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Huit jours après, la besogne était terminée ; le gazon, semé dès le premier jour, commençait à sortir de terre. Le bassin, foncé de gravier pris à la rivière, entouré d’une grille qui empêchait l’enfant d’y rouler, disposé de manière à ce qu’elle y pût prendre, sous la surveillance de
Le petit
L’enfant n’avait pas de nom ; on n’avait jamais pensé à lui en donner un. Qu’avait-on besoin de l’appeler, puisqu’elle ne répondait pas ? Elle avait bien reçu autrefois, sans doute, au moment de sa naissance, le nom de quelque saint ou de quelque sainte porté au calendrier, mais ces élus du Seigneur avaient si mal veillé sur leur filleule, que ce n’était véritablement pas la peine de rechercher ce nom impuissant, et qui, d’ailleurs, était probablement perdu volontairement au fond de la mémoire de ses nourriciers.
Mais
Nous disons
L’enfant, appelée
Le jour où
Le docteur avait beaucoup compté sur le chien pour l’aider dans son œuvre de création. Le chien porterait un jour
Pendant toute cette première journée, le docteur se tint en tiers avec les deux pauvres êtres qu’il ne quittait pas des yeux.
L’enfant était nue, la chaleur le permettait, et le docteur ne voulait, par aucun obstacle, gêner ses premiers mouvements ; plusieurs fois, il essaya de la faire tenir debout ; mais ses jambes plièrent, même en donnant un banc pour appui à ses mains.
Le docteur vit donc qu’il fallait, momentanément du moins, ne s’occuper que de l’organisme, pour le mettre en état d’accepter ultérieurement les bénéfices d’un traitement moral.
Les premiers jours et même les premiers mois se passèrent en soins médicaux destinés à combattre le lymphatisme[Par ClaireCheymol] Trouble lié à l’augmentation du volume des organes et à la mauvaise circulation de la lymphe : « humeur transparente qui circule dans des vaisseaux qui lui sont propres, et à laquelle on a longtemps attribué la cause de plusieurs maladies » (Dictionnaire de l’Académie Française, 6e édition, 1835). On parle de « tempérament lymphatique » pour désigner un état dans lequel le système lymphatique domine, causant la mollesse des chairs et l’asthénie. de ce corps.
Ce furent d’abord des bains froids[Par ClaireCheymol] L’hydrothérapie, très en vogue au XVIIIe siècle et au XIXe siècle, consiste à soigner tout type de pathologies par l’usage curatif de l’eau. Son application repose sur la faculté de l’eau à agir sur les fibres du corps. Elle est également très employée dans le traitement de l’aliénation mentale pour agir tant sur le corps que sur l’esprit du malade. L’eau peut avoir une action révulsive, tonique, ou bien sédative. En suscitant la douleur , la froideur du bain combat ainsi le lymphatisme du corps chétif de la jeune idiote. dans le bassin de la source ; ces bains commencèrent d’abord à faire jeter des cris de douleur à l’enfant : il en est toujours ainsi, et dans notre pauvre nature humaine, le cri de douleur précède le cri de joie ; puis, aux bains froids, auxquels la petite
Chez le braconnier, l’enfant n’avait jamais mangé que des soupes au lait ou des panades ; la soupe au bœuf y était rare, et à peine l’enfant avait-elle eu l’occasion d’en goûter deux ou trois fois dans sa vie.
D’ailleurs, sous le rapport de la nourriture, elle ne manifestait aucune préférence ; elle avalait ce qu’on lui donnait, et le mouvement de ses mâchoires, comme tous les autres mouvements de son corps, était purement instinctif.
Le docteur commença par substituer d’excellents consommés aux panades et aux soupes au lait ; puis peu à peu, quand il se fut assuré que l’estomac pouvait supporter quelque chose de plus substantiel, il en arriva aux gelées de viandes blanches d’abord, puis de viande noire et particulièrement de gibier, cette dernière viande contenant le double de partie nutritive des autres.
L’hiver se passa tout entier dans ces soins de tous les jours, et sans que l’on pût constater le moindre progrès dans l’intelligence ou dans l’organisme physique de l’enfant. Mais la patience du docteur semblait plus obstinée que la faiblesse qu’elle avait entrepris de combattre.
Souvent il était près de désespérer.
Un fait qu’il provoqua, et qui réussit selon ses désirs, lui rendit toutes ses espérances.
Un jour, il ordonna à
Mais le chien ne voulut pas suivre
L’intelligent animal comprenait à quelle séparation on le condamnait ; contre tout autre que le docteur, à coup sûr, il se fût défendu ; mais par le docteur il se laissa enchaîner et enfermer, se contentant de se plaindre douloureusement d’une pareille injustice.
Bien entendu que ce fut le docteur qui se chargea de porter la nourriture au pauvre prisonnier. Pour le consoler, il lui laissa une gamelle pleine d’une soupe qu’il avait tout particulièrement recommandée à la vieille
C’était la première fois depuis près d’un an que la petite fille était privée de son compagnon ; elle l’avait vu sortir avec le docteur, et l’avait suivi des yeux jusqu’à la porte ; en ne le voyant pas rentrer avec lui, ses yeux demeurèrent fixes et marquèrent une nuance d’étonnement.
Le docteur saisit cette nuance, tout imperceptible qu’elle était
Mais ce ne fut pas tout. Le reste de la journée se passa. L’enfant, inquiète, regardait à droite et à gauche, faisant même de certains mouvements qu’elle n’avait jamais faits pour regarder derrière elle ; puis des plaintes, vers le soir, commencèrent à s’échapper de ses lèvres.
Mais ce n’étaient pas des plaintes que voulait
Le docteur veilla près d’elle ; les plaintes de la journée se continuèrent pendant le sommeil. Deux ou trois fois, l’enfant fit des mouvements plus brusques qu’elle n’en faisait étant éveillée, et elle agita son bras avec moins de mollesse que de coutume.
Rêvait-elle ? y avait-il une pensée dans ce cerveau ? ou n’était-ce que de simples tressaillements nerveux qui la secouaient ?
Il saurait cela le lendemain.
Le lendemain, en s’éveillant,
Dans ce moment, on entendit par les escaliers un grand bruit de chaînes et comme le galop d’un cheval qui aurait gravi l’escalier du laboratoire, puis la porte mal fermée s’ouvrit sous une violente secousse, et
Il avait brisé sa chaîne et mangé sa porte.
C’était le dénouement qu’attendait le docteur, quoiqu’il l’eût préparé d’une autre façon, et qu’il eût compté sans la vigueur et sans l’impatience de
Il s’empressa de détacher du cou du chien le collier et la chaîne qu’il traînait, et dont les anneaux eussent pu blesser les membres délicats de l’enfant. Puis, joyeux, il contempla cette double joie se manifestant dans une mutuelle caresse.
Ainsi, la veille, l’enfant avait bien véritablement regretté le chien.
Ainsi, la nuit, l’enfant avait bien véritablement rêvé.
Ainsi, malgré les vingt-quatre heures écoulées,
Il y avait dans le cerveau de l’enfant, sinon la mémoire encore, du moins le germe de la mémoire.
L’enfant
Puis, aux premiers jours du printemps, quand l’eau eut repris son cours et son murmure ; quand avril eut fait éclater les bourgeons laineux des hêtres et des tilleuls ; quand l’herbe eut de nouveau de sa tête verte percé la surface brune de la terre, par un beau soleil et par une belle matinée, l’enfant, suivie du chien, fit sa rentrée dans son paradis.
Le tapis l’attendait sous les tilleuls ; mais cette fois, une surprise attendait
Ainsi venait de se révéler presque en même temps le double progrès de la pensée dans le cerveau et de la force dans les muscles. Ainsi, comme chez les autres enfants, et en retard seulement de six ou sept années, se développaient ensemble ces deux jumeaux, l’un terrestre, l’autre divin, qu’on appelle le corps et l’âme.
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