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Palmire est-elle encore avec le triste Palémon ? a-t-elle pu rester dix ans dans ce désert, y passer les plus belles années de sa jeunesse, y essuyer les larmes d’un malheureux vieillard ?
Palmire, avec Palémon, revenait de la pêche, il leur était arrivé quelque chose de singulier. Palmire portait dans ses bras un enfant qui venait de recevoir le jour : c’était une petite fille. La joie de Palmire ne pouvait s’exprimer. J’aurai désormais une compagne, disait-elle à Palémon, une fille que j’élèverai comme la mienne. Heureuse destinée qui nous a rappelés dans le sein de nos compatriotes ! Elle se livrait à ses douces rêveries sur le sort de cette enfant, et elle brûlait d’arriver à leur cabane pour lui prodiguer tous ses soins. Tout à coup une voix terrible frappa son oreille, ainsi que celle de Palémon. Ah ! mon père, lui dit Palmire, n’entendez-vous pas une voix qui semble sortir du sein du rocher ? — Hélas ! on vous appelle, on vous nomme. C’est, sans doute, quelque habitant de notre endroit, volons à son secours. Palémon conduisit la chaloupe au pied du rocher. Le mandarin reconnut Palmire et Palémon ; mais les cris de l’enfant saisirent vivement ses sens. Il ne voulait pas qu’il fût à Palmire ; et il ne pouvait soupçonner que Palémon en fût le père. Venez, Monsieur, dit Palémon en considérant l’étranger. Vous me paraissez inconnu, mais je ne vous prodiguerai pas moins tous les devoirs de l’humanité. Palémon n’avait vu le mandarin que deux heures, et ses traits ne le frappèrent pas aussi vivement que Palmire, à qui la surprise ôta, pendant quelques instants, l’usage de la parole. Le mandarin entra dans la chaloupe, en faisant mille remerciements à Palémon. — Ah ! mon père, s’écria Palmire, pouvez-vous méconnaître le respectable ministre du roi de Siam ? Le sage mentor du prince Almoladin ? Le mandarin fut touché de cette reconnaissance. Il s’approcha de Palmire qu’il trouva encore plus belle. Sa taille était plus élancée, ses traits plus développés, enfin on pouvait en tout la regarder comme une beauté accomplie.
Elle avait à son col le portrait d’Almoladin
L’enfant tourmentait toujours l’imagination du mandarin ; mais l’enfant était nouveau-né, et rien n’annonçait que Palmire pût être sa mère. Bientôt elle le tira d’inquiétude. Hélas ! lui dit-elle, je vois votre embarras sur le sort de cette enfant : nous venons, mon père et moi, de le trouver sur le bord de la mer. Mais, avant de vous informer de toute cette histoire, donnez-moi des nouvelles du roi de Siam, du prince et de la princesse Idamée. Hélas ! après toutes leurs bontés, j’espérais que l’on me donnerait de leurs nouvelles. Cette auguste famille est si chère à mon cœur ! Mais ils m’ont oubliée depuis dix ans que je vis avec mon père séparée du reste des humains. Aujourd’hui seulement nous sommes sortis de notre retraite. La Providence, sans doute, guidait nos pas pour venir au secours de cette victime qui sera désormais ma fille, et pour vous rencontrer. C’est une consolation que le ciel a voulu m’accorder. Le mandarin versait des larmes à ce tendre récit. Ô mon roi ! se disait-il, ô prince infortuné ! votre pressentiment ne vous a point trompé. Palmire, l’incomparable Palmire est la seule femme dans l’univers digne d’être votre compagne ; mais l’immense intervalle
À ces mots, le malheureux vieillard sentit couler ses pleurs avec abondance, mais c’était des larmes de joie et de reconnaissance. Il rendit compte au mandarin avec tant d’expression des soins de Palmire pour lui, il vanta si fort ses sublimes qualités, ses rares vertus, que l’envoyé de l’empereur resta quelque temps dans l’enthousiasme et dans l’admiration. Il était au désespoir qu’une femme si estimable et si accomplie ne fût pas placée sur un trône. Almoladin, sans doute, viendra un jour l’arracher de son désert pour l’y placer, mais ce moment est encore bien reculé. Palmire, Almoladin, le mandarin et Palémon ne s’attendent pas aux révolutions qui se passeront dans quelques années. Passons ce temps avec rapidité, et venons le plus tôt possible aux événements extraordinaires que nous présageons dès ce moment-ci.
Le mandarin, satisfait de son voyage, regagne le lendemain son vaisseau. Palmire et Palémon restent dans leur retraite et semblent se réunir de nouveau pour donner tous leurs soins à cette jeune enfant, que la Providence avait fait tomber entre leurs mains. Le mandarin de retour est bien étonné d’apprendre que le roi était incommodé, et qu’on soupçonnait que cette maladie venait d’une triste nouvelle qu’il avait reçue de Siam, que la reine touchait à son dernier moment.
Le roi, né vertueux, s’imaginait que sa coupable épouse était vivement affectée des remords qu’elle devait éprouver plus que de l’absence du mandarin. Son confident arrive au pied de son lit : Quoi, mon roi, lui dit-il, vous êtes dans la tristesse quand je dois vous informer du sort de Palmire ; c’est la plus belle, c’est la plus vertueuse des femmes. Je l’ai retrouvée seule avec Palémon, et j’ai cru remarquer dans leurs discours que leur bonheur serait au comble si vous pouviez, comme eux, fixer votre destinée dans ce désert. Votre portrait était placé sur son sein. Il semble que votre image a effacé le souvenir de Corydas. Palmire pouvait-elle connaître, à son âge, les sentiments d’une véritable passion ? Elle aimait Corydas, mais elle l’aimait en enfant ; et si elle pouvait changer son sort et le vôtre, je crois que Palmire vous prouverait que vous ne lui êtes pas indifférent.
Almoladin reprit courage à ce récit, mais la situation d’Idamée l’affligeait. Il ne songea donc plus qu’à repartir pour Siam, et il emmena avec lui son sage mandarin. Il laissa en sa place, comme il l’avait résolu en sortant de son palais, l’infâme suborneur
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