XLVI Surge, carnifex [Par GaelleGuilissen] Chapitre publié dans Le Siècle du 24 février 1870.
Ainsi, après une lutte de sept mois, après deux grandes batailles gagnées, Paris se retrouvait dans la même situation qu’en août 1792.
Comme en avril 1792, Danton venait de faire un appel au patriotisme des enfants de Paris.
Comme en 1792, Marat criait, ayant un écho dans la Montagne, qu’il fallait abattre la contre- révolution et surtout ne pas laisser derrière soi d’ennemis.
Paris fut admirable.
D’autant plus admirable que cette fois il n’y avait plus d’enthousiasme – non, l’enthousiasme avait été noyé dans le sang de Septembre[Par GaelleGuilissen] [noyé dans le sang de Septembre] "noyé au sang de septembre", – mais seulement du dévouement.
Le faubourg envoya une garde à la Convention, et en deux jours fit trois ou quatre mille volontaires qu’il arma et équipa.
Les halles furent sublimes : une seule section, celle de la halle au blé, donna mille volontaires. Ils défilèrent à l’Assemblée, muets, sombres, la tête inclinée en avant par l’habitude de porter des sacs sur leur tête. Ils quittèrent tout, leur métier, leur femme et leurs enfants, méritant par le cœur comme par le titre[Par GaelleGuilissen] [méritant par le cœur comme par le titre] "méritant par le cœur comme par le corps le titre" qu’ils s’étaient donné eux-mêmes de Forts pour la patrie.
Le soir, il y eut aux halles repas lacédémonien ; chacun apporta ce qu’il avait ; ceux-là le pain, ceux-ci le vin, ceux-ci la viande et le poisson ; ceux qui arrivèrent les mains vides se mirent à table comme les autres, et comme les autres mangèrent.
Un cri unanime de « Vive la nation ! » se fit entendre ; puis on se sépara ; chacun avait ses adieux à faire, on partait le lendemain.
Maintenant, toutes ces nouvelles, qui accablaient les girondins puisqu’elles venaitvenaient à la suite d’un ministère girondin, par les fautes d’un général girondin et par la révolte d’une ville girondine, donnaient prise sérieuse aux meneurs révolutionnaires, c’est-à-dire à leurs ennemis réunis : Montagne, Commune, jacobins, cordeliers, faubourgs.
Les girondins, presque tous avocats, nous l’avons dit, prêchaient la soumission à la loi. Ils disaient : « Tombons, mais légalement. »
Ils oubliaient que les lois dont ils voulaient mourir victimes étaient des lois faites en 91 et 92, c’est-à-dire pour une époque de monarchie constitutionnelle et non pour une époque de révolution.
La loi qu’ils invoquaient était tout simplement le suicide de la République.
Il y avait un moyen d’obvier à tout, c’était de tirer du sein de la Convention même un tribunal qui concentrerait tous les pouvoirs dans ses mains, et qui prendrait le titre du tribunal révolutionnaire[Par GaelleGuilissen] [qui prendrait le titre du tribunal révolutionnaire] "qui prendrait le titre de tribunal révolutionnaire".
Pour lui, il n’y aurait d’autre loi que la loi du salut public.
Par lui, l’influence des girondins s’appuyant sur la loi ancienne était neutralisée. C’était à eux de se soumettre à la loi nouvelle. S’ils voulaient résister, on les briserait.
Et c’est ce que ne voulait pas encore la Convention. La Convention sentait parfaitement combien l’affaiblirait la mort d’hommes éloquents, honnêtes, dévoués à la République, ayant un immense parti, et dont le seul crime était l’hésitation à mettre le pied dans le sang.
Mais il y a dans tous les partis des enfants perdus qui veulent à quelque prix que ce soit le triomphe de leur idée ; les enfants perdus de la Révolution se réunissaient à l’Évêché et y formaient une société régulière qui n’était pas reconnue par la grande société jacobine.
Cette société avait trois chefs : l’Espagnol Guzman ; Tallien, ancien scribe de procureur ; Collot-d’Herbois, ex-comédien.
Les chefs secondaires étaient un jeune homme nommé Varlet, qui avait hâte de tuer ; Fournier, l’Auvergnat, ancien planteur, ne connaissant que le fouet et le bâton, et célèbre dans les massacres d’Avignon ; le Polonais Lazouski[Par GaelleGuilissen] [Lazouski] "Lazouski enfin", héros du 10 août et qui était l’idole du faubourg Saint- Antoine.
Les six conjurés – on peut donner le nom de conjuration à un pareil projet, – se réunirent au café Corazza et décidèrent de profiter du trouble dans lequel était Paris pour y soulever une émeute. Il s’agissait tout simplement, au milieu de l’émeute, de faire marcher une section sur le club des Jacobins et l’autre sur la Commune.
Cette dernière section, accusant la Convention de laisser échapper le pouvoir à ses mains débiles, forcerait la Commune de le prendre.
La Commune, ayant des pouvoirs dictatoriaux, épurerait alors la Convention ; les girondins seraient alors expulsés par l’Assemblée elle- même, ou, si elle refusait, ils seraient tués pendant le tumulte.
Danton, préoccupé de la mort de sa femme, n’y mettrait aucun obstacle[Par GaelleGuilissen] [n'y mettrait aucun obstacle] "n'y mettrait probablement aucun obstacle" ; Robespierre, qui à toute occasion invectivait la Gironde, à coup sûr laisserait faire.
Les girondins eux-mêmes fournissaient des armes contre eux.
Dans leur bonne intention, et pour rassurer Paris, leurs journaux, dirigés par Gorsas et Fiévée[Par ClaireCheymol] Antoine-Joseph Gorsas(1751-1793) et Joseph Fiévée (1767-1839) sont deux imprimeurs qui participent au journal d’inspiration girondine La Chronique de Paris (192-1793)., disaient que Liège était évacuée, mais n’était pas prise[Par GaelleGuilissen] [disaient que Liège était évacuée, mais n'était pas prise] "disaient : Que Liège était évacuée mais n'était pas prise", et que, en tout cas, l’ennemi n’oserait se hasarder en Belgique.
Et en même temps les Liégeois, démenti vivant, arrivaient à moitié nus, les pieds meurtris de la route, traînant leurs femmes par les bras, portant leurs enfants sur leurs épaules, mourant de faim, invoquant la loyauté de la France, et à son défaut la vengeance de Dieu.
Le nouveau maire de la Commune et son rapporteur, prévoyant ce qui allait se passer, et voulant soustraire le pouvoir auquel ils appartenaient à cette responsabilité dont ils étaient menacés d’épurer la Convention, se présentèrent le 10 au matin à l’Assemblée.
Ils demandèrent des secours pour les familles de ceux qui partaient, mais ils demandaient surtout un tribunal révolutionnaire pour juger les mauvais citoyens. Puis des volontaires apparurent à leur tour pour faire leurs adieux à la Convention.
– Pères de la patrie, disaient-ils, n’oubliez pas que nous allons mourir, et que nous vous laissons nos enfants.
La harangue était courte et digne de Spartiates.
Mais implicitement, pour le salut de ces enfants laissés à la Convention, elle réclamait un tribunal révolutionnaire.
Alors Carnot se leva, Carnot que l’on nomma plus tard l’organisateur de la victoire.
– Citoyens, dit-il aux volontaires, vous n’irez pas seuls à la frontière, nous irons avec vous, nous vaincrons avec vous ou nous mourrons avec vous.
Et l’Assemblée, à l’unanimité, décida que quatre-vingt-deux membres de la Convention se transporteraient aux armées.
Des députés avaient été chargés de visiter les sections ; ils revinrent en disant que toutes insistaient pour la création d’un tribunal révolutionnaire. Jean Bon Saint-André se leva, appuyant la demande, qui paraissait commandée par la volonté générale.
Pendant ce temps, Levasseur rédigeait la proposition.
Deux hommes doux et bons qui ignoraient quel instrument de mort ils bâtissaient !
Jean Bon Saint-André, un pasteur protestant qui nous improvisa une marine, la lança à la mer, se fit marin, de prêtre qu’il était, et nous légua, après le fatal combat du 1er juin 1794, la consolante légende du Vengeur, qui n’est pas encore, mais qui deviendra un jour de l’histoire.
Levasseur, un médecin qui, envoyé à une armée en pleine révolte, arrêta et soumit la révolte d’un mot.
Le tribunal révolutionnaire fut voté en principe, mais on en remit à plus tard l’organisation.
En ce moment, et au milieu du tumulte, Danton, qui depuis trois jours n’était pas venu à l’Assemblée, parut.
Danton, c’est-à-dire l’ombre de Danton ! Danton, les genoux tremblants, les joues pendantes, les yeux rougis par les larmes, les cheveux blanchis aux tempes, encore livide de son contact avec la mort.
Il monta lentement et lourdement à la tribune[Par GaelleGuilissen] [Il monta lentement et lourdement à la tribune] "Il monta lentement et lourdement à la tribune, lui qui d'habitude s'y précipitait.". On eût dit qu’il sentait peser sur lui, sur sa douleur et sur les suites qu’elle avait eues, les regards de toute l’Assemblée.
Les regards de la Gironde surtout l’enveloppaient.
Ce grand parti et ceux qui s’y étaient rattachés comprenaient que cet homme qui montait à la tribune, que cet homme qu’ils avaient flétri du nom de septembriseur, que cet homme dont ils avaient refusé l’alliance, portait en lui leur salut ou leur mort.
On sentait qu’à la terreur qui pesait déjà sur l’Assemblée, Danton apportait un supplément de terreur.
Le tribunal révolutionnaire fut voté en principe, mais on en remit à plus tard l’organisation.[Par GaelleGuilissen] [Le tribunal révolutionnaire fut voté en principe, mais on en remit à plus tard l'organisation.] Phrase absente ; en revanche on trouve un tiret pour introduire la prise de parole de Danton. Vous avez, dit-il d’une voix rauque, voté en principe l’existence future du tribunal révolutionnaire, vous n’en avez pas décrété l’organisation.[Par GaelleGuilissen] [vous n'en avez pas décrété l'organisation.] "mais vous n'en avez pas décrété l'organisation." Quand sera-t-il organisé ? Quand fonctionnera-t-il ? et quand satisfaction contre les traîtres sera-t-elle donnée au peuple[Par GaelleGuilissen] [au peuple] "aux peuples" ? Avec les obstacles que nous rencontrons dans cette Assemblée même, nul ne le sait.
Puis, avec un sourire terrible : – Parlons donc d’autre chose, dit-il.[Par GaelleGuilissen] [Parlons donc d'autre chose, dit-il.] Dans le journal, on trouve un retour à la ligne et cette phrase : "Et l'on redoubla d'attention, car on connaissait ces sourires de Danton."
– Je vous rappellerai, continua-t-il, qu’en septembre on sauva les prisonniers pour dettes, en ouvrant les prisons la veille du massacre. Eh bien ! aujourd’hui, je ne dis pas que les circonstances soient les mêmes, mais il est toujours temps d’accomplir une œuvre juste. Aujourd’hui, consacré est ce principe que nul ne peut être privé de sa liberté que pour avoir forfait à la société : plus de prisonniers pour dettes, plus de contrainte par corps ; abolissons ces vieux restes de la loi romaine des douze tables et du servage du moyen âge ; abolissons enfin la tyrannie de la richesse sur la misère ; que les propriétaires ne s’alarment point, ils n’ont rien à craindre : respectez la misère, elle respectera l’opulence.
L’Assemblée frémit.
L’homme du 2 septembre annonçait-il un 12 mars ?
En tout cas, elle comprit le sens et la portée de la nouvelle loi qu’on lui demandait ; elle se leva avec empressement, et, à l’unanimité, elle vota l’abolition de la contrainte par corps.
– Ce n’est pas assez, ajouta Danton ; ordonnez que les prisonniers de cette catégorie soient élargis à l’instant même.
Et l’élargissement immédiat fut voté.
Puis Danton se rassit, ou plutôt retomba sur son banc, dans le muet silence de la mort.
En ce moment, un homme assis au banc des girondins déchira une feuille de ses tablettes, écrivit dessus ces deux mots de Mécène à Octave[Par AnneBolomier] [deux mots de Mécène à Octave] : Caius Cilnius Maecenas dont le nom francisé est Mécène (né vers 70 av. J.-C. et mort vers 8 av. J.-C.) est un homme politique romain célèbre pour son rôle dans la promotion des lettres et des arts. Mais il était également un proche conseiller de l'empereur Auguste (Octave). L'historien romain Dion Cassius raconte dans Histoire romaine que « debout devant Auguste qui rendait la justice et qu'il voyait prêt à prononcer plusieurs condamnations capitales, Mécène s'efforça de percer la foule et d'arriver jusqu'à lui; n'ayant pu y réussir, il écrivit sur une tablette : "Lève-toi donc enfin, bourreau" et lui jeta la tablette dans le sein, comme si elle eût contenu tout autre chose, ce qui fit qu'Auguste ne condamna personne et se leva sur-le-champ ». :
– Surge, carnifex ! Lève-toi, bourreau ! [Par GaelleGuilissen] [Lève-toi, bourreau !] On trouve ici un retour à la ligne.Et il signa : Jacques Mérey.
Danton, auquel un huissier remit la feuille déchirée des tablettes du docteur, tourna lentement un regard atone de son côté.
Jacques Mérey se leva, et, comme le commandeur à don Juan, il fit signe à Danton de le suivre.
Danton le suivit.
Jacques Mérey prit le corridor, ouvrit ce cabinet du secrétaire de l’Assemblée où il avait déjà eu une conférence avec Danton, et attendit celui-ci.
Danton apparut un instant après lui à la porte.
- Ferme cette porte et viens, dit Mérey. [Par GaelleGuilissen] [Ferme cette porte et viens, dit Mérey.] On trouve ici un retour à la ligne.Danton obéit.
– Au nom du dernier soupir de ta femme, que j’ai reçu, dit Jacques Mérey, où veux-tu en venir, malheureux ?
– À vous sauver tous, dit Danton d’une voix sourde, et cela malgré vous-mêmes, qui voulez- vous perdre.
– Étrange manière de t’y prendre ! dit Mérey avec ironie.
– On voit bien que tu n’as pas été ministre de la Justice et que tu ne sais pas ce qui se passe. Je vais te le dire en deux mots, puis je rentrerai pour faire un dernier effort en votre faveur. Tâchez d’en profiter.
– Parle ! reprit Jacques Mérey.
– Commençons par la province, dit Danton, – ça ne sera pas long, sois tranquille, – et finissons par Paris. Tu sais que Lyon est révolté. La Convention n’avait pas une armée à envoyer à Lyon. La Convention a fait ce qu’eût fait Sparte : elle a envoyé[Par GaelleGuilissen] [elle a envoyé] "elle y a envoyé" un citoyen héroïque, un cœur intrépide, un homme que le sang n’effraie pas[Par AnneBolomier] [La Convention a fait ce qu’eût fait Sparte : elle a envoyé un citoyen héroïque, un cœur intrépide, un homme que le sang n’effraie pas] : l'emploi de l'article indéfini nous incite à croire que Dumas ne fait pas référence à un événement précis dans l'histoire de Sparte mais plutôt à la réputation de ses combattants (place importante de l'armée à Sparte et éducation militaire extrêmement poussée). Plutarque écrit dans Vies parallèles que « la seule réputation des hoplites spartiates frappait d'effroi leurs adversaires qui, même avec des forces égales, ne se croyaient pas capables de lutter sur un pied d'égalité contre des Spartiates »., car tous les jours depuis vingt ans il se lave les mains dans le sang, le boucher Legendre. Il a parlé comme s’il avait eu une armée de cent mille hommes derrière lui. On lui a présenté une pétition factieuse, il l’a mise en morceaux et l’a lancée à la tête de ceux qui la lui présentaient.
» – Et si nous t’en faisions autant que tu viens d’en faire à notre pétition ! s’écria un des factieux.
» – Faites ! a-t-il répondu. Coupez mon corps en quatre-vingt-quatre morceaux et envoyez les morceaux aux quatre-vingt-quatre départements ; chacun d’eux m’élèvera une tombe et chacun d’eux vouera mes assassins à l’infamie.
» Qu’est devenu Legendre ? Nous n’en savons rien ! assassiné probablement. Et sais-tu sous quel nom et sous quelle bannière ses Lyonnais[Par GaelleGuilissen] [ses Lyonnais] "les Lyonnais" se sont révoltés ? Sous le nom de girondins, sous la bannière de la Gironde. Le bataillon des Fils de famille, tous girondins, s’est emparé de l’Arsenal, de la poudre, des canons ; peut-être, à cette heure, les Sardes occupent-ils la seconde capitale de la France et le drapeau blanc flotte-t-il sur la place des Terreaux !
» Sais-tu ce qui se passe en Bretagne et en Vendée ? La Bretagne et la Vendée sont en pleine révolte ; pendant que l’Autrichien nous met la pointe de l’épée sur la poitrine, la Vendée nous met le poignard dans le dos. Là, du moins, ils ne se font pas passer pour girondins[Par GaelleGuilissen] [Là, du moins, ils ne se font pas passer pour girondins] "Là, du moins ils ne se donnent pas la peine de cacher qui ils sont, ils ne se font pas passer pour girondins".
» Mais votre général girondin trahit en Belgique, lui ; nous avons à craindre non seulement la retraite mais l’anéantissement de l’armée ; il ne nous y resterait ni un seul homme ni une seule ville, si Cobourg y avait lancé ses hussards et avait su profiter de l’irrigation des Belges, qui seraient tombés sur nos fugitifs et les eussent anéantis. Et cependant ce Dumouriez, il faut que nous le gardions jusqu’à ce qu’il nous perde, ou que nous nous sauvions en le perdant.
» Maintenant, à Paris, voilà ce qui s’y passe[Par GaelleGuilissen] [voilà ce qui s'y passe] "voilà ce qui se passe". Les membres du club de l’Évêché ont décrété la mort de vingt-deux d’entre vous. Ces vingt-deux- là seront assassinés sur leurs bancs à la Chambre ; le reste du parti sera emprisonné à l’Abbaye, et on renouvellera sur lui la justice anonyme de Septembre.
» Veux-tu savoir ce qu’a dit Marat ce matin avant de venir à l’Assemblée ?[Par GaelleGuilissen] [ce matin avant de venir à l'Assemblée ?] On trouve ici un retour à la ligne. “On nous appelle buveurs de sang, a-t-il dit, eh bien ! méritons ce nom en buvant le sang des ennemis. La mort des tyrans est la dernière raison des esclaves. César fut assassiné en plein sénat ; traitons de même les représentants infidèles à la patrie, et immolons- les sur leurs bancs, théâtres[Par GaelleGuilissen] [théâtres] "théâtre" de leurs crimes.”
» Alors Mamin, le même qui a porté la tête de la princesse de Lamballe pendant toute une journée au bout d’une pique, Mamin s’est proposé, lui et quarante de ses égorgeurs, pour vous assassiner tous cette nuit à domicile.
» Hébert a appuyé.[Par GaelleGuilissen] [Hébert a appuyé.] On trouve ici un retour à la ligne. “La mort sans bruit, donnée dans les ténèbres, a-t-il dit, vengera la patrie des traîtres et montrera la main du peuple suspendue à toute heure sur la tête des conspirateurs.”
» Eh bien ! voilà ce qui a été décidé : l’assassinat de jour en pleine Convention, ou l’assassinat chez vous, nuitamment, dans vos demeures, comme à la Saint-Barthélemy.
» Devines-tu maintenant ce que j’ai voulu faire pour vous ? En proposant de faire élargir[Par GaelleGuilissen] [En proposant de faire élargir] "En proposant d'élargir" les prisonniers pour dettes, j’ai voulu vous faire comprendre que la mort était suspendue au- dessus de vos têtes, j’ai voulu vous donner un dernier avis.
» Tu as mal interprété mes paroles, tant mieux. Tu me forces à m’expliquer clairement, je m’explique. Je ne veux pas votre mort. Je ne vous aime pas ; mais j’aime votre talent, votre patriotisme, tout mal entendu qu’il est ; votre honnêteté, tout impolitique qu’elle soit. Rentre, va t’asseoir près de tes amis ; dis-leur comme venant de toi, comme venant de moi, si tu veux, mais de moi ils se défieront, dis-leur, cette nuit, ou de se réunir en armes pour se défendre, ou de ne point coucher chez eux. Demain, demain, il fera jour ! Demain, le tribunal révolutionnaire sera organisé, et, si vous êtes véritablement des traîtres, c’est à un tribunal que vous répondrez[Par GaelleGuilissen] [c'est à un tribunal que vous répondrez] "c'est à un tribunal à qui vous répondrez" de votre trahison.
Mérey tendit la main à Danton.
– Il ne faut pas m’en vouloir, dit-il, j’ai été trompé par l’apparence.
– T’en vouloir ! dit Danton en haussant les épaules, pourquoi faire ? On a besoin de la haine pour être Robespierre ou Marat, on n’a pas besoin de la haine pour être Danton, va.
Mérey avait déjà fait quelques pas vers la porte, quand Danton bondit vers lui.
– Ah ! dit-il en le serrant dans ses bras et en le prenant sur son cœur à l’étouffer. J’oubliais ce que tu as fait pour moi, ami ; je ne sais pas ce qui arrivera, mais tu as ta place dans mon cœur. Si tu es obligé de fuir, viens chez moi, et je réponds de ta vie, dussé-je te cacher dans le caveau où elle est renfermée !
Et, suffoquant au souvenir de sa femme comme un enfant que les larmes étouffent, il éclata en sanglots dans les bras de son ami.