Corpus Le Carnaval du dictionnaire

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Lettrine C : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f91.item.texteImage   

[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « C » parut initialement dans Le Charivari, du 22 septembre au 16 novembre 1869, selon la chronologie et la répartition suivantes : 22 septembre (« Cabaret-Cachet »), 28 septembre (« Cafard-Candidat »), 4 octobre (« Cancan-Carême »), 10 octobre (« Caricature-Cellulaire »), 17 octobre (« Censeur-Charivari), 25 octobre (« Chartreuse-Clergé »), 1er novembre (« Cloître-Communisme »), 11 novembre (« Compression-Conscience »), 12 novembre (« Conscription-Convention »), 16 novembre (« Convoi-Cousin »), 23 novembre (« Crâne-Czar »). S’ajoutèrent, en 1873, en vue de l’édition en volume, des tranches complémentaires (plus de 70 entrées), parues les 3 février (« Cabale-Carnaval »), 7 février (« Carotte-Cuirassier ») et 16 février (« Conservateur-Défunt »). Mais, de la tranche du 3 février 1873, disparaît, dans l’édition en volume, l’entrée « Capon — Nom d’amitié du lâche », comme disparaissent, dans ladite édition, certaines entrées parues en 1869, telles la tonitruante entrée (voir l’« Introduction critique ») « Charivari — Quels artistes et quels rédacteurs ! quel papier ! Un trimestre 20 francs pour les départements, 18 francs pour Paris / Pardon… J’oubliais les primes splendides », et les entrées suivantes : « Charade — Les communiqués du Journal officiel » ; « Chocolatier — Candidat caca-hoté, n’est-ce pas, mon pauvre M. Devinck ? » [industriel, à la tête d’une fabrique de chocolat, et fervent bonapartiste, Jules Devinck avait été vaincu pour la deuxième fois par Thiers aux élections du 23 mai 1869] ; « Colonne — Est-ce à cause de l’Invasion finale qu’il faut être fier en la regardant ? » [Allusion ironique au refrain de la célèbre chanson de Debraux (1818) consacrée à la colonne Vendôme, témoin des victoires napoléoniennes : « Ah ! Qu’on est fier d’être français / Quand on regarde la colonne ! »] ; « Concert — Séance musicale où, chose étrange, c’est le pianiste qui rêve et le public qui dort ». Seront indiquées, au fil du texte, les variantes entre ces différentes parutions.CABALE — Mot inventé par les auteurs désireux de nous couper le sifflet.[Par Marie Daumont] Critique d’ordre aussi politique avec un jeu sur « sifflet » : les auteurs dramatiques, ici, en fait, les censeurs, critiqués, « sifflés » par Le Charivari, crient au complot (c’est le sens du mot « cabale », qui, en hébreu, désigne la tradition et, plus particulièrement, une interprétation mystique de la Torah) pour mieux lui « couper le(s) sifflet(s) ». Cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CABARET — École de natation où l'on apprend au suffrage universel... à se noyer.[Par Marie Daumont] Jeu sur l’« eau » des écoles de natation, qui se multiplient à partir de la monarchie de Juillet, et le « vin » des cabarets, accusés d’altérer le discernement des classes populaires. Tout au long du dictionnaire, transparaît une certaine défiance à l’égard du suffrage universel, avec l’idée d’un peuple encore en enfance à éduquer (voir aussi les entrées « Suffrage universel », « Scrutin », « Urne »).

CABAS — L'osier de ma mère !

(Ces dames du corps de ballet.)[Par Marie Daumont] Allusion au panier de la « mère d’actrice », mère factice qui n’a rien d’une mère mais tout de ce que l’on appelle dans les études de mœurs de l’époque, la « marchande à la toilette », qui pourvoit, moyennant finances, en habits et accessoires les actrices débutantes et figurantes (voir, en 1841, dans Les Français peints par eux-mêmes, l’article « La mère d’actrice » de Louis Couailhac, collaborateur du Charivari et auteur, la même année, d’une Physiologie du théâtre, publiée par Aubert, éditeur dudit journal). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CABINET — Franchement, il est bon à mettre au cabinet... Se dit maintenant d'une nullité qu'on fait ministre.[Par Marie Daumont] Reprise satirique du jugement d’Alceste sur le sonnet d’Oronte, dans Le Misanthrope de Molière (acte I, scène 2, v. 376) et jeu sur deux sens du mot « cabinet » : chez Molière, un meuble (mais aussi, déjà, le sens de « lieu d’aisance ») et, ici, le cabinet d’un ministre.

CABINET (particulier) — Ma seconde chambre.[Par Nathalie Preiss] Dans la version initiale, parue dans Le Charivari du 22 septembre 1869, cette entrée différait, mais pas la teneur de la satire : « Cabinet (de restaurant) — Boudoir de louage ». La nouvelle version apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume. Un cabinet particulier désigne une pièce réservée dans un restaurant où le client peut dîner en galante compagnie, d’où la définition de « seconde chambre », mais aussi, en lien avec l’entrée précédente, satire politique à l’égard du « cabinet du ministre » et de la politique « en chambre » !

CÂBLE — Cordon ombilical des deux mondes.[Par Marie Daumont] Le premier câble télégraphique transatlantique, destiné à accélérer la communication entre l’Amérique du Nord notamment et l’Europe, fut posé en 1858, et fonctionna quelques semaines : il fallut attendre 1869 pour une mise en service satisfaisante de ce nouveau système de communication (voir aussi l’entrée « Télégraphe »). La version initiale de cette entrée, parue dans Le Charivari du 22 septembre 1869, différait : « Plus fort que les ficelles de M. Dennery tout de même », personnalité contre Adolphe Dennery, auteur dramatique prolifique (dans l’argot du théâtre, les « ficelles » désignent des procédés éculés). La nouvelle version apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume, mais Véron n’a pas pris garde au doublon avec la définition de « Télégraphe », entrée parue dans Le Charivari du 9 mars 1872.

CABOTIN — Nom que les acteurs n'entendent pas que le public leur donne... Probablement pour se réserver le plaisir de se le décerner entre eux.[Par Marie Daumont] Le « cabotin » désigne un acteur qui « fait le cabot », qui a tendance à forcer son jeu, à jouer avec exagération. La version initiale, parue dans Le Charivari du 22 septembre 1869, se présentait ainsi : « Moi artiste dramatique… mais les confrères A…, B…, C… ». La nouvelle version apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CABRIOLET — Ancien parloir pour cochers.[Par Marie Daumont] Voiture attelée légère qui comporte souvent une capote amovible. Cette entrée, comme la suivante, apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CACHE-NEZ — Le conservatoire des rhumes.

CACHET (lettres de) — Se prononce aujourd'hui : Mandat d'amener.[Par Marie Daumont] Critique des limites à la liberté d’expression, notamment en raison des lois restrictives sur la presse du 6 juillet 1871, avec l’assimilation du mandat d’amener — procédure qui consiste pour la force publique à faire comparaître un individu devant un juge d’instruction — aux lettres de cachet, qui, sous l’Ancien Régime, émanaient du roi et valaient condamnation, sans autre forme de procès.

CADAVRE — C'est lui qui dort et c'est nous que son sommeil fait rêver.[Par Marie Daumont] C’est-à-dire « cauchemarder ». Référence possible, à partir du Cauchemar (1781) de Füssli (qui pèse sur le dormeur), à de nombreuses caricatures du XIXe siècle montrant le pouvoir assailli par le cauchemar de la liberté qu’il a tuée. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CAFARD — Un comédien qui n'a qu'un seul geste : le signe de la croix.[Par Marie Daumont] Terme d’origine arabe désignant un incroyant, le « cafard » signifie, à partir du XVIe siècle, un « faux dévot », un « hypocrite » (et, en 1834, dans le langage enfantin, il prend le sens de « rapporteur », de « mouchard »), d’où la référence implicite ici à la comédie de Molière, Tartuffe ou l’imposteur (1669), le type du faux dévot. Après la défaite de Sedan, référence critique aussi à l’alliance du « trône » (celui du Second Empire) et de « l’autel » (l’Église catholique) et du sabre (l’armée) (voir l’entrée « Goupillon »), visée par André Belloguet dans sa caricature d’octobre 1870 intitulée « La Borne-Réaction » (et sous-titrée « Les points noirs »), où une trinité formée par un Jésuite coiffé de son chapeau noir et marqué au dos de l’inscription « Orléans » (l’évêque d’Orléans, Mgr Dupanloup), Bismarck, coiffé de son casque à pointe, et Napoléon III de son bicorne, fait face au cri de « La république ou la mort », avec cette légende : « […] arrière les cafards : goupillons et calottes, / Encensoir, eau bénite, armée de sacristains ; / Vous nous avez valu : les sabres et les bottes […] » [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carqb5291_001.jpg?itok=aJ6bnLwV]. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CAFÉ (local) — Un centre d'où il est bien rare qu'il parte des rayons.

CAISSE (grosse) — Tambour qui a pris du ventre.[Par Marie Daumont] Jeu de mot sur deux sens du terme : l’instrument de musique et le tambour de la garde nationale, soldat réputé pour sa prestance et sa minceur ! Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CAISSIER — Un ange gardien qui joue trop souvent des ailes.[Par Marie Daumont] Parce qu’il s’envole avec la caisse : satire de mœurs ici du monde des affaires, des gérants de société voleurs, sur le modèle de Robert-Macaire (voir les entrées « Actionnaire », « Anticiper », « Blague », « Poche ») qui, dans la pièce du même nom (1835), crée une compagnie d’assurances contre le vol et s’envole avec la caisse en ballon !

CAISSON — Garde-manger du canon.[Par Marie Daumont] Grande caisse montée sur roues, utilisée dans l’armée pour le transport des munitions, des vivres etc. Entrée déjà présente dans Le Charivari du 28 septembre 1869, mais, qui, en 1874, fait figure d'allusion à la réquisition par Thiers, en mars 1871, face au début de l'insurrection qui allait devenir la Commune, des canons, financés par les Parisiens, et destinés à la défense contre les Prussiens.

CALEMBOURS — Les double-fonds du langage.[Par Marie Daumont] Parce que fondés sur l’homonymie de deux mots de sens différent : plaidoyer ici pro domo puisque Véron pratique le calembour dans Le Carnaval du dictionnaire, fidèle en cela aux « carillons » du Charivari. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CALOMNIE — Évangile selon saint Basile[Par Marie Daumont] Référence ici à l’éloge de la calomnie par le dissimulé Bazile, maître de chant de la jeune Rosine, dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais, qui conseille au vieux Bartholo ce procédé pour discréditer son rival en amour, le comte Almaviva. Dans son opéra (1816), adapté de la pièce, Rossini en fera le célèbre « Air de la calomnie ». La métaphore religieuse s’explique par l’accusation d’hypocrisie (voir l’entrée « Cafard ») portée par Véron et la presse d’opposition contre l’Église catholique, incarnée par les Jésuites..

CALVITIE — Pas amusant quand on peut dire à une femme pour qui on soupire : « Je vous implore à trois genoux[Par Marie Daumont] Saillie du gamin de Paris contre les chauves (voir les entrées « Genou » et « Genouillère »). La version initiale, parue dans Le Charivari du 28 septembre 1869, appariait par une accolade « Calotte » et « Calvitie », avec cette définition : « S’adresser à M. Rouher » (Eugène Rouher, fidèle ministre de Napoléon III, au service d’une politique autoritaire, qu’en 1870, dans sa Ménagerie impériale, Hadol, l’illustrateur du Carnaval du dictionnaire, croque en « PERROQUET (Domesticité. Jactance) »). La version nouvelle apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.  ... ».

CAMARADE — Sous-ami.[Par Marie Daumont] Allusion possible à l’article fort critique de Hyacinthe Latouche sur la « camaraderie littéraire » (1829), qui fit date. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CAMARILLA — On dit bien : la lie du peuple. Pourquoi ne dirait-on pas la lie du trône ?[Par Marie Daumont] Terme d’origine espagnole, la « camarilla » désigne la cour du roi, et, péjorativement, un entourage qui exerce sur lui une influence occulte et souvent néfaste, d’où le jeu sur l’expression « lie du peuple » (au sens propre, le dépôt d’une boisson fermentée, soit les bas-fonds). Est ici visée l’impératrice Eugénie de Montijo, à l’influence certaine, réputée coquette et soucieuse de s’entourer d’une véritable cour, à qui Hadol, l’illustrateur du Carnaval du dictionnaire, prêtera la figure de « LA GRUE (Pose-Bêtise) » (à l’époque, la « grue » signifie tout à la fois « femme bête » et « prostituée ») dans sa Ménagerie impériale (1870), et Alfred Le Petit celle d’une « rose impériale » que les courtisans viennent butiner (voir l’entrée « Rose »).

CAMÉLÉON — Un animal qui fait de la politique sans le savoir[Par Marie Daumont] Parce que le caméléon prend la couleur de son environnement, critique de l’opportunisme politique, qui, dans la version initiale du Charivari du 28 septembre 1869, vise Émile Ollivier considéré par Pierre Véron comme un apostat (voir cette entrée), un rénégat. Mais, dans cette édition de 1874, la définition renvoie aussi à la planche 29 de La Ménagerie impériale (1870) de Hadol, illustrateur du dictionnaire, « Musée des empaillés » où, à côté du crocodile (Magnan), du crabe (Walewski), se tient le caméléon Adolphe Billaut qui, après avoir manifesté, en 1848-1849, des sympathies libérales, devint un instrument fidèle de la politique de Napoléon III, qui l’avait nommé ministre d’État, en 1863, l’année même de sa mort [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10505633m/f39.highres]..  

CAMÉLIA — Pourquoi l'a-t-on pris pour emblème de ces dames ? — Parbleu ! parce qu'il ne sent rien.[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Référence au roman d’Alexandre Dumas, La Dame aux camélias (1848), ces « dames » désignant les femmes entretenues (voir la note de la Préface associée à « gommeuses »). Dans la version initiale parue dans Le Charivari du 28 septembre 1869, la définition diffère : « Fleur de proie ». La version nouvelle apparaît dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume, Véron ayant fait passer la métaphore dans l’entrée « Tyran — Serin de proie », parue dans Le Charivari du 1er février 1872.

CAMELOTTE — Voyons, monsieur le boutiquier, n'ayez pas peur, je ne peux pas insérer ici l'Almanach des 25,000 adresses.[Par Marie Daumont] Satire en fait contre l’ensemble des commerçants, accusés de vendre de la « camelotte », de la marchandise de piètre qualité, L’Almanach des 25000 adresses, de Sébastien Bottin, recensant, par ordre alphabétique, toutes les maisons de commerce de Paris. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CAMP — École normale de carnage.[Par Marie Daumont] Critique récurrente, dans Le Carnaval du dictionnaire, de la guerre associée à une « boucherie », un « carnage » (voir ces entrées).

CAMPÊCHE — Des vendanges qui se moquent du baromètre.[Par Marie Daumont] Satire des marchands de vin parisiens censés faire vieillir vin et eau-de-vie dans des tonneaux en bois exotique de Campêche, alors qu’il ne s’agit que d’eau claire !, témoin l’article paru dans Le Charivari du 5 janvier 1873: « Crime de la science, eau de vie de Paris », et la caricature de Daumier de la série Actualités, parue dans le même journal, le 23 janvier 1844, montrant un sergent de ville vidant les tonneaux d’un marchand de vin, intitulée « UN MD DE VIN CONTRARIÉ DANS SON COMMERCE » et légendée ainsi : « Dites donc…. père Madzinguin… votre bois de Campêche n’empêche pas qu’on ne vide vos tonneaux dans le ruisseau… on a bien raison de dire que l’eau retourne toujours à la rivière ! » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3053968k/f3.highres].

CANDEUR — Une antiquité.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l'édition en volume.

CANDIDAT — Un monsieur qui demande ses entrées au théâtre de la politique : trop souvent comme claqueur.[Par Marie Daumont] C’est-à-dire qui reste au seuil de la carrière politique sans y jouer de véritable rôle, puisque le claqueur (voir, infra, l’entrée « Claque ») désigne un homme payé pour applaudir ou siffler une pièce de théâtre, jouée par d’autres.

CANCAN — L'argot de la danse[Par Marie Daumont] Voir la note associée à ce mot, dans la Préface. 

CANIF — Coutellerie pour contrats.[Par Quentin Lamorlette] Allusion à l’expression populaire : « Mettre un coup de canif dans le contrat », qui signifie « rompre ».

CANON — L'Europe ! une bonbonnière ! a dit un petit-fils de Gavarni.[Par Marie Daumont] Possible allusion à la « Carte drôlatique [sic] d’Europe dressée par Hadol » (l’illustrateur du dictionnaire), en 1870, qui a tout d’une poudrière ! (voir l’entrée « Atlas »)

CANONISER — Faire semblant d'ouvrir aux autres une porte dont on n'a pas la clef.[Par Quentin Lamorlette] Dans le langage ecclésiastique, élever au rang de saint : nouvelle critique anticléricale.

CANTATE — Le seul morceau de poésie où les rimes soient à la fois croisées... et plates.[Par Quentin Lamorlette] Jeu sur le double sens de « rime plate » : dans le vocabulaire de la métrique, rime entre deux vers successifs, et, au sens figuré, rime sans relief, banale.

CANTHARIDE — Petite mouche qui, à ce qu'il paraît, empêche de manquer le coche.[Par Quentin Lamorlette] Jeu grivois sur les expressions « faire la mouche du coche », se vouloir indispensable (en référence à la fable de La Fontaine, « Le Coche et la mouche ») et « manquer le coche », l’occasion, puisque la cantharide est un coléoptère, utilisé, une fois séché et réduit en poudre, comme médicament, aux vertus aphrodisiaques. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CANTIQUE — Les cantates du royaume du ciel.

CANTONNIER — Le valet de chambre des rues.[Par Quentin Lamorlette] Puisqu’il est chargé de l’entretien de la voirie. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CAPITAL — Un père pour les affaires... Un père Ugolin, bien entendu.[Par Quentin Lomorlette] Critique du capital qui se nourrirait de ses prétendus bénéficiaires, à l’image d’Ugolin, tyran de Pise (xiiie siècle), qui, une fois emprisonné à l’instigation de l’archevêque Ruggeri, aurait mangé ses quatre enfants, morts de faim : Dante le place, aux côtés de son bourreau qu’il dévore, dans le dernier cercle de son Enfer.

CAPITALE — Un cerveau qui a souvent une hypertrophie.[Par Quentin Lamorlette] Jeu sur l’étymologie latine de « capitale », « caput », tête

CAPITALISTE — Le brochet des marais de la spéculation. Tant plus il est gros, tant plus il a avalé de petits poissons[Par Quentin Lamorlette] Dans le prolongement de l’entrée « Capital », dénonciation du capitaliste-spéculateur qui absorbe le bien de ses actionnaires, tel le brochet, poisson carnassier. .  

CAPITOLE — Tremplin de l'ingratitude populaire.[Par Quentin Lamorlette] Parce que, selon la formule latine consacrée : « Arx tarpeia Capitoli proxima » (« La Roche tarpéienne est tout près du Capitole »), la faveur populaire, après avoir célébré une gloire sur le Capitole à Rome, est prompte à la faire tomber de la toute proche roche tarpéienne, d’où l’on précipitait les condamnés à mort. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CAPRICE Simili-amour.

CAPTATION — CAPUCIN —

[Accolade]

Comme le hasard fait bien les choses! Avoir mis ces deux mots-là dans la même colonne[Par Quentin Lamorlette] Ironie ici à l’égard de l’une des branches de l’ordre mendiant des Franciscains : particulièrement attachés au vœu de pauvreté, les Capucins vivent de l’aumône et doivent donc capter, sinon les héritages, du moins, l’attention.

CARDINAL — M. de Tillancourt les appelle des sous-papes de sûreté..

Pas si sûrs que ça ![Par Marie Daumont] Digne des « carillons » du Charivari, dont Edmond de Tillancourt (1808-1880), homme politique de Centre-gauche, était dans ce journal l’acteur récurrent (voir l’entrée « Jupon »), calembour sur « soupape de sûreté », système mis au point dans ces années 1870, pour l’évacuation de la vapeur, qui vise ici des cardinaux peu efficaces puisque le pape, à la suite de la chute de Napoléon III, s’était vu privé de ses états et, partant, de son pouvoir temporel (voir les entrées « Accord (bon) », « Crosse », « Saint-Siège », « Temporel (pouvoir) », « Vatican »).

CARÊME — Les truffes de la mortification et le turbot de la pénitence.[Par Marie Daumont] Jeu sur le « Carême », temps de pénitence, avant Pâques, pour les catholiques, et le nom d’Antonin Carême (1784-1833), cuisinier de l’évêque et diplomate Talleyrand-Périgord, pays des truffes, qui donnait de somptueux repas où s’exerçait aussi sa légendaire diplomatie. Lors de l’un d’eux, mémorable, afin de ne pas vexer deux de ses hôtes, qui lui avaient offert chacun un turbot, il fit apporter le premier par un valet qui feignit de faire malencontreusement tomber ledit poisson, et, avec munificence, appela alors un deuxième valet qui apporta le second turbot !

CARICATURE — La glace dans laquelle les autres nous voient..[Par Nathalie Preiss] C’est bien celle que brandit la Vérité sortant de son puits de la lettrine de Hadol pour cette lettre « C » https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f91.item.texteImage, qui fait signe vers l’affiche de lancement de Grandville pour La Caricature, journal créé en 1830 par Philipon, deux ans avant Le Charivari (voir l’« Introduction critique »).

CARNAGE — Le chemin de la croix.[Par Quentin Lamorlette] Critique récurrente d’une vision héroïque de la guerre, avec un jeu sur le « chemin de croix » — stations de la passion du Christ jusqu’à sa mise en croix — et la croix d’honneur obtenue pour de hauts faits militaires (voir l’entrée à ce mot, infra).

CARNASSIER — Le tigre, le lion, la médisance, la spéculation, etc., etc., etc.[Par Quentin Lamorlette] Apparue dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, en vue de l’édition en volume, cette entrée rend hommage au sous-titre de La Ménagerie impériale (1870) de Hadol (voir, supra, les entrées « Camarilla » et « Caméléon ») : La Ménagerie impériale, composée de ruminants, amphibies, carnivores et autres budgétivores qui ont dévoré la France pendant 20 ans.

CARNAVAL — C'est si malpropre que le lendemain il faut mettre des Cendres dessus.[Par Quentin Lamorlette] Très vivace encore au XIXe siècle, le carnaval est synonyme de libération des mœurs et connaît son apogée le Mardi gras avec, notamment, la procession du Bœuf-Gras, et sa fin, le lendemain, le « mercredi des cendres », qui, avec l’imposition de cendres sur le front, marque pour les catholiques l’entrée en Carême. Cette entrée fait son apparition dans la tranche complémentaire du 3 février 1873, au moment où Véron doit songer au titre de son volume Le Carnaval du dictionnaire, qui, rappelons-le, paraît en octobre 1873..

CAROTTE — Légume qu'on récolte en semant de la graine de niais.[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Parce qu’en argot, la « carotte », terme de jeu, signifie le fait de tromper. Dans la série des Cent-et-Un Robert-Macaire de Daumier et Philipon, Robert-Macaire (voir les entrées « Actionnaire », « Poche ») pratique « la carotte en grand », et Hadol, illustrateur du dictionnaire, publie dans Le Charivari du 1er février 1872 une planche de caricatures, intitulée « Le Royaume des carottes », recensant la carotte de l’employé, la carotte du collégien etc. Dans la première version du 10 octobre 1869, la carotte était tirée par les lorettes du quartier Bréda (voir la note au mot « gommeuses » de la Préface et l’entrée « Barême ») : « S’il ne s’agissait que de cultiver ce légume-là, tous les étages du quartier Bréda prendraient pour enseigne : À la Belle Jardinière » (voir l’entrée « Acclamations »). La nouvelle version, apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume, s’éclaire alors d’autant plus.

CARTOUCHE — C'est à voir les expéditions des conquérants qu'on se dit que les cartouches ça va avec les Mandrins.[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Jeu sur la « cartouche » de fusil et sur le nom du célèbre brigand, Louis-Dominique Garthausen, dit Cartouche (1693-1721), souvent associé dans la culture populaire au non moins célèbre contrebandier Louis Mandrin (ils moururent tous deux du supplice de la roue). Absente dans la version du 10 octobre 1869, et apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, cette entrée vise et le conquérant prussien et celui qui a été l’artisan de cette conquête, défaite pour la France, Napoléon III, témoin cette caricature, fondée sur le même jeu de mots, de Napoléon III enchaîné, intitulée : VÉRITABLE PORTRAIT DU CÉLÈBRE MANDRIN COURONNÉ. CELUI QUI A FAIT LE PLUS DE CARTOUCHES EN FRANCE POUR LE ROI DE PRUSSE » [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carg047592_001.jpg?itok=7spfuqZ0].

CASEMATE — Demandez ! L'Art d'y fourrer ses concitoyens et de s'en faire des millions de revenus...

Nota. — Ce manuel a vieilli.[Par Marie Daumont] Allusion aux revenus que pouvait rapporter la construction de fortifications et ouvrages de guerre aux fournisseurs aux armées, mais qui, après la défaite de Sedan, ne sont plus guère d’actualité.

CASSE-TÊTE — Instrument ancien, à la vue duquel les Parisiens étaient piétrifiés.[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Antiphrase et allusion, puisque cette massue, d’origine fort ancienne, était alors d’actualité : l’on désignait ainsi le bâton des agents de l’ordre que le préfet de police de Paris, Joseph-Marie Pietri (1820-1903), d’où le néologisme, enjoignait à ses hommes d’utiliser sans « hésitation » ni « défaillance » (circulaire de décembre 1867, Grand dictionnaire universel … de P. Larousse, op. cit.). Mais la critique va plus loin avec la référence à la guillotine de la Terreur, associée, tout au long du XIXe siècle, à la tête coupée de Méduse qui pétrifie et qui, ici, « pietrifie » : parue dans Le Charivari du 10 octobre 1869, cette entrée, en 1874, prend tout son éclat avec la caricature de Faustin Betbeder, dit Faustin, intitulée ironiquement « Apothéose » (1870) où, au pied de la guillotine, gisent les têtes coupées de Napoléon III et de son entourage, dont celle de Joseph-Marie Pietri : [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carqb1514_001.jpg?itok=aHRTtmKu].

CASTES — Divisions qui faisaient de la société un jeu de marelle. — 1789 a marché sur les raies.[Par Marie Daumont] Parce que la Révolution française de 1789 a mis fin à une société fixe et inégalitaire, fondée sur trois ordres (« castes » et cases de la marelle) distincts : la noblesse, le clergé, le tiers-état.

CASUISTE — Le grec de la piété. Il apprend à tricher Dieu.[Par Marie Daumont] En argot, un « grec » désigne un tricheur. L’image, anticléricale, vise ici les Jésuites, « casuistes », c’est-à-dire chargés de résoudre les cas de conscience, mais en « s’arrangeant » avec leur conscience et celle des autres, précisément !

CATACLYSME — La révolution dont on n'est pas.[Par Nathalie Preiss] Cette entrée, comme les deux suivantes, apparaît dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.

CATALEPSIE — Répétition générale de la mort.[Par Marie Daumont] Parce qu'il s'agit d'une paralysie complète du corps.

CATÉCHISME — Le guide Joanne de la foi.

Nota. — Se méfier, il y a des réclames..[Par Quentin Lamorlette] Nouvelle satire anticléricale, puisque les « Guides-Joanne » désignent une collection de guides touristiques, lancée par Hachette, qui, en 1851, s’était associé les services d’Aldolphe Joanne, et que « réclame » signifie tout à la fois « article publicitaire » et, dans le vocabulaire ecclésiastique, « partie du répons que l’on reprend après un verset ».

CATHOLICISME — Parodie du christianisme.

CÉLÉBRITÉ — Un soleil qui s'aveugle lui-même.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.

CÉLIBATAIRE — Braconnier légal.[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Amant potentiel qui part chasser sur des terres qui ne sont pas les siennes. La version initiale, parue dans Le Charivari du 10 octobre 1869, différait: "Un monsieur pas bête qui s'est rappelé que tout croissant, même celui de la lune de miel, finit par deux cornes". Dans la mesure où Véron choisit de faire passer la teneur de cette entrée dans celle d'"Epouse"!, parue dans Le Charivari du 6 mars 1870, il lui substitue cette nouvelle version, apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873.

CELLULAIRE (système) — Fabrique d'aliénés dirigée par l'État[Par Marie Daumont] Tout au long du XIXe siècle, il y eut, en France et en Europe, débat sur les avantages et inconvénients des différents régimes d’emprisonnement : un régime reposant sur le principe d’un isolement des prisonniers, la nuit, et du partage des activités, le jour, et le régime dit « cellulaire », adopté en France en 1836 (à la suite de l’ouvrage que Tocqueville lui consacra au retour de son voyage aux États-Unis où il avait pu l’observer) et supprimé en 1853, reposant sur celui de l’isolement total des prisonniers, jour et nuit. Ce système, que Véron critique ici, fut néanmoins rétabli par la loi du 5 juin 1875..

CENSEUR — Un bourreau qui se prend pour un chirurgien.

CENT-GARDE — Souvenir... sans regret.[Par Nathalie Preiss] Critique, récurrente dans le dictionnaire, du Second Empire, puisque ce terme désigne un soldat de l’escadron d’élite « Les Cent-Gardes », que Napoléon III avait créé en 1854 pour sa protection personnelle. Il avait été dissous après la défaite de Sedan (4 septembre 1870) : aussi cette entrée n’apparaîtra-t-elle, bien entendu, que dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CERTIFICAT — Fausse-clef donnée au domestique qu'on renvoie, pour qu'il puisse s'introduire chez autrui.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.

CENTRALISATION — Est en politique ce que la congestion est en médecine.

CERNEAU — Le Fanfan Benoîton des comestibles.[Marie Daumont] Antonomase inattendue avec le nom de l’un des personnages de la comédie en 5 actes de Victor Sardou (théâtre du Vaudeville, 4 novembre 1865, publiée en 1866 chez Michel Lévy, éditeur de Pierre Véron), La Famille Benoîton : Fanfan, le petit dernier, qui connaît déjà tout de la spéculation à la hausse et à la baisse, et joue à la « petite Bourse » aux timbres-poste, serait l’image du cerneau de noix que l’on sort de sa coque à peine mûr, mais déjà savoureux.

CERVEAU — Une cuisine dont on voit bien le fourneau, mais dont on n'a jamais vu le cuisinier.

CÉSARIENNE (opération) — Du moment où il y a du César quelque part, on est sûr que le sang coule.[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Jeu ici sur le nom de l'opération, par laquelle le général romain, Julius Caesar, était né, et le titre de César attribué ensuite à tous les empereurs romains, et repris par Napoléon Ier et Napoléon III, particulièrement visé ici, puisqu'il avait publié chez Plon, respectivement en 1865 et 1866, les deux premiers tomes d'une Histoire de Jules César (achevée après sa mort, en 1887, par son officier d'ordonnance, Eugène Stoffel). Absente de la tranche alphabétique correspondante du 17 octobre 1869, cette entrée apparaît, après la chute de l'Empire, dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.

CHAGRIN — C'est étonnant comme on supporte bien celui qu'on fait aux autres !

CHAIRE — Estrade dont les rebords rappellent la margelle d'un puits. Histoire de faire croire que la vérité va en sortir.[Par Marie Daumont] Jeu sur l’expression allégorique : « La Vérité sort du puits » et sa manifestation iconographique, reprise par Hadol précisément pour la lettrine de la lettre « C » (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f91.item.texteImage), au service d’une satire anticléricale, puisque c’est du haut de sa chaire que le prêtre prononce son homélie, son sermon, censé délivrer la vérité.

CHAMARRURES — Tout ça, c'est des affaires de livrées.

CHAMBELLAN — Maintenant que ce fonctionnaire ne porte plus de clef dans le dos, c'est lui-même que nous portons sur les épaules[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] C’est avec la chute de Napoléon III que s’éteint en effet la charge de grand chambellan, confiée à un grand officier, en l’occurrence le duc de Bassano, qui avait pour fonction suprême le service de la chambre du roi ou du prince, d’où l’ajout à ses armes personnelles, brodées au dos de sa livrée, de deux clés prolongées chacune par une couronne : c’est pourquoi Hadol, l’illustrateur du dictionnaire, représente, dans la planche n° 31 de sa Ménagerie impériale (1870), le « MUSÉE DES EMPAILLÉS », « le chambellan Nero », le chien de Napoléon III !, avec sa livrée « porte-clefs » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10505633m/f41.item.zoom]. La définition donnée ici s’éclaire par le fait qu’en novembre 1869, avait été promulguée une loi contre le cumul de la charge de chambellan et du mandat de député : les 17 « cumulards » concernés avaient présenté leur démission à l’empereur, qui l’avait refusée, et étaient donc à la charge de la nation (voir Éric Anceau, « Les députés chambellans du Second Empire », Revue du souvenir napoléonien, oct-nov. 1997, p. 25-39, en ligne : https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/les-deputes-chambellans-du-second-empire/)..

CHAMPAGNE — Beaucoup de bruit pour rien.[Par Marie Daumont] Jeu sur le titre traduit de la comédie de Shakespeare, Much Ado About Nothing (1600). Cette entrée, comme la suivante, apparaît dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume. 

CHANTRE — Faut-il, pour vociférer ainsi, qu'il soit convaincu que Dieu est sourd à ses prières !

CHAOS — Regardez autour de vous.

CHAPELET — Dévotion à faux pois.[Par Nathalie Preiss] Parce que le chapelet est un objet de dévotion (commun à plusieurs religions) qui, dans la confession catholique, se présente sous la forme d’un bracelet constitué de quatre séries de dix grains, que l’on égrène en récitant à chaque fois une prière (par exemple, le « Je vous salue Marie », le « Notre Père », le « Je crois en Dieu »…). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CHAPON — Mets cher aux chanoines. Peut-être en souvenir de Fulbert.[Par Marie Daumont] Coq castré, le chapon est ici associé à l’histoire d’Abeilard, théologien du Moyen Âge, épris de son élève Héloïse, au grand dam de l’oncle de cette dernière, le chanoine Fulbert, qui le fit castrer (voir aussi l’entrée « Retranchement »).

CHARRUE — L'accoucheuse de la terre.

CHARTE — Un parachute que les rois sont toujours les premiers à crever.[Par Marie Daumont] Allusion à la « charte octroyée » en 1815 par Louis XVIII au peuple français et dont la violation par Charles X fut à l’origine de la révolution de juillet 1830, mais aussi, puisque cette entrée apparaît dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume, possible allusion à la menace du retour du petit-fils de Charles X, le comte de Chambord, que ses partisans, les légitimistes, appelleront, en vain, à régner sous le nom de Henri V, en 1871 et en 1873 (voir l’entrée « Absence »).

CHARTREUSE — Maison de commerce qui a pour enseigne : Au Saint-Esprit... de vin.[Par Marie Daumont] Poursuite de la satire anticléricale, omniprésente dans le dictionnaire, visant ici le commerce de la liqueur (leur seule ressource) fabriquée par les moines de la Grande Chartreuse (dont elle tient son nom), d’où le jeu sur « l’esprit de vin », alcool obtenu par la distillation du vin, et le Saint Esprit, l’une des trois personnes de la Trinité divine, pour les chrétiens.

CHÂSSE — Boîte à amorces pour la pêche aux croyants.[Par Marie Daumont] La métaphore appliquée ici à ce réceptacle richement orné contenant les reliques d’un saint participe de la satire, récurrente dans le dictionnaire, du culte grandissant (et payant !) des reliques à l’époque et du culte de l’Église catholique pour les biens matériels (voir l’entrée « Autel »).

CHASTETÉ — Substantif beaucoup moins féminin que la grammaire ne se l'imagine.

CHÂTEAU — CHAUMIÈRE —

[Accolade]

Deux vis-à-vis qui sont toujours sur le point d'entrer en danse.[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Renouvellement de l’expression « entrer en danse », qui signifie « entrer en conflit », par une possible allusion à Giselle (1841), célèbre ballet d’Adolphe Adam où la jeune paysanne, morte de douleur en apprenant que son amant Albrecht est un jeune noble, est vengée par la reine des Willis (les jeunes vierges mortes), mais sauve de cette vengeance son bien aimé Albrecht. Renouvellement redoublé par le fait que la Chaumière désignait un bal public fort célèbre, sis près de l’Observatoire, qui accueillit jusqu’à sa fermeture en 1853 étudiants et grisettes mais aussi jeunes aristocrates (y compris les fils de Louis-Philippe). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CHAUFFEUR — Vestale à vapeur.[Par Marie Daumont] Jeune vierge préposée à l’entretien du feu sacré dans les temples à Rome, la vestale ici a changé de sexe et désigne le conducteur des trains à vapeur, chargé lui aussi de veiller à entretenir le feu… du charbon.

CHAUVE-SOURIS — Avoir des ailes et s'enfermer tout le jour dans un trou. Il me semble voir la poésie réaliste.[Par Nathalie Preiss] Cette entrée et les quatre suivantes (jusqu’à « Chicot » comprise) apparaissent dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CHEMINÉE — Appareil ingénieux pour chauffer l'intérieur... des murs.

CHER — Bien trouvé par la vénalité amoureuse qui court ! Le même mot pour ce qu'on aime et pour ce qui coûte.

CHEVILLE — S'adapte indistinctement aux pieds de l'homme et aux pieds des vers.

CHICOT — Ruines pour gencives.

CHIFFRES — Les témoins à charge de tout pouvoir personnel.

CHIGNON — On s'en fait un avec tout, même avec ses cheveux.

CHIMÈRE — Que voulez-vous, toutes les cimes se perdent dans la brume.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.

CHIMPANZÉ — Un animal qui doit toujours avoir envie d'intenter à l'homme un procès en contrefaçon.[Par Marie Daumont] Nouveau renversement carnavalesque puisque c’est le singe qui est censé contrefaire l’homme (voir aussi l’entrée « Singe »). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CHIPER — Voler en taille-douce.[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Allusion aux « dividendes antichipés » de Robert-Macaire, dans la série caricaturale dessinée par Daumier sur des légendes de Philipon parue dans Le Charivari de 1836 à 1838 (voir les entrées « Actionnaire » et « Anticiper »), la « taille douce » désignant la gravure, en creux, notamment au burin, même si, en fait, les planches de la série sont des lithographies, qui ne relèvent pas de la gravure mais du dessin au crayon gras sur pierre. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CHIROMANCIE — Science qui prétend donner raison à la formule : Avoir le cœur sur la main.[Par Marie Daumont] Parce qu'il s'agit d'un art divinatoire qui repose sur la lecture des lignes de la main. 

CHIRURGIEN — Un couteau intelligent... ou qui croit l'être.

CHLOROFORME — Ami mortel.[Par Marie Daumont] Utilisé comme anesthésique à partir de 1847, il sera, en 1848, l’instrument du suicide du dentiste américain Horace Wells, qui travaillait sur ses effets, et qui, ainsi anesthésié, se trancha l’artère fémorale. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CHOUANS — La bonne cause, disaient-ils. Eh bien ! elle engendrait de jolis effets ![Par Marie Daumont] Critique contre les Chouans, Vendéens catholiques favorables à l’Ancien Régime, par un jeu sur le mot « cause », pris dans le sens « d’intérêt à défendre » et dans le sens, logique, de « motif ». Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CHRÉTIEN — Ne pas voir ultramontain.[Par Marie Daumont] Nouvelle critique contre les chrétiens catholiques favorables au pouvoir temporel du pape et, notamment, contre Louis Veuillot, directeur du journal L’Univers, organe de l’ultramontanisme (voir les entrées « Abêtir », « Antichrétien », « Ultramontain » et « Univers »). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CHUTE — Mot qu'un auteur épèle toujours ainsi : C. h. u. suc... te, cès... Succès.

CICATRICE — Marque de fabrique de la guerre.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.

CIEL — ???

CIERGE — Il faut toujours que ça finisse par couler.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.

(Un Philosophe.)

CIGUË — Boisson tombée en désuétude, faute de Socrates.[Par Marie Daumont] Véron déplore ainsi l'absence de philosophes à l'image de Socrate, que les Athéniens avaient condamné à boire ce poison mortel.

CIMETIÈRE — L'arithmétique prétend que la division seule peut avoir un reste... Et pourtant le cimetière, c'est le reste de la multiplication.[Par Quentin Lamorlette] Jeu sur les différents sens de « division » et de « multiplication » et du mot « reste » : les cimetières sont répartis en « divisions » cadastrales, et il faut entendre ici « reste » non au sens arithmétique mais au sens de « relief », « vestige », qui, par définition, dans un cimetière, se multiplie au fil du temps. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CIRCONCIRE — Annexer à la religion juive. Pour la nôtre, on dit : circonvenir.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.

CLAQUE — Comme la violette, elle voudrait se dissimuler ; mais, comme elle, elle se révèle par son parfum.[Par Marie Daumont] Véritable institution dans les théâtres du temps, formée par les « claqueurs », répartis plus ou moins discrètement dans la salle, et chargés, contre rétribution, d’applaudir ou de huer, et qui, issus des classes pauvres (voir aussi l’entrée « Applaudissements »), étaient réputés justement « ne pas sentir la violette » !

CLARINETTE — Pour en jouer ainsi tous, il faut que les aveugles s'entendent... Non, au fait, il faut plutôt qu'ils ne s'entendent pas ![Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.[Par Marie Daumont] Parce que ces joueurs de clarinette désignent en fait des mendiants aveugles qui ne savent pas en jouer. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.

CLERGÉ — Locataire principal du paradis, qui veut trop gagner sur ses sous-locations.

CLOÎTRE — Bâtiment de Procuste.[Par Marie Daumont] De même que les victimes du brigand Procuste sont soumis à l’amputation de leurs membres (d’où l’expression le « lit de Procuste » : voir l’entrée « Analytique »), de même, en entrant dans la vie monastique, le moine est soumis à « l’amputation capillaire » de la tonsure.

COCHER — Un dilettante qui aime trop l'air de Galathée : Ah ! verse encore...[Par Marie Daumont] Jeu sur deux sens du mot « verser » : « se renverser » et « verser à boire », à partir des fameux vers de l’opéra-comique en 2 actes, Galatée (1852, livret de Michel Carré et de Jules Barbier, musique de Victor Massé), où la statue de Pygmalion, Galatée, très animée ! et enivrée de vin de Chio implore : « Ah ! verse encore ! / Vidons l’amphore ! », d’où la métaphore de « dilettante », « amateur [au sens de connaisseur] de musique », appliquée au cocher.

COCOTTE — D'où vient cette métaphore du genre gallinacée ? Est-ce de ce que les poules se nourrissent dans le fumier ?[Par Marie Daumont] En argot, métaphore animale (le genre des gallinacés, de « gallus », « coq » en latin, comprend les poules, coqs, pintades…) appliquée sous le Second Empire aux femmes entretenues ; elle est alors en concurrence avec « biche », « chameau », « girafe » (voir la note de la Préface au mot « gommeuses »).

CŒUR — Expression anatomique.

COLLABORATION — Avez-vous vu deux oiseaux chercher à se becqueter la cervelle ? C'est ça.

COLLÉGE — Établissement où l'on est censé faire des hommes et où l'on ne fabrique que des bacheliers.

COLLISION — Demandez aux gouvernements si ce n'est pas toujours le lapin qui a commencé ?[Par Nathalie Preiss] Expression consacrée utilisée pour se dédouaner d’un coup de force, le lapin étant présenté comme un animal agressif et provocateur contre lequel il faut se défendre ! Répétition de l’histoire : dans le numéro du journal Le Don Quichotte du 30 avril 1887, Charles Gilbert-Martin intitule « C’est le lapin qui a commencé ! » une caricature montrant, avec Bismarck en observateur, des molosses allemands fondant sur un lapin pris au piège, à la fontière franco-allemande, avec cette explication : « Ils l’ont fait tomber dans un piège / Ils l’ont presque assommé de coups, / En disant : “Que Dieu nous protège / Et que Bismarck soit avec nous !” / Et par ce guet-apens stupide / Si le bon sens est renversé, / Ils répondent d’un air candide : / “Le lapin avait commencé !” » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7124411m/f1.highres].

COLONISATION — Mot qui n'a jamais été français.[Par Marie Daumont] Antiphrase bien entendu, étant donné la colonisation de l'Algérie depuis 1830, puis, sous le Second Empire, celle de l'Afrique de l'Ouest (le Sénégal notamment, avec la création des contingents de tirailleurs sénégalais au service de la France), et, en Asie et dans le Pacifique, celle la Cochinchine (actuel Sud Vietnâm), de la Nouvelle Calédonie et de la Polynésie.

COMMISSAIRE — Un monsieur qui porte le ventre en écharpe.[Par Marie Daumont] Dans la caricature du temps, celui qui est chargé d’une fonction officielle (et plus ou moins grassement payé pour cette « commission ») est précisément « chargé » d’un ventre proéminent, où s’étalent ruban ou écharpe, témoins de ses fonctions, d’où le renouvellement de l’expression « porter son cœur en écharpe ».

COMMISSIONNAIRE — Notre Mercure Galant. En voilà un dont la médaille n'est pas une médaille de sauvetage ![Par Nathalie Preiss] Jeu sur le nom du journal, le Mercure galant, fondé en 1672, qui le tenait de celui du dieu romain du commerce et des voyages, et possible allusion à l’imprimeur d’Alphonse Lemerre et de Michel Lévy frères, éditeur de Véron, Jules Claye, qui, en 1867, avait obtenu à l’Exposition universelle une médaille d’or (pour un nouveau procédé de stéréotypie), puisque cette entrée, apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume, remplace, semble-t-il, l’entrée « Imprimeur : Le commissionnaire de la pensée », parue dans la tranche complémentaire du 13 mars 1873, et disparue dans l’édition en volume.

COMMUNISTE — Citoyen qui voudrait retourner la devise : l'Union fait la force, et dire : la Force fera l'union.

COMPRESSION — Elle produit juste le même effet sur les ressorts et sur les peuples.

CONCILE — La grève de la raison. [Par Marie Daumont] Satire anticléricale contre le concile Vatican I (1868) où fut élaboré le dogme de l’Infaillibilité pontificale (voir aussi l’entrée « Agent »).

CONCORDAT — A saint père souverain et demi.[Par Quentin Lamorlette] Poursuite de la satire avec cette allusion au Concordat de 1801, accord établi par Bonaparte alors premier consul (il sera aboli en 1905 avec la séparation de l’Église et de l’État, sauf en Alsace-Lorraine alors encore annexée par l’Allemagne), entre la France et le pape, aux termes duquel ce dernier doit partager son autorité avec l’État français (à propos de la nomination des évêques, par exemple), d’où le jeu sur l’expression « À malin, malin et demi » (on trouve toujours plus malin que soi).

CONFÉRENCE — Il y a des modes pour l'ennui comme pour les pantalons.

CONFESSION — Ça me fait toujours penser aux petits trous que les garçons percent dans les portes pour voir ce qui se passe dans les cabinets.[Par Marie Daumont] Critique anticléricale avec cette comparaison entre le cabinet d’aisance et le confessionnal.

CONFIDENCE — X..., quand il se servait de l'irrigateur, disait :

— Je vais m'administrer une confidence.

— Pourquoi ?

— Parce que c'est difficile à garder, parbleu ![Par Marie Daumont] Parce qu’un « irrigateur » est une poire à lavement, un « clysopompe » (voir l’entrée, infra, à ce mot). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CONFRATERNITÉ — Façon d'aimer ses confrères comme on aime les beefsteacks.[Par Marie Daumont] Antiphrase car on peut  peut aimer le beefsteack saignant!

CONGRÈS — Si vis bellum, para pacem.[Par Marie Daumont] Inversion de l’expression latine : « Si vis pacem, para bellum » (si tu veux la paix, prépare la guerre), typique de la logique d’inversion carnavalesque du Charivari, liée ici à la paix très armée signée avec la Prusse le 10 mai 1871 (annexion de l’Alsace-Lorraine, occupation du territoire jusqu’au paiement de l’indemnité de guerre de 5 milliards…)

CONQUÉRANT — Le mangeur qui parie de manger un dîner de douze couverts à lui tout seul. Il finit toujours par en crever.[Par Marie Daumont] Dans le prolongement des entrées précédentes, attaque contre le roi de Prusse, Guillaume Ier, représenté en « Guillaume le boucher » par André Belloguet dans sa série Pilori-Phrénologie [https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/s-s-guillaume-le-boucher].

CONSCIENCE — Un chef d'orchestre qui s'agite, mais que ses musiciens mènent.

CONSCRIPTION — La loterie du sang.[Par Marie Daumont] Instituée en 1798, la conscription consistait à réquisitionner, en temps de guerre, tous les jeunes hommes à partir de 20 ans, l’effectif de l’armée régulière étant insuffisant. Dès la Restauration, elle fut « amendée » par un tirage au sort : n’étaient requis pour la guerre, toujours associée par Véron au carnage (voir les entrées « Assaut », « Boucherie »…), que ceux qui avaient tiré un mauvais numéro, d’où la métaphore de la « loterie », ou n’avaient pu payer « un homme », c’est-à-dire un remplaçant (voir l’entrée à ce mot et l’entrée « Hanches »).

CONSCRIT — Un futur héros qui troquerait bien le bâton de maréchal qu'il a dans sa giberne contre un bâton de voyage pour retourner cheux lui.[Par Marie Daumont] Voir l'entrée précédente.

CONSERVATEUR — Un individu qui, plutôt que de réparer sa maison, la laisse s'écrouler.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l'édition en volume.

CONSERVATOIRE — Établissement où il y a des casseurs de voix, comme il y a des casseurs de pierre sur les routes.

CONSIDÉRATION — C'est le pendant de la santé. On n'en sent le prix que quand on ne l'a pas.

CONSIGNE — Le mandat impératif du troupier.

CONSOLATION — Cataplasme posé sur la douleur d'autrui. Par malheur il ne manque pas de maladroits qui se trompent et prennent de la farine de moutarde au lieu de farine de lin.[Par Marie Daumont] Emplâtre destiné à guérir ou prévenir une infection, le cataplasme à la farine de moutarde « attaque » le mal avec plus de vigueur que celui qui est fabriqué avec de la farine de lin.

CONSTANCE — On a fait du mot un nom propre, probablement parce qu'il n'est pas commun.

CONSTITUTION — École de viol.

CONSULTATION — Que vouliez-vous qu'il fît contre trois ?...[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Réplique de Julie, justifiant, contre son père indigné, la fuite feinte de son frère Horace devant les trois Curiaces, dans la tragédie de Corneille, Horace (1640), et utilisée ici contre la « consultation contradictoire » en médecine, qui consiste à mettre en lice trois médecins en cas de diagnostic difficile : en effet, la question de Julie entraîne cette réponse définitive du vieil Horace : « Qu’il mourût ! ». C’est précisément le cas pour Raphaël de Valentin, soumis à trois médecins, dans La Peau de chagrin de Balzac.

CONTRIBUABLE — C'est le pouvoir qui régale et c'est nous qui payons.

CONTRÔLE — Opération qui ne fait peur qu'aux bijoux et aux gouvernements également faux.

CONVALESCENCE — La lune de miel de la santé.

CONVENTION — Elle a cassé des œufs, mais elle a fait : omelette.

CONVERSION — Apostrophez toutes les girouettes, elles répondront : — C'est la faute du vent.

CONVICTION — Change en général quand elle a besoin de monnaie.

CONVOI — Les chemins de fer se sont rendu justice en adoptant ce mot funèbre.[Par Marie Daumont] Satire des accidents de chemins de fer par un jeu sur le sens, ferroviaire, d’« ensemble de wagons » et sur le sens, funéraire, de « corbillard » (voir aussi, infra, l’entrée à ce mot).

COPISTE — Un miroir qui heureusement n'est pas forcé de réfléchir.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l'édition en volume.

COQUETTERIE — La luxure platonique.

COQUlNERIE — On aurait presque envie de dire de nos jours : « Voir Succès. »

CORBEILLE (de la bourse) — Un panier auquel on n'a pas mis d'anse, dans le fol espoir qu'on ne pourrait pas ainsi la faire danser.[Par Marie Daumont] Depuis 1855, la « corbeille » désigne métaphoriquement, à la Bourse, l’espace circulaire où se trouvent les agents de change (Dictionnaire historique…, A. Rey dir., op. cit.) : belle occasion de renouveler ici l’expression, « faire danser l’anse du panier », soit « dépenser sans compter » !

CORBILLARD — Le vrai omnibusSouvenir de la série lithographique de Grandville, Voyage pour l’éternité (1830), variation sur le motif de la danse macabre, dont la couverture représente un corbillard-omnibus, dans lequel la mort invite à monter, surmonté de ce titre : Voyage pour l’éternité. Service général des omnibus accélérés. Départ à toute heure et de tous les points du globe. [https://www.parismuseescollections.paris.fr/sites/default/files/styles/pm_notice/public/atoms/images/CAR/aze_carg008601_rec_001.jpg?itok=CPzjOxQ2]..

CORNES — Est-ce de là, pauvres maris ! qu'est venue l'expression : Être le bœuf ?[Par Marie Daumont] Jeu sur l’expression « faire des cornes à », « faire cocu », et la formule « être le bœuf », qui signifie en argot « travailler pour rien » (Lorédan Larchey, Dictionnaire historique d’argot, op. cit.), que Véron lie au fait que cet animal, castré, ne peut rendre la pareille (voir les entrées « Biche » et « Bœuf ») ! Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CORRECTION (maison de) — Aussitôt dehors on recommence. Il ne peut pas y avoir correction ; le vice ne relit jamais ses épreuves...[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l'édition en volume.

CORSET — Comme quoi il n'y a pas que Jonas qui ait été victime de la baleine.[Par Marie Daumont] Jeu sur deux sens du mot « baleine » qui désigne ici et la tige métallique glissée dans les corsets et l’animal qui, selon l’épisode biblique du Livre de Jonas, engloutit le prophète Jonas, qui s’est soustrait à la mission que Dieu lui a confiée.

COTON — Rassurez-vous, Madame, je ferai comme si je ne savais rien.[Par Marie Daumont] Allusion satirique au coton qui compense les décolletés peu avantageux (voir aussi les entrées « Appas » et « Sein »).

COUP (d'État) - Mot qui pourrait donner à croire à un étranger que chez nous c'est un état de faire de ces coups-là.[Par Marie Daumont] Jeu de mots sur « état », qui vise le coup d’État de Bonaparte du 18 Brumaire an VII (1799), devenu Napoléon Ier le 2 décembre 1804, et celui de son neveu, Louis-Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851, devenu, le 2 décembre 1852, Napoléon III.

COUR — Dans une maison, c'est l'endroit qui a le plus souvent besoin d'être balayé. Dans un pays aussi.

COURAGE — L'art d'avoir peur sans que ça paraisse.[Par Marie Daumont] Déjà présente dans la tranche alphabétique correspondante du 16 novembre 1869, cette entrée, conservée pour l’édition en volume, participe à la critique récurrente de Véron contre l’absence de courage des généraux français, notamment lors de la guerre de 1870 et le siège de Paris (voir notamment les entrées « Retirer (se) » et « Riz »).

COURONNE — Qualification qui indique qu'un cheval ou un homme ne peut plus rien valoir.[Par Marie Daumont] Parce qu’une couronne désigne la cicatrice d’un cheval blessé et qui ne peut donc plus concourir, satire ici de la monarchie défunte, incarnée par le comte de Chambord, caricaturé par André Gill monté sur un cheval fourbu (voir l’entrée « Absence »).

COURTISAN — COURTISANE —

[Accolade]

Le double fléau des places publiques.

COUSIN — Parent pour la main gauche, comme disent les morceaux de piano.

COUTURIÈRE — Thomas Vireloque, regardant passer dans son luxe une lionne pauvre, disait l'autre jour :

— Pour pouvoir s'habiller comme ça, faut-il qu'elle se déshabilleAllusion au titre de la série de Gavarni, Les Propos de Thomas Vireloque (parus dans Œuvres nouvelles, publiées par l’éditeur du Carnaval du dictionnaire, Michel Lévy frères, en 1855) et à celui de l’ouvrage de Jules Lermina (1868), qui le reprend, consacrés à ce Diogène du peuple qui ne mâche pas ses mots et qui vise ici la « lionne », la femme élégante, « femelle du lion », mot importé d’Angleterre en 1840, avec un sens proche de celui de « dandy » (autre importation anglaise), auquel, en 1842, Félix Deriège avait consacré une Physiologie du lion. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l’édition en volume. ! 

CRÂNE — Une enveloppe qui ne sait pas ce qu'il y a dans sa lettre.

CRÉANCIER — Un pauvre diable qui malheureusement par son avoir se met trop souvent le doit dans l'œil.[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Renouvellement du cliché : « se mettre le doigt dans l’œil », « se tromper », puisque l’« avoir » désigne la « partie positive d’un compte, opposée à « doit » (Dictionnaire historique…, A. Rey dir., op. cit.), et qu’en l’occurrence, un créancier dépend bien de ce que lui « doit » le débiteur, souvent sans avoir !

CRÉATION — Mesdames et messieurs, l'auteur désire garder l'anonyme.[Par Marie Daumont] Sur le mode du salut de l’auteur au public lors de la création d’une pièce de théâtre, allusion à l’anonymat qui préserve de la censure sur les théâtres et les journaux, mais aussi satire contre la Création divine, dans la même veine que l’entrée « Credo », ces entrées étant toutes deux apparues dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l’édition en volume.

CREDO — Profession de foi des candidats au Paradis. — Nota. Elle ne sait pas plus ce qu'elle dit que les autres.

CRITIQUE — N'est-ce pas que ça fait un peu l'effet d'un eunuque qui tiendrait des cours de génération comparée.[Par Quentin Lamorlette] De même que l'eunuque, physiologiquement incapable de procréer, pourrait difficilement se prononcer sur le sujet, de même, la critique, incapable de créer, serait  incompétente pour juger des mérites de la création littéraire et artistique.  

CROCODILE — Lézard monté en graine.[Par Quentin Lamorlette] Parce qu’en argot, un « lézard » désigne un voleur de chiens, et le « crocodile », un usurier : il y a progression dans la hiérarchie du vol ! Cette entrée, absente de la tranche alphabétique correspondante du 23 novembre 1869 comme des tranches complémentaires des 7 et 16 février 1873, n’apparaît qu’avec l’édition en volume.

CROASSER — Écrire dans l'Univers.[Par Marie Daumont] Nouvelle attaque contre le journal ultramontain de Veuillot, L’Univers (voir les entrées « Abêtir », « Antichrétien », « Chrétien », « Ultramontain », « Univers »), avec la métaphore, courante dans le discours anticlérical textuel et visuel, du corbeau qui croasse, appliquée aux Frères de la doctrine chrétienne, en raison de leur robe noire, et, plus largement, aux hommes d’Église, accusés d’obscurantisme.

CROISADES — Expédition du Mexique du temps. Les beaux résultats produits ont démontré que ce qu'on aurait du se croiser... c'étaient les bras.[Par Marie Daumont] Parce que l’expédition du Mexique, entreprise de 1861 à 1867 par Napoléon III, visait à y instituer, contre les libéraux soutenus par les États-Unis, un souverain européen et catholique, favorable à la France, en la personne de l’archiduc autrichien Maximilien de Habsbourg, mais s’était soldée par l’exécution de ce dernier le 19 juin 1867 et la mort de milliers de soldats français (voir aussi l’entrée « Aventure »).

CROIX (d'honneur) — Insigne qui mériterait plus souvent d'être attaché avec une faveur qu'avec un ruban.[Par Marie Daumont] Par un jeu sur le double sens de « faveur » (identique à celui de l’entrée « Hochet »), qui désigne tout à la fois un avantage indu et un ruban, critique du favoritisme aux dépens du mérite dans l’obtention de la croix de la Légion d’honneur (voir aussi les entrées « Dignité » et « Honneur »).

CROQUIS — Les fondations d'un tableau.

CROSSE — Il y en avait jadis de deux sortes : les crosses de fusils et les crosses d'évêques. Depuis Mentana, cela a l'air de ne plus faire qu'un[Par Quentin Lamorlette] Allusion à la victoire des troupes pontificales, soutenues par la garnison française protégeant les états du pape, le 3 novembre 1867, à Mentana, contre les troupes républicaines de Garibaldi. Apparue dans la tranche complémentaire du 7 février 1873, en vue de l’édition en volume, cette entrée dénonce l’alliance du sabre et du goupillon favorisée par Napoléon III et poursuivie par le président de la république Mac-Mahon, ultramontain (voir l’entrée à ce mot), partisan du pouvoir temporel du pape..   

CROUPIER — Manche de râteau en os... et en chair.

CROÛTE — Dérision ! gémissait un malheureux rapin ; ils disent que je fais des croûtes ; si c'était vrai, j'aurais au moins du pain !

CUIRASSIER — Soldat qu'on enferme dans une rôtissoire pour l'envoyer au feu.

CULTE — Le seul spectacle dont les directeurs fassent toujours leurs frais.

CUMUL — Encore ! encore ! encore !... Tout le foin qu'ils ne peuvent pas manger, ils le mettent dans leurs bottes.

CZAR — Anachronisme en uniforme[Par Quentin Lamorlette] Allusion au régime autocratique du tsar de Russie, Nicolas Ier, défait lors de la guerre de Crimée (1854-1855), gagnée par la France, et mort un avant le traité de Paris (1856) qui l’achevait. Cette entrée, présente dans la tranche alphabétique correspondante du 23 novembre 1869, et conservée dans cette édition de 1874, vise aussi son successeur, Alexandre II, apparemment plus libéral, mais qui, à la suite de la défaite de Sedan et de la chute de Napoléon III, poursuivit l’anachronisme, avec, notamment, la remilitarisation de la Mer noire..


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