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La diligente aurore n’avait pas été plus matinale que moi ; il y avait plus de quatre heures que je me promenais dans ma chambre, à former mille projets dont l’un détruisait l’autre, quand madame Bontems se réveilla ; elle parut étonnée de me voir toute habillée : je lui fis part de ma dernière résolution, qui était d’accompagner Dorimond dans ses recherches pour notre habitation et de nous y fixer à l’instant même. Toutes les raisons de madame Bontems ne purent m’ébranler : je lui dis que c’était le dernier jour que je commandais, et que je voulais être obéi ; que dans notre nouvelle demeure, je lui promettais autant de soumission que j’avais aujourd’hui de volonté.
Madame Bontems me connaissait assez pour être convaincue qu’elle ne gagnerait rien sur moi, et elle consentit, ne pouvant faire autrement.
À peine étions-nous d’accord, que Dorothée vint nous avertir que son papa, désirant aller en campagne, nous priait de permettre qu’on déjeûnât de meilleure heure. Nous passâmes chez madame Lavalé, qui était encore de si mauvaise humeur de la veille, qu’elle dédaigna de nous répondre le bonjour. J’avais à peine fait part à Dorimond de l’intention où j’étais, que la domestique, entrant toute effrayée, nous dit qu’un grand hussard
Dorimond avait tenté inutilement de lui imposer silence. Blançai était confondu, les menaces de madame Lavalé m’avaient inspiré la plus grande frayeur, madame Bontems seule conservait un air calme. La fureur de madame Lavalé ne lui en imposa point ; elle lui dit, avec beaucoup de fermeté, que sa conduite justifiait la défiance que M. Dorimond avait eue sur son compte ; qu’elle, en particulier, se glorifiait d’avoir eue autant de réserve ; qu’elle pouvait effectuer toutes ses menaces, qu’elles nous effrayaient peu, puisque d’un mot elle pouvait faire retomber toute la noirceur de sa conduite sur elle-même ; que M. de Blançai et M. de Lavalé étaient tous deux dans l’erreur du nom du jeune homme qui avait habité quelques jours la maison de M. Dorimond, mais qu’elle avait eu ses raisons pour lui faire prendre celui du vicomte[Par Olivier Ritz] Dans l'édition originale : marquis. de Chabry, espérant, s’il lui restait quelques sentiments généreux, que la reconnaissance lui imposerait la loi de respecter le fils de son bienfaiteur ; qu’elle se repentait de l’avoir jugée si favorablement ; qu’elle était très fâchée que cela eût occasionné quelques désagréments à M. Dorimond, pour qui elle avait la plus profonde estime ; que nous allions à l’instant quitter sa maison, emportant avec nous notre secret, sans craindre que sa fureur nous l’arrachât, Madame Bontems se leva dans le même moment, et me fit signe de la suivre.
Sa fermeté en avait imposé à madame Lavalé ; Dorimond ne daigna pas lui adresser la parole. Nous passâmes dans notre appartement pour prendre l’écrin
Quand nous rentrâmes dans le salon, nous trouvâmes Dorimond, sa belle-mère, sa fille et Blançai, dans la même attitude où nous les avions laissés.
Comme nous allions prendre congé de Dorimond, mon frère et Lavalé entrèrent ; ils parurent étonnés de nos figures. Mon frère toujours prêt à rire de tout, allait faire des plaisanteries à madame Lavalé, quand Dorimond lui dit : il n’est plus temps de feindre, monsieur, madame Lavalé croit savoir la moitié de votre secret, et est prête à sacrifier toute sa famille pour apprendre l’autre moitié ; il faut lui éviter un crime, et la laisser en proie au repentir d’avoir pu un instant en former le projet. Vous, Lavalé, je vous crois assez prudent pour taire ce qu’il faut faire en sorte que toute la terre ignore ; restez avec votre tante, pour tâcher de la ramener à la raison, j’aurai soin de vous instruire du lieu que j’aurai choisi pour ma retraite ; je vous remets mon portefeuille pour subvenir aux besoins de votre tante et de votre cousine. Dorothée se jeta dans les bras de son père, et le conjura de ne pas l’abandonner. Madame Lavalé était suffoquée et prête à s’évanouir ; j’eus pitié de la position dans laquelle elle était ; je lui donnai des secours, et fis signe à madame Bontems de chercher à calmer Dorimond. À force de soins et de prières, nous parvînmes à remettre un peu de calme dans tous les esprits. Dans un moment très pathétique, mon original de frère prit les mains de madame Lavalé et lui dit : allons, ma chère, je vois bien que votre plus grand défaut est la curiosité, et que nous avons un tort irréparable vis à vis de vous, c’est de ne vous avoir pas fait confidence de tous nos petits secrets ; mais consolez-vous, je vous jure qu’avant peu ce sera celui de la comédie, et que vous serez au fait comme les autres. Cette folie nous fit rire, quoique nous n’en eussions point d’envie.
Madame Bontems avait fait entendre à Dorimond que la prudence exigeait qu’il ne quittât pas sa belle-mère, et qu’il la surveillât même jusqu’à ce que nous fussions à l’abri de ses recherches ; que la seule chose qui pouvait lui en imposer, était la crainte de se séparer de lui, et qu’il fallait garder cet épouvantail ; qu’il était nécessaire, avec des esprits comme celui de madame Lavalé, d’avoir un frein à leur imposer. Il goûta ces raisons, et consentit à rester, après que sa belle-mère eut promis de garder beaucoup de circonspection, et de s’abstenir de parler de rien qui pût donner le moindre soupçon. Il fut arrêté que Lavalé nous accompagnerait dans la recherche que nous allions faire d’une nouvelle habitation ; nous promîmes à madame Lavalé de venir la prendre pour passer quelques temps avec nous à la campagne que nous allions chercher, et de lui raconter toutes nos aventures. Mon frère avait eu réellement raison de lui dire que son plus grand défaut était la curiosité, car cette promesse acheva de la calmer. Dorothée ne nous quitta pas sans répandre beaucoup de larmes ; mon frère prétendait que si on avait laissé Dorothée dans l’erreur, et qu’elle eût été plus longtemps sa cousine, il l’aurait consolée ; Lavalé fut nous chercher un remise
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