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Almoladin, en faisant le bonheur de son peuple, vivait parfaitement heureux, et avait oublié Palmire. Il n’était point vivement amoureux d’Idamée, mais il avait pour elle une amitié tendre et une estime si parfaite, qu’il n’avait plus le moindre regret d’être séparé de l’adorable Palmire. Il était loin de s’attendre que la perfidie de son épouse le mettrait bientôt dans le cas de se rappeler vivement cette infortunée. Quoiqu’il vécût avec Idamée sans faste et sans étiquette
L’aimable mandarin n’était plus reçu publiquement, mais les rendez-vous nocturnes et les plus cachés procuraient à la reine et à son favori des moments délicieux, quoiqu’empoisonnés par la crainte et les remords. Un événement fatal les découvrit et troubla la tranquillité d’un roi aussi sage et aussi estimable. Une province du royaume de Siam venait d’être ruinée par un ouragan furieux qui avait renversé les maisons, écrasé la plupart des habitants et détruit toute espérance de récolte. C’était une désolation affreuse dans toute la province. Almoladin voulut lui-même aller consoler par sa présence ses sujets, ses enfants, ses amis. Il fixa aussitôt l’heure de son voyage et prit congé de la reine. À peine eut-il fait vingt stades, qu’il se rappela que ce spectacle touchant pouvait donner une grande leçon à son fils, et il se décida à retourner sur ses pas pour le mener avec lui. NoradinOn découvre qu'Amoladin a donné à son fils et héritier le nom du vieillard qui commandait aux brigands., c’était le fils d’Almoladin, touchait déjà à sa dixième année. Il avait les connaissances et la pénétration d’un homme de vingt-cinq. Il n’avait vu qu’avec douleur son père se séparer de lui, et le roi se représentait d’avance la joie qu’il éprouverait en le voyant revenir pour le mettre du voyage. Hélas ! qu’il va t’en coûter, roi sage, et père trop tendre, de vouloir donner à ton fils cette leçon utile et satisfaisante ! celle que tu vas recevoir toi-même est des plus terribles, et va mettre de nouveau ta sagesse à la plus rude épreuve. Il ordonna donc à toute sa suite de l’attendre, et il ne prit avec lui qu’un de ses gens. Il arriva la nuit au palais, et, pour éviter une révolution et le tumulte qu’aurait occasionnés son retour, il entra sans se faire connaître. Il ne voulait cependant point faire enlever son fils sans faire part de son projet à son épouse, et sans l’embrasser de nouveau. Il courut à son appartement par un escalier dérobé. Quelle fut sa surprise de voir devant lui son premier mandarin qui entrait chez la reine en négligé et sans cérémonie ! Il s’arrêta tout confondu, et puis réfléchissant un instant, il crut que ce n’était point chez la reine que se rendait le mandarin, mais sûrement chez quelqu’une de ses femmes. Il ne voulut cependant point entrer sans écouter à la porte. Les paroles qu’il entendit le tirèrent bientôt d’erreur… Arrivez donc, dit une des femmes d’Idamée au mandarin, la reine vous attend depuis deux heures. Almoladin ne pouvait encore se persuader que ce rendez-vous eût l’amour pour objet. C’est peut-être pour quelque grâce à obtenir qu’Idamée le fait appeler, se disait-il lui-même. On allait pour condamner la porte quand Almoladin entra. Le mandarin était déjà chez la reine, et l’infâme confidente faillit tomber évanouie, en apercevant le roi. Le trouble de cette femme lui fit naître de furieux soupçons, mais il tâcha de la rassurer. Cette femme ne put jamais recouvrer la parole pour répondre aux questions du prince. Elle n’osait ni entrer chez l’impératrice pour l’avertir ni empêcher l’empereur de pénétrer chez elle. Almoladin lui-même ne savait s’il devait entrer chez son épouse, ou se retirer ; mais enfin, en homme ferme, il prit la résolution d’éclaircir ce mystère, et de découvrir la vérité. Il entra donc chez Idamée. Ô surprise terrible ! il vit, par ses propres yeux, que le mandarin n’en avait pas agi avec son épouse comme il avait autrefois agi avec la reine de Golconde, et que, loin de la rappeler à son devoir, l’infâme suborneur
Idamée voulut se jeter à ses pieds, ainsi que le mandarin ; mais, sans faire attention à leur excuse, il sortit de l’appartement d’un air serein, en ordonnant au mandarin de le suivre. Il passa sur-le-champ chez son fils. Aimable prince, disait-il en lui-même, quoique né d’une mère coupable, tes caresses, tes vertus effaceront bientôt ses crimes ! Il sentit couler ses larmes en serrant son fils dans ses bras. Dans le même instant, l’adorable Palmire se présente à sa mémoire ; mais qu’était-elle devenue depuis dix ans qu’il n’avait eu de ses nouvelles ? Le crime de son épouse l’autorisait à faire faire des perquisitions sur le sort de cette infortunée. Le mandarin, qui l’avait accompagné dans ses voyages, s’était retiré de la cour à la mort du père d’Almoladin, et avait obtenu pour retraite le gouvernement de la province qui venait d’être si maltraitée.
On vit arriver l’empereur et son fils avec une joie inexprimable. Tous les habitants se jetaient à genoux devant eux. Ce bon monarque et le jeune prince les relevaient et les embrassaient tendrement. Ils comblèrent de leurs bienfaits toute cette province. Almoladin ordonna de rebâtir les maisons, et cette province oublia bientôt ses malheurs. Tous les habitants étaient heureux, tandis que leur empereur ne l’était pas. Il avait deux plaies à guérir, celle que lui avait faite l’infidélité de son épouse, et la douleur d’avoir perdu Palmire. Sa philosophie et son devoir étaient parvenus à la lui faire oublier ; mais l’infidélité d’Idamée venait de lui rappeler cette jeune infortunée qu’il ne se flattait plus de revoir. Après qu’il eut terminé toutes les affaires d’État, il s’enferma avec son mandarin, et lui fit part de ses chagrins. Ce sage ministre ne pouvait revenir de son étonnement, et il aurait douté de ce récit, si tout autre que l’empereur le lui eût fait. Ô mon prince ! lui dit-il, ô mon souverain ! à quelle épreuve le sort a réduit votre sagesse ! Mais puisque rien ne peut l’altérer, vous êtes moins à plaindre qu’un autre. Vous voulez cependant oublier la perfide
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