Corpus La Bande noire

Préface

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PRÉFACE.

Il s'est introduit dans le champ de l'art un parti aventureux qui entraîne à sa suite un certain nombre de serviteurs fidèles et dévoués. Ces esprits ardents et jeunes, écoutant plutôt la voix de leurs sensations que les conseils d'une raison éclairée, prenant pour le dernier mot du génie une certaine chaleur de sang, qui donne à leurs compositions et à leur style je ne sais quelle couleur incandescente, se lancent dans la carrière par mouvements précipités, et, pour ainsi dire, par soubresauts ; le terrain qu'ils foulent n'est point un chemin plane et continu, déroulant à l'œil son ruban varié ; c'est un de ces sites alpestres, coupé de ravins et de rocs, sillonné de précipices, balayé par les avalanches, et qui semble offrir pêle-mêle tous les contrastes et tous les dangers[Par Yohann] L'ouverture de la préface s'attache à décrire les traits définitoires du romantisme : jeunesse et ardeur du mouvement, préséance de la sensation sur la raison, perception des arts marquée par l'organicisme et la nécessité de la vigueur, apparition de l'oeuvre d'art dans des convulsions désordonnées, capricieuses et irrégulières. Enfin, le mouvement est décrit comme un itinéraire lui même accidenté grâce au motif capital de la montagne et du gouffre. Jules David s'inscrit d'emblée dans un débat littéraire d'une grande actualité, puisqu'il écrit alors que le mouvement est à son apogée.. Ceux-là, donc, bondissent plutôt qu'ils ne marchent, et à les voir tantôt en haut, tantôt en bas, tantôt au sommet des montagnes, tantôt au plus profond des abîmes, on dirait qu'un invisible tremplin les renvoie incessamment de la terre au ciel, et les lance dans l'espace sans fil pour les guider, sans lest pour les maintenir[Par Yohann] Cette définition de l'artiste en équilibriste et en alpiniste n'est pas sans rappeler l'iconographie romantique telle qu'elle fut mise en place notamment par Caspar David Friedrich (Voir par exemple Le Voyageur contemplant une mer de nuages, 1818 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Voyageur_contemplant_une_mer_de_nuages, Craie Falaises sur Rügen, 1818 :http://fr.wahooart.com/@@/8Y3QYC-Caspar-David-Friedrich-Craie-Falaises-sur-r%C3%BCgen, Femme devant le coucher de soleil, 1818 :https://fr.wikipedia.org/wiki/Femme_devant_le_coucher_de_soleil, et plus tardivement Deux hommes contemplant la lune, 1825-1830 :https://www.metmuseum.org/art/collection/search/438417).. Préférant à tout l'imprévu, ils affectent un dédain superbe pour les procédés lents, mais sûrs, de la réflexion qui reconstruit, comme une mosaïque, les passions, les instincts, les faits de l'humanité, prenant le connu pour le point de départ, et ne s'élançant à la poursuite de l'inconnu qu'avec d'infinies précautions. Pour ceux dont nous parlons, il semble que l'esprit de l'homme soit un cratère bouillonnant qui lance fatalement des flammes sans avoir même la conscience des moissons que sa lave féconde ou que ses torrents ravagent[Par Yohann] La fin de ce paragraphe se charge d'une valeur ambiguë : bien que le jeune mouvement romantique semble inspirer une certaine sympathie à l'auteur, l'accumulation des clichés et l'accusation visant le prétendu manque de raisonnement des auteurs romantiques indique une mise à distance de ce mouvement..

Non pas, d'ailleurs, que de cette école d'artistes spontanés il ne sorte quelquefois certaines œuvres hardiment jetées, comme ces ponts audacieux que la main de l'homme a imposés aux chutes du Rhin[Par Yohann] Ce fleuve n'est pas choisi au hasard : outre sa faculté à creuser des failles formidables qui ont inspiré le goût romantique pour les gouffres, le Rhin apparaît comme le trait d'union entre les deux grandes pensées romantiques européennes, le Sturm und Drang allemand et le Romantisme français.. Nous aimons, autant qu'un autre, l'imprévu dans l'art ; mais, nous l'avouons hautement, les surprises multipliées nous fatiguent, ainsi que feraient dans une ouverture les transitions trop brusques des instruments à vent[Par Yohann] Après l'architecture, le recours à l'analogie musicale révèle une pensée artistique qui se veut globale et transdisciplinaire.. L'art n'est pas, à notre sens, une arène dont il faut enlever le prix à la course, mais plutôt un sanctuaire étroit, où l'on doit se recueillir, et, l'œil encore tourné vers la terre qui fuit, demander religieusement ses inspirations au ciel[Par Yohann] Jules David rejette ainsi la conception romantique de la personnalité auctoriale élue pour lui préférer une pensée plus laborieuse et plus humble du créateur, certes inspiré par le ciel (encore qu'il faille en solliciter le souffle créateur), mais dans l'espace réduit et confiné d'un lieu dédié à l'adoration (alors que le poète romantique boit l'inspiration divine à la source même des espaces naturels ouverts).. L'analyse, pour nous, représente dans l'art le levier d'Archimède[Par Yohann] Cette phrase simple énonce très clairement un changement de modèle : l'inspiration de Jules David est à chercher du côté de l'activité scientifique, ce que tend à suggérer à la fois la méthode revendiquée (celle de l'analyse, opération à la base de la chimie moderne) et l'analogie qui s'appuie sur la physique mécanique. Voir l'introduction pour l'influence scientifique à l'oeuvre dans le roman.. C'est par elle que les rayons divergents du cœur et de la société doivent arriver à l'œil de l'artiste consciencieux ; c'est elle qui, le scalpel à la main, doit lui montrer les artères et les fibres de l'humanité, sous ses chairs roses ou flétries, décrépites ou fermes[Par Yohann] L'analogie scientifique se diversifie ici : le principe optique de la diffraction de la lumière blanche en rayons colorés (qui remonte à Newton) métaphorise la création de l'artiste, qui doit, à partir de l'observation de réalités sociales et émotionnelles divergentes, reconstituer grâce à son oeil l'unité du faisceau diffracté de la réalité. La chirurgie dissécatoire sert de modèle à l'étude d'une société dont les organes et les fluides vitaux seraient enfouis sous une carnation sujette à caution morale.. On ne trouve pas la vérité du premier jet, il faut, pour s'en rendre maître, de longues études et de longs tâtonnements ; or, la vérité est la base essentielle de l'art[Par Yohann] Le mot d'ordre de cette préface programmatique est ainsi lâché. La référence balzacienne qui était jusque-là suggérée se manifeste avec plus de clarté : Balzac souhaite se faire le secrétaire des moeurs de la société, David en sera l'observateur scientifique. Il rejette ce faisant avec force une conception esthétique de l'oeuvre d'art que le mouvement romantique commençait à mettre en avant..

Beaucoup ont proclamé ce principe avant nous, peu ont eu à cœur de le mettre en pratique ; il semble même que ceux-là, qui les premiers avaient arboré l'étendard, se soient tout d'abord fourvoyés dans la route ; esprits légers qui, en concluant bien, raisonnaient mal, et tiraient une conséquence juste de prémisses fausses ; car enfin il faudrait s'accorder et savoir la véritable signification des mots. Entre ces deux doctrines, dont l'une proclame que le vrai, c'est le beau, et dont l'autre admet, comme droit sacré, tous les caprices de l'esprit, toutes les fantaisies de l'artiste, n'y a t-il pas contradiction évidente[Par Yohann] Jules David proclame donc, au nom de la logique, la nécessité de trancher entre les tenants d'un art tourné vers la peinture de vérités d'une part, et d'autre part ceux qui revendiquent le caprice débridé comme principe de composition. La critique s'adresserait-elle à Balzac, qui se permet des excursions dans des contrées surnaturelles qui contredisent son discours auctorial dominant ? Voir l'introduction à propos de l'influence balzacienne. ? D'une part, la vérité est le résultat de l'observation, cela ne peut se nier ; et d'autre part, vous admettez, comme première condition d'existence, l'inspiration prime-sautière[Par Yohann] prime-sautière : orthographe parfois utilisée, notamment par Voltaire puis Chateaubriand. et le jet de l'esprit. Or, peut-on reproduire sans avoir vu ? peindre sans avoir étudié ? asseoir un raisonnement sur des bases qu'on ignore ? Quoi ! vous voulez le vrai, et, sans tenir compte des faits, des passions, du mouvement de l'esprit humain, vous dites à l'artiste : "Marche sans autre guide que ta volonté, sans autre loi que ton inspiration". Mais que signifie alors ce cri de vérité que vous avez jeté si haut ? Est-ce assez qu'un sculpteur creuse dans le marbre quelque sillon éclatant, si l'homme ne se révèle pas tout entier dans son œuvre, avec ses lignes, avec ses saillies, avec ses muscles et les mille variétés de son torse[Par Yohann] Modèle scientifique de l'écorché, qui permet de voir la constitution intime du corps humain. La critique est adressée ouvertement au mouvement romantique qui prétend rechercher une vérité absolue en faisant fi de la nécessité analytique.. Nous appartenons donc, pour notre part, à cette classe d'hommes qui, sans se laisser étourdir par le retentissement de quelques convictions, ont pris au sérieux la vérité dans l'art, et poursuivent avec conscience, tantôt sur les grands chemins, tantôt à travers les faux-fuyants et les sentes perdues, la marche de leur pensée et l'accomplissement de leur œuvre. Amoureux de l'art autant que personne au monde, nous croyons que la ligne correcte peut être belle et vraie quand on sait en diriger l'emploi ; il est bien que le ciseau de Phidias vienne en aide au marteau de Michel-Ange[Par Yohann] Le ciseau du sculpteur antique symbolise son goût pour la justesse anatomique, tandis que le marteau de Michel-Ange figure une esthétique de l'inachevé censée évoquer le souffle de l'inspiration brute. David se réclame donc à la fois de l'inspiration jaillissante et irrépressible en même temps que du détail anatomique rigoureux et réaliste..

Notre principe de foi le plus invariable, c'est que l'esprit progresse de jour en jour, et ne se fortifie que par degrés ; il faut du temps pour que les idées extérieures s'infiltrent peu à peu dans le sang et fassent chair commune avec l'artiste. Il faut que le suc de la réalité ait longtemps pénétré dans ses membres, pour qu'ils acquièrent la vigueur souple de l'athlète expérimenté et toujours prêt au combat ; ce travail d'assimilation et, si je puis parler ainsi, d'absorption, se fait plus vite chez les uns, plus lentement chez les autres ; mais en fait, c'est toujours le même travail nécessaire et continu ; quand l'artiste exsude les pensées qui ont pénétré sa substance intime, il ne fait donc qu'obéir aux lois d'une transpiration intellectuelle, il ne trouve rien, ne crée rien, il rend ce qu'il a pris[Par Yohann] Conception toute digestive de la création artistique, qui actualise le ciel des idées platonicien dans un présent tourné vers la scientificité de l'approche du monde..

C'est la première fois qu'il nous arrive de formuler aussi explicitement des idées générales, et de mettre le public dans la confidence de certaines pensées que nous avions, jusqu'à présent, silencieusement contenues[Par Yohann] Jules David exhibe la portée réflexive de sa préface en faisant habilement allusion à ses romans précédents (auxquels il reviendra plus ouvertement en fin de préface).. Sans sacrifier le fond des choses, nous avouons que l'expression et la pureté des formes nous ont toujours paru très précieuses, non pas que nous aimions cette afféterie[Par MagalieMyoupo] Mouvement qui éloigne du naturel pour plaire (connotation péjorative). de toilette, cette coquetterie mignarde qui ravale la mission de l'artiste, la plus noble des missions, à des soins féminins et puérils, sans grandeur dans leur but et dans leur résultat[Par Yohann] La préface est aussi programmatique dans la mesure où elle annonce certains épisodes du roman : ici, la confrontation entre deux types de femmes, Marguerite et Madame de Noï, dont le nécessaire de maquillage sera longuement décrit dans le chapitre 4 du second volume. Dans un premier temps, cette description concourra à discréditer la deuxième femme. Attachée à une apparence factice et trompeuse, elle ne peut qu'être jugée négativement pour cela par un ardent défenseur de la physionomie. ; nous n'acceptons pas entièrement tout cet attirail mondain, dont quelques-uns se sont plu à revendiquer les grâces maniérées ; les longues draperies flottantes de la muse antique nous semblent aussi quelque peu embarrassantes et roides ; nous n'aimons pas plus la manière que la roideur. Nous n'aimons ni ces grossières images taillées dans le roc, et qui semblent plutôt calcinées au vinaigre comme les rochers des Alpes par Annibal[Par Yohann] Tite-Live (Histoire romaine, XXI, 37, 2) raconte qu'Hannibal aurait pratiqué un passage dans un éboulement en redescendant les Alpes par l'action du vinaigre sur la roche. Voir l'article de Robert Halleux, "Sur le prétendu vinaigre employé par Hannibal dans les Alpes", Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, année 2007, volume 151, numéro 1, p.529-534 http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2007_num_151_1_92221, que modelées à l'embouchoir et polies au ciseau, ni ces médaillons sculptés qui ressemblent à des vignettes. La vérité que nous cherchons n'est ni épaisse et enrouée comme une déesse de la liberté, ni souriante et fardée comme une petite maîtresse de la régence ; elle a de la grâce, mais une grâce virile, elle a de la vigueur, mais une vigueur adoucie. Nous peignons les hommes tels qu'ils sont, sans nous demander ce qu'ils pourraient être, ni ce qu'ils devraient être ; quant à présent, nous copions, peut-être conclurons-nous plus tard[Par Yohann] La modération de David concerne donc à la fois ses sources et inspirations de travail tout autant que ses méthodes, mais aussi les prétentions de son oeuvre : la formule finale de ce paragraphe, qui renvoie la conclusion à un hypéthotique futur, n'est pas sans rappeler, par anticipation, la position flaubertienne. [Magalie] Parallèlement, David se joue durant toute la préface de l'ambiguïté du mot "vérité" qui peut désigner tout aussi bien la conformité avec le réel que l'idée démontrée..

Et certes, le procédé que nous adoptons n'est pas une ressource pour la paresse[Par Yohann] Reprise de la revendication d'appartenance au parti des créateurs artifex. Le sérieux de l'entreprise romanesque de David repose sur la distance prise avec le contexte littéraire de son époque. Il arbore un masque plus studieux, proche du modèle de la science d'alors.. La tâche que nous avons entreprise est laborieuse, nous sommes loin de nous le dissimuler ; dans le champ des fantaisies, l'esprit peut se jouer avec bien plus de liberté que dans le champ des réalités ; mais, lorsque pour but final on s'est imposé de suivre pas à pas la vérité, de calmer un à un tous ses traits, de rendre avec une égale conscience ses demi-tons et ses teintes éclatantes, lorsqu'on veut reproduire fidèlement la silhouette du monde, sans ménagement comme sans emphase, et si bien fondre sur sa palette les gradations et les divergences de la couleur qu'au bout d'un long temps le tableau se produise complet et vivant[Par Yohann] Reprise de l'analogie musicale et picturale, qui permet à David de prouver que son étude, bien qu'analytique et d'inspiration scientifique, n'en demeure pas moins un art qui se détourne de l'esthétique., alors il faut mettre sa vie entière au service de cette pénible entreprise, il faut que chaque heure apporte son observation, chaque jour son labeur ; il n'y a que les monuments de carton que l'on puisse lever d'un seul coup, et en un seul instant ; les édifices durables se font lentement et pierre à pierre[Par Yohann] Apparition d'une nouvelle idée en conclusion de ce paragraphe : la création d'une oeuvre d'art qui ne soit pas une fantaisie grauite nécessite un effort quotidien de longue haleine qui relève d'une forme de sacerdoce. Ce modèle sacerdotal est discrètement relayé par le retour du modèle architectural et de l'allusion au "tu es petrus" biblique (Matthieu, chapitre 16, verset 18) : comme la création d'une église nécessite de faire reposer la fondation de cette église sur les épaules d'un homme de confiance, la composition d'une oeuvre d'art doit reposer sur des fondations solides fruits d'une étude analytique de tous les instants..

Qu'il nous soit permis de jeter sur nos quelques antécédents littéraires un regard rétrospectif : en jugeant le passé, on comprend mieux l'avenir[Par Yohann] Jules David est décidément un homme de son temps. Après avoir proclamé la nécessité du recours aux sciences analytiques pour sonder la société et l'âme humaine, il révèle une conception pragmatique de l'histoire qui sert d'outil pour l'appréhension du futur.. Les deux premiers livres que nous avons publiés jusqu'ici, quoique différents, au premier abord, de forme et d'aspect, n'en sont pas moins nés d'une mère commune, d'une pensée homogène. La Duchesse de Presles[Par Yohann] La Duchesse de Presles,1836, 2 volumes, in 8°, chez Werdet, rue de Seine, numérisé sur Gallica (http://gallica.bnf.fr/services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&collapsing=disabled&rk=85837;2&query=%28gallica%20all%20%22Lucien%20Spalma%22%29%20and%20dc.relation%20all%20%22cb30304862m%22). Un long compte-rendu, résumé et critique, est proposé dans le Bulletin littéraire de la Revue de Paris de 1836, t. xxv, p. 279-282 https://books.google.fr/books?id=9mhQAQAAMAAJ&pg=PA280&lpg=PA280&dq=La+duchesse+de+Presle&source=bl&ots=EOGOEn4ap4&sig=2u3_aONc3FBpLw5CYALSJXPs1kQ&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiN9_mn_ZnTAhUKVhoKHer3CXgQ6AEIITAB#v=onepage&q=La%20duchesse%20de%20Presle&f=false procède de Lucien Spalma[Par Yohann] Lucien Spalma, 1835, Paris, 2 volumes, in-8°, numérisé sur archive.org (https://archive.org/stream/lucienspalm01davi#page/n5/mode/2up, et https://archive.org/stream/lucienspalm02davi#page/n5/mode/2up). Un élogieux compte-rendu est fait de ce premier roman dans le Bulletin littéraire de la Revue de Paris de 1835, t. xviii, p. 146-147., sinon en ligne directe, du moins en ligne collatérale. Dans l'un, nous avions voulu montrer l'imagination tendre et poétique de l'homme aux prises avec les exigences cruelles et le froid scepticisme d'une société qui se meurt ; dans l'autre, nous avons voulu peindre la sensibilité ardente et naïve de la femme, perdue dans la fange des convictions sociales, et marchant par la voie de l'imagination au but de l'infamie, comme d'autres y marchent par la voie du vice et des sens. Donc nous avons raison de dire que ces deux livres sont frères ; c'est le double revers d'une médaille, que nous avons simultanément exprimé, et si quelque chose nous a failli, ce n'est ni la volonté, ni le courage. Aujourd'hui, nous publions un livre qui ne trahira peut-être pas, aux yeux de tous, ses liens de parenté avec ceux qui l'ont précédé ; et cependant, dans notre esprit, La Bande Noire procède de la Duchesse de Presles, comme celle-ci procédait de Lucien Spalma[Par Yohann] Un autre intertexte est passé sous silence, celui d'une nouvelle de David datant de 1836, "La Bague de Madame la Comtesse", parue dans "La Revue étrangère de la littérature, des sciences et des arts", vol. 18, mai 1836, p. 396-433 (https://books.google.ch/books?id=9GBEAQAAMAAJ&pg=PA395&lpg=PA395&dq=La+bague+de+la+comtesse+David&source=bl&ots=Wud9kcMboY&sig=-jVzQX5GUG4SzOXBxyysrqyR0oI&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjXgrb73I7YAhVOKewKHfJnAjoQ6AEIPTAI#v=onepage&q&f=false). Ce texte comporte des thèmes et des situations qui préfigurent de façon troublante La Bande noire : dans le sud de la région parisienne, entre la Ferté-Alais et Etréchy, un braconnier fait la découverte d'une bague appartenant à une dame noble, arrachée à sa terre. Avec cette bague se trouve un billet compremettant pour l'honneur de cette dame mariée. Le braconnier, jugé par le seigneur du lieu, époux de la dame, va faire chanter celle-ci afin qu'elle l'innocente auprès de son mari. . Quoiqu'il en soit, nous ne dirons rien de plus maintenant : nous laisserons à l'avenir le soin d'expliquer nos intentions et d'éclairer la marche logique de nos idées[Par Yohann] Cette conclusion s'ouvre sur une forme de pacte sollicitant une lecture active. Le lecteur se retrouve lui-même, avant que débute le roman, dans la position de l'analyste qui fut, de l'aveu même de l'auteur dans cette préface, celle qui présida à la rédaction du roman, position qui sera dans la diégèse représentée par le personnage d'Arthur..


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