chapitre précédent chapitre suivant
Télécharger le texte Editer le texte
Notes originales : Afficher tout Masquer tout
Ô consolante espérance, tu es le plus grand bienfait de la nature ; sans toi, l’homme accablé par la douleur succomberait sous le poids de ses maux ; tu lui donnes du courage, tu rends à son âme l’énergie nécessaire pour parer aux événements, et l’avenir que tu lui montres sous de riantes couleurs, lui fait presque oublier qu’il est malheureux !
Telle était notre position à notre réveil. Nous passâmes un temps infini, madame Bontems et moi, à composer le maintien et la toilette de la fausse Angélique. Dorothée était déjà venue vingt fois écouter à notre porte
Trop de précaution devient quelquefois nuisible, et nous en eûmes la preuve. La froideur que mon frère témoignait à Dorothée, lui occasionna de vifs reproches de la part de madame Lavalé, qui menaça Angélique d’en écrire à sa mère, ce qu’elle exécuta à l’insu de son gendre.
Depuis huit jours je gardais l’appartement, une indisposition m’y ayant forcée ; mon frère et madame Bontems me tenaient fidèle compagnie. Le jeune Lavalé s’était fait des querelles sans nombre avec sa tante en refusant de l’accompagner à toutes ses assemblées. Dorothée, sous le prétexte de me rendre des soins, ne sortait pas d’auprès de moi ; mais le vrai motif était ce sentiment beaucoup trop vif pour notre repos, que sa grande cousine lui avait inspiré.
L’assiduité de Lavalé et de Dorothée donnait beaucoup d’humeur à la grand-mère qui, née avec un caractère très franc, nous la laissait apercevoir sans beaucoup de contrainte.
Un soir que nous étions tous réunis, on apporta des lettres à madame Lavalé, qui ne les eut pas plutôt lues, qu’elle lança un regard foudroyant à son gendre ; c’était réellement un tableau à faire que toutes nos figures, madame Lavalé posant ses lunettes avec gravité, Dorimond tout étonné de la colère de sa belle-mère, Dorothée attendant avec impatience le résultat de cette scène muette, et mon frère riant à gorge déployée de toutes nos figures. Ces rires immodérés
Cela n’est pas difficile, madame, répondit-elle avec aigreur. Je viens de recevoir une lettre de la sœur de M. Dorimond, en réponse à une que je lui ai écrite ; elle nie formellement avoir envoyé sa fille à Paris, et cela lui serait bien difficile, ajoute-t-elle, puisqu’elle n’a qu’un fils qui a été obligé de fuir les persécutions
À mesure que Dorimond fabriquait ce conte, la sérénité se répandait dans mon âme ; je regardais madame Lavalé pour tâcher de découvrir quelle impression cette histoire faisait sur elle ; peu à peu elle parut se calmer, mais elle déclara formellement, que ne voulant pas se compromettre, il fallait que le neveu sortit à l’instant de sa maison. On eut beau lui représenter le danger auquel elle allait l’exposer, rien ne put la faire changer de résolution. J’étais dans une anxiété affreuse ; Dorothée fondait en larmes, Dorimond était bouffi de colère ; mon frère ne savait quelle contenance faire et gardait un morne silence ; Lavalé était pensif et semblait chercher à lire dans mes yeux : c’était le seul qui fut calme. Apparemment qu’il s’aperçut de mon embarras, car pendant que ma gouvernante pérorait madame Lavalé, il s’approcha de moi et me dit : rassurez-vous, mademoiselle, et donnez-moi votre confiance, je vous prouverai que je la mérite. Banissez toute crainte, je me charge d’Angélique et je vous en réponds sur ma tête. Je lui pris la main affectueusement.
Il demanda à madame Bontems la permission de proposer un arrangement qui mettrait tout le monde d’accord ; madame Lavalé voulut lui imposer silence, mais sans beaucoup l’écouter, il dit à Dorimond qu’il avait un appartement assez grand pour en offrir la moitié à son neveu ; qu’il croyait même qu’il serait beaucoup plus en sûreté chez lui, qui, comme garçon
Madame Lavalé s’opposa formellement à cet arrangement, ne voulant pas, disait-elle, que son neveu fut compromis ; elle tenait si fort à son opinion, qu’elle alla jusqu’à le menacer de le dénoncer, et qu’heureusement elle avait pour preuve la lettre de la sœur de Dorimond.
À cette menace, notre indignation fut au comble ; Dorimond lui fit les reproches les plus durs, et lui déclara, qu’il allait la quitter, lui et sa fille. La crainte qu’il n’exécutât sa menace, l’apaisa ou parut l’apaiser. Lavalé envoya chercher une voiture
Nous quitâmes à l’instant madame Lavalé qui paraissait avoir envie de continuer sa conversation. Dorimond nous conduisit à notre appartement, et après nous être assuré que nous pouvions causer sans crainte, je lui témoignai toute ma reconnaissance de la conduite généreuse qu’il tenait avec nous, mais que je me croirais coupable si je consentais à rester plus longtemps chez lui ; que madame Lavalé ne pouvait plus avoir de confiance en nous, que nous serions extrêmement gênées avec elle ; qu’il me serait presqu’impossible de voir mon frère, le seul bonheur dont je pusse jouir dans la position où le sort m’avait réduite ; que pour parer à tous les inconvénients, je croyais qu’il était prudent de nous retirer à la campagne ; que madame Bontems serait la maîtresse de la maison, que mon frère y serait mon frère, et que nous passerions pour ses neveux ; qu’alors, la contrainte serait moins grande ; qu’il ne m’en coûterait pas beaucoup pour donner à madame Bontems les soins d’une parente : l’attachement qu’elle nous portait, m’engageant à la regarder comme une seconde mère, que le destin m’avait donné pour apporter un peu de soulagement aux maux qui nous accablaient.
Dorimond, approuva ma résolution, et nous convînmes que, dès le lendemain, muni des petites affiches, il irait visiter les environs de Paris, et nous chercher une habitation. Le bon Dorimond nous offrit sa bourse en nous assurant qu’il se croirait trop heureux dans tous les temps de partager sa fortune avec nous.
Madame Bontems lui fit part de la ressource que nous avions, et qui nous mettait à l’abri du besoin ; Dorimond nous en témoigna sa satisfaction, et se chargea de nous vendre une partie de mes diamants.
chapitre précédent chapitre suivant Editer le texte