XVI L’état de la France[Par GaelleGuilissen] Ce chapitre a été publié dans les numéros du Siècle du 14 et du 15 janvier 1870.
La population d’Argenton, qui n’avait pas pénétré dans le jardin du docteur, et qui ignorait les mystères de l’arbre de science, du berceau de tilleuls et de la grotte de mousse, ne comprenait rien à l’indifférence du docteur pour les affaires publiques.
En effet, si jamais homme avait donné des preuves de haine pour la noblesse et des preuves de dévouement à la démocratie, c’était bien lui. Refus constant de soigner les riches, refus constant de rien recevoir pour avoir soigné les pauvres, promptitude à accourir au premier appel du malade plébéien, soit de jour, soit de nuit, voilà ce que l’on avait toujours trouvé chez lui lorsqu’on était venu frapper à sa porte.
Et lorsque, pour la première fois[Par GaelleGuilissen] [Et lorsque, pour la première fois] "Et pour la première fois lorsque", au nom de la mère commune, au nom de cette chose sacrée qu’on appelait la patrie, on venait faire un appel au citoyen, l’homme se cachait derrière le savant, le philanthrope disparaissait.
Elle avait pourtant bien besoin du concours de tous ses enfants, cette pauvre France !
Autant que le monde avait besoin d’elle.
Et, en effet, en 1791, la France avait paru[Par GaelleGuilissen] [la France avait paru] "la France avait apparu" au monde rajeunie et épurée ; elle semblait dater de l’avènement au trône de Louis XVI et avoir jeté aux égouts de Marly[Par AmyTounkara] La ville de Marly-le-roi dispose d’une machine hydraulique construite sous Louis XIV, pour alimenter en avec les eaux de la Seine, les bassins du Chateau de Versailles et du Château de Marly. La machine bénéficie successivement des innovations techniques pour pomper plus d’eau et alimenter désormais en eau potable la ville de Versailles et de Saint-Cloud. sa robe souillée par Louis XV.
Le nouveau monde la bénissait comme ayant concouru à sa délivrance. Le vieux monde était amoureux d’elle ; de tous les États tyranniques – et en 91 la tyrannie était partout – des voix gémissantes l’imploraient ; partout où elle eût étendu la main vers les peuples, les peuples si froids et si désenchantés lui eussent serré la main ; partout où elle eût mis le pied, elle eût été reçue à genoux !
C’était la trinité sublime de la justice, de la raison et du droit !
C’est qu’à cette époque, la France n’étant pas entrée dans la violence, l’Europe n’était pas entrée dans la haine.
Et, en effet, que voulait la France de 1791 ?[Par GaelleGuilissen] [que voulait la France de 1791 ?] Il y a ici un retour à la ligne dans le journal. À l’intérieur, la liberté et la paix pour elle.
À l’extérieur, la paix et la liberté pour les autres nations.
Aussi, que disait l’Allemagne qui battait des mains à chaque pas que faisait la France ? « Oh ! si la France venait ! »
Quelle autre main que la main de la Suède[Par GaelleGuilissen] [la main de la Suède] "la main même de la Suède" écrivait sur la table du successeur du grand Gustave : « Point de guerre avec la France » ?
C’est qu’à cette époque chacun savait bien qu’en travaillant pour elle, elle travaillait pour le monde !
Toute son ambition se bornait à reprendre Liège[Par AmyTounkara] Alexandre Dumas transforme la réalité en utilisant le verbe « reprendre ». Liège est la capitale de la principauté ecclésiastique de Liège, situé à proximité des Pays-bas espagnols. Le territoire, bien qu’il est fait l’objet de la convoitise de Charles le Téméraire et Louis XIV, n’a jamais été français avant l’annexion par la France en 1792. et la Savoie[Par AmyTounkara] duché italien au niveau des Alpes, annexé à plusieurs reprises par la France entre le XVI et le XVII ème siècle. Le territoire est annexé par les révolutionnaires entre 1792 et 1815., deux provinces de France, puisqu’elles parlent la même langue qu’elle.
Des autres puissances, elle ne voulait rien, rien prendre ni rien accepter.
Aussi, en 91, relevait-elle la tête ; elle avait le sentiment de sa puissante et féconde virginité.
Elle savait bien que par cet amour des peuples elle assumait sur elle la haine des rois.
Les haines principales lui venaient de la Russie, de l’Angleterre, de l’Autriche.
Catherine[Par AmyTounkara] Catherine II, imperatrice de Russie de 1762 à 1796. Elle est présentée comme l’exemple du despote éclairé que défend Voltaire. Elle fait construire des écoles, réduit les privilèges de la noblesse et se fait mécène des libres-penseurs de l’époque., que Diderot appelait la grande Catherine, que Voltaire appelait la Sémiramis[Par AmyTounkara] Reine légendaire de Babylone, qui marque l’histoire par sa conduite brillante de son peuple après la mort de son époux Ninos. Selon les auteurs comme Strabon ou Diodore de Sicile, c’est à elle que l’on doit la grandeur de la cité orientale. du Nord, cette étoile polaire qui, pour faire la lumière, devait se substituer au soleil de Louis XIV ; Catherine, la Messaline[Par AmyTounkara] Epouse de Claude, l’empereur de Rome à partir de 41. Elle est restée dans l’Histoire comme une débauchée aux appétits sexuels sans bornes. Elle est finalement assassinée par l’un des conseilleurs de son mari. C’est à ce niveau là que se borne la comparaison avec l’impératrice Catherine, puisque si on lui prête de nombreux amants, c’est elle qui fait assassiner son époux Pierre III. russe, qui, de plus que la Messaline romaine, avait assassiné son Claude ; Catherine, qui par le Scythe Souvarov[Par AmyTounkara] Alexandre Vassilievitch Souvourov est un général de l’armée russe qui se distingue par ses succès militaires sous Catherine II, notamment avec sa prise de Cracovie. C’est cette position qui lui vaut d’autre comparé par Dumas à un Scythe, peuple d’Asie central, décrit par Herodote comme guerrier par excellence vivant pour le combat.[Par GaelleGuilissen] [Souvarov] Le nom est écrit "Souwarow" dans le journal. avait accompli les massacres d’Ismaël et de Raya, qui avait déjà dévoré une partie de la Pologne et qui s’apprêtait à dévorer l’autre ; Catherine, qui, dépassant Pasiphaé[Par AmyTounkara] Fille du Soleil et épouse du roi de Crète, Minos, fils de Zeus et d'Europe. Elle tombe amoureuse d’un taureau sous l’action de Poseidon qui veut punir son mari qui a refusé de lui sacrifier l’animal. De cet amour nait le Minotaure, mi-homme mi-taureau., avait une armée pour amant, selon la terrible expression de Michelet ; Catherine, insatiable abîme qui ne disait jamais : Assez ! Catherine, le jour de la prise de la Bastille, avait reçu un soufflet en pleine face.
La tyrannie allait donc avoir une barrière.
Aussi écrivait-elle à Léopold[Par AmyTounkara] Léopold II est l’empereur du Saint-Empire germanique, roi de Hongrie et archiduc d'Autriche de 1790-1792. Il meurt sans avoir le temps de porter secours à sa soeur Marie-Antoinette. pour lui demander comment il ne vengeait pas les insultes journalières faites à sa sœur Marie-Antoinette.
Aussi avait-elle renvoyé sans l’ouvrir la lettre par laquelle Louis XVI lui annonçait qu’il acceptait la Constitution.
L’Angleterre, dans la personne de son ministre, M. Pitt, – son roi[Par AmyTounkara] Georges III règne sur la Grande-Bretagne de 1760 à 1820. À partir de 1811, son fils doit assurer sa régence étant donné son état de santé mental. était fou et son prince de Galles ivre[Par AmyTounkara] Georges IV règne jusqu’en 1830. C’est un roi impopulaire dont la vie dissolu est vu comme un facteur de la crise économique qui secoue l’Angleterre durant cette période., – jouissait profondément de tout ce qui se passait en France. M. Pitt nous haïssait de toute la puissance de son terrible génie, à cause de la part que nous avions prise à l’indépendance de l’Amérique. Un œil sur la carte de l’Inde, l’autre sur Paris, il voyait les pertes que faisaient nos colonies, les progrès que faisait notre révolution. La reine avait une telle peur de lui, qu’elle lui avait envoyé, quelques jours avant le 10 août, madame de Lamballe[Par AmyTounkara] Une amie et confidente de Marie-Antoinette, elle est surintendante des appartements de la reine. Elle s’enfuie en Angleterre, mais finit par revenir à Paris où elle est massacrée dans la journée du 2 septembre 1792. pour lui demander grâce. Je n’en parle pas, disait-elle, que je n’aie la petite mort[Par AmyTounkara] Phrase tirée telle quelle de l’Histoire de la révolution française de Michelet..
L’Autriche était aussi malade que nous, plus malade encore, en supposant que des pays despotiques[Par GaelleGuilissen] [des pays despotiques] "les pays despotiques" se résument dans leurs souverains. Elle était gouvernée par le vieux prince de Kaunitz[Par AmyTounkara] Chancelier de l’Empereur depuis le règne de Marie-Thérèse d'Autriche., qui avait quatre-vingt-deux ans, et par son empereur Léopold, qui en avait quarante-quatre. Appelé à l’empire un an auparavant, il avait transporté de Florence à Vienne son harem italien. Il sentait que, épuisé de débauche, il n’avait plus que des mois à vivre, et, par des aphrodisiaques qu’il préparait lui-même, il changeait ses mois en jours. Sa maladie, du reste, était celle des rois, laquelle consiste à oublier les soucis du trône dans les abus du plaisir[Par GaelleGuilissen] [laquelle consiste à oublier les soucis du trône dans les abus du plaisir] "c'est-à-dire oublier les soucis du trône dans les abus du plaisir" ; de là madame de Pompadour, madame du Barry[Par GaelleGuilissen] [madame du Barry] Le nom est écrit en un seul mot : Dubarry., le Parc-aux-Cerfs[Par AmyTounkara] Les deux plus célèbres maitresses de Louis XV et le quartier où Madame de Pompadour installe une maison close destinée au plaisir du roi viennent illustrer le réquisitoire de Dumas contre les excès de la monarchie absolue. ; de là les trois cents religieuses de Pierre III de Portugal ; de là les caprices gomorrhéens[Par AmyTounkara] Désigne les mœurs dissolues en référence aux habitants de cette ville, d'après la Bible, Genèse 18-19]. de Frédéric ; de là les mignons de Gustave ; de là enfin les trois cent cinquante-quatre bâtards d’Auguste de Saxe, dont l’histoire, la prude qu’elle est, n’a pas daigné signaler la naissance, mais que compte un à un la chronique, cette vieille bavarde qui regarde à travers toutes les serrures, fût-ce celles de Tzarskoié-Sélo[Par GaelleGuilissen] [Tzarskoié-Sélo] Le nom est écrit "Tsarko Salo" dans le journal., de Windsor, de Schœnbrünn ou de Versailles[Par AmyTounkara] Palais des monarchies européennes..
Près de Kaunitz et de Léopold, il y avait le jeune Metternich[Par AmyTounkara] Homme politique autrichien de la fin du XVIII et et du XIXème siècle. Le tableau favorable sous lequel le dépeint Dumas est étonnant dans la mesure Metternich est un fervent anti-révolutionnaire. , la plus grande intelligence de l’époque[Par GaelleGuilissen] [la plus grande intelligence de l'époque] "la grande intelligence de l'époque", qui ne voulait pas qu’on nous fît la guerre et qui résumait sa politique dans cette image toute réaliste : « Laissez bouillir la révolution française dans sa marmite. »
À ces ennemis extérieurs, qui n’avaient pas encore donné leur programme[Par AmyTounkara] La coalition européenne se forme après l’exécution de Louis XVI le 21 janvier 1793., il faut ajouter les ennemis intérieurs.
Le roi d’abord.[Par GaelleGuilissen] [Le roi d'abord.] Fin de la partie du chapitre publiée dans Le Siècle du 14 janvier.
Et qu’ici l’on nous permette une petite digression.
D’où vient que les rois, au lieu d’acquiescer purement et simplement aux désirs de leurs peuples, réagissent contre ces désirs, et forcés dans leurs derniers retranchements, appellent l’étranger à leur secours ?
C’est que, pour eux, leur peuple est l’étranger, et l’étranger la famille.
Ainsi prenons Louis XVI, fils d’une princesse de Saxe, dont il eut le sang lourd et l’inerte obésité. Il n’a déjà dans les veines qu’un tiers de sang français, puisqu’il descend lui-même d’un prince qui avait épousé une étrangère. – Or, il épouse à son tour Marie-Antoinette, – Autriche et Lorraine – ; nous voilà avec deux sixièmes de sang français sur le trône, deux sixièmes de Saxe, un sixième d’Autriche et un sixième de Lorraine.
Comment voulez-vous que le sang français l’emporte ? – Impossible.
Aussi à qui Louis XVI a-t-il recours dans sa lutte politique contre la France ? À son beau-frère d’Autriche, à son beau-frère de Naples, à son neveu d’Espagne, à son cousin de Prusse, c’est-à- dire à sa famille.
Les historiens et même les légendaires ont été rarement justes pour Louis XVI.
Les légendaires étaient presque tous de la domesticité du roi.
Les historiens sont presque tous du parti de la République.
Soyons du parti de la postérité, c’est le droit du romancier.
Le roi avait reçu du duc de la Vauguyon une éducation jésuitique qui avait modifié en mal le cœur droit qu’il avait reçu de son père et de sa mère. Jamais ce qu’il restait de cette loyauté primitive ne lui permit de comprendre le plan de M. de Kaunitz et de la reine, détruire la Révolution par la Révolution. En réalité, le roi n’aimait personne : ses enfants, parce qu’il doutait de sa paternité ; la reine, parce qu’il doutait de son amour ; et cependant la reine était la seule qui eût sur lui quelque influence. La seule de la famille, bien entendu.
Mais, en échange, il était tout aux prêtres. C’est à leur influence[Par AmyTounkara] Dumas s’inscrit dans la tradition historiographie qui attribut les travers du roi à ses conseillers. Ce procédé permet de conserver l’image du bon roi. qu’il faut attribuer ces serments[Par GaelleGuilissen] [ces serments] "ses serments" prêtés et révoqués, sa fausseté dans la comédie constitutionnelle, ses mensonges politiques enfin.
Il était toujours le roi de 88. La chute de la Bastille ne lui avait rien appris ; 89 était toujours pour lui une émeute, et 92 un complot du duc d’Orléans.
Jamais il ne voulut admettre le peuple comme une majesté égale à la majesté royale. Chez lui, le droit divin primait le droit populaire, et il tint pour une offense suprême que, le 13 septembre 1791, le président Thouret[Par AmyTounkara] Le président de l’Assemblée nationale., qui venait lui faire accepter la Constitution, le voyant s’asseoir, se fût assis.
Ce fut ce soir-là que M. de Goguelat partit pour Vienne, avec une lettre du roi pour l’empereur.
À partir de ce moment, les Français étaient non seulement l’étranger, mais l’ennemi[Par GaelleGuilissen] [les Français étaient non seulement l'étranger, mais l'ennemi] "les Français non seulement étaient l'étranger, mais étaient l'ennemi" ; et on en appelait contre eux à la famille.
Et voici dans quelle aberration son éducation jésuitique et princière jetait Louis XVI : c’est qu’il put en même temps annoncer son acceptation de la Constitution à tous les rois de l’Europe, et à l’Autriche sa protestation contre elle.
Il y aurait une histoire bien curieuse à écrire, par malheur les documents de celle-là manquent, c’est l’histoire du confessionnal de Louis XVI, c’est-à-dire d’un cœur naturellement bon, d’une âme foncièrement honnête aux prises avec l’obstination cléricale. Richelieu disait que les douze pieds carrés de l’alcôve d’Anne d’Autriche lui donnaient plus de peine à gouverner que le reste de l’Europe.
Le roi pouvait dire que sa conscience, dans le confessionnal, soutenait plus d’assauts que Lille[Par AmyTounkara] La ville subit un siège de dix jours en septembre 1792 par les troupes autrichiennes. Malgré les bombardements, la ville résiste. La Convention déclare donc que «Les Lillois ont bien mérité de la Patrie»..
Mais Lille résista comme une ville loyale.
La conscience de Louis XVI se rendit comme Verdun[Par AmyTounkara] La ville de Verdun subit également un siège mais capitule au bout de deux jours. Les troupes sont accueilli avec joie par les royaliste de la ville. .
Par malheur, en même temps que le roi déclarait à Vienne que le peuple français était ennemi du roi, le peuple français se convainquait peu à peu que le roi était son ennemi.
Mais celle que depuis longtemps il regardait comme son ennemie, c’était la reine.
Sept ans de stérilité, que l’on ne savait à quoi attribuer, tant que l’on ne connaissait pas l’infirmité du roi, ses amitiés exagérées avec mesdames de Polignac, de Polastron et de Lamballe, dont la dernière au moins lui fut fidèle jusqu’à la mort ; ses imprudences avec Arthur Dillon et de Coigny, ses folles matinées, ses plus folles nuits au petit Trianon, ses largesses folles à ses favorites, qui la firent appeler madame Déficit, son opposition à l’Assemblée, qui la fit appeler madame Veto, cette préférence éternelle donnée à l’Autriche sur la France, cet orgueil des Césars allemands qu’elle mettait son amour-propre à ne pas voir plier, ce cri continuel dans l’attente de l’ennemi, tantôt à madame Élisabeth, tantôt à madame de Lamballe : « Ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? »[Par AmyTounkara] Célèbre phrase tirée du conte de fées, Barbe-Bleu, paru dans les Contes de ma Mère l’Oye de Charles Perrault en 1645. Par ce parallèle, Dumas montre bien le dégout et la répulsion qu’il prête à Marie-Antoinette face aux révolutionnaires. en avaient fait l’exécration des Français.
Ils venaient, ces Prussiens tant désirés, tant attendus, ils venaient précédés de la terreur pour le peuple et de l’espérance pour la royauté. Ils venaient, le manifeste du duc de Brunswick[Par AmyTounkara] Le 25 juillet 1792 est publié un manifeste à destination de la population où il est déclaré: « Que si le château des Tuileries est forcé ou insulté, que s’il est fait la moindre violence, le moindre outrage à Leurs Majestés, le roi, la reine et la famille royale, s’il n’est pas pourvu immédiatement à leur sûreté, à leur conservation et à leur liberté, elles en tireront une vengeance exemplaire et à jamais mémorable en livrant la ville de Paris à une exécution militaire et à une subversion totale, et les révoltés coupables d’attentats aux supplices qu’ils auront mérités. » Bien que le duc de Brunswick signe le document comme en étant l’auteur, il est rédigé par des émigrés français. La paternité est attribué au duc de Brunswick, prince allemand à la tête des troupes autrichiennes qui envahissent la France au cours du printemps 1792, pour rendre la menace plus impressionnante. Cependant cet ultimatum a pour effet de déclencher la colère des Parisiens et contribua à la prise des Tuileries le 10 aout. à la main, et ils commençaient dès la frontière à le mettre à exécution. Ils venaient, et déjà la cavalerie autrichienne était aux environs de Sarrelouis[Par AmyTounkara] ville sur la frontière sud-est. C’est une manière de signaler que les ennemis sont donc aux portes de la France., enlevant les maires patriotes et les républicains connus. Puis les uhlans[Par AmyTounkara] Appellation militaire des cavaliers servant dans les armées d'Autriche, de Pologne, de Prusse et d’Allemagne. (CNTRL), dans leurs passetemps, leur coupaient les oreilles et les leur clouaient au front[Par AmyTounkara] Phrase repris telle quelle du volume 2 de l’Histoire de la Révolution française, de Jules Michelet..
La nouvelle fut terrible aux Parisiens quand ils la lurent dans les bulletins officiels. Mais la terreur fut plus grande encore quand, l’armoire de fer forcée[Par AmyTounkara] L'armoire qui enferme la correspondance du roi et de de la reine de France. À l’issu de la prise des Tuileries, des lettres compromettants aurait été trouvé, ce qui aurait permis d’alimenter le procès de Louis XVI. , on eut connaissance d’une lettre adressée à la reine dans laquelle on lui annonçait avec joie que les tribunaux arrivaient derrière les armées, et que les émigrés réunis à l’armée du roi de Prusse, déjà en possession de Longwy, instruisaient le procès de la Révolution et préparaient les potences destinées aux révolutionnaires.
Puis venait l’exagération qui accompagne d’ordinaire les grandes catastrophes.
C’était, disait-on, à Paris que les contre-révolutionnaires en voulaient ; tout ce qui avait trempé dans la Révolution y passerait[Par GaelleGuilissen] [tout ce qui avait trempé dans la Révolution y passerait] "tout ce qui avait pris part à Paris y passerait". Si les Autrichiens ont enfermé à Olmutz La Fayette[Par GaelleGuilissen] [La Fayette] Le nom est écrit en un mot (Lafayette) à chacune de ses occurrences dans le feuilleton. , qui avait voulu sauver le roi, ou plutôt la reine, – et remarquez que l’enchanteresse avait successivement usé Mirabeau, La Fayette et Barnave[Par AmyTounkara] Trois hommes de la Revolution qui sont considérés comme avoir joué un double jeu à cause de leur modération vis-à-vis de la monarchie. Marie-Antoinette a tenté de trouver en eux des soutiens face aux révolutionnaires., – à plus forte raison réagiraient-ils contre les trente mille personnes qui avaient été chercher le roi à Versailles ; contre les vingt mille qui avaient ramené le roi de Varennes ; contre les quinze mille qui avaient envahi le château le 20 juin et contre les dix mille qui l’avaient forcé le 10 août.
On les exterminera depuis la première jusqu’à la dernière.
La mise en scène était déjà arrêtée.
Dans une grande plaine déserte, – il n’y a pas de plaine déserte en France, mais les souverains ayant dit : « Les déserts valent mieux que les peuples révoltés », on en ferait une, – et les Parisiens indiquaient la plaine Saint-Denis, où l’on brûlerait tout, moissons, arbres, maisons, – on dresserait un trône à quatre faces : un pour Léopold, un pour le roi de Prusse, un pour l’impératrice de Russie, l’autre pour M. Pitt. Sur ces quatre faces, on dresserait quatre échafauds. La population, vil bétail, serait chassée alors aux pieds des rois alliés. Là, comme au jugement dernier, on séparerait les bons des mauvais, et les mauvais (les révolutionnaires, bien entendu), on les guillotinerait.
Mais, à peu d’exceptions près, les révolutionnaires, c’était tout le monde, c’étaient les cent mille hommes qui avaient pris la Bastille, c’étaient les trois cent mille hommes qui s’étaient juré fraternité au Champ de Mars[Par AmyTounkara] Allusion à la Fête de la Fédération, célébré le 14 juillet 1790, au cours de laquelle les participants, notamment le roi Louis XVI, ont prêté serment de « fidélité à la Nation, au roi et aux nouvelles lois »., c’étaient tous ceux qui avaient mis la cocarde tricolore à leur oreille.
Et ceux qui voyaient plus loin se disaient : – Hélas ! c’est non seulement la France qui périra, mais la pensée de la France ; c’est la liberté du monde qui sera étouffée dans son berceau, c’est le droit, c’est la justice.
Et toutes ces menaces qui épouvantaient Paris réjouissaient la reine.
Une nuit, raconte madame Campan[Par AmyTounkara] Femme de chambre de la reine de 1770 à 1792, elle est célèbre pour ses Mémoires publiées après sa mort. Ils donnent un aperçu du quotidien dans l’intimité de la cours de Louis XVI., – qui n’est pas suspecte de jacobinisme, – une nuit que la reine veillait, c’était quelques jours avant le 10 août, et que, à travers les persiennes de la fenêtre de sa chambre restée ouverte, selon l’habitude qu’elle en avait fait prendre, elle suivait la marche de la nuit, elle appela deux fois madame Campan, qui couchait dans sa chambre.
Madame Campan lui répondit.
La reine, au clair de lune, s’efforçait de lire une lettre ; cette lettre lui apprenait la prise de Longwy et la marche rapide des Prussiens sur Paris.
La reine calcula les lieux, puis les jours, et, avec un soupir de satisfaction : – Il ne leur faut que huit jours, dit-elle ; dans huit jours, nous serons sauvés !
Ces huit jours écoulés, les Prussiens étaient encore à Longwy et la reine était au Temple.
C’étaient tous ces événements dont le bruit, parvenu jusqu’à Argenton, avait porté le parti populaire à demander des conseils à Jacques Mérey.