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Ces hommes dont la mission était d’être à la tête de toutes les actions sanglantes, ce flot révolutionnaire dont la nature était de déborder sans cesse, à qui tout ce qui tendait à fixer la Révolution était insupportable, tous ces hommes, las du nom d’assassins que
– Nous venons, dirent les conspirateurs, au nom des jacobins ; les jacobins veulent une insurrection, et que la Commune saisisse la souveraineté, qu’elle épure la Convention.
Mais la secton
Il flaira un crime sous cette proposition ; il répondit que le peuple était assemblé dans un repas civique et que c’était au peuple qu’il fallait s’adresser.
Éconduits, ils s’éloignèrent.
Puis ils s’adressèrent à la section des Quatre-Nations[Par ClaireCheymol] Section révolutionnaire parisienne qui occupe l’actuelle place Saint-Germain des Prés. Les sections sont une subdivision de la ville de Paris, en cours de 1790 à 1795., réunie à l’
Armés de cette adhésion, ils se rendirent au repas civique qui s’étendait de l’hôtel de ville jusqu’aux halles.
On proposa à tous les convives, déjà un peu échauffés par le vin, d’aller fraterniser avec les jacobins.
La proposition fut acceptée.
Pendant qu’ils se mettaient en marche,
On venait de lire la lettre de
– Je ne réponds pas de lui, mais j’ai encore confiance en lui.
Puis, comme il ne pouvait monter à la tribune sans accuser, il ajouta que le moment demandait un pouvoir unique, secret, rapide, une vigoureuse action gouvernementale. Puis il accusa la Gironde, comme toujours, revenant à son éternel refrain, disant que depuis trois mois
À cette nouvelle accusation de
– La parole après toi ! cria-t-il à
– Tout de suite, répondit celui-ci, j’ai fini.
Et, tandis qu’il descendait les marches de la tribune d’un côté,
Il suivit des yeux
– Tout ce que tu viens de dire est vrai, fit-il ; mais il ne s’agit point ici d’examiner les causes de nos désastres, il s’agit d’y porter remède. Quand l’édifice est en feu, je ne m’occupe pas des fripons qui enlèvent les meubles, j’éteins l’incendie. Nous n’avons pas un moment à perdre pour sauver la République. Voulons-nous être libres ? Agissons. Si nous ne le voulons plus, périssons ! car nous l’avons tous juré. Mais non, vous achèverez ce que nous avons commencé. Marchons ! Prenons la
« Il faut que l’aristocratie de l’
Des applaudissements auxquels se mêlèrent malgré eux ceux des girondins lui coupèrent la parole.
– Voyez, citoyens, les belles destinées qui vous attendent ! Quoi, quand vous avez une nation entière pour levier, l’horizon pour point d’appui, vous n’avez pas encore bouleversé le monde ?
Les applaudissements l’interrompirent de nouveau.
Mais lui, toujours impatient d’être enrayé dans sa route, sans leur donner le temps de s’éteindre, continua :
– Je sais bien qu’il faut pour cela du caractère, et vous en avez manqué tous ; je mets de côté toutes les passions, elles me sont toutes parfaitement étrangères, excepté celle du bien public. Dans des circonstances plus difficiles, quand l’ennemi était aux portes de
« Vos discussions sont misérables ; je ne connais que l’ennemi, battons l’ennemi. Vous qui me fatiguez de vos contestations particulières, au lieu de vous occuper du salut public, je vous répudie tous comme traîtres à la patrie : Je vous mets tous sur la même ligne. Attaquez-moi à votre tour, calomniez-moi à votre tour ; que m’importe ma réputation ! que la
À ce cri de
C’était le propre de cet homme d’exciter tous les sentiments extrêmes : haine, terreur, enthousiasme.
Et cependant la Convention hésitait encore. Mais un légiste estimé, député de
– Il faut, séance tenante, décréter l’organisation d’un tribunal révolutionnaire ; il faut que tous les pouvoirs vous soient confiés, citoyens représentants, car vous devez les exercer tous ; plus de séparation entre le corps délibérant et le corps qui exécute.
En ce moment, un homme vint dire quelques mots tout bas à l’oreille de
– Je somme, dit-il d’une voix tonnante, tous les bons citoyens de ne pas quitter leur poste !
Chacun s’arrêta à ce commandement : ceux qui avaient fait déjà quelques pas revinrent à leurs bancs, ceux qui n’avaient fait que se lever se rassirent.
– Eh quoi ! citoyens, dit-il, vous alliez encore vous séparer sans prendre les grandes mesures qu’exige le salut de la République ! Vous ne savez donc pas combien il est important de prendre des décisions judiciaires qui punissent les contre-révolutionnaires. C’est pour eux que le tribunal que nous réclamons est nécessaire, car ce tribunal doit suppléer au tribunal suprême de la vengeance, aveugle parfois
» Je demande donc que le tribunal soit organisé séance tenante ; je demande que la Convention juge mes raisons et méprise les qualifications injurieuses qu’on ose me donner ; pas de retard : ce soir, organisation du tribunal révolutionnaire, organisation du pouvoir exécutif ; ce soir, départ de vos commissaires. Que la
C’était à cette heure le cœur de la
Il descendit de la tribune soulevé dans les bras de ses amis ; puis il chargea
Puis il s’élança hors de la Convention ; le devoir qu’il s’était imposé dans cette journée terrible l’appelait ailleurs.
Cet homme qui était venu lui parler tout bas était venu lui dire :
– On propose en ce moment aux jacobins l’égorgement de la Gironde.
Voilà ce qui se passait :
Nous avons laissé les conspirateurs de l’
La proposition acceptée, on suivit la
Ce fut ainsi qu’ils entrèrent aux Jacobins, beaucoup à moitié ivres, quelques-uns le sabre à la main.
Un volontaire du
– Citoyens, dit-il, je demande à faire une motion. La patrie ne peut être sauvée que par l’égorgement des traîtres. Cette fois il faut faire maison nette : tuer les ministres perfides, les représentants infidèles.
À ces mots, une femme qui écoutait des tribunes descendit rapidement l’escalier qui conduisait à la porte du club, et allant sur les premières marches
Deux noms s’échangèrent :
–
–
Mais il ne s’arrêta point, il ne lui adressa point la parole. Elle, de son côté, s’enfuit comme plus épouvantée qu’auparavant.
C’était la maîtresse de
La dose était trop forte, l’estomac de la femme dévouée ne put la supporter ; elle la rejeta et fut sauvée malgré elle.
En le voyant, la terreur de la pauvre femme s’était augmentée ; elle croyait
Il se précipita dans la salle. Un cri d’étonnement sortit de toutes les bouches. Le cordelier
Mais lui, l’athlète au bras puissant et à la voix tonnante, eut
Une fois à la tribune, il était maître de l’assemblée.
Alors il expliqua à tous ces hommes qu’en voulant sauver la patrie ils allaient la perdre ; que ce n’était pas par des assassinats et des égorgements qu’on rétablissait la tranquillité et la confiance publiques ; que ce n’était point des martyrs qu’il fallait faire, mais des coupables qu’il fallait frapper ; il leur annonça qu’un tribunal révolutionnaire venait d’être voté ; qu’à ce tribunal seul désormais appartiendrait la connaissance des délits politiques. Puis l’habile orateur, après quelques louanges à leur patriotisme, après une excitation de rejoindre promptement l’armée, après le serment fait par lui,
Et eux, changés tout à coup :
– Il a raison, dirent-ils. Vive la Nation !
Et ils s’éloignèrent pour aller fraterniser avec les cordeliers
En un seul bond,
Personne ne s’était aperçu de son absence. Pas un girondin ne s’était levé de son banc.
On votait l’organisation du tribunal révolutionnaire.
Voici ce qu’on décrétait, ce que décrétaient les girondins eux-mêmes, forgeant la hache qui devait abattre leurs têtes :
« Neuf juges nommés par la Convention jugeront ceux qui lui seront envoyés par décret de la Convention : nulle forme d’instruction ; point de jurés ; tous les moyens admis pour former la conviction.
» On poursuivra non seulement ceux qui prévariquent dans leurs fonctions, mais ceux qui les désertent ou les négligent ; ceux qui, par leur conduite, leurs paroles ou leurs écrits, pourraient égarer le peuple ; ceux qui, par leurs anciennes places, rappellent les prérogatives usurpées par les despotes.
» Il y aura toujours, dans la salle du tribunal, un membre pour recevoir les dénonciations. »
Les girondins avaient voté pour le tribunal révolutionnaire, mais non point pour une semblable rédaction, à laquelle se fût certes opposé
Ils votèrent contre la rédaction. La majorité l’emporta.
– C’est l’inquisition ! s’écria
Et il s’élança hors de la Convention, suivi de tous ses amis, qui, pour la première fois, commençaient à entrevoir
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