — Le magasin des accessoires du style.16

PARRAIN — Un auteur qui prend un pseudonyme17.

PARTERRE — O Sémiramis ! On a fait maintenant de la claque un jardin suspendu18.

PASSAGE — Rue en chambre19.

PASTEL — La romance de la peinture.

PATERNITÉ — Société en nom collectif20.

PATIN — Une lame qui n'use pas son fourreau, mais qui fatigue son manche.

PATRIE — La famille au second degré21.

PAYSAN — Homme de somme22.

PÉCHÉ — Avoué, il est à moitié pardonné ; oui, mais caché, il est pardonné tout à fait.

PÈLERINAGE — L'exportation de la crédulité.23

PÉLICAN — Un père Goriot à plumes24.

PENDULE — La balançoire du temps.

PÉNITENCE — La diète des médecins de la foi.

PERLE — La perle et l'huître ! Un ménage comme nous en voyons trop25.

PERPÉTUITÉ — Pardonnez-nous, ô modestie ! nous ne savons pas ce que nous disons !

PERROQUET — Monologue à plumes.

PERRUQUE — Petite housse de tête, destinée à faire illusion... à ceux qui la portent.

PERSÉCUTION — Les religions, c'est comme les clous : plus on tape dessus, plus ça tient.

PERSONNEL (pouvoir) — Le berger : Moi seul et c'est assez ! — La bergère : C'est même trop.

PHARE — La veilleuse des navires malades.

PHARMACIE — Il n'y a pas un remède ici qui ne soit utile... à celui qui les vend.

(Feu Purgon.26)

PHILANTHROPE — Un frère qui, en faisant l'Abel, fait souvent la bête27.

PHRÉNOLOGIE — La carte du cerveau.

Nota. — Sur cette carte-là, la raison est presque toujours une île déserte28.

PIANO — La mitrailleuse de la paix29.

PIGEON — On dit qu'on ne peut pas en consommer trente de suite. Demandez à ces dames de Mabille !...30

PILORI — On ne peut jamais répondre que l'histoire n'en fera pas un piédestal.31

PION — Nom ironique que le collégien donne à ses malheureux maîtres d'études,

comme pour leur rappeler sans cesse que la misère leur défend les dames32.

PLATONIQUE (amour) — Ayant entendu dire que l'appétit vient en mangeant, il ne mange pas, pour ne pas avoir faim.

PLÉBISCITE — La carte forcée... La carte d'électeur, bien entendu.33

PLURIEL — Dialogue inter-féminin.

— Dis donc, Julie... Faut-il mettre un s à je t'aime ?

— Mais non... Es-tu sotte !

— C'est pourtant le pluriel, puisque je l'écris à plusieurs à la fois.

POCHE — La cible de Robert Macaire34.

POLICE — La maison Domange de la société... Bouchez-vous le nez, mais n'en dites pas de mal35.

POLITESSE — Archaïsme.

POLYGAMIE — Façon d'écrire le proverbe :

« Abondance de biens ne nuit pas. »

POLYTHÉISME — Communisme pour dieux.36

POMPIER — Le seul soldat qui fasse rire, peut-être parce qu'il est le seul qui ne fasse pas pleurer.

PORTE-MONNAIE — La bourse, c'est la vie !"37

PORTIER — Le premier propriétaire ne possède que l'immeuble ; lui, le second propriétaire, prétend posséder les locataires38.

POT — La cage des fleurs.

POUDRE — Un orateur qui parle trop souvent, hélas ! pour dire des bêtises39

POULS — Le vrai jeu du petit bonhomme vit encore40.

POUVOIR — Hôtel meublé, où c'est le propriétaire qui paye le terme du locataire.41

PRÉDICATEUR — Fait la demande, ne permet pas la réponse, et a toujours raison.

PRÉFACE — La parade42 des livres.

PRÉFET — Un uniforme qui a parfois trop de tendance à se changer en livrée43.

PRÉOPINANT — Sans cette occasion-là, est-ce que vous croyez qu'on appellerait jamais Chose honorable ?44

PRÉSOMPTIF (héritier) — Mot qui tend chaque jour davantage à devenir dans ce cas synonyme de présomptueux45.

PRÉTENDANT — Pêcheur à la trouble46.

PRÊTRE — Négociant en intimidation.

PRÉVENTION — Quidquid délirant les juges d'instruction, plectuntur des innocents47.

PRIMAIRE (instruction) — Le bourrelet de l'intelligence48 ; il n'empêche pas les chutes, mais il les amortit.

PRINCIPE — Ne parlons pas des absents.

PRINTEMPS — La matinée de l'année.

PRISON — Maison de santé des consciences.49

PROCÈS — Un duel où tout le monde est sûr d'avance d'être blessé.

PROGRÈS — Toutes les fois que vous marchez, ça écrase des insectes, et ils ne sont pas contents.50

PROSE — Le pain de la pensée, dont la poésie est le gâteau.

PROTECTEUR (de ces dames) — Payez... et vous serez déconsidéré.51

PROTÊT — La manœuvre qui, dans l'école de peloton des huissiers, correspond à : En joue !52

PROVERBE — Mensonge âgé.

PROVIDENCE — Un aiguilleur qui, pour se rendre indispensable, a inventé les déraillements.53

PROVISOIRE — Synonyme de durable.

PUDEUR — Feuille de vigne... à jours.

PURGATOIRE — Le sedlitz des âmes54.

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « P » parut initialement dans Le Charivari, du 14 juillet au 1er août 1870, selon la chronologie et la répartition suivantes : 14 juillet (« Paix-Paradis »), 16 juillet (« Parapluie-Pendule »), 23 juillet (« Pénitence-Politesse »), 1er août (« Polygamie-Pudeur »). Une tranche complémentaire, « Pacte (de Bordeaux)-Quête », parut dans le numéro du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume. Dans cette édition, disparaît l’entrée « Pape — Un homme qui, voulant qu’on déclare qu’il ne peut se tromper, prouve qu’il veut continuer à tromper les autres », présente dans la tranche publiée par Le Charivari le 14 juillet 1870 : cette allusion et au dogme de l’Infaillibilité pontificale et à la question du pouvoir temporel du pape ayant été plusieurs fois convoquée par Véron (voir les entrées « Agent », « Dogme »), il a choisi de la supprimer. Seront indiquées, au fil du texte, les variantes entre les différentes parutions.
2[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Lors des élections législatives du 8 février 1871, les monarchistes (orléanistes et légitimistes, partisans du comte de Chambord) l’avaient emporté, mais Thiers, nommé chef du pouvoir éxécutif le 17 février, souhaitant reporter le débat sur la nature du régime après les négociations de paix avec la Prusse, fit signer aux parlementaires ce pacte, le 10 mars 1871, à Bordeaux (où s’était réfugiée l’assemblée), aux termes duquel était déclaré le statu quo entre les différents partis, d’où l’idée d’une stérilité partagée ! Paul Hadol, illustrateur du Carnaval du dictionnaire, avait publié dans Le Charivari du 4 avril 1871, dans sa série « La Mythologie politique », une caricature de Thiers en Pâris, « Le Jugement de Thiers-Pâris », ne prenant parti pour aucune des déesses (Héra, Athéna, Aphrodite), en l’occurrence, « Légitimité, « Orléanisme », « République » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3068148w/f3.highres] ! Cette entrée, et pour cause, fait sa première apparition dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
3[Par Wendy Perrin] Jeu sur l’adage : « Plus on est de fous, plus on rit ». Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
4[Par Wendy Perrin] Allusion à la paix armée franco-prussienne, obtenue à la pointe des fusils à aiguille Chassepot (voir les entrées « Accord » et « Aiguille »). Dans la version initiale du Charivari du 14 juillet 1870, une variante : « Fraternité à l’aiguille ».
5[Par Nathalie Preiss] Parce qu’a succédé au Second Empire, la IIIe République, menacée elle-même par le retour, raté, de la monarchie légitimiste incarnée par le comte de Chambord (voir les entrées « Absence », « Absent », « Légitimité », et, infra, « Prétendant »).
6[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Déchiffreur des écritures anciennes, le paléographe est assimilé ici, par antonomase, au baron Georges Cuvier (1769-1832), maître de l’anatomie comparée et de la paléontologie, capable, à partir d’un os fossile, de reconstituer l’ensemble du squelette de l’animal disparu : c’est pourquoi, dans La Peau de chagrin (1831), Balzac en fait un poète, susceptible d’écrire une « Apocalypse rétrograde » !
7[Par Wendy Perrin] Satire à l’égard du « style troubadour » romantique (voir l’entrée « Abricot »).
8[Par Wendy Perrin] En rhétorique comme en politique, la palinodie consiste, après avoir affirmé, à désavouer cette affirmation, d’où la métaphore de la girouette (voir l’entrée « Girouette »).
9[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Combinaison satirique de l’expression « être à l’article de la mort » et « faire l’article pour », « promouvoir », contre le genre de l’éloge (panégyrique) funèbre où le défunt se voit paré de toutes les qualités. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873.
10[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Jeu sur l’étymologie de « panthéisme », qui désigne littéralement la croyance au dieu du Tout (« Pan » dans la mythologie), et le principe de la méthode pédagogique de Jean-Joseph Jacotot (1770-1840) : « Tout est dans tout ».
11[Par Wendy Perrin] Satire anticléricale, fondée sur une variation parodique de cette phrase de Figaro, à propos d’une place, dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais : « Il fallait un danseur, ce fut un calculateur qui l’obtint » (acte V, scène 3), puisque le Panthéon, création révolutionnaire (1791), rétablie par Louis-Philippe en 1830, est censé accueillir les « grands hommes », laïcs, de la patrie.
12[Par Wendy Perrin] Renouvellement de cliché, puisque la pantomime (étymologiquement : mime du tout) suppose en effet une gestuelle qui convoque tous les membres.
13[Par Wendy Perrin] Puisque la feuille blanche, vierge, reste rarement telle, à la différence de la rosière, qui désignait, notamment à la campagne, une jeune fille vierge choisie et célébrée pour sa vertu lors d’une cérémonie où on lui offrait une couronne de roses.
14[Par Wendy Perrin] Jeu sur le dicton : « il n’y a que le premier pas qui coûte ».
15[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873.
16[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
17[Par Wendy Perrin] Parce que, bien souvent, était choisi pour parrain le père inavoué et inavouable de l’enfant (voir, supra, l’entrée « Papa »).
18[Par Wendy Perrin] Allusion satirique à la septième merveille du monde, les jardins suspendus de la reine de Babylone, Sémiramis, avec un jeu sur deux sens du mot « parterre » : le parterre de fleurs et le parterre du théâtre, où se trouve la « claque » (voir l’entrée à ce mot), payée pour siffler ou applaudir.
19[Par Wendy Perrin] Jeu de mots sur cet élément d’architecture urbaine, spécifique au XIXe siècle, qui, couvert par un toit, relie deux rues, et « ruelle » qui, à la Cour, désignait, dans la chambre du roi ou de la reine, le passage, situé entre le lit et le mur, où se plaçaient les courtisans.
20[Par Wendy Perrin] Satire de mœurs récurrente sur les pères putatifs d’un enfant (voir, supra, les entrées « Papa » et « Parrain »).
21[Par Wendy Perrin] Puisque le « père » n’est pas forcément celui que l’on pense (voir, supra, les entrées « Papa », « Parrain » et « Paternité »).
22[Par Wendy Perrin] Renouvellement, en situation, de l’expression « bête de somme », animal qui porte de lourdes charges.
23[Par Nathalie Preiss] Critique anticléricale, récurrente dans le dictionnaire, du développement des pélerinages, liés au culte marial (à la suite de de l’apparition de la vierge Marie à Lourdes, à Notre-Dame de La Salette), dans le contexte notamment de « l’ordre moral » et religieux, encouragé par le président Mac-Mahon (voir aussi les entrées « Apparition », « Châsse », « Relique »). Cette entrée fait sa première apparition ! dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
24[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Dans le roman de Balzac (1835), le personnage éponyme, le père Goriot, est vu comme un « Christ de la paternité » : or, dans la tradition iconographique chrétienne, le Christ est assimilé au pélican qui se sacrifie pour ses enfants, d’où, ici, la métaphore inversée (dans « La Nuit de mai » de Musset, parue aussi en 1835, l’image est appliquée au poète qui ressent et chante les maux de l’humanité souffrante, à régénérer).
25[Par Wendy Perrin] Allusion satirique à la morale de la fable « L’Huître et la perle » d’Antoine-Vincent Arnault (Fables, Livre V, 11, 1812) : « […] au milieu du discours le plus sot, / […] / On peut rencontrer un bon mot, / Comme une perle dans une huître ».
26[Par Wendy Perrin] Critique récurrente, dans Le Carnaval du dictionnaire, des médecins et pharmaciens (voir l’entrée « Médecin »), avec ici l’allusion au « vendeur de remèdes » qu’est le médecin d’Argan, Monsieur Purgon, dans Le Malade imaginaire de Molière.
27[Par Wendy Perrin] Ironie ici à l’égard des adeptes de la philanthropie (courant de pensée qui se développe au XIXe siècle et repose sur l’idée qu’améliorer le sort matériel des plus pauvres contribue à leur progrès moral — et permet aussi de prévenir toute contestation sociale !), qui se feraient « avoir », avec la combinaison d’une référence au gentil Abel (à l’opposé de son frère Caïn) de la Genèse, d’une citation de la formule pascalienne, « Qui fait l’ange fait la bête », et d’un calembour sur le titre du conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, La Belle et la bête (1756). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
28[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Liée à la physiognomonie, la phrénologie (étymologiquement, « discours sur le cerveau »), inventée par le médecin allemand Franz Joseph Gall (1757-1828) et son disciple Spürzheim, et à l’origine de sociétés de phrénologie, en France, en Angleterre, aux États-Unis, était fondée sur l’idée que le développement de telle faculté cérébrale se manifeste, à l’extérieur, sur le front, par une protubérance, et travaillait à partir de « crânes phrénologiques » où étaient cartographiées les différentes facultés du cerveau, désignées par un vocabulaire spécifique (« bienveillancivité »…). Elle était moquée sous le vocable de « système des bosses » — Gavarni, en 1838, lui avait consacré une série caricaturale dans Le Charivari —, d’où l’expression, qui a perduré, de « bosse des maths » (pas des Lettres !) : voir l’entrée « Grossesse ».
29Entrée qui entre en écho, si l’on ose dire, avec la caricature de Draner parue, quelques jours après, le 7 août 1870, à la première page du journal L’Éclipse, intitulée « Mitrailleuse à musique » : y figure un pianiste en tirailleur sénagalais (voir l’entrée « Colonisation ») faisant danser les Prussiens, avec cette légende : « NOUVEAU SYSTÈME BREVETÉ SGDG, PAR DRANER » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1067382w/f1.highres].
30[Par Wendy Perrin] Jeu sur le sens argotique de « pigeon », « dupe » (voir l’entrée « Affaires »), désignant ici les messieurs riches, séduits et « plumés » par les danseuses des bals publics dont le fameux bal Mabille, fondé par ledit, avenue Montaigne, en 1831, où se produisaient les célèbres Rose Pompon et Céleste Mogador.
31[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume : comme l’entrée « Phrénologie », elle peut faire référence à la série caricaturale d’André Belloguet « Pilori-Phrénologie » (novembre-décembre 1870), qui cloue au pilori les têtes de ceux que Véron, tout au long du dictionnaire, a lui aussi exposés à la vindicte publique, mais dont il craint, ce faisant, l’élévation paradoxale au statut de « grand homme » : « Napoléon III », « Pie IX », « Ollivier l’Iscariote », « Bismarkoff Ier », « Bazaine de Metz », « Rouher le Mignon », « Pierre l’Assassin », « Bonaparte le Corse », « Trochu de Paris », « Le Bœuf », « Favre, dit le Grand Jules ». Et, de fait, si la série de Belloguet se veut assassine, elle repose néanmoins sur le principe des « grosses têtes », avec, pour chacune, un quatrain en guise de légende, qui est celui-là même du Panthéon charivarique (paru de 1838 à 1842 dans Le Charivari) de Benjamin Roubaud, orné de cette devise : « Aux grands hommes, la charge reconnaissable ».
32[Par Wendy Perrin] Dans l’argot des écoliers, le terme signifie, à partir de 1834, un « surveillant » (Dictionnaire historique…, A. Rey dir, op. cit.) ; est dévoilée ici l’origine de ce sens : le jeu d’échecs où, face aux « dames », il désigne la pièce la plus modeste. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
33[Par Nathalie Preiss] Allusion notamment au dernier plébiscite du Second Empire, le 8 mai 1870, libellé ainsi : « Le peuple approuve les réformes libérales opérées dans la Constitution depuis 1860 par l’empereur, avec le concours des grands corps de l’État, et ratifie le sénatus-consulte du 20 avril 1870 ». Grâce à une intense campagne d’opinion, le plébiscite, qui imposait paradoxalement la libéralisation du régime, recueillit 7 358 000 voix pour et 1 582 000 voix contre (Pierre Milza, Napoléon III, Perrin, 2004, p. 571-573), d’où le jugement de Véron, bien illustré dans Le Charivari par cette caricature de Daumier parue dans le numéro du 3 avril 1870, avec cette légende : « — M’sieu le maire quoi que c’est qu’un bibiscite ? / — C’est un mot latin qui veut dire oui » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30532010/f3.highres]. Voir aussi les entrées « Scrutin », « Suffrage universel ».
34[Par Wendy Perrin] Sur ce personnage de théâtre, devenu par le jeu de Frédérick Lemaître, dans la caricature, la peinture, la littérature, le type de l’escroc blagueur (au sens du XIXe siècle : voir l’entrée « Blague »), se reporter aux entrées « Actionnaire », « Chiper ».
35[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] La maison Domange était une entreprise de vidanges parisienne, qui, le 10 octobre 1844, avait reçu un brevet d’invention pour un système de vidange dit « atmosphérique », quelque peu odoriférant.
36[Par Nathalie Preiss] La version initiale de cette entrée, parue dans Le Charivari du 1er août 1870, présente cette variante : « Socialisme pour dieux ». Dans les éditions de 1873 et 1874, la Commune a aussi fait son œuvre.
37[Par Nathalie Preiss] Calembour sur « bourse », d’où le renouvellement de l’expression, associée aux malfaiteurs : « La bourse ou la vie ! ». Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
38[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Au XIXe siècle, par leur position privilégiée d’observateurs et de régulateurs des entrées et des sorties des habitants des immeubles, notamment des locataires, le portier et la portière font figure de véritables « puissances » dans les études et caricatures de mœurs (voir, de James Rousseau, la Physiologie de la portière, Aubert, 1841) comme dans le roman (on se souvient de la Cibot dans Le Cousin Pons de Balzac, 1849).
39[Par Wendy Perrin] Critique récurrente, dans Le Carnaval du dictionnaire, de la guerre.
40[Par Wendy Perrin] Parce que ce jeu de salon consistait pour chaque joueur à faire passer à son voisin, en prononçant cette phrase, une feuille de papier enflammée, sans qu'elle ne s'éteigne.
41[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
42[Par Wendy Perrin] Au sens de spectacle de bateleur, de bonimenteur, pour faire entrer le public dans la baraque de foire, en l'occurrence, le livre.
43[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Critique de l'inféodation des préfets au pouvoir, notamment sous Napoléon III, puisqu'une livrée désigne l'habit, aux armes de son maître, que porte un valet.
44[Par Nathalie Preiss] Jeu sur l’expression juridique : « l’honorable préopinant » (voir l’entrée « Antiphrase »).
45[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Dans le vocabulaire juridique, « l’héritier présomptif » désigne le successeur légitime. L’adjectif reprend ici son sens premier de « présomptueux », qui « veut passer devant », « qui a des prétentions », dans le contexte de la « guerre de succession » qui fait rage, à la chute de Napoléon III, entre les républicains, les orléanistes et surtout les légitimistes, avec le « prétendant » au trône, le comte de Chambord (Mac-Mahon, devenu, en mai 1873, président de la république était en fait du côté des légitimistes) : voir les entrées « Absence », « Absent », « Légitimité ». Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
46[Par Wendy Perrin] Pêcheur en eaux troubles (voir l’entrée précédente).
47[Par Nathalie Preiss] Variation sur le vers d'Horace: « Quidquid reges delirant, plectuntur Achivi » (« Chaque fois que les rois délirent, ce sont les Grecs qui en paient les frais », Épîtres, Livre I).
48[Par Wendy Perrin] Cordon rembourré que l’on mettait autour de la tête des bébés pour qu’ils ne se blessent pas en cas de chute. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
49[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
50[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
51[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
52[Par Wendy Perrin et Nathalie Preiss] Puisque, dans le vocabulaire juridique, un « protêt » désigne l’acte par lequel est constaté par un huissier qu’une lettre de change, un billet à ordre, arrivés à échéance, n’ont pas été réglés par leur signataire, qui doit alors subir la « contrainte par corps » et un emprisonnement pour dettes.
53[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l'édition en volume.
54[Par Wendy Perrin] L’eau de Sedlitz, ville située en République tchèque, avait des vertus purgatives, d’où le jeu sur le purgatoire chrétien, où, à sa mort, « transite » l’âme du pécheur qui doit se « purger » de ses fautes pour pouvoir connaître le paradis. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume.

Q

Lettrine Q :  

1QUADRILLE — Moi, la seule figure qui me charme, c'est celle de ces jobards2 de maris qui sourient pendant qu'on balanceleurs dames.

QUALITÉ (homme de) — Un monsieur qui ne se doutait guère que le suffrage universel le forcerait à compter avec les hommes de quantité3.

QUATRAIN — Un oiseau à quatre pattes4.

QUESTION — Ce sont ceux à qui on l'appliquait qui n'aimaient pas jouer aux quatre coins5  !

QUÈTE — Pour les frais du culte, s'il vous plaît6  !...

Regardez les visages pendant que les mains fouillent dans les poches, et vous verrez que, pour la plupart, c'est ce moment-là qui est le vrai sacrifice de la messe.

QUIPROQUO — Avoir besoin d'un Talleyrand et prendre un Benedetti7.

1[Par Nathalie Preiss] Seules deux entrées de la lettre « Q », « Quatrain » et « Quiproquo », parurent dans Le Charivari du 5 août 1870. Les autres entrées parurent toutes dans la tranche complémentaire, « Pacte (de Bordeaux)-Quête », du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume. Mais, dans cette édition, disparaît l’entrée : « Querelle — Eh ! ben oui, j’bas ma femme, mais c’est parce qu’elle m’adore… Tout le monde sait que les soufflets, ça ranime le feu ! / (Un cynique) ». Seront indiquées, au fil du texte, les variantes entre les différentes parutions.
2[Par Manon Lorrain] Dans l’argot de l’époque, le « jobard » désigne une dupe, un « gogo » (voir l’entrée « Affaires »), et, si l’on « balance » les dames, c’est que ce quadrille est en fait cette danse échevelée, mise à la mode en 1840, le « cancan » (voir la note associée à ce mot dans la Préface). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
3[Par Manon Lorrain] Méfiance à l’égard du suffrage universel institué par la Seconde République, réduit à certaines consultations sous le Second Empire (référendum, élection des députés du Corps législatif), rétabli pour l’élection, le 8 février 1871, de l’Assemblée nationale constituante qui donna une majorité écrasante aux monarchistes (légitimistes ou orléanistes) contre les républicains. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
4[Par Manon Lorrain] Métaphore, née peut-être, pour la rime, d’une analogie avec le chant du « serin », appliquée à la strophe de quatre vers qu’est le quatrain.
5[Par Manon Lorrain] Interrogatoire des supposés hérétiques, mené par le tribunal de l’Inquisition dans l’Église catholique (voir les entrées « Auto-da-fé », « Inquisition »), la question s’apparentait à la torture d’où l’idée que, pour y échapper, l’accusé était obligé de sauter d’un coin à l’autre de la pièce où il était mis à la question, comme l’enfant jouant au jeu des quatre coins. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
6[Par Manon Lorrain] Satire anticléricale de l’offrande faite en espèces sonnantes et trébuchantes par les fidèles, dans l’Église catholique, avant le « sacrifice » de la messe, qui désigne celui du Christ lors de l’eucharistie. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 22 mars 1873, en vue de l’édition en volume.
7[Par Manon Lorrain] À l’inverse de Talleyrand, le parangon de la diplomatie française, qui, en 1815, après la chute de Napoléon, avait redonné toute sa place à la France dans le « concert européen », lors du Congrès de Vienne, Vincent, comte de Benedetti (1817-1900), ambassadeur de France en Prusse, avait échoué dans ses négociations auprès du roi de Prusse, Guillaume Ier, qui refusa de s’engager à ne présenter aucun prétendant au trône d’Espagne ; aussi Benedetti ne put-il empêcher la dépêche d’Ems, porteuse de ce refus, dont la formulation blessante, due à Bismarck, fut à l’origine de la déclaration de guerre de la France à la Prusse, le 19 juillet 1870 (voir l’entrée « Accordéon »).

R

Lettrine R :  

1RACOLEUR — Missionnaire qui travaillait chez les marchands de vins2.

RADICAL — Un homme qui sait que pour les abus en politique il en est de même que pour les cors aux pieds : rien n'y fait, tant qu'on laisse la racine3.

RADIS — Le Latude4 des hors-d'œuvre... à cause de ses perpétuelles tentatives d'évasion.

RAGE — Maladie qui doit remonter comme origine à un jour où un chien fut mordu par un homme.

RAISON —

RAISIN —

Dire qu'il suffit de ceci pour tuer cela !5

RÂLE — La cantonade de la mort.

RAMOLLISSEMENT — Qui trop embrasse6...

RANCUNE — L 'extrait de Liebig de la colère7.

RATELIER — On dit les dents de sagesse, pourquoi ne dirait-on pas les dents de folie ?

RATURES — Le meâ culpâ de la plume8.

RÉACTIONNAIRE — Un ignorant qui ne sait pas qu'en frappant sur les fulminates on les fait éclater9.

RÉCIDIVISTE — Un gaillard qui fait semblant de prendre les sifflets pour des bis10.

REGAIN — Seconde édition revue et considérablement diminuée11.

REGRET — L'écho de la douleur.

RELIEUR — La couturière des livres12 .

RELIGION — On croyait que ce serait la plus économique des polices13, et c'est devenu la plus coûteuse de toutes.

RELIQUE — Le bric-à-brac de la piété14 .

RELIURE — Il en est de même des livres que des femmes ; ce sont en général celles qui valent le moins qui ont les plus belles toilettes.

REMÈDE — Comme tous les articles de foi, ça se vend diantrement cher15 .

REMORDS — L'indigestion de l'âme.

REMPLAÇANT — Héros marqué en chiffres connus16.......

RENOMMÉE — La preuve que le goût de la guerre est dans le sang de l'humanité, c'est que pour emblème on a donné à la Renommée une trompette17.

RÉPARATION — Opération également désagréable aux poltrons et aux propriétaires18 .

REPTILE — On annonce qu'on va leur bâtir un palais au Jardin des Plantes. Histoire de démontrer qu'aujourd'hui c'est en rampant qu'on arrive aux grandeurs19.

RÉPUBLIQUE — Chapeau bas ! Qu'on ne plaisante plus20.

RÉPUTATION — Ce qu'il y a au monde de plus tachant21 .

RÉQUISITOIRE — Massue dont la loi a le tort de se servir indistinctement pour assommer un monstre et pour écraser une mouche.

RÉSIGNATION — Paratonnerre placé par la religion sur les jouissances du riche.

NOTA. — Les paratonnerres mal faits finissent par attirer la foudre. D'où l'Internationale22 .

RÉSISTANCE — X... serrait de près sa blanchisseuse. — Voyons ! pas tout de suite, je reviens lundi......

RESPECT — Ah ! monsieur, quelle époque ! On ne sait plus être respectueux.

— Ah ! monsieur, êtes-vous bien sûr qu'on sache être respectable ?

RESPONSABILITÉ — Au collége, nous jouions à un jeu appelé la balle empoisonnée. Mettez les partis au lieu de collégiens, et vous y êtes.

RESTAURATION (d'un prince) — Malpropreté culinaire qui consiste à faire, à force d'épices, remanger à un peuple ce qu'il a rendu la veille23.

RÉSURRECTION — Le retour de l'île d'Elbe du bon Dieu24.

RÉTABLIR — Ce verbe a deux sens parfaitement distincts.

Exemple : Si vous entendiez dire : La royauté est rétablie, cela ne voudrait pas dire qu'elle a cessé d'être malade.

Au contraire25 .

RETARDATAIRES — Les carabiniers des Variétés et les généraux français de la dernière campagne26.

RETENUE — Connais pas ! répondent les mœurs. — Connais trop ! répondent les appointements27 .

RÉTICENCES — Les doubles-fonds de la parole28.

RETIRER (se) — Pour simplifier les bulletins officiels du siége de 1870 et économiser le papier, moi je n'en aurais fait qu'un seul mot : Se retirenbonordrer qu'on aurait conjugué ainsi :

Je me retirenbonordre, tu te retirenbonordres, il se retirenbonordre, nous nous retirenbonordrons29.

RETOUR — Pas une raison parce qu'on a pratiqué ceux du bâton pour pratiquer celui de l'île d'Elbe30....

RÉTRACTATION — Éponge qui, en nettoyant l'autre, salit le plus souvent celui qui s'en sert.

RETRAITE — Drôle d'idée d'avoir donné le même nom à ce qui déshonore le soldat et à ce qui le récompense à la fin de sa carrière.

RETRANCHEMENT — Genre de travail qui fortifie les villes, mais qui ne fortifie pas les hommes. Pour plus amples détails consultez Vauban... et Abeilard31.

RÉTROACTIVITÉ — Le recul de la loi32.

RETROUSSER (se) — Action qu'on a surnommée le baromètrede la pudeur. Malheureusement quand il monte, ça ne veut pas toujours dire beau.

RÉUNIONS (publiques) — Lieu où l'on échange des idées... sur la figure.

REVANCHE — Si l'on veut que la première représentation réussisse, il ne faut pas que les journaux racontent la pièce d'avance33.

RÉVEIL-MATIN — Exactitude artificielle.

RÉVÉLATION (religieuse) — Enfant de trente-six pères34 .

RÊVE — Une évasion quotidienne.

REVENANT — Croyance d'autrefois.....

REVENU — Croyance d'aujourd'hui35.

RÉVÉREND (du latin revereri, respecter). — Ils ont pris ce titre comme d'autres prennent celui de baron36...

REVERS — Pèse-amitié.

RÉVOLUTION — Adultère des nations.

1er Nota. — Neuf fois sur dix c'est la faute du mari.

2eNota. — Ceux qui crient au scandale sont ceux qui sont furieux de n'avoir pas joué le rôle de l'amant.

REVUE — Application militaire du proverbe : « Il ne faut pas se fier aux apparences37 . »

REZ-DE-CHAUSSÉE — Local qui entretient par ses petits cadeaux l'amitié entre l'architecture et la médecine38.

RHÉTORIQUE — On montrait jadis à Beaujon un jardin dont toutes les fleurs étaient en papier. C'est ça39.

RHYTHME — Les nerfs de la musique.

RICHESSE — Avez-vous remarqué qu'on trouve bien souvent les plus superbes pianos chez les gens qui ne savent pas en jouer ?

RIDES — Des sillons où la plupart du temps il n'a rien poussé.

RIDEAU — J'ai une voisine qui s'en sert absolument comme le toréador de sa banderole.

RIDICULE —

Les gens que vous tuez se portent à merveille40.

RIEN — La vertu de ces dames. — La stratégie de M. Le Bœuf. — La bravoure du cousin Jérôme. — La foi du père Veuillot. — Le... (Je pourrais continuer durant un volume41).

RIGORISTE — Un monsieur qui ne se regarde pas assez dans la glace.

RIME — Je comprends qu'on réunisse deux bœufs par un joug ; mais deux oiseaux !...

RINÇURE — La meilleure définition du pastiche.

RIPOSTE _ L'aller et retour de la conversation.

RIVAL — Comme quoi la gamelle ouvre l'appétit.

(DUMAS fils.)

RIVIÈRE — Le proverbe assure que la rivière vient du ruisseau. C'est ce que je pense chaque fois que je regarde les diamants de nos courtisanes42 .

RIZ — On dit que le riz resserre. Au fait, c'est peut-être ce qui a intercepté toutes les sorties du général Trochu pendant le siège43 .

ROB

ROBE

Fi, monsieur le dictionnaire ! Vous permettre un tel rapprochement44 ...

ROI — Marchand de chaînes de sûreté.

ROMANCE — Incongruité poétique, sur laquelle on mettait de la musique en guise de cendre.

RONDEUR — Problème : Cette qualité est-elle plus rare dans les caractères que dans les corsets ?

RONFLEMENT — Trompette de Jéricho de l'amour. Au premier coup tout s'écroule45.

ROSAIRE — Dieu... aux petits pois46 .

ROSE — L'emblème de la coquetterie. A l'air d'avoir des épines, pour nous donner envie de la cueillir47.

ROSÉE — Les pleurs du malin, dit la poésie. Ça doit être la faute de nos péchés de la nuit.

ROSIÈRE — Quand elle est jolie, j'admets qu'elle a fait ce qu'elle a pu. Mais quand elle est laide, je me demande si elle a pu ce qu'elle n'a pas fait48 .

ROTURIER — Citoyen qui a quatre-vingt-dix chances sur cent pour monter, tandis que le noble a quatre-vingt-dix chances pour descendre.

ROUBLE — Le cœur de ces dames du corps de ballet trouve qu'il n'y a vraiment que ça qui rime bien avec trouble49 .

ROUCOULEMENT — Âmes sentimentales, souvenez-vous que l'argot moderne a fait de pigeon le synonyme de dupe50.

ROUE — Tous les goûts sont dans la nature. La preuve, c'est que cet exercice semble faire infiniment plus de plaisir aux paons qu'il n'en faisait aux condamnés à mort.

ROUGEUR — Ah ! monsieur, les demoiselles d'aujourd'hui ne rougissent plus... — Pardon ! vous oubliez la couperose.

ROULADE — Les borborygmes du chant.

ROULETTE — Petit appareil de jeu qui doit avoir inventé la formule : Je pose zéro et je retiens tout.

ROSSIGNOL — Oiseau qui ne se sent d'humeur à chanter que la nuit. Probablement parce qu'alors il ne voit plus nos laideurs.

ROYALISTE — Se rappeler la légende de Gavarni :

— Ma chère, fidèle comme un caniche,

— Et ça rapporte51 !

ROYAUTÉ — Pauvre vieille ! est-ce que tu t'es jamais crue aimée pour toi-même52  ?

RUBANS — Nous vous pardonnons les vôtres, mesdames, mais ne nous pardonnez pas les nôtres, je vous en prie53 .

RUMINANT — Animal qui remâche plusieurs fois la même nourriture. Exemples : le bœuf, le romancier, le compositeur de musique, etc., etc

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « R » parut initialement dans Le Charivari, du 5 août 1870 au 23 novembre 1871, selon la chronologie et la répartition suivantes : 5 août 1870 (« Racoleur-Réactionnaire »), 7 août 1870 (« Récidiviste-République »), 2 novembre 1871 (« Rêve-Rime »), 23 novembre 1871 (« Rossignol-Royauté »). Notons la longue interruption, d’un an et demi, du « DICTIONNAIRE DE L’AVENIR », devenu le présent de la guerre franco-prussienne, qu’il avait sinon annoncée, du moins, anticipée, et c’est sous le nouveau titre de « DICTIONNAIRE ANTI-ACADEMIQUE » que sa publication reprend, le 2 novembre 1871. Cette version « charivarique » sera celle de l’édition en volume, à l’exception de l’entrée : « Routinier — L’empailleur des idées » et d’une variante qui sera indiquée en son lieu.
2[Par Manon Lorrain] Satire anticléricale, puisqu'au XVIIe et jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, le racoleur, moyennant finances, était chargé de recruter des soldats pour l'armée du roi, parfois sous la menace, et à grand renfort de griseries, dans les cabarets et chez les marchands de vin.
3[Par Manon Lorrain et Nathalie Preiss] Jeu sur l’étymologie de « radical », qui a précisément pour « racine » la même origine latine que le mot « racine » (« radix »). Il y a là allusion à Gambetta, chef de file des républicains radicaux, qui, en 1869, avait présenté son « programme de Belleville » en faveur du retour aux libertés fondamentales. Nommé en 1870, après la déclaration de la guerre, ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Défense nationale, il plaidera « radicalement » jusqu’au bout pour la poursuite de la guerre. Conservée dans cette édition de 1874, cette entrée garde toute sa pertinence puisque, avec la montée des conservateurs, le journal Le Radical, fondé en 1871 par Jules Mottu au lendemain de la Commune, avait été supprimé le 28 juin 1872 : assurément, il n’avait pas réussi à éradiquer les abus d’autorité !
4[Par Manon Lorrain] Célèbre prisonnier de la Bastille qui s’enfuit à de nombreuses reprises, comme les « radis » qui, ici, n’ont rien de botanique mais tout d’argotique : le terme signifie « argent », qui a tendance à s’évader !
5[Par Manon Lorrain] Le vin, issu du raisin, tue la raison : jeu sur le titre du chapitre 2 du Livre V, « Ceci tuera cela » (« Le livre tuera l’édifice », c’est-à-dire, l’Imprimerie tuera l’architecture) de Notre-Dame de Paris (1831) de Hugo.
6[Par Manon Lorrain] Allusion grivoise au sexe masculin par le jeu sur l’expression « Qui trop embrasse mal étreint ».
7[Par Manon Lorrain] La rancune est le concentré persistant de la colère passagère, de même que « l’extrait de Liebig » (du nom de son inventeur, en 1865, le chimiste allemand Justus von Liebig) est un concentré de viande (ancêtre du bouillon-cube), pour lequel les journaux, dont Le Charivari, faisaient alors la publicité.
8[Par Manon Lorrain] Métaphore religieuse, « Mea culpa, maxima culpa » (« c’est ma faute, c’est ma très grande faute ») empruntée au Confiteor (« Je confesse à Dieu ») chrétien, par un jeu sur « repentir », synonyme de « rature » en peinture, et voie vers la rémission des péchés pour les chrétiens.
9[Par Manon Lorrain] Idée, récurrente chez Véron, républicain opposé à la réaction, qu’à vouloir réprimer les « explosions » populaires, le réactionnaire les attise (voir, infra, l’entrée « Résignation »). Nadar, collaborateur du Charivari et du Journal pour rire, avait publié dans la Revue comique, en 1848-1849, une bande dessinée intitulée « Vie privée et publique de Môssieur Réac ».
10[Par Manon Lorrain] Le « récidiviste », qui, malgré une condamnation judiciaire, par exemple, recommence, semble bien confondre les « sifflets », expression, au théâtre, du mécontentement de la salle, avec les « bis », manifestation du contentement du public, qui en redemande !
11[Par Manon Lorrain et Nathalie Preiss] Satire du monde de la librairie (qui signifie « édition » au XIXe siècle) par un calembour sur le terme « regain » (renouvellement), pris ici au sens de « double gain », et l’inversion carnavalesque, caractéristique de ce dictionnaire, de l’expression consacrée : « Seconde édition revue et augmentée ». Est ici visé le journaliste Nestor Roqueplan, l’inventeur du mot « lorette » (voir la note associée au mot « gommeuses » de la Préface), auteur d’un ensemble d’études de mœurs intitulé La Vie parisienne. Regain, publié à la Librairie nouvelle en 1853, et réédité en 1869, chez Michel Lévy frères, l’éditeur du Carnaval du dictionnaire et de plusieurs ouvrages de Véron (voir, au début du dictionnaire, la « Liste des ouvrages ») !
12[Par Manon Lorrain] Nouvelle satire des mœurs de la librairie : on retient le nom des grands relieurs (Techener…) et on oublie le travail des petites mains, effectué par des femmes, qui assemblent et cousent auparavant les feuillets en cahiers.
13[Par Manon Lorrain] Au sens de ce qui civilise (de « polis », la cité, en grec). Critique anticléricale, récurrente dans le dictionnaire.
14[Par Manon Lorrain] Par la connotation péjorative de « bric-à-brac », critique de la recrudescence, en cette fin de XIXe siècle, sous le Second Empire et, bientôt, la république de « l’ordre moral et religieux » de Mac-Mahon, du culte des saints et des reliques (voir aussi l’entrée « Châsse »).
15[Par Manon Lorrain] Par le jeu sur le mot « article », pris au double sens de produit commercial et de principe d’une croyance religieuse, critique à double détente contre l’Église catholique et contre les médecins, qui abusent de la crédulité publique (voir les entrées « Homéopathe » et « Médecin »).
16[Par Manon Lorrain] Le remplaçant désigne un soldat qu’un conscrit, tiré au sort pour aller combattre, paie pour le remplacer. Ce système, peu favorable à un réel engagement de la part du remplaçant, sera supprimé par la loi militaire du 27 juillet 1872 (voir aussi les entrées « Conscrit » et « Hanches »)
17[Par Manon Lorrain] Avec le jeu sur l’expression « avoir dans le sang », critique récurrente de la guerre, associée à une « boucherie » (voir ce mot), d’où la référence à la Renommée représentée allégoriquement avec deux trompettes : l’une pour la bonne renommée, l’autre pour la mauvaise.
18[Par Manon Lorrain] Définition fondée sur un jeu entre le sens matériel du mot, réfection d’un bien endommagé, et le sens moral, réponse à un affront par le duel, d’où le désagrément pour le peureux, le poltron.
19Depuis la première moitié du XIXe siècle, le Jardin des Plantes est le lieu privilégié des caricaturistes qui métamorphosent les hommes en animaux, et l’illustrateur du dictionnaire, Hadol, avait caricaturé, dans sa Ménagerie impériale (1870), le ministre de Napoléon III, Émile Ollivier, en serpent arrivé sinueusement à ses fins, puisque, selon ses détracteurs, dont Pierre Véron (voir les entrées « Accommodant », « Ailes », « Apostat », « Arlequin », et « Défection »), il avait renié ses opinions libérales pour épouser celles du Second Empire (qu’il prétendait, lui, vouloir libéraliser) : [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10505633m/f19.item].
20[Par Manon Lorrain] Mettre chapeau bas est un signe de respect. Référence au fameux refrain de la chanson de Béranger, « Souvenirs du peuple » : « Chapeau bas devant la casquette ! / À genoux devant l’ouvrier », particulièrement d’actualité lors de la révolution de 1848 et de l’avènement de la Seconde République, régime que défend Le Charivari de Véron, contre les tendances monarchiques légitimistes du président de la république d’alors, Mac-Mahon (voir l’entrée « Absence »).
21[Par Manon Lorrain] Renouvellement du cliché « entacher une réputation » avec les sens propre ! de « tachant » : « susceptible d’être taché ».
22[Par Manon Lorrain] L’Église catholique est ici accusée de protéger les plus riches de toute velléité d’insurrection des plus pauvres en prônant à ces derniers la résignation à leur sort, avec l’espérance d’un monde meilleur, à la fin de leur vie terrestre. En 1864, la constitution du mouvement de l’Internationale en faveur des prolétaires de tous pays va contre ce discours, mais, le 14 mai 1872, une loi contre l’Internationale sera promulguée.
23[Par Léa Lallement] Jeu sur le sens politique de « restauration », avec référence aux tentatives, déçues, des légitimistes, en 1871 et en 1873, pour remettre sur le trône, sous le nom de Henri V, le comte de Chambord, petit-fils de Charles X. Voir les entrées « Absence », « Absent », « Diadème ».
24[Par Léa Lallement] Version politique de la résurrection du Christ, par la référence au retour de Napoléon Ier, le 22 mars 1815, de son exil à l’île d’Elbe : ce furent les fameux Cent-Jours qui prirent fin avec la défaite de Waterloo, le 22 juin 1815, et la restauration de la monarchie, avec Louis XVIII.
25[Par Léa Lallement] Même dans le cas d’un éventuel retour du comte de Chambord (voir, supra, l’entrée « Restauration »), Véron considère la royauté définitivement atteinte, à l’instar de Daumier dont la dernière caricature politique, de la série Actualités, parue dans Le Charivari du 24 septembre 1872, montre la monarchie dans un cercueil, avec cette légende : « Et pendant ce temps-là, ils continuent à affirmer qu’elle ne s’est jamais mieux portée » : [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3067040x/f3.highres].
26[Par Léa Lallement] Critique récurrente des atermoiements des généraux français lors de la guerre de 1870 contre les Prussiens, par une allusion à l’opéra-bouffe Les Brigands d’Offenbach, créé sur la scène du théâtre des Variétés à Paris, en 1869, et rendu célèbre par cet air des brigands à propos des carabiniers : « Nous sommes les carabiniers, la sécurité des foyers. Mais, par un malheureux hasard […] nous arrivons toujours trop tard ». (voir aussi, infra, l’entrée « Retirer (se) »).
27[Par Léa Lallement] Jeu sur deux sens du mot : le fait de se montrer réservé, en matière de mœurs, et le fait de soustraire une certaine somme du salaire dû.
28[Par Léa Lallement] Figure de rhétorique qui consiste à ne pas achever un énoncé, néanmoins explicite.
29Critique à l’encontre du général Trochu, raillé pour son inaction lors du siège de Paris, à travers une allusion à la caricature d’Émile Evrard, intitulée « La Retraite en bon ordre », parue dans le second numéro du journal Le Lampion, en 1871, où le général tricéphale fuit et fuite sur les régions occupées par les Prussiens, avec cette légende : « L’H en moins dans son nom / Explique le recul / Pour sauver la nation / Il était bien Tro…? » : [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carqb4554_001.jpg?itok=qS_12GeG].
30[Par Léa Lallement] Jeu sur l’expression « retour de bâton », en référence à la chute de Napoléon III, le 4 septembre 1870, qui répondrait à son avènement par un coup d’État, le 2 décembre 1851, et sur un retour possible d’exil, sinon de lui-même, mort le 9 janvier 1873, mais de son fils, sur le modèle de celui de Napoléon Ier (voir, supra, l’entrée « Résurrection »).
31[Par Léa Lallement] Jeu sur deux sens de « retranchement ». Avec Vauban, directeur du « génie militaire » sous Louis XIV, il s’agit d’une fortification destinée à se protéger des ennemis (ainsi, une caricature de Cham, parue dans Le Charivari du 5 janvier 1872, représente Thiers — partisan d’un système de fortification, qui, après sa chute, sera exécuté grâce à la loi de 1874 — devant la satue de Vauban : [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3063676c/f3.highres]) ; avec Abeilard, théologien du Moyen Âge, amoureux de sa disciple Héloïse, il s’agit d’émasculation, par l’oncle de cette dernière, le chanoine Fulbert (voir l’entrée « Chapon »).
32[Par Léa Lallement] Satire par assimilation entre rétroactivité (le fait qu’une loi vaut aussi pour des faits antérieurs à sa promulgation) et régression.
33[Par Léa Lallement] Allusion à la volonté de la France de prendre sa revanche sur la Prusse qui avait annexé, par le traité de Francfort du 10 mai 1871, l’Alsace et la Lorraine (ce sera l’un des motifs de la guerre de 1914 contre l’Allemagne).
34[Par Léa Lallement] Critique anticléricale, voire antichrétienne, contre les interprétations multiples d’une Parole divine, la Révélation, censée être unique.
35[Par Léa Lallement] Jeu de mots emprunté au roman de Balzac, qui mêle magnétisme et histoire d’héritage, Ursule Mirouët (1842) : « “Croyez-vous aux revenants ?” dit Zélie au curé. — “Croyez-vous aux revenus ?” répondit le prêtre en souriant ».
36[Par Léa Lallement] Nouvelle critique anticléricale contre les Jésuites notamment, qui font précéder leur nom du titre de « Révérend » : « le Révérend père » un tel.
37[Par Léa Lallement] Critique récurrente dans le dictionnaire de l’association entre guerre, armée et gloire, que s’était efforcée d’affirmer la revue militaire de Longchamps, le 29 juin 1871, à la suite de la répression de la Commune.
38[Par Léa Lallement] Rubrique située dans la partie inférieure du journal et consacrée, à la quatrième page (la dernière, dans les journaux de l’époque), aux publicités notamment médicales ou pharmaceutiques.
39[Par Léa Lallement] Jeu sur l’expression métaphorique « fleurs de rhétorique », à l’image des bosquets de fleurs artificielles du jardin Beaujon, sur les Champs-Élysées (du nom de son propriétaire, le banquier Nicolas Beaujon), dont Michel Ruggieri avait fait en 1801 un parc d’attraction.
40[Par Léa Lallement] Jeu de mot sur l’expression « Le ridicule ne tue pas » mais aussi sur un vers de Pierre Corneille dans Le Menteur, acte IV, scène 2 : « Les gens que vous tuez se portent assez bien ».
41[Par Léa Lallement et Nathalie Preiss] Sont visés ici : le maréchal Edmond Lebœuf (1809-1888), qui, le 24 septembre 1870, après la défaite de Sedan, avait été partisan, en vain, d’une sortie de l’armée du Rhin contre la Prusse ; le cousin de Napoléon III, le prince Jérôme Napoléon (1822-1891), surnommé « Plon Plon », général qui, lors de la guerre de Crimée, avait quitté le champ de bataille avant la fin du conflit et gagné une réputation de pusillanimité; enfin Louis Veuillot, directeur du journal L’Univers, ultramontain, partisan de l’ordre moral, cible préférée de Véron et du Charivari (voir les entrées « Abêtir », « Ultramontain », « Univers (Journal) »). Dans sa Ménagerie impériale (1870), Hadol, l’illustrateur du dictionnaire, fait de Lebœuf « L’OIE (Suffisance-Nullité) » (pl. n° 27) [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10505633m/f37.highres] et de Jérôme Napoléon « Le LIÈVRE (Prudence-Pusillanimité) » (pl. n° 4) [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10505633m/f14.highres].
42[Par Léa Lallement] Triple jeu par la combinaison entre le proverbe, « Les petits ruisseaux font les grandes rivières », la métaphore « rivière de diamants », appliquée à une parure, et l’expression « sortir du ruisseau » (ou du caniveau) appliquée aux courtisanes, venues des bas-fonds mais couvertes de diamants par leurs protecteurs.
43[Par Léa Lallement] Critique de l’attentisme du général Trochu lors du siège de Paris par les Prussiens, qui s’éclaire par la caricature d’Émile Evrard (voir, supra, l’entrée « Retirer (se) »), le représentant en fuite et « fuitant » sur les territoires français occupés.
44[Par Léa Lallement et Nathalie Preiss] Parce que le « rob » désigne une décoction et, tout particulièrement, le « rob de Laffecteur », décoction à la formule secrète (Grand dictionnaire… de P. Larousse, op. cit.) contre la syphilis, transmise aux femmes et, du point de vue ici adopté, par les femmes.
45[Par Léa Lallement] Allusion à l’épisode de l’Ancien Testament, dans le Livre de Josué (6, 1-20), où le peuple d’Israël fait le tour de la ville de Jéricho, qui lui est interdite, pendant sept jours et, le septième, en fait sept fois le tour au son des trompettes, qui, au septième tour, parviennent à en faire tomber les murs — « Au septième jour, les murailles tombèrent » (Hugo, Les Châtiments, 1853, Livre VII) : un seul ronflement suffit pour ruiner l’amour !
46[Par Léa Lallement] Parce que le rosaire catholique se compose de quatre chapelets constitués chacun de quatre dizaines de grains, que l’on égrène en récitant les quatre séries de mystères de la vie de Jésus (les mystères joyeux, les mystères lumineux, les mystères douloureux et les mystères glorieux). Voir un jeu de mots similaire à l’entrée « Chapelet ».
47Rose peu innocente puisqu’il s’agit d’une allusion à la caricature de l’impératrice Eugénie, réputée coquette et heureuse de s’entourer de courtisans, par Alfred Le Petit qui, dans le Supplément n° 4 du journal La Charge (septembre 1870), la représente en « Rose impériale », aux yeux chastement baissés, mais fort flattée de voir virevolter autour d’elle un personnel impérial, prêt à butiner ! [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carg047442_001.jpg?itok=I-0VeQC9].
48[Par Léa Lallement] Parce que la rosière, jeune fille honorée dans les villages pour sa vertu, est censée être vierge (voir aussi l’entrée « Papier »).
49[Par Léa Lallement] Allusion au fait que, dans les études et caricatures de mœurs de l’époque, les figurantes et danseuses, réputées vénales, cultivent l’amour et les roubles des princes russes (plus ou moins faux !).
50[Par Léa Lallement] Voir les entrées « Affaires », « Pigeon ».
51Il s’agit en fait d’une légende de Talin à un dessin de Damourette, dans le onzième de leurs Petits Albums pour rire (vendus au bureau du Journal pour rire, créé, comme Le Charivari, par Philipon), intitulé Les Lorettes (voir la note associée au mot « gommeuses » dans la Préface) où ces dames parlent de leurs « amants métalliques », qui assurément rapportent !
52[Par Léa Lallement] Conclusion logique de l’entrée précédente.
53[Par Léa Lallement] Jeu sur le double sens du terme : ornements féminins, mais aussi décorations, ici militaires et masculines, jugées, tout au long du dictionnaire, après la défaite de Sedan, usurpées ou dérisoires (voir les entrées « Carnage », « Tuerie »).

S

Lettrine S :

1SABLIER — La passoire du temps.

SABRE — Un régime qui, dans la grammaire politique, ne s'accorde jamais avec le sujet.2

SACCAGER — Cheminer à la prussienne.3

SACHET — Procédé pour empailler les odeurs.4

SACRIFICE — Ne faites pas à autrui ce que vous voulez toujours qu'on vous fasse.5

SACRISTIE — C'est la faute de certains cléricaux, si l'on traduit par : Arrière-boutique.6

SAGE-FEMME — La portière de la vie.7

— Cordon, s'il vous plaît !

SAGESSE — Un bruit qu'on n'ose plus même faire courir.

SAIGNANT — C'est comme ça que j'aime le beefsteak et que les conquérants aiment les peuples.8

SAINTS — Les parvenus du ciel.

SAINT-SIÈGE —

J'ai un pied qui r'mue
Et l'autre qui n'va guère.9

SALVE — Estimant les princes à leur valeur, l'usage a décidé qu'il ne pouvait y avoir pour eux de bruit plus agréable que celui qui leur rappelle l'art de détruire leurs sujets.10

SANTÉ — Plante rare, dont les médecins ne sont pas encore parvenus à détruire tout à fait l'espèce.

SATISFAIT — Belle nature qui n'admet pas que les autres puissent avoir faim quand elle a bien dîné.

SAUVAGE — Adjectif qui n'a plus de féminin.11

SAVANT — Un homme qui est arrivé à avoir conscience de son ignorance.

SCAPULAIRE — Flanelle de piété.12

SCEPTICISME — Le droit de légitime défense de la raison.

SCEPTRE — Ça doit être en qualité d'aveugles qu'on a mis aux rois un bâton dans la main.

SCHISME — Ce mot-là me fait toujours penser à l'histoire de cet employé de la maison Domange qui disait avoir renoncé à la peinture, parce que l'odeur l'incommodait.13

SCRUPULE — A quoi bon en parler ? On est si pressé d'arriver aujourd'hui, qu'on prend le moins qu'on peut d'excédant de bagages.

SCRUTIN — Coffre-fort politique dont l'ignorance est la fausse clé.14

SÉCHERESSE — Aimable qualité que, chez ces dames, se disputent en général le cœur et la poitrine.

SECRET — La seconde des choses qu'une femme a le plus de mal à garder.15

SÉDUCTEUR — Serrurier qui s'amuse à fabriquer des rossignols pour ouvrir une porte qui neuf fois sur dix n'est pas fermée.16

SEIN — Voilà qui donne trop bien raison à l'axiome : Lesabsents ont tort.17

SEMBLABLE (mon) — Traduction fidèle : Combien je suis plus brave, plus spirituel, plus honnête, plus courageux que lui !...

SÉMINAIRE — l'enseigne est :

— Crois, mais ne multiplie pas !

Il ne faut pas se fier toujours aux enseignes.18

SÉNAT — Claque à 30,000 francs par an, qu'un définisseur appelait les Romains de notre décadence.19

SENS — Un mot dont le pluriel taquine perpétuellement le singulier.

SÉPARATION (de corps) — Deux forçats qu'on oblige après le bagne à traîner chacun une moitié de la chaîne et une moitié du boulet. Et voilà ce qu'on appelle une délivrance !20

SÉRAIL — Les antipodes de Nanterre.21

SERINETTE — Son nom indique suffisamment que le mendiant qui en joue pour nous attendrir nous regarde comme des serins.22

SERMENT — Un substantif qui devrait être du féminin : il est si souvent violé !23

SERVICE — Ça et son parapluie, c'est ce qu'on oublie le plus facilement.

SCHAKO — Coiffure qu'on met sur sa tête en temps de paix et par terre en temps de guerre.24

SI... — La clé de la boîte à Pandore.25

SIFFLET — Petit instrument au bruit duquel les chiens rapportent. C'est le contraire pour les pièces.26

SIMPLICITÉ — Les intringants ou les outrecuidants sont si bien en majorité qu'ils sont parvenus à faire de ce mot-là le synonyme de bêtise.

SINAPISME — Un cataplasme devenu enragé.27

SINÉCURE — Comme qui dirait une femme dont vous auriez la dot sans être forcé de...28

SINGE — Animal qu'on doit désobliger beaucoup en le comparant à l'homme.29

SIRÈNE — Femme complétée par un poisson. On assure qu'on en trouve encore dans les ruisseaux de Paris.

SOCIALISME — Une armée de négations, qui a le tort de se prendre pour une affirmation.

SOIE — Si ces pauvres vers savaient le plus souvent pour qui ils travaillent !

SOIF — C'est aussi une des raisons pour lesquelles l'homme boit.30

SOIXANTER — Verbe employé au jeu de piquet. On dit : Vingt-neuf... Soixante !..

Un observateur a remarqué qu'il y a des femmes qui comptent leur âge de la même façon.31

SOLDAT — Homme à l'usage duquel on crée une morale spéciale qui dit : « Fais à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît. »

SOLEIL — Le doyen des chefs de rayons.32

SOLITUDE — Unique miroir où l'homme s'aperçoive qu'il est laid et ennuyeux.

SOLLICITEUR — Renvoyé à cette autre définition : L'antichambre d'un grand est une assiette dans laquelle on lui sert tous les jours les quatre-mendiants.33

SOLUTION — Le malheur, c'est qu'en politique comme en pharmacie il faille commencer toujours par agiter avant de s'enservir.34

SOMMEIL — Un ami comme les autres !... Il vous plante là quand on en a le plus besoin.

(Un malade.)

SOMNAMBULE — Habile personne dont la profession consiste à changer à son bénéfice le fluide en solide. (Prix 10 francs).35

SOPHA — Lit sur le pouce.36

SORTIES — On dit que l'exemple est tout-puissant. — J'ai acheté à ma femme un portrait du général Trochu.37

SOUFFLET — Allume également le feu, qu'on l'ait à la main ou sur la joue.

SOUFFLEUR — L'étrier de la mémoire.38

SOUHAIT — Un mât de cocagne auquel nous nous obstinons à grimper, quoique nous n'en atteignions presque jamais le faîte.39

SOUPÇON — Le plus infaillible des réveille-matin.40

SOUPER — La fête de sainte Gastrite.

SOURD — Infirme qui, sans s'en douter, joue à qui perd gagne.41

SOUS-PIED — Bretelles en sens contraire.42

SOUVENIR — Seul genre de photographie qui embellisse.

SPADASSIN — Artiste en assassinat.43

SPIRITUALISTE — Un monsieur qui, j'en réponds, aime mieux le croire que d'y aller voir.

SPLEEN — Mal de mer de la pensée.44

SQUELETTE — Le canevas d'un homme.

STATUE — Pavé de l'ours monté sur socle.45

STÉRILITÉ — Vice rédhibitoire... extrêmement apprécié.46

SUFFRAGE UNIVERSEL — On lit à chaque instant dans les faits divers :

« Encore un accident. Un enfant ayant voulu jouer avec une arme dont il ignorait le maniement, etc. »47

SUICIDE — La plus difficile des évasions.

SUIVRE (une femme) — Quelle drôle de chose ! Si le gibier s'échappe, temps perdu ! S 'il se laisse atteindre, c'est qu'il est gâté.

SULTAN — Un canon comme les autres, qui veut se faire prendre pour une mitrailleuse.48

SUPERSTITION — Évangile selon Charenton.49

SYNCOPE — Mort à l'essai.

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « S » parut initialement dans Le Charivari, du 14 janvier 1872 au 9 mars 1872, selon la chronologie et la répartition suivantes : 14 janvier (« Salve-Secret »), 1er février (« Séducteur-Siège »), 23 février (« Soldat-Squelette »), 9 mars (« Statue-Ténor »). Une tranche complémentaire, « Sabre-Zut », parut dans le numéro du 4 avril 1873, en vue de l’édition en volume. A disparu dans cette édition l’entrée « Siège ». Les variantes entre ces différentes parutions seront indiquées au fil du texte.
2[Par Manon Lorrain] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873, dont la définition joue sur le sens grammatical et le sens politique du terme « régime », au service d’une critique de l’alliance du sabre, du sceptre et du goupillon, représentée par le régime déchu de Napoléon III et la présidence de Mac-Mahon (voir l’entrée « Goupillon »).
3[Par Manon Lorrain] Dans le contexte de la guerre franco-prussienne, calembour à valeur critique sur « cheminer » et « cheminée à la prussienne », cheminée portative en tôle, dont le tuyau se fond « dans le conduit en maçonnerie d’une cheminée fixe » (Grand dictionnaire…, de P. Larousse, op. cit.).
4[Par Manon Lorrain] Parce qu’il s’agit d’un sachet, contenant de la lavande ou d’autres plantes séchées, glissé dans le linge, pour y répandre une bonne odeur.
5[Par Manon Lorrain] Inversion carnavalesque, caractéristique du dictionnaire, du précepte évangélique : « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît » (voir aussi l’entrée « Assassin »).
6[Par Manon Lorrain] Critique de l’enrichissement de l’Église, la sacristie désignant le lieu où les prêtres revêtent leur habit de célébrant mais aussi celui où ils comptent la recette de la quête (voir aussi l’entrée « Autel ») !
7[Par Manon Lorrain] Métaphore née d’un jeu de mot sur « cordon » : le cordon ombilical que coupe la sage-femme pour permettre l’entrée du nouveau-né dans la vie et le cordon que tire la portière d’un immeuble pour en permettre l’entrée, qu’elle garde jalousement, à ceux qui lui demandent : « Le cordon, s’il vous plaît ! ».
8[Par Manon Lorrain] Évocation de la guerre sanglante de la Prusse contre la France (voir les entrées « Confraternité » et « Conquérant »), et allusion à la caricature du roi de Prusse, Guillaume Ier, en boucher, par André Belloguet, dans sa série Pilori-Phrénologie (1870), légendée ainsi : « S.S. GUILLAUME-LE-BOUCHER / Il poursuit, dans le sang, le rêve : Charlemagne ! / Sans songer, le soudard, que du sillon rouge / États-unis d’Europe, en un jour, ont surgi : / République unira la France et l’Allemagne !!! » [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carqb0986_001.jpg?itok=8JfeGUqg.
9[Par Manon Lorrain] Refrain d’une comptine enfantine, évoquant la position inconfortable du pape, certes détenteur du pouvoir spirituel, mais privé de son pouvoir temporel, à la suite de la défaite de Sedan, qui met fin à la protection de la France contre les troupes républicaines italiennes (voir les entrées « Accord (bon) », « Cardinal », « Crosse », « Temporel (pouvoir) », « Vatican »).
10[Par Manon Lorrain] Allusion notamment à Napoléon III, représenté par Hadol, l’illustrateur du dictionnaire, dans la première planche de La Ménagerie impériale (1870), en vautour tenant dans ses serres la France ensanglantée : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10505633m/f11.item (voir aussi l’entrée « Ailes »), et par André Belloguet, dans la première planche de sa série Pilori-Phrénologie (1870), en tyran sanguinaire, avec cette légende : « […] / Tuant, violant, volant, il fit la Chasse çà l’homme. / Soldats et Citoyens l’appelleront : maudit !!! » [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carqb5294_001.jpg?itok=hE0pVFYQ].
11[Par Manon Lorrain] Satire de mœurs à l’égard des femmes, qui seraient toutes devenues faciles et peu farouches, et référence possible à « la femme sauvage », attraction de foire, à laquelle Véron avait consacré un roman intitulé Le Roman de la femme à barbe, qui évoquait sa fin de saltimbanque et ses débuts de femme amoureuse, publié en 1863 et réédité en 1872 chez Michel Lévy frères, l’éditeur même du Carnaval du dictionnaire (voir, au début, la « Liste des ouvrages publiés ») : habile façon de la ressusciter !
12[Par Manon Lorrain] Bande d’étoffe que les prêtres revêtent sur leurs épaules (et dont la couleur varie selon le temps liturgique), assimilée ici au gilet de flanelle, toile de laine prisée à l’époque (pour les sous-vêtements aussi, mais avec un succès inégal : voir l’entrée « Flanelle » !). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873, en vue de l’édition en volume.
13[Par Manon Lorrain] À propos du pouvoir temporel du pape (perdu avec la chute de Napoléon III et, partant, du soutien de la France), allusion à la rupture, au schisme, entre les gallicans (défavorables à ce pouvoir) et les ultramontains (favorables), visés ici par l’assimilation avec celui qui, intolérant à l’odeur de peinture, choisirait de travailler chez Domange, établissement spécialisé dans la vidange domestique aérienne, aux odeurs nettement plus repoussantes !! (Voir aussi les entrées « Ultramontain », « Univers (Journal) »).
14[Par Manon Lorrain] Méfiance de Véron à l’égard du suffrage universel, en raison du manque d’éducation politique du peuple (voir, infra, l’entrée à ce mot et l’entrée « Urne »).
15[Par Manon Lorrain] Allusion à la fable de La Fontaine « Les Femmes et le secret » (Livre VIII, 6), mais la critique réside dans la hiérarchie suggérée !
16[Par Manon Lorrain] Instrument, très utile aux voleurs, pour crocheter une serrure, le rossignol n’a même pas à faire son office : satire, récurrente, dans le dictionnaire, de la vertu toute relative des femmes (voir aussi l’entrée « Busc »).
17[Par Manon Lorrain] Satire, également récurrente dans le dictionnaire, de la maigreur des femmes (voir les entrées « Appas », « Coton », « Dégrafer », « Hanches », « Maigreur »).
18[Par Manon Lorrain] Par un jeu sur l’impératif du verbe « croire » et celui du verbe « croître », parodie de l’objurgation divine faite à l’homme et la femme dans La Genèse : « Croissez et multipliez », au service d’une satire anticléricale contre des séminaristes peu tentés par la chasteté !
19[Par Manon Lorrain] Critique contre les sénateurs impériaux qui, nommés à vie et inféodés à Napoléon III, joueraient, dans le « théâtre » politique, le rôle de claqueurs (voir l’entrée « Claque »), pauvres gens, appointés, eux maigrement, pour applaudir ou siffler les pièces de théâtre jouées par d’autres, et surnommés « Romains », en souvenir des jeux du cirque de l’ancienne Rome, et, en l’occurrence, de l’empire romain… et français ! de la décadence. Le célèbre tableau de Thomas Couture, Les Romains de la décadence (1847), avait déjà donné lieu à une telle assimilation, reprise, sous le Second Empire, par Hugo, dans Les Châtiments (1853), notamment dans « L’histoire a pour égout des temps comme les nôtres » (Livre III, XIII).
20[Par Manon Lorrain] Critique contre l’Église catholique pour qui le mariage est un sacrement et qui, dès lors, ne reconnaît pas le divorce : en cas de mauvaise entente entre les époux, seule la séparation de corps est admise. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873, en vue de l’édition en volume.
21[Par Manon Lorrain et Nathalie Preiss] Allusion à la garnison des pompiers volontaires de Nanterre, réputés séduisants et prompts à étaler leurs conquêtes au grand jour, à la différence de celles du sultan, tenues cachées au sein du sérail. Ils avaient fait l’objet d’une caricature d’André Gill, parue à la une de L’Éclipse, le 13 décembre 1868, accompagnée de la célèbre chanson : « […] C’t’auguste corps, c’est les pompiers, / Qui, d’Nanterre, est les brav’s troupiers / Ce corps-là, sacrebleu ! / Bien qu’il éteigne les flammes, / Dans l’cœur des plus bell’s fâmes / Tous les jours il met l’feu. », et d’un grivois « Couplet d’envoi à Gill » à charge et à décharge : [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1070474s/f1.highres].
22[Par Manon Lorrain] Jeu sur le sens de « serin » en argot : « dupe », parce que les sons peu harmonieux de cet orgue mécanique dont jouent les mendiants ne sont pas de nature à attendrir le public. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873, en vue de l’édition en volume.
23[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873, en vue de l'édition en volume.
24[Par Manon Lorrain] Dans le contexte de la défaite de Sedan, inversion carnavalesque, caractéristique du dictionnaire, contre une guerre honteuse, le schako (d'origine hongroise) désignant la coiffure (un chapeau cônique avec visière, proche du képi, avec galon ou panache), portée par les soldats français. 
25[Par Manon Lorrain] Jeu tout à la fois sur le sens musical et grammatical de « si », et sur le sens musical et technique de « clé », et renouvellement de l’expression, issue de la mythologie (voir l’entrée « Brigadier »), « la boîte de Pandore », qui, une fois ouverte, libérait tous les maux possibles, de même que la conjonction « si » ouvre la voie à toutes les hypothèses, y compris les pires !
26[Par Manon Lorrain] Contradiction, grâce à un jeu sur le sens de « rapporter » : un objet ou une proie pour les chiens, la recette du théâtre pour une pièce.
27[Par Manon Lorrain] Parce qu’il est fait à base de farine de moutarde, irritante, et non de lin, à la différence de certains autres cataplasmes (voir aussi l’entrée « Consolation »).
28[Par Manon Lorrain] Parce qu’étymologiquement (sine cura : sans application, sans souci), une sinécure désigne un état, une fonction, dont l’on bénéficie (comme la dot qu’apporte la femme mariée) sans « travailler », pris ici au sens sexuel du terme.
29[Par Manon Lorrain] Inversion carnavalesque, habituelle dans le dictionnaire, de la logique qui veut que ce soit le singe qui « singe » l’homme (voir aussi l’entrée « Chimpanzé »).
30[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873, en vue de l'édition en volume.
31[Par Manon Lorrain] Satire des femmes qui ne souhaitent pas donner leur âge, puisqu’au jeu de piquet, « soixanter » signifie pour un joueur arriver à compter soixante points, à partir des cartes distribuées (le maximum à atteindre étant 150) avant que l’autre joueur ait pu en compter un seul.
32[Par Manon Lorrain] Jeu sur le mot « rayon », qui désigne ici celui du soleil et celui des grands magasins, dont le Second Empire avait vu l’avènement et le développement.
33[Par Manon Lorrain] Le solliciteur des grands sera toujours déçu, puisque les « quatre-mendiants » désignent, en Provence notamment, quatre sortes de fruits secs, donnés au moment de Noël.
34[Par Manon Lorrain] Par ce jeu sur le terme « solution », pris tout à la fois dans le sens, scientifique, de « solution chimique » et dans le sens, logique, de « résolution » d’un problème, regret des insurrections ou révolutions qui précèdent l’instauration d’un régime : allusion possible ici à la Commune de mai 1871, réprimée dans le sang.
35[Par Manon Lorrain et Nathalie Preiss] Critique de la mode du magnétisme et du somnambulisme, pratiqués dans un but plus lucratif que curatif ! Balzac, dans Ursule Mirouët (1841), avait déjà joué sur cette ambiguïté en évoquant une histoire de « revenants » et de « revenus » (voir les entrées respectives de ces deux mots) ! C’est ce commerce que Hadol a choisi d’évoquer dans la lettrine de cette lettre « S » : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f271.item.texteImage.
36[Par Manon Lorrain] Parce que, sorte de canapé, le sopha n'est qu'un lit de fortune, favorable aux amours adultères, si l'on en croit l’œuvre de Crébillon fils, Le Sopha, conte moral et roman libertin, publié de manière clandestine en 1740.
37[Par Manon Lorrain] Il s’agit de réfréner les velléités de sorties de ladite femme, puisque fut reproché au général Trochu son manque d’audace lors du siège de Paris par les Prussiens (voir les entrées « Retirer (se) et « Riz »). Une entrée « Siège », présente dans la version initiale du Charivari du 1er février 1872, précisait : « Je suis comme Trochu avec ce mot-là : je n’ai pas pu en sortir » — à preuve : il a disparu de l’édition de 1874 !
38[Par Manon Lorrain] Parce qu'au théâtre, le souffleur a pour mission de suppléer à la mémoire défaillante de l'acteur.
39[Par Manon Lorrain] Jeu populaire dont le but est de monter en haut d’un mât pour y récupérer un objet attrayant, et motif récurrent de la caricature du temps, visant notamment la course aux décorations, aux faveurs politiques. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873, en vue de l'édition en volume.
40[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873, en vue de l'édition en volume.
41[Par Manon Lorrain] Nouvelle critique contre la musique jugée assourdissante de Wagner (voir les entrées « Assourdir », « Mélodie », « Musique »).
42[Par Manon Lorrain] Parce que, si les bretelles maintiennent le pantalon par le haut, le sous-pied, bande élastique passée sous le pied, le maintient tendu vers le bas (voir aussi l’entrée « Antipodes »).
43[Par Manon Lorrain] À l’origine (italienne), le terme désigne un homme se battant à l’épée puis il prend le sens péjoratif de tueur à gages (Dictionnaire historique..., A. Rey dir., op. cit.).
44[Par Manon Lorrain] Terme emprunté à l’anglais, avec le sens de « mélancolie », « bile noire », et devenu le mal du siècle avec Les Fleurs du mal (1857) de Baudelaire dont la première section a pour titre « Spleen et idéal » et comporte pas moins de trois poèmes intitulés « Spleen ».
45[Par Manon Lorrain et Nathalie Preiss] Allusion à la statuomanie du XIXe siècle, qui, voulant glorifier le statufié, peut aussi l’exposer, dans d’autres ciconstances, à la vindicte publique, d’où la référence à la fable de La Fontaine, « L’Ours et l’amateur de jardins », où l’ours, bien attentionné, veut tuer une guêpe qui menace le visage de son ami avec un pavé, et tue l’ami avec ! Là est l’origine de l’expression « pavé de l’ours », bonne intention mais maladroite dans sa réalisation et, dès lors, contraire au but recherché. C’est cette statuomanie à double tranchant qu’évoque Hadol, en lien avec l’entrée « Héros », descendus de leur piédestal, dans la lettrine de la lettre « H » : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f169.item.texteImage.
46[Par Manon Lorrain] Satire, récurrente dans le dictionnaire, des femmes mariées qui déploreraient leur stérilité devant leur mari mais s'en réjouiraient devant leur amant.
47[Par Manon Lorrain et Nathalie Preiss] Distance de Véron, au demeurant partisan de la République et farouche opposant d’un Second Empire qui en fait un usage autoritaire, à l’égard du suffrage universel, liée à l’idée que le peuple serait encore en enfance et à éduquer : position amplement développée et illustrée dans Le Charivari, par-delà la critique d’un régime qui « impose » sa libéralisation, à propos du plébiscite du 8 mai 1870 (voir l’entrée à ce mot) en faveur de Napoléon III, témoin la caricature de Cham parue dans le numéro du 2 mai 1870, avec cette légende : « Où l’autorité comprend le besoin de l’instruction des masses [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3053203t/f3.highres] (voir aussi, supra, l’entrée « Scrutin »).
48[Par Manon Lorrain] Lors de la guerre de Crimée, le sultan turc avait reçu le soutien de l'Angleterre et de la France, victorieuses de la Russie (1856), mais, dès la chute de Napoléon III, cette dernière reprend son offensive contre le sultan qui entend néanmoins mener une politique indépendante de ses anciens alliés. 
49[Par Manon Lorrain et Nathalie Preiss] Charenton désignant un célèbre établissement pour aliénés (construit au XVIIe siècle en bordure du bois de Vincennes, sa spécialisation s’affirma, avec sa reconstruction, à partir de 1846), critique anticléricale contre la conversion de la foi chrétienne en superstition, à une époque où, dans le contexte d’un retour à « l’ordre moral » (selon l’expression de Mac-Mahon) et religieux, se développent apparitions non reconnues par l’Église et culte excessif des reliques, à tel point que l’évêque d’Orléans, Mgr Dupanloup, mettra en garde les fidèles contre ces dérives (voir les entrées « Apparitions », « Châsse »).

T

Lettrine T :  

1TABAC — Un marquis de Brinvilliers qui, pour qu'on le laisse opérer tranquillement, a le bon esprit de partager ses bénéfices avec l'État.2

TACHE — Bast ! les teinturiers et les avocats ont inventé de si jolies benzines !3

TACTIQUE — Vieux mot dont, depuis au moins trente ans, nos généraux cherchent en vain à retrouver la signification.4

TATOUAGE — Ce qui peut vraiment s'appeler : le monde illustré.5

TE DEUM — Un bon point donné à Dieu... Comme ça doit le flatter !

TEINTURE — L 'art de ne pas vérifier les dates.

TÉLÉGRAPHE (transatlantique) — Le cordon ombilical des deux mondes6.

TÉLESCOPE — Rallonge des yeux.

TÉMOIN — Je l'ai été deux fois : la première pour un duel, la seconde pour un mariage. C'est à la seconde qu'il y a eu un homme de mort.7

TEMPÉRAMENT — Toutes les faims sont dans la nature8.

TEMPLE — Quelle drôle d'idée que de vouloir toujours que Dieu sente le renfermé !9

TEMPOREL (pouvoir) — Le pape, préfet à poigne.10

TEMPS — Un capital que nous croyons manger... quand c'est lui qui nous mange.

TÉNIA — La première victime du régime cellulaire11.

TENOR — Même recette que pour les gibelottes. Vous prenez des chats...12

TERME — Je me disputais avec mon propriétaire :

— Monsieur, ménagez vos termes13, me dit-il.

— Après vous, monsieur.

TESTAMENT — Le vrai mot de la fin.

TÊTE-À-TÊTE — Une dînette qui finit presque toujours par une indigestion.

TÉTER — Un repas pour lequel on n'a pas besoin de couvert, mais de découvert.

THÉOCRATIE — La Providence s'agite et les cléricaux la mènent14.

TIARE — Coiffure dont la mode s'en va15.

TIGRE — Animal que nous appelons féroce.

Eh bien ! et nous donc !... Si les côtelettes de mouton pouvaient parler !16

TIMBRE (des journaux) — Malpropreté non gratuite et obligatoire17.

TITRE — Il en est trop souvent des titres de noblesse comme des titres de livres. Quel désenchantement en voyant le monsieur ou l'œuvre qui est dessous !

TOMBEAU — Un point... Est-ce tout ?

TONNERRE — Une voix qu'on entend sans savoir qui parle.

TONSURE — L'estampille de la commission de colportage catholique18.

TORRENT — Est à une rivière ce que M. Dupanloup est à un pasteur.19

TORTURE — L'édition illustrée de la peine de mort.

TOTAL — Le dernier mot de Mlle A... des convictions de M. B... de l'amour de Mlle C... etc., etc.

TOURNURE — Madame X..., pas jolie, mais une tournure !...

La consolation des monstres, quoi !

TRADUCTION — Attaque à plume armée20.

TRAGÉDIE — Laudanum21 en vers.

TRANSFUSION — Procédé pour faire trinquer le sang de deux êtres à la santé de l'un22.

TRAVAIL — Ceux qui se portent bien le maudissent comme une punition. Ceux qui sont malades l'envient comme une récompense.

TRIBUNE — La mitrailleuse parlementaire.

TRÔNE — Meuble dont les courtisans sont les élastiques.

TROTTOIR — J'ai toujours regretté que l'on n'écrivît pas crottoir... dans tous les sens.23

TRUFFE — Le monde renversé ! Une noire qui pousse les blancs à s'émanciper !

TU — Un mot charmant tant qu'il dit amour ; malheureusement il finit d'ordinaire par dire : assomme.

TUERIE — Les semailles de la gloire24.

TULIPE — Fleur sans parfum ; jolie femme bête.

TUNNEL — Le brevet d'invention appartient aux taupes ; les hommes n'ont eu que le brevet de perfectionnement.

TUTEUR — Un garde-chasse qui trop souvent se fait braconnier.

TYRAN — Un serin de proie25.

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « T » parut initialement dans Le Charivari, du 9 mars au 21 décembre 1872, selon la chronologie et la répartition suivantes : 9 mars (« Tabac-Ténor »), 10 novembre (« Teinture-Théocratie »), avec des chevauchements entre ces deux tranches, 15 décembre (« Tiare-Truffe »), 21 décembre (« Tu-Tyran »). Seront indiquées, au fil du texte, les éventuelles variantes entre les différentes parutions.
2[Par Manon Lorrain et Nathalie Preiss] Le marquis de Brinvilliers était l’époux peu regardant de la célèbre marquise, décapitée en 1676 pour avoir empoisonné et son père et ses frères : de la même façon, les vendeurs de tabac se dédouanent sur l’État (qui a le monopole de sa fabrication et de sa vente et perçoit une redevance) de l’accusation d’empoisonner la population : sous le Second Empire, la consommation du tabac avait crû, et, avec elle, un discours critique — comme celui de l’A.F.C.A.T (Association Française Contre l’Abus du Tabac), fondée en 1868 — contre un « poison » qui affaiblirait la population et l’aurait conduite à la défaite de 1870 (voir l’article de Didier Nourrisson, « Tabagisme et antitabagisme en France au XIXe siècle », Histoire, économie et société.Toxicomanies : alcool, tabac, drogue, 1988, p. 535-547, en ligne : https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1988_num_7_4_2394).
3[Par Manon Lorrain] Détachant à la mode, notamment la Benzine Collas (voir l’entrée « Benzine »).
4[Par Manon Lorrain] Critique récurrente, dans le dictionnaire, de la politique extérieure de Napoléon III et de l’attitude de ses généraux, qui ont conduit à la défaite de Sedan (2 septembre 1870) et au siège de Paris : est notamment visé ici Trochu, accusé d’avoir cédé à l’ennemi (voir les entrées « Retirer (se) » et « Riz »).
5[Par Manon Lorrain] Jeu avec le titre du journal Le Monde illustré, auquel Véron collaborait : favorable à Napoléon III lors de sa création en 1857, il avait pris l’orientation opposée en 1866, avec l’arrivée de Paul Dalloz à sa tête.
6[Par Léa Lallement] Si le télégraphe électrique avait été inventé dès les années 1830, le télégraphe transatlantique ne sera achevé qu’en 1858 grâce aux efforts de William Cooke et de Charles Wheatstone. Il permet alors à l’Europe d’échanger des messages avec les États-Unis en seulement quelques heures alors que l’opération demandait auparavant, par bateau, une dizaine de jours.
7[Par Nathalie Preiss] Version parue le 10 novembre 1872 dans la tranche « Teinture-Théocratie », qui reprend avec modifications, certaines entrées de la tranche « Statue-Ténor » du 9 mars 1872. La version initiale ne s’inscrivait pas dans la satire, récurrente dans le dictionnaire, des mœurs conjugales (d’où, peut-être, son abandon) : « Mon cher, tu ne peux pas faire autrement que de te battre… C’est impossible… impossible… Ah ! Comme on voit bien que souffler n’est pas jouer ».
8[Par Léa Lallement] Renvoie à l’expression « avoir du tempérament », au sens sexuel du terme (voir les entrées « Femme » et « Feu »).
9[Par Nathalie Preiss] Version parue dans la tranche alphabétique, « Teinture-Théocratie », le 10 novembre 1872. La version première, parue dans la tranche « Statue-Ténor » du 9 mars, jouait sur le « régime cellulaire » : « S’enfermer pour adorer le créateur entre quatre murs qui cachent la création. De la piété cellulaire, quoi ! », jeu déplacé ensuite vers l’entrée « Ténia » (voir infra), d’où cette seconde version.
10[Par Nathalie Preiss] À travers l’évocation du préfet de la Seine Pietri (voir l’entrée « Casse-tête »), inféodé à Napoléon III et réputé pour son action répressive, nouvelle allusion anticléricale à la politique du pape Pie IX dans ses états et à sa résistance armée pour préserver son pouvoir temporel (et donc lesdits états), contre les menées des républicains italiens, en vain néanmoins, puisque la chute de Napoléon III avait signé le retrait des troupes françaises qui en assuraient la protection depuis 1849 (voir l’entrée « Crosse »). La version du 9 mars 1872, abandonnée pour l’édition en volume, était plus (trop ?) parlante encore : « Le bon pasteur aimant ses brebis… comme côtelettes », puisqu’elle conduisait à l’entrée « Tigre » (voir infra) ! Véron l’a abandonnée, sans doute parce qu’elle faisait quasiment doublon avec l’entrée « Berger » (voir ce mot).
11[Par Léa Lallement et Nathalie Preiss] Parce que le « ténia » s’appelle aussi « ver solitaire », et que le « régime cellulaire » désigne un régime carcéral, au cœur des débats en France tout au long du XIXe siècle (établi en 1833, supprimé en 1853, il sera rétabli en 1875), qui repose sur le principe de l’isolement des prisonniers, jour et nuit (voir l’entrée « Cellulaire »). Dans la tranche alphabétique du 9 mars 1872, la version diffère : « En voilà un à qui on ne peut pas faire un crime d’être égoïste », parce que le jeu sur le régime cellulaire intervenait déjà à propos de l’entrée « Temple » ; lorsque, dans la tranche du 10 novembre 1872, Véron modifie l’entrée « Temple » (voir ce mot), il reporte ledit jeu sur le malheureux ténia !
12[Par Nathalie Preiss] Satire des « miaulements » des chanteurs de mélodies (voir l’entrée « Mélodie »), la gibelotte (sorte de fricassée) se faisant avec du lapin ! Cette version est bien la version initiale parue dans Le Charivari du 9 mars 1872, mais, dans la tranche parue le 10 novembre 1872, intervient cette modification : « L’homme-femme de la musique », avant un retour à la version première pour l’édition en volume de 1873 et 1874. En effet, d’une part, Véron crée ainsi un écho avec l’entrée « Gibelotte »… de chat (allusion au ravitaillement pendant le siège de Paris), conçue pour la tranche complémentaire du 7 mars 1873 en vue de l’édition en volume, et, d’autre part, il réserve la définition « l’homme-femme » pour l’entrée « Vivandière », apparue dans la tranche complémentaire finale, « Sabre-Zut » du 4 avril 1873, en vue de l’édition en volume.
13[Par Léa Lallement] Selon le topos des relations tendues entre propriétaires et locataires (voir l’entrée « Locataire »), jeu de mot sur le double sens de « terme » : « propos » et « montant du loyer » à payer, à échéance.
14[Par Léa Lallement] Littéralement, selon l’étymologie grecque, « gouvernement d’un dieu ou de Dieu », mais le terme désigne, plus largement, un régime d’essence divine exercé par des cléricaux. Est visé ici le pouvoir pontifical, comme en témoigne l’entrée suivante.
15[Par Léa Lallement] Allusion, tout à la fois, à la fin du pouvoir temporel du pape (voir, supra, l’entrée « Temporel ») puisque cette couronne d’apparat lui est spécifique, mais aussi à la fin de l’espoir, chez les légitimistes, d’un retour sur le trône du comte de Chambord (voir les entrées « Absence » et « Diadème »).
16[Par Nathalie Preiss] Voir, supra, l'entrée « Temporel (pouvoir) ».
17[Par Léa Lallement] Le droit de timbre est l’un des principaux moyens de contrôle de la presse périodique au XIXe siècle (seuls certains journaux traitant de matières scientifiques, industrielles ou juridiques, en étaient exempts) : en raison de son coût élevé, les journaux se voyaient contraints de limiter le nombre de leurs feuillets. La loi répressive sur la presse du 6 juillet 1871 l’avait maintenu (de même que le cautionnement pour les journaux et écrits périodiques : voir l’entrée « Activement »).
18[Par Léa Lallement] Le colportage des livres était alors soumis à autorisation, délivrée par une commission qui apposait une marque sur le livre autorisé, autrement dit, une estampille : de même, la tonsure est la marque d'affiliation des moines à leur ordre.
19[Par Nathalie Preiss] Allusion à l’éloquence de l’évêque d’Orléans, Mgr Dupanloup, virulent, à la Chambre comme à l’Académie, dans les débats et combats contre les ultramontains ou les libres-penseurs, tel Émile Littré (voir les entrées « Archevêque », « Ultramontain ») .
20[Par Léa Lallement] Allusion à l’expression « Traduire, c’est trahir » (voir l’entrée « Yeux »), à l’origine du débat sur les « Belles Infidèles » (traductions volontairement éloignées de l’original, pour diverses raisons, plus ou moins bien intentionnées).
21[Par Léa Lallement] À l’origine, opium ramolli dans l’eau, le terme désigne ensuite diverses préparations à base d’opium aux vertus sédatives et dormitives : poursuite ici de la critique à l’égard d’un genre cultivé par de vieux académiciens, réputés soporifiques (voir la note associée au mot « pavot » dans la Préface).
22[Par Léa Lallement] Le XIXe siècle constitue une étape importante dans les progrès de la transfusion sanguine, notamment grâce aux travaux de James Blundell qui, à partir de 1818, accompagne les traditionnelles saignées d’appareils d’injection de sang humain. Tout au long du siècle, seront inventés de nouveaux dispositifs pour améliorer la technique de transfusion mais les médecins se heurtent au problème de la coagulation du sang du donneur, résolu au siècle suivant.
23[Par Nathalie Preiss] Bel exemple de contemporanéité, spécifique de ce dictionnaire (voir l’« Introduction critique »).
24[Par Léa Lallement] Dans le contexte de la défaite de Sedan et de la capitulation de la France, critique récurrente dans le dictionnaire de l’association entre gloire et guerre (voir les entrées « Assaut », « Boucherie », « Carnage »).
25Référence à la planche n° 3 de La Ménagerie impériale (1870) de Hadol, illustrateur du dictionnaire, intitulée « LE REJETON IMPÉRIAL », qui représente le fils unique de Napoléon III (lui, caricaturé en cruel vautour de Sedan : voir l’entrée « Ailes ») en serin à bicyclette avec cette légende : « LE SERIN (Parade-Inutilité) » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10505633m/f13.item].

U

Lettrine U :  

1ULTIMATUM — Le commencement de la fin.

ULTRAMONTAIN — Français dont la personne habite Paris et le patriotisme Rome2.

UNIVERS (journal) — Un boule-dogue qui croit protéger l'Église et qui ne sert qu'à empêcher les gens d'y entrer3.

URNE — L'attribut des sources et l'attribut des tombeaux. Suffrage universel, choisis4.

USURIER — Caoutchouc parce qu'il prête, mais d'un durci5 !...

1[Par Nathalie Preiss] Les deux premières entrées de la lettre « U » parurent dans Le Charivari du 29 décembre 1872 ; les autres parurent dans la tranche complémentaire « Sabre-Zut » du 4 avril 1873, en vue de l’édition en volume
2[Par Léa Lallement] Parce que l’ultramontanisme, à la différence du gallicanisme, défend le pouvoir non seulement spirituel mais aussi temporel du pape, mis à mal à la chute de Napoléon III, qui avait pratiqué une politique de défense des états pontificaux contre les républicains italiens (voir aussi les entrées « Antichrétien », « Chrétien »).
3[Par Léa Lallement] Référence au journal L’Univers, dirigé par Louis Veuillot, champion de l’ultramontanisme (voir l’entrée précédente) et, pour cette raison, cible récurrente des attaques du Charivari et du Carnaval du dictionnaire (voir l’entrée « Abêtir »).
4[Par Nathalie Preiss] Jeu sur le triple sens du mot « urne » : l’urne destinée à recueillir de l’eau, l’urne funéraire destinée à recueillir les cendres du défunt et l’urne électorale : quoique favorable à la République, Véron se montre quelque peu méfiant envers le suffrage universel (voir la lettrine historiée de la lettre « E » par Paul Hadol : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f135.item.texteImage, et les entrées « Scrutin », « Suffrage universel »).
5[Par Léa Lallement] Métaphore qui s’éclaire par le fait que le caoutchouc « prête », non au sens financier du terme, mais au sens technique de « se tendre », grâce notamment à un procédé inventé par Goodyear en 1842 qui le rendait plus résistant aux changements de température et l’empêchait de durcir, à l’inverse de l’usurier ! C’est cette entrée que Hadol a choisie pour la lettrine historiée de la lettre « U » : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f297.item.texteImage.

V

Lettrine V :  

1VAGISSEMENT — Où l'homme prend le la de la douleur.2

VAINCU-VAINQUEUR — Le second méprise le premier, le premier exècre le second. Tous les cinquante ans ils intervertissent les rôles et voilà l'humanité bien avancée !

VALSE — Avec une jolie femme ça vous prend le cœur. Avec une laide ça vous tourne dessus.

VANTARDISE — Le ruolz du courage3.

VATICAN — Résidence dont le bail est à la veille d'expirer4.

VEINES — Les chemins vicinaux du corps5.

VÉNALITÉ — La traite des blancs.

VENDETTA — Le chaud-froid de la haine.6

VENTRILOQUE — Cicéron7 ombilical.

VER — Notre dernier rendez-vous.

VERBIAGE — La boutique à quatre sous de l'éloquence.

VERGLAS — Glissez, mortels... Si vous appuyez, du reste, ce sera absolument la même chose8.

VÉRITÉ — On la représentait toute nue, c'est probablement pour cela qu'elle a attrapé une extinction de voix.

De son côté, un diplomate en mal de calembour a prétendu qu'on l'avait logée dans un puits pour indiquer qu'elle n'est faite que pour les sots9.

VERROU — Drôle d'antithèse. À la porte d'une prison il empêche les évasions ; — à la porte d'un boudoir, il aide l'innocence à s'évader.

VERRUE — Difformité qui ne se voit que chez les autres. Soi, parbleu, on n'a jamais que des grains de beauté !

VERS (français) — Un ténor qui ne peut chanter que des duos10.

VERSATILITÉ (politique) — Le tourniquet de la conscience. Plus ça tourne, plus ça rapporte.

VERTU — Une absente dont on s'obstine à parler toujours.

VERVE — Le champagne des caves de la pensée.

VESTALE — Celles de Rome entretenaient le feu. Celles de la rue Breda pas bêtes, ont retourné la chose : c'est le feu qui les entretient11.

VÉTÉRINAIRE — Encore, les hommes, c'est volontairement qu'ils se livrent aux médecins. Mais ces pauvres bêtes !

VEUF — Un condamné qui a obtenu une commutation de peine.12

VEUVAGE — Un De profundis13 qui se chante d'ordinaire sur l'air de : Liberté chérie !

VEUVE — Simple conseil. Dans la charade du mariage, la femme qui a dit d'un autre : Mon premier, ne dira jamais de vous : Mon tout.

VIDE — Les anciens prétendaient que la nature en a horreur. Cet axiome fait honneur aux corsages d'autrefois14...

VIE — Le premier de nos biens et le dernier de nos maux.

VIEILLARD — Ironie des apparences. Pourquoi incline-t-on vers la terre à l'âge où la religion prétend qu'on se rapproche du ciel ?

VIEILLESSE — Calino collégien bourrait le dimanche sa poche de pain tendre pour en avoir toute la semaine. La vieillesse me fait l'effet d'être le Calino de la dernière heure. Quand on veut tirer de sa poche sa provision d'expérience, le pain est devenu si dur qu'il ne peut plus servir.15

VIERGE — Gardienne des scellés de la nature.

VIGNE — Le pendant de la lance d'Achille. La feuille fait ce qu'elle peut pour consoler la pudeur des mauvais tours que le fruit lui joue16.

VILLAGEOIS — À le voir vivre insensible au côte à côte des splendeurs de la nature, il me fait toujours l'effet d'un bibliothécaire qui ne saurait pas lire.

VINAIGRE —

VIN —

[Accolade]

Et vice versâ.17

VIOL — Pourtant le proverbe dit : Où il y a de la gêne il n'y a pas de plaisir.

VIOLON — Instrument dont on joue avec accompagnement de piano ou de sergents de ville18.

VIRAGO — Une fleur... à l'eau-de-vie.

VIRGINITÉ — Que de maris, retournant le lendemain le vers célèbre de Victor Hugo, s'écrient.

— Sa virginité a refait mon amour.19

VISAGE — Méfiez-vous des enseignes.

VIVANDIÈRE - L'homme-femme.20

VIVAT — Le hoquet de la popularité.

VIVEUR — Un monsieur qui se dépêche de mourir.

VOCALISE — Rince-voix.

VOCATION — Un carrefour où presque toujours les poteaux manquent.21

VŒU — C'est comme Pénélope : on les fait pour avoir envie de les défaire.22

VOGUE — Déjeuner de soleil de la gloire.23

VOL — D'un pain ? Horreur ! D'un million ? Hé ! hé !

VOLCAN — Salle de bal du peuple français.24

VOLUPTÉ — Lit... et lie !25

VRAISEMBLANCE — Le ruolz de la vérité26.

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « V » parut initialement dans Le Charivari, du 21 décembre 1872 au 5 janvier 1873, selon la chronologie et la répartition suivantes : 21 décembre (« Vagissement-Vérité »), 29 décembre (« Verrou-Vigne »), 5 janvier (« Villageois-Volcan »). Une tranche complémentaire, « Sabre-Zut », parut le 4 avril 1873, en vue de l’édition en volume. Seront indiquées, au fil du texte, les variantes entre ces différentes parutions. Notons que c’est dans cette tranche complémentaire que parut l’unique entrée de la lettre « W » : « Wagon — Alcôve à roues. / (Un disciple du père Dufour) », qui disparaît dans l’édition en volume.
2[Par Manon Lorrain] Parce qu'il est le premier cri du nouveau-né.
3[Par Léa Lallement] Courage de pacotille, puisque le ruolz, du nom de son inventeur, Henri Ruolz, désigne, en orfèvrerie, un alliage de cuivre, de nickel et d'argent, destiné à imiter à peu de frais ce métal précieux (voir aussi l'entrée « Givre »).
4[Par Léa Lallement et Nathalie Preiss] La chute de Napoléon III, qui avait pratiqué, depuis 1849, une politique de défense des états pontificaux contre les républicains italiens, avait marqué la fin du pouvoir temporel du pape (voir les entrées « Accord (bon) », « Temporel (pouvoir) »), qui, dès lors, n’allait plus régner que sur le Vatican, cette petite enclave dans Rome (par ailleurs, siège du pouvoir spirituel du pape, également évêque de Rome). La reconnaissance de cet état ne se fera qu’en 1929, avec les accords du Latran. Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873, en vue de l’édition en volume.
5[Par Léa Lallement] Cette entrée, qui joue sur une métaphore empruntée à la voirie, fait écho au jeu sur le mot « artère » (voir l’entrée « Artères »), pris dans son sens anatomique (gros vaisseau qui transporte l’oxygène dans le sang, à l’inverse des veines), et dans le sens d’« avenue », lié aux travaux de voirie d’Haussmann à Paris.
6[Par Nathalie Preiss] Cette version apparaît dans la tranche complémentaire publiée dans Le Charivari du 4 avril 1873, en vue de l’édition en volume. La version initiale, parue dans le numéro du 29 décembre 1872, différait quelque peu : « Vengeance — La tenue des livres de la haine ».
7[Par Léa Lallement] Puisque Cicéron était, à Rome, le grand représentant de l’art oratoire, auteur notamment de De Oratore (De l’orateur, 55 av. J.-C.).
8[Par Léa Lallement] Parodie d’un quatrain de Pierre-Charles Roy, auteur du XVIIIe siècle : « Sur un mince cristal l’hiver conduit leurs pas / Le précipice est sous la glace / Telle est de nos plaisirs la légère surface / Glissez, mortels, n’appuyez pas ».
9Calembour (« sots », « seaux ») digne des « carillons » du Charivari, et référence au renouvellement de la tradition iconographique de la Vérité, sortant nue d’un puits, par les caricaturistes, notamment Grandville, qui en avait joué pour l’affiche de lancement de La Caricature (1830-1835), journal fondé comme Le Charivari par Philipon (voir l’« Introduction critique »), et Hadol, l’illustrateur du Carnaval du dictionnaire, qui, lui, joue sur la mémoire de ladite affiche pour la lettrine de la lettre « C » : [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f91.item.texteImage].
10[Par Léa Lallement] Satire des rimes « plates », dans tous le sens du terme : au sens, technique, de rimes entre deux vers successifs, et au sens, axiologique, de « banales » (voir aussi l’entrée « Cantate »).
11[Par Léa Lallement] À Rome, les vestales étaient chargées d’entretenir le feu sacré dans les temples, tandis que, dans le quartier Bréda, dans le IXe arrondissement du Paris actuel, près de l’église Notre-Dame-de-Lorette, ce sont les femmes, appelées lorettes (voir, dans la Préface, la note au mot « gommeuses »), qui sont entretenues, grâce au feu de leur amour vénal.
12[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873, en vue de l'édition en volume.
13[Par Léa Lallement] Début du psaume 130, « De profundis » : « Des profondeurs je crie vers toi, Yahvé », chanté lors des enterrements chrétiens.
14[Par Léa Lallement] « Corsage » au sens, ancien, de buste : poursuite de la critique de la maigreur contemporaine des femmes (voir les entrées « Appas », « Coton », « Maigreur », « Sein »).
15[Par Léa Lallement] Personnage de la pièce Calino, la charge d'atelier de Théodore Barrière et Antoine Fauchery, jouée en 1856 au théâtre du Vaudeville. Ce nom s'est étendu à tout personnage naïf et sans talent.
16[Par Léa Lallement] La lance d’Achille était réputée tout à la fois blesser et soigner la blessure (voir l’entrée « Musique »), de même que la feuille de vigne cache les attentats à la pudeur que peut provoquer l’ivresse due au vin.
17[Par Léa Lallement] Jeu sur le vinaigre de vin et le vin de mauvaise qualité, qui a goût de vinaigre.
18[Par Léa Lallement] Parce qu’en argot, le « violon » désignait le lieu où étaient transférées les personnes arrêtées pendant la nuit en attendant d’être présentées à un commissaire pour interrogatoire (Lorédan Larchey, Dictionnaire historique d’argot, op. cit.).
19[Par Nathalie Preiss] Inversion carnavalesque, caractéristique de ce dictionnaire, puisque tel était le fameux vers de Hugo (emprunté à l’héroïne éponyme de son drame, Marion Delorme,1831) : « Et ton amour m’a fait une virginité » (acte V, scène 2). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873, en vue de l’édition en volume.
20[Par Nathalie Preiss] Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873 et bénéficie de la définition d’abord attribuée à « Ténor » (voir cette entrée), dans la tranche alphabétique « Statue-Ténor », parue dans Le Charivari du 9 mars 1872. La définition semble bien en situation puisque la vivandière, à l’origine masculine !, avait mission d’apporter « viande », c’est-à-dire nourriture, et boissons aux soldats sur le front. Le terme était alors concurrencé par celui de « cantinière », féminin qui finit par l’emporter ! (Dictionnaire historique…, A. Rey dir., op. cit.).
21[Par Nathalie Preiss] Les poteaux indicateurs de la route à suivre.
22[Par Léa Lallement] On se souvient que, dans l'Odyssée, Pénélope, dans l'espoir du retour d'Ulysse, défait, la nuit, la tapisserie qu'elle a tissée, le jour, car la fin de l'ouvrage suppose la fin de son supposé veuvage.
23[Par Nathalie Preiss] Empruntée au vocabulaire de la peinture, l’expression « déjeuner de soleil » (ce qui fait pâlir les couleurs d’un tableau) s’inscrit dans la langue en 1871 avec le sens de « ce qui dure peu », « ce qui est éphémère » (Dictionnaire historique…, A. Rey dir., op. cit.).
24[Par Nathalie Preiss] Allusion à la déclaration de Narcisse-Achille Salvandy au duc d’Orléans, lors d’une fête donnée en juillet 1830 au Palais-Royal par le roi Charles X, hostile à toute réforme libérale et aveugle à la montée de l’opposition, en l’honneur du roi de Naples : « c’est une fête toute napolitaine, Monseigneur ; nous dansons sur un volcan ». En effet, les ordonnances répressives promulguées par Charles X furent à l’origine de la révolution de juillet 1830 et de l’avènement du duc d’Orléans, devenu roi sous le nom de Louis-Philippe Ier (et dernier !). La formule fut reprise à l’envi par les journaux satiriques, dont Le Charivari, qui la combina plaisamment avec les métaphores convenues de « l’horizon s’obscurcit » et du « char de l’État », empruntées au journal Le Constitutionnel, et dont jouera Flaubert (avec la métaphore du « cancan » ou « chahut » ou « chaloupe orageuse » : voir la note associée à ce mot dans la Préface), dans L’Éducation sentimentale (1869), lors de l’évocation de la révolution de février 1848 (époque du carnaval) et de la prise des Tuileries et du trône : « Le vaisseau de l’État est balloté sur une mer orageuse ! Cancane-t-il ! cancane-t-il ! » (3e partie, chap. I).
25[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873, en vue de l'édition en volume.
26[Par Léa Lallement] Voir, supra, l’entrée « Vantardise » : le « vraisemblable » ne serait qu’une pâle imitation du « vrai ». Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 4 avril 1873, en vue de l’édition en volume.

Y, Z

Lettrine Y, Z :

1YEUX — Des interprètes qui donnent diablement raison au proverbe : Traduttore, traditore2.

Z — Le saint Sylvestre de l'alphabet3.

4ZÈLE — La carrière d'où l'on tire tous les pavés de l'ours.

ZIG-ZAGS — La conscience et les ivrognes ne s'aperçoivent jamais de ceux qu'ils, font.

ZIZANIE — Je ne crois pas qu'on puisse terminer un dictionnaire par un mot plus français...

À moins que, comme adieu, vous ne préfériez celui-ci :

ZUT !5

Paris. — J. Claye, Imprimeur, 7, Rue Saint-Benoît. — 1864

1[Par Nathalie Preiss] L’ensemble des lettres « Y » et « Z » parut pour la première fois dans la tranche complémentaire finale, « Sabre-Zut », publiée dans Le Charivari du 4 avril 1873, en vue de l’édition en volume d’octobre 1873 : le « Dictionnaire anti-académique » devenait Le Carnaval du dictionnaire.
2[Par Léa  Lallement] Proverbe italien : « Traducteur, traître », plus connu sous cette formulation : « Traduire, c’est trahir » (voir l’entrée « Traduction »).
3[Par Léa Lallement] Dernière lettre de l'alphabet de même que la Saint-Sylvestre marque le dernier jour de l'année, le 31 décembre.
4[Par Léa Lallement] Parce que le « pavé de l’ours », expression reçue, issue de la fable de La Fontaine, « L’Ours et l’amateur de jardins », désigne une action pleine de généreuses intentions mais de dangereuse maladresse aussi (voir aussi les entrées « Officieux », « Statue »).
5[Par Léa Lallement et Nathalie Preiss] Issu, en argot, de la combinaison entre l’interjection « ut », « hors d’ici », et son développement par le gamin de Paris cultivant les liaisons heureuses : « Je te dis ut en musique » (Lorédan Lachey, Dictionnaire historique d’argot, op. cit.), ce mot de la fin renvoie bien au début du Carnaval du dictionnaire, où l’argot du gamin préoccupe et occupe Véron car ledit gamin constitue la figure carnavalesque par excellence, qui, tel le fou du roi, à l’image du Charivari lui-même, dit la vérité. Et, selon l’alliance du texte et de l’image, caractéristique de ce journal et de ce dictionnaire qui lui doit tant, c’est bien cette figure du gamin carnavalesque avec ses grelots que Hadol choisit pour la lettrine « Z » signée « Zut. Paul Hadol » [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carqb4482-01_001.jpg?itok=KY9VN4AH], et pour cause !, puisque « Zut » est le pseudonyme d’un « petit » : Alfred Le Petit, caricaturiste en chef du Grelot !, frère jumeau du Charivari (voir l’« Introduction critique »). CQFD>italique> !

À vous de créer la chronologie!

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVECorpus primaireI. Œuvres de Pierre Véron1. Éditions du Carnaval du dictionnaire :

- Le Carnaval du dictionnaire, 24 dessins par Hadol, Paris, Michel Lévy frères, 1874.

- Le Carnaval du dictionnaire, 24 dessins par Hadol, Paris, Michel Lévy frères, 1874, 2e éd. [c’est cette édition, disponible sur Gallica, qui est ici présentée : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30413624.texteImage].

2. Autres textes de Pierre Véron cités (ou utilisés pour l’annotation) :

- Le Guide de l’adultère, illustrations d’Henriot, Paris, E. Dentu, 1883, 3e éd.
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6438830c.texteImage].

- Le Panthéon de poche, Paris, Degorce-Cadot, 1875
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k241372q/f225.texteImage].

- Le Roman de la femme à barbe. Messieurs du tréteau [1863], Paris, Michel Lévy frères, 1872
[En ligne, éd. illustrée, Paris, Charlieu frères et Huillery, 1865 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5812579x.texteImage].

- Les Chevaliers du macadam, Paris, Arnauld de Vresse, 1863
[En ligne, édition de 1877, chez Calmann-Lévy : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54537903.texteImage].

- Les Marchands de santé [1862], Paris, Michel Lévy frères, 1872
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5724989b.texteImage].

II. Autres textes et albums

- Belloguet (André), Pilori-Phrénologie, [1870-1871]
[En ligne : https://www.parismuseescollections.paris.fr/en/node/287998].

- Béranger (Pierre-Jean de), Chansons de Béranger (anciennes et posthumes), nouvelle édition populaire illustrée de 161 dessins inédits, Paris, Perrotin ; Bruxelles, E. Peeters, 1866
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6154945r/f4.item.texteImage].

- Cham (Amédée de Noé, dit), La Grammaire illustrée, Paris, Arnauld de Vresse, s.d. [1869].
—, Nouvelles fariboles, Paris, Arnauld de Vresse, s.d. [1858].
—, Scènes d’automne, Paris, Martinet, s.d. [1853].

- Cham (Amédée de Noé, dit) et Daumier (Honoré), Album du siège. Recueil de caricatures publiées pendant le siège dans « Le Charivari », Paris, aux Bureaux du Charivari, 1870-1871
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10653361/f1.image]. Reproduction en fac-similé aux Éditions Alexandra, 1979.

- Daumier (Honoré), Cent-vingt lithographies de H. Daumier, reproduites en fac-similé, avec une Introduction et des Notes de Jean Laran, Paris, Les Beaux-Arts, 1929.

- Daumier (Honoré) et Philipon (Charles), Les Cent-et-Un Robert-Macaire, composés et dessinés par M. H. Daumier sur les légendes et les idées de Ch. Philipon. Textes par MM. Maurice Alhoy et Louis Huart, Paris, Aubert, 1839
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86172139/f1.item].

- Doré (Gustave), Trois artistes incompris et mécontens, Paris, Aubert et Cie, [1850].

- Faustin (Faustin Betbeder, dit), Les Guillotinés, octobre 1870.

- Flaubert (Gustave), Le Dictionnaire des idées reçues suivi du Catalogue des idées chic, éd. d’Anne Herschberg Pierrot, Paris, LGF, Le Livre de Poche, coll. « Classiques », 1997.

- Gavarni (Guillaume-Sulpice Chevallier, dit), Masques et visages, Paris, Paulin et Lechevalier, 1857
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6391517q/f9.item.texteImage].

- Hadol (Paul), La Ménagerie impériale, composée des ruminants, amphibies, carnivores et autres budgétivores qui ont dévoré la France pendant 20 ans, Paris, au Bureau des Annonces et au Bureau de L’Éclipse, 1870-1871
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10505633m/f18.item].

- Hugo (Victor), Poésie, dans Œuvres complètes, sous la direction de Guy Rosa et Jacques Seebacher, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2002, 4 vol.
—, Les Misérables, éd. d’Annette Rosa, dans Œuvres complètes. Romans II, sous la direction de Jacques Seebacher et Guy Rosa, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1991.

- Lassalle (Armand de), L’Hôtel des haricots, maison d’arrêt de la Garde nationale de Paris. 70 dessins par Edmond Morin, Paris, E. Dentu, 1864.

- Reybaud (Louis), Jérôme Paturot à la recherche d’une position sociale, illustré par Grandville, Paris, Paulin, 1846
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k24388d.texteImage].

- Rimbaud (Arthur), Œuvres complètes, éd. de Pierre Brunel, Paris, LGF, coll. « La Pochothèque/Le Livre de Poche », 1999.

- Talin [Henry Meilhac] et Damourette (Abel), Petits albums pour rire. Les Lorettes, n° 3. 1re partie ; n° 6. 2e partie ; n° 11. 3e partie, Librairie Maresq et au Bureau du Journal pour rire, [1854].

• Petits-Paris :

- [Alhoy (Maurice), Delord (Taxile), Texier (Edmond)], Paris-Grisette, par les auteurs des Mémoires de Bilboquet, Paris, A. Taride, 1854.
—, Paris-Lorette, par les auteurs des Mémoires de Bilboquet, Paris, A. Taride, 1854.
—, Paris-Portière, par les auteurs des Mémoires de Bilboquet, Paris, A. Taride, 1854.

• Physiologies :

- Physiologie du blagueur par une société en commandite, Paris, Garnier frères, Leroi, 1841.

- Alhoy (Maurice), Physiologie de la lorette. Vignettes de Gavarny [sic], Paris, Aubert et Cie, Lavigne, 1841
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1132844.image].
—, Physiologie du débardeur. Vignettes de Gavarni, Paris, Aubert et Cie, Lavigne, [1842]
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k116720x.image].

- Bourget (Émile), Physiologie du gamin de Paris, galopin industriel. Illustrations de Markl, Paris, Laisné, Aubert et Cie, Lavigne, [1842]
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8530311z.image].

- [Couailhac (Louis)], Physiologie de l’Opéra, du carnaval, du cancan, de la cachucha, par un vilain masque. Dessins d’Henri Emy, Paris, R. Bocquet, 1842
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k116772d.image].

- Huart (Louis), Physiologie de la grisette. Vignettes de Gavarni, Paris, Aubert et Cie, Lavigne, [1841]
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8530318v.image].
—, Physiologie du médecin. Vignettes de Trimolet, Paris, Aubert et Cie, Lavigne, 1841
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8530294w/f5.image].

- [Marchal (Charles)], Physiologie du chicard par un journaliste. Dessins par Gavarni, Daumier, Travier [sic] et Monier [sic], Paris, Lachapelle, Fiquet, 1842
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85302655/f11.item.texteImage].

- Rousseau (James), Physiologie de la portière. Dessins par Daumier, Paris, Aubert et Cie, Lavigne, 1841
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8530294w/f5.image].
—, Physiologie du Robert-Macaire. Illustrations de H. Daumier, Paris, J. Laisné, 1842
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b85303005.image].

• Anthologies commentées d’études de mœurs consacrées à Paris :

- Oster (Daniel) et Goulemot (Jean), La Vie parisienne. Anthologie des mœurs du XIXe siècle, Paris, Sand/Conti, 1989.

- Portes (Laurent) et Wagneur (Jean-Didier), Les Petits Paris. Promenades littéraires dans le Paris pittoresque du XIXe siècle, Paris, BnF, 2019.

III. Journaux, revues

- Charivari (Le). Journal publiant chaque jour un nouveau dessin, 1832-1937
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34452332k/date].

- Charge (La). Journal satirique hebdomadaire, 1870 (directeur et rédacteur en chef : Alfred Le Petit)
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34430867q/date.item].

- Éclipse (L’), 1868-1876
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32764192t/date]

- Grelot (Le), 1871-1903
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32783924q/date].

- Journal pour rire (Le), 1848-1855
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/html/und/litteratures/le-journal-pour-rire?mode=desktop], suivi de Journal amusant (Le), 1856-1914
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb327966940/date].

- Parodie (La), par Gill, Paris, Typographie Alcan-Lévy, 1869-1870.

- Revue comique, à l’usage des gens sérieux, 1848-1849.

Corpus secondaireI. Dictionnaires, encyclopédies

- Dictionnaire de l’Académie française, Paris, Firmin-Didot, 1878, 7e éd.
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1280424n/f1.item].

- Imbs (Paul) dir., Trésor de la langue française. Dictionnaire de la langue du XIXe et du xxe siècles (1789-1960), Paris, CNRS, 1971-1994, 16 vol. et un Supplément
[En ligne : http://www.atilf.fr/tlfi].

- Larchey (Lorédan), Dictionnaire historique d’argot et des excentricités du langage [Dentu, 1881], Paris, J.-C. Godefroy, 1982.

- Larousse (Pierre), Grand dictionnaire universel du XIXe siècle français, Paris, Administration du Grand Dictionnaire, 1866-1876, 16 vol. (deux Suppléments, t. 17 et 18)
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50723k?rk=21459].

- Littré (Émile), Dictionnaire de la langue française, Paris ; Londres, Hachette, 1873-1883, 4 vol.
[En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5406710m?rk=21459;2].

- Osterwalder (Marcus), Dictionnaire des illustrateurs, Paris, Ides et Calendes, t. I. 1800-1914, 2000
[En ligne : http://www.dictionnaire-des-illustrateurs.com/].

- Rey (Alain) dir., Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1992, 2 vol.

II. Histoire politique et sociale et Histoire des représentations

- Anceau (Éric), « Les députés chambellans du Second Empire », Revue du Souvenir Napoléonien, n° 415, oct.-nov. 1997, p. 25-39
[En ligne : https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/les-deputes-chambellans-du-second-empire/].

- Gueniffey (Patrice), « Du consulat à la IIIe République », dans Journal de la France et des Français. Chronologie politique, culturelle et religieuse de Clovis à 2000, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2 vol., 2001.

- Mayeur (Jean-Marie), Les Débuts de la IIIe République. 1871-1898, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points-Histoire », 1973.

- Milza (Pierre), L’Année terrible. La guerre franco-prussienne septembre 1870-mars 1871, Paris, Perrin, 2009.
—, L’Année terrible. La guerre franco-française. La Commune mars-juin 1871, Paris, Perrin, 2011.
—, Napoléon III, Paris, Perrin, 2004.

- Dreyfuss (G.), « La poste pendant la guerre et l’occupation 1870-1872 », tiré à part de l’Académie de Metz, Metz, le Lorrain, 1969
[En ligne : http://philatelietruchtersheim.fr/file/poste_1870_1872/poste_1870_1871.pdf]

- Nourrisson (Didier), « Tabagisme et antitabagisme au XIXe siècle », Histoire, Économie et Société. Toxicomanies : tabac, alcool, drogues, 1988, p. 535-547
[En ligne : https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1988_num_7_4_2394].

- Plessis (Alain), De la fête impériale au mur des fédérés.1852-1871, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points-Histoire », 1973.

- Duprat (Annie), Le Roi décapité. Essai sur les imaginaires politiques, Paris, Cerf, 1992.

- Faure (Alain), Paris Carême-prenant. Du carnaval à Paris au XIXe siècle, Paris, Hachette, 1978.

- Kantorowicz (Ernst), Les Deux Corps du roi [1957], trad. de l’anglais par Jean-Philippe et Nicole Genet, Paris, Gallimard, 1989.

- Lescart (Alain), Splendeurs et misères de la grisette. Évolution d’une figure emblématique, Paris, Honoré Champion, 2008.

- Perrot (Philippe), Les Dessus et les dessous de la bourgeoisie. Une histoire du vêtement au XIXe siècle, Paris, Complexe, coll. « Historiques », 1992.

- Preiss (Nathalie) et Scamaroni (Claire), Elle coud, elle court, la grisette ! La grisette au temps de Balzac, catalogue de l’exposition de la Maison de Balzac (14 octobre 2011-15 janvier 2012), Paris, Paris-Musées, 2011.

III. Histoire de la presse et de la caricature• Trois sites, offrant différentes ressources (bases de données, dossiers, publications, expositions virtuelles) :

- https://www.medias19.org/ [M19 Médias 19. Littérature et culture médiatique. Projet scientifique franco-québecois, sous la responsabilité de Marie-Ève Therenty et Guillaume Pinson, articulé au projet international ANR NumaPresse].

- https://www.caricaturesetcaricature.com [Actualité-recherche sur l’histoire de la caricature politique et du dessin de presse. Blog élaboré par Guillaume Doizy].

- https://exhibitions.lib.cam.ac.uk/caricatures/case/the-paris-commune/ [Caricatures of the Franco Prussian War and the Paris Commune. Sur le site de Cambridge University].

- Avon (Dominique) dir., La Caricature au risque des autorités politiques et religieuses, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010.

- Baridon (Laurent) et Guédron (Martial), L’Art et l’histoire de la caricature, Paris, Citadelles & Mazenod, 2015.

- Bellanger (Claude), Godechot (Jacques), Guiral (Pierre), Terrou (Fernand) dir., Histoire générale de la presse française, t. II. De 1815 à 1870 ; t. III. De 1871 à 1940, Paris, Puf, 1969.

- Bellet (Roger), Presse et journalisme sous le Second Empire, Paris, coll. « Kiosque », 1967.
— , « Trois années de caricatures d’André Gill : La Lune et L’Éclipse », dans Régnier (Philippe) dir., La Caricature entre république et censure. L’imagerie satirique en France de 1830 à 1880 : un discours de résistance ?, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996, p. 357-362
[En ligne : https://books.openedition.org/pul/7799].

- Berleux (Jean) [Quentin-Bauchart (Maurice)], La Caricature politique en France pendant la guerre, le siège de Paris et la Commune (1870-1871), Paris, Labitte, Ém. Paul et Cie, 1890.

- Breckbill (Anita), « André Gill and Musicians in Paris in the 1860s and 1870s: Caricatures in La Lune and L’Éclipse », Music in Art, Vol. 34, n° 1/2, Spring Fall 2009, p. 215-228
[En ligne : https://www.jstor.org/stable/41818591].

- Chotard (Loïc), Nadar. Caricatures et photographies, catalogue de l’exposition de la Maison de Balzac (13 novembre 1990-17 février 1991), Paris, Paris-Musées, 1990.

- Delporte (Christian), « “La Liberté de la presse”, par Alfred Le Petit, Le Grelot, 10 mars 1872 », Parlement(s), Revue d’histoire politique, Paris, Classiques Garnier, 2014/3, n° 22, p.145-152
[En ligne : https://www.cairn.info/revue-parlements2-2014-3-page-145.htm].

- Fontane (Charles), Un maître de la caricature, André Gill, Paris, Éditions de l’Ibis, 1927, 2 vol.

- Garrigues (Jean), « Images d’une transition. Quelques réflexions sur les dessins satiriques en France de 1870 à 1877 », Recherches contemporaines, n° spécial : « Image satirique », 1998, p. 93-112.

- Grand-Carteret (John), Les Mœurs et la caricature en France, Paris, à la Librairie illustrée, 1888.

- Grœnsteen (Thierry), « Gustave Doré, pionnier de la bande dessinée »
[En ligne sur le site de l’auteur : http://www.editionsdelan2.com/groensteen/spip.php?article14].

- Kalifa (Dominique), Régnier (Philippe), Thérenty Marie-Ève, Vaillant (Alain) dir., La Civilisation du journal, Paris, Nouveau-Monde éditions, 2012.

- Koch (Ursula), « Du Printemps des peuples à la guerre franco-allemande (de 1848 à 1870-1871), dans Régnier (Philippe) dir., La Caricature entre république et censure. L’imagerie satirique en France de 1830 à 1880 : un discours de résistance ?, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996, p. 370-382
[En ligne : https://books.openedition.org/pul/8054].

- Koch (Ursula) et Sagave (Pierre-Paul), Le Charivari. Die Geschichte einer Pariser Tageszeitung im Kampf um die Republik (1832 bis 1882) [Le Charivari. Histoire d’un quotidien parisien dans la lutte pour la république (1832-1882)], Cologne, Leske, 1984.

- Lalouette (Jacqueline), « Iconoclastie et caricature dans le combat libre-penseur et anticlérical (1879-1914) », dans Michaud (Stéphane), Mollier (Jean-Yves), Savy (Nicole), dir., Usages de l’image au XIXe siècle, Paris, Créaphis, 1992, p. 50-61.

- Ledré (Charles), La Presse à l’assaut de la monarchie, Paris, Armand Colin, coll. « Kiosque », 1960.

- Le Men (Ségolène), Daumier et la caricature, Paris, Citadelles & Mazenod, 2008.

- Lethève (Jacques), La Caricature et la presse sous la IIIe république, Paris, Armand Colin, coll. « Kiosque », 1961.

- Michaud (Stéphane), Mollier (Jean-Yves), Savy (Nicole), dir., Usages de l’image au XIXe siècle, Paris, Créaphis, 1992.

- Nathan (Michel), « Cham polémiste, » dans La Caricature entre république et censure. L’imagerie satirique en France de 1830 à 1880 : un discours de résistance ?, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996, p. 182-191
[En ligne : https://books.openedition.org/pul/8045].

- Michaud (Stéphane), Mollier (Jean-Yves), Savy (Nicole), dir., Usages de l’image au XIXe siècle, Paris, Créaphis, 1992.

- Parr (Rudolf), « Tartuffe ou Faust ? Bismarck et Napoléon III dans les caricatures allemandes et françaises après1852 », dans Régnier (Philippe) dir., La Caricature entre république et censure. L’imagerie satirique en France de 1830 à 1880 : un discours de résistance ?, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996, p. 192-203
[En ligne : https://books.openedition.org/pul/8060].

- Planté (Christine), « Les Bas-Bleus de Daumier : de quoi rit-on dans la caricature ? », dans Régnier (Philippe) dir., La Caricature entre république et censure. L’imagerie satirique en France de 1830 à 1880 : un discours de résistance ?, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996, p. 192-203
[En ligne : https://books.openedition.org/pul/7937].

- Régnier (Philippe) dir., La Caricature entre république et censure. L’imagerie satirique en France de 1830 à 1880 : un discours de résistance ?, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996
[En ligne : https://books.openedition.org/pul/7799].

- Robert-Jones (Philippe), « La presse satirique illustrée entre 1860 et 1890 », Études de presse, n° 8, 1956.

- Rocher (Philippe), « Des corbeaux au service d’un complot. La caricature de l’éducation jésuite au XIXe siècle (1814-1914) », dans Avon (Dominique) dir., La Caricature au risque des autorités politiques et religieuses, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p. 25-37
[En ligne : https://books.openedition.org/pur/102852].

- Tillier (Bertrand), Caricaturesque. La caricature en France, toute une histoire… de 1789 à nos jours, La Martinière, 2016.
—, À la charge ! La caricature en France de 1789 à 2000, Paris, Les Éditions de l’Amateur, 2005.
—, La RépubliCature. La caricature politique en France.1870-1914, Paris, CNRS Éditions, 2016.

- Vaillant (Alain) et Vérilhac (Yoan), Vie de bohème et petite presse du XIXe siècle. Sociabilité littéraire ou solidarité journalistique ?, Nanterre, Presses Universitaires de Paris Nanterre, 2018.

IV. Histoire littéraire et Poétique

- Murphy (Steve), Rimbaud et la ménagerie impériale, CNRS/Presses Universitaires de Lyon, 1991.

- Herschberg Pierrot (Anne), Le « Dictionnaire des idées reçues » de Flaubert, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires de Lille, coll. « Problématiques », 1988.
—, « Le Dictionnaire des idées reçues, les dictionnaires, et Bouvard et Pécuchet », dans Magaudda (Biagio) dir., Flaubert. Le « Dictionnaire » et les dictionnaires, Revue Flaubert, n° 19, 2021
[En ligne : https://flaubert-v1.univ-rouen.fr/revue/article.php?id=322].

- Magaudda (Biagio) dir., Flaubert. Le « Dictionnaire » et les dictionnaires, Revue Flaubert, n° 19, 2021, revue En ligne : https://flaubert-v1.univ-rouen.fr/revue/sommaire.php?id=21.

- Preiss (Nathalie), Pour de rire ! La blague au XIXe siècle ou la représentation en question, Paris, Puf, coll. « Perspectives littéraires », 2002.

- Saint-Amand (Denis), La Littérature à l’ombre. Sociologie du zutisme, Paris, Classiques Garnier, 2012.
—, Le Dictionnaire détourné. Socio-logiques d’un genre au second degré, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2013.
—, « Le voisinage du Dictionnaire des idées reçues », Revue Flaubert. Flaubert. Le « Dictionnaire » et les dictionnaires, Biagio Magaudda dir., n° 19, 2021
[En ligne : https://flaubert-v1.univ-rouen.fr/revue/article.php/?id=324. L’auteur analyse notamment, mais dans une perspective autre que la nôtre (voir l’ « Introduction critique » de cette édition, qui insiste sur la plurivocité des deux dictionnaires), la relation entre Le Carnaval du dictionnaire de Véron et le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert].

- Savy (Nicole) et Vigne (Georges), Le Siècle des dictionnaires, Paris, Éditions de la RMN, coll. « Les Dossiers du musée d’Orsay », n° 10, 1987.

- Thérenty (Marie-Ève) et Vaillant (Alain), Journalisme et littérature au XIXe siècle, Paris, Nouveau-Monde éditions, 2005.

- Wagneur (Jean-Didier) et Cestor (Françoise), Les Bohèmes. 1840-1870. Écrivains-Journalistes-Artistes, Seyssel, Champ Vallon, 2012. [Anthologie commentée et annotée].