Corpus Causes secretes de la Revolution

Division 20 : adresse aux législateurs

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Ô législateurs ! permettez à ma faible voix de s’élever jusqu’à vous Vilate s'adresse aux députés de la Convention. . Le malheur exerce l’âme, et c’est au fond des cachots que, revenue à la réalité des choses imparfaites du monde, elle découvre le vide et l’erreur de ces espérances abstraites d’une perfection chimérique, étrangère aux passions des hommes. Un peuple de vingt-cinq millions d’âmes vous a confié ses grandes destinées. Le sort de l’Europe est aussi dans vos mains par l’influence du Peuple français sur tous ses voisins. La postérité vous jugeraLes générations futures jugeront l'action des conventionnels. . Elle est sévère ; votre gloire ne doit pas vous être indifférente. Que de puissants motifs pour vous exciter à répondre dignement à cette confiance honorable et telle qu’il n’en est point de plus auguste ! Ah ! ce n’est pas assez d’avoir détruit tous les préjugés de l’orgueil, de la domination et de la superstition : ce n’est pas assez d’avoir humilié les rois de la terre en faisant tomber la tête de l’un d’eux sous la justice des peuples opprimés ; ce n’est pas assez d’avoir fait entrevoir à la nation française l’aurore de la liberté, de lui avoir promis l’égalité, de l’inviter à la fraternitéDans ce passage très rhétorique, l'anaphore « Ce n'est pas assez » présente la révolution comme un processus universel. . Non, ce n’est pas assez d’avoir triomphé de ces nouveaux tyrans qui, sous le voile imposteur de l’amour de l’humanité, de la régénération sociale et du bonheur public, ne savaient que dépouiller, emprisonner, égorger, et croyaient régner comme la mort par la destructionVilate désigne Robespierre et ses proches, exécutés le 10 thermidor. ; ce n’est pas assez de guider des armées formidables, ni de forcer des peuples ennemis à recevoir la paix : toutes ces hautes merveilles s’évanouiraient si vous ne profitiez de vos triomphes pour affermir et consolider votre ouvrage.

Ralliez-vous au centre d’un système, politique, libre, sage et sans exagération ; cessez toutes ces divisions intestines qui déchirent votre sein et dont le spectacle scandaleux afflige, inquiète, et consterne le Peuple, en même temps qu’il fait la joie de ses ennemis et des vôtres ; suivez l’exemple des valeureux guerriers qui versent leur sang sous les drapeaux de la victoire ; prononcez hardiment le dogme du gouvernement robuste et sain qui convient à la nature de la République française, dégagé de toute domination exclusive sur la multitude, comme de la trop grande influence de celle-ci sur la sagesse et l’expérience. Organisez le gouvernement avec la stabilité salutaire de la distinction des pouvoirs, sans laquelle il n’y a ni liberté publique et individuelle, ni égalité même devant les lois, ni sûreté d’industrie et de propriété ; mais bien des défiances, des factions, des délations, des bastilles, des échafauds et des guerres civiles... L’histoire n’offre pas inutilement l’expérience des siècles. Les cinq années de révolutions que le Peuple vient de parcourir ne doivent non plus être une vaine expérience ; alors vous verrez finir d’elles-mêmes toutes les divisions, se réunir tous les partis. Ceux que le char révolutionnaire a effrayés et blessés dans sa marche rapide et violente, et qui en désirent le ralentissement ; ceux qui l’ont conduit et sauvé au travers des écueils avec la hardiesse sans laquelle il eût été renversé, et qui tremblent de le voir rétrograder, tous mettant leur félicité dans l’heureuse impossibilité d’exercer des vengeances alternatives, concourront enfin à la paix publique, en faisant renaître la circulation des subsistances, les arts, le commerce et les sciences et toutes les parties vivifiantes d’un état vraiment libre et florissant.

De la Force, ce 15 vendémiaireLe lundi 6 octobre 1794, date à laquelle Vilate achève son ouvrage. Arrêté depuis plus de deux mois, il lui reste environ sept mois à vivre avant d'être guillotiné., l’an troisième de la République une et indivisibleLa Convention nationale a proclamé l’unité et l’indivisibilité de la République le 25 septembre 1792. Vilate se sert d'un terme officiel pour souligner son apartenance à la république. Ainsi, il veut prouver qu'il n'est pas un danger et que, donc, il peut être libéré de prison. .


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