Corpus Le Carnaval du dictionnaire

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Lettrine D : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8630604m/f121.item.texteImage 

[Par Nathalie Preiss] L’ensemble de la lettre « D » parut initialement dans Le Charivari, du 3 décembre 1869 au 1er janvier 1870, selon la chronologie et la répartition suivantes : 3 décembre (« Damnation-Dégrafer »), 5 décembre (« Déisme-Dépêche »), 23 décembre (« Désarmement-Dieu »), 25 décembre (« Dignité-Drapeau »), 1er janvier 1870 (« Droit-Dynastie »). S’ajoutèrent, en vue de l’édition en volume, deux tranches complémentaires : « Conservateur-Défunt », et « Demain-Entremetteur », parues respectivement dans les numéros du 16 février et 21 février 1873. Les variantes entre ces différentes parutions seront indiquées au fil du texte.DAGUERRÉOTYPE — Une glace qui a de la mémoire.[Par Marie Daumont] En effet, ce procédé photographique, mis au point, de 1813 à 1829, par Niepce et Daguerre, permettait de fixer les images de la chambre noire sur des plaques d’argent sensibilisées à la vapeur d’iode. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l’édition en volume.

DAMNATION — Les travaux forcés à perpétuité pour avoir secoué un tapis par la fenêtre, comme pour avoir assassiné une personne, voilà la justice distributive du catholicisme.

DANSE — Chose presque aussi désagréable à voir qu'à recevoir.[Par Marie Daumont] Parce que, dans l’argot populaire, la « danse » est synonyme de coups reçus, de mauvais traitements. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l’édition en volume.

DATE — Quelle est la femme d'esprit vieillie qui disait, en parlant de son acte de naissance : Mon état incivil ?[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l'édition en volume.

DÉBUT — Le frère siamois de l'émotion.

DÉCADENCE — Hier pour Aujourd'hui. Aujourd'hui pour Demain... Et ainsi de suite... Au fond vous savez que ça n'est pas vrai du tout ?

DÉCENCE — Une ancienne mode.

DÉCEPTION — Le recul de l'espérance.

DÉCÈS — C'est une idée si agréable, qu'on a éprouvé le besoin d'avoir un tas de mots pour l'exprimer : Décès, mort, trépas...

DÉCHÉANCE — Le mot de la fin des peuples.

DÉCLAMATIONS — Les discours du parti auquel on n'appartient pas.

DÉCLARATION (de guerre) — Cartel portant que ce seront les témoins qui se battront pour les princes qui se sont querellés.[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Entrée déjà présente dans la version originale parue dans Le Charivari du 3 décembre 1869, elle prend, après 1870, tout son sens avec cette utilisation du vocabulaire du duel (un cartel désigne la lettre de provocation au duel de l’offensé à l’offenseur), parfaitement adapté à la déclaration de guerre de la France à la Prusse (à la suite de la dépêche d’Ems du roi de Prusse Guillaume Ier: voir l’entrée « Accordéon »), prononcée le 17 juillet 1870 devant l’Assemblée, par le ministre de Napoléon III, Émile Ollivier, d’un « cœur léger » - fâcheuse expression que, dès lors, la caricature ne cessera de lui associer (voir l’entrée « Arlequin »).

DÉCLARATION (d'amour) — Passons... je n'entends rien à la comptabilité.

DÉCOLLETER (se) — Ô appas âgés pourquoi répétez-vous tous, comme un mot d'ordre : — C'est le moment de nous cacher, montrons-nous ![Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l'édition en volume.

DÉDAIN — Les échasses de l'orgueil.

DÉFECTION — Sic itur ad astra.[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Locution latine qui signifie « Ainsi atteint-on les astres » (la gloire). La version initiale, parue dans Le Charivari du 3 décembre 1869, diffère, avec cette « personnalité » (attaque ad hominem), à la suite de la citation : « Demandez à M. Ollivier de vous traduire ça ». Républicain devenu député bonapartiste en mai 1869 et ministre de Napoléon III, il est l’image du traître par excellence pour Le Charivari, qui, en 1869, mène campagne contre lui (voir les entrées « Accommodant », « Ailes », « Apostat », « Arlequin »). Avantage de l’allusion sur la personnalité, dans cette édition de 1874, après la guerre franco-prussienne, sont visés aussi ici les maréchaux Bazaine (qui sera condamné) et Trochu, dont la capitulation devant la Prusse, qui à Metz, qui à Paris, fit figure de trahison (voir aussi les entrées « Apostasie » et « Apostat »).

Demandez à tous les traîtres de vous traduire ça.

DÉFUNT — Une qualité qui donne immédiatement toutes les autres.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 16 février 1873, en vue de l'édition en volume.

DÉGAINER — Habitude qui tend vraiment trop à devenir une seconde nature.[Par Marie Daumont] Critique antimilitariste qui condamne la position systématiquement belligérante de la France.

DÉGRAFER — Ouvrir une prison où il n'y a souvent pas de prisonniers.

DÉISME — À supposer que...[Par Marie Daumont] Dans la version initiale parue dans Le Charivari du 5 décembre 1869, autre formulation, mais même scepticisme : « Autre hypothèse ».

DÉLIVRER — Opération qui expose quelquefois à avoir affaire à des peuples qui vous répondent comme Mme Sganarelle : « Et s'il me plaît d'être battu ! »[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Allusion probable à l’expédition du Mexique (voir l’entrée « Aventure »), décidée par Napoléon III et destinée à prétendument « délivrer » ce pays de l’influence libérale des États-Unis et à lui imposer un empereur européen et catholique, l’archiduc Maximilien d’Autriche, mais en vain, puisqu’il sera exécuté le 19 juin 1867 et les troupes françaises, défaites, par un pays qui semble dire à son supposé sauveur, comme Martine, la femme de Sganarelle battue par son mari, dans Le Médecin malgré lui de Molière : « Il me plaît à moi d’être battue » (acte I, scène 2) !

DÉLUGE — Incident qui a donné raison au proverbe : Laver son linge sale en famille.[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Allusion à l’épisode de La Genèse (7-9) où Yahvé, confronté à la corruption du monde, le plonge sous un déluge destructeur de quarante jours, non sans avoir auparavant enjoint à Noé de construire une arche, symbole d’alliance, pour y recueillir sa famille — d’où le renouvellement de l’expression « laver son linge sale en famille », régler ses problèmes entre soi (d’autant plus qu’à l’issue du déluge, Noé entre en conflit avec son fils Cham) — ainsi que tous les êtres animés, en vue d’un nouvel ordre du monde.

DÉMAGOGUE — Un homme qui ne songe pas que les indigestions amènent la diète.

DEMAIN — L'homme masqué des luttes de la vie.[Par Marie Daumont] Parce que, selon l’expression consacrée : « On ne sait pas de quoi demain sera fait ». Apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume, cette entrée évoque, entre autres, la guerre franco-prussienne de 1870.

DÉMÉNAGEMENT — Dire que dans les plaies d'Égypte on avait oublié celle-là ![Par Marie Daumont] Référence au passage du Livre de l'Exode, dans l’Ancien Testament, où, devant le refus réitéré de Pharaon de délivrer les Hébreux guidés par Moïse, qu’il retient prisonniers, Yahvé le soumet à d’épouvantables fléaux, les dix « plaies d’Égypte », devenue expression consacrée, synonyme de « grands malheurs ».

DEMI-MONDE — Est appelé ainsi parce que l'homme y manque de moitié.

DEMOISELLE — Si ça a de la malice !... Est-ce qu'on ne parle pas toujours du fil de la vierge.[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Métaphoriquement, le fil de la vierge désigne l’un de ces fils blancs et légers tissés par les araignées en automne : il est pris ici au sens propre, avec une valeur antiphrastique, puisque les demoiselles visées sont les « demoiselles de magasin », couturières et modistes qui confectionnent et vendent des articles de mode, et qui, réputées femmes faciles et habiles à attirer le chaland, n’ont rien de la vierge ingénue et tout de la maligne jeune fille (l’on pense, dans un autre contexte, à « La Maline » de Rimbaud) !

DÉMOLITIONS — Qui a frappé par la pioche périra par la pioche.

(Évangile selon Haussmann.)[Par Marie Daumont] Variation parodique sur la phrase du Christ, dans l’Évangile, à l’un de ses compagnons, qui, de son glaive, tranche l’oreille du serviteur du Grand Prêtre, venu avec d’autres l’arrêter, à l’instigation de Judas : « Rengaine ton glaive ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive » (Matthieu, 26, 52). Est visé ici le préfet de la Seine, le baron Haussmann, instigateur, sous le Second Empire, de grands travaux visant à moderniser, aérer Paris, au prix de nombreuses démolitions (voir les entrées « Artères », « Assainissement », « Avenue »).

DÉMON — Il y a comme ça des tas de fausses nouvelles !...

DÉNOUEMENT Au théâtre, c'est le public, en politique ce sont les balles qui choisissent ce moment-là pour siffler.

DENTS — Mme X..., qui est affligée de dents d'un noir d'ébène, ne rit jamais, de peur d'ouvrir la bouche. D'où ce propos de Z. :

— Ce n'est pas étonnant qu'on boude, quand on n'a que des double-six.[Par Marie Daumont] Métaphore argotique empruntée au jeu de dominos — le double-six désignant le domino qui comporte le plus de pois noirs - et s’appliquant ici aux dents gâtées ; métaphore filée puisque « bouder au dominos » signifie, en argot, « passer son tour ». Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume.

DÉPÊCHE (télégraphique) — Un moyen de faire des réclames à la célérité... de la poste.[Par Marie Daumont] Jeu sur le verbe « se dépêcher » et le déverbal « dépêche », nouvelle officielle transmise par le télégraphe (1800), qui, depuis le début du XIXe siècle, s’était perfectionné en fiabilité et rapidité (voir aussi les entrées « Câble » et « Télégraphe »).

DÉSARMEMENT — Le contraire de Petit-Jean. Ce qu'il sait le moins, c'est son commencement.[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Présente dans la version initiale, parue dans Le Charivari du 23 décembre 1869, cette entrée visait les débats de cette année-là sur le désarmement, appelé, en vain, par les pacifistes, tel Gambetta, avec cette référence à la comédie de Racine, Les Plaideurs (1668), où le portier Petit-Jean s’improvise avocat et déclare : « Ce que je sais le mieux, c’est mon commencement » (acte II, scène 3). En 1873, date de la parution du dictionnaire en volume, dans le contexte de l’après-guerre franco-prussienne et de l’annexion de l’Alsace-Lorraine, la définition de 1869 est plus que jamais d’actualité.

DÉSHONNEUR — Un bon placement, à ce qu'il paraît.

DÉSIR — Voyage incognito sous le nom de l'amour.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.

DESPOTE — Un homme qui professe pour ses contemporains un mépris que la postérité lui rendra.

DESTINÉE — Un livre dont les pages ne sont pas coupées.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.

DEUIL — On doit avoir choisi le noir parce que c'est la couleur qui va le mieux au teint.

(Pensée d'une anonyme.)

DEVOIR — (le) — Substantif masculin. (Peu usité.)

DIABÈTE — Ce qui peut s'appeler raffiner la maladie ![Par Marie Daumont] Jeu sur le sens figuré et sur le sens technique de « raffiner » (purifier) le sucre, puisque le diabète se manifeste par un taux trop élevé de sucre dans le sang. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume.

DIABLE — Puisque ça fait aller leur commerce ![Par Marie Daumont] Critique anticléricale contre l’Église qui joue sur la peur du diable, de l'Enfer, pour inciter les fidèles à chercher le salut en son sein.

DIADÈME — Et l'almanach prétend que le carnaval ne dure que trois jours ![Par Marie Daumont] Allusion charivarique aux prétentions au trône, depuis l’avènement de Louis-Philippe (à l’issue précisément de trois journées révolutionnaires : les « Trois Glorieuses », 27-28-29 juillet 1830), Bourbon de la branche cadette, du comte de Chambord, Bourbon de la branche aînée, petit-fils de Charles X, appelé à régner sous le nom de Henri V pour ses partisans légitimistes, et vu ici comme un roi de carnaval. Cette entrée figure dans la version du Charivari du 23 décembre 1869 et prend dans l’édition de 1874 tout son sel, puisque, après la défaite de Sedan, les légitimistes ont cru par deux fois au retour du comte de Chambord, définitivement compromis, le 27 octobre 1873, par son refus du drapeau tricolore (voir les entrées « Absence », « Absent », « Drapeau », « Rétablir »).

DIAPASON — La fourche caudine de la musique.[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] En forme de fourche, le diapason, qui mesure l’échelle des sons, indique et donne le la aux instrumentistes, qui doivent s’y conformer, sous peine de cacophonie, d’où le jeu avec l’expression « passer sous les Fourches Caudines », c’est-à-dire, « se soumettre au joug de, s’humilier devant », en référence au célèbre épisode de l’histoire romaine, en 321 av. J.-C., où l’armée romaine, bloquée par les Samnites dans le défilé des Fourches Caudines, dut subir l’humiliation d’avancer devant ses vainqueurs, les mains liées derrière le dos. Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume.

DIAMANTS — Ce ne sont pas ces dames qui se plaignent quand on jette de ces pierres-là dans leur jardin.

DICTATEUR — Ça signe sauveur, mais l'histoire s'obstine presque toujours à lire sauteur.

DIEU — Ni vu, ni connu !...

DIGESTION — Puisse-t-elle ne jamais vous faire penser au vers :

Triste retour, monsieur, des choses d'ici-bas[Par Marie Daumont] Variation parodique sur la réplique de Dorine dans Tartuffe de Molière : « Juste retour, monsieur, des choses d’ici-bas ; / Vous ne vouliez pas croire, et l’on ne vous croit pas. » (acte 5, scène 3). Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume. !

DIGNITÉ — Un mot dont le singulier et le pluriel n 'ont jamais pu se mettre d 'accord.[Par Marie Daumont] Par ce jeu sur le singulier et le pluriel, critique récurrente, dans le contexte de la défaite devant la Prusse, contre les marques officielles de la gloire militaire et l’absence de véritable titre à cette gloire (voir l’entrée « Croix (d’honneur) »)

DIMANCHE — Jour où, sous prétexte de se reposer, on se rend malade pour toute la semaine.

DIPHTHONGUE — Deux voyelles qui parlent à la fois.[Par Marie Daumont] Parce qu'elles se prononcent simultanément.

DIPLOMATIE — Loyauté à double fond.

DISCIPLE — Avez-vous vu ces miroirs qui déforment la figure quand on se regarde dedans ? Voilà.

DISCIPLINE — Vous lui donnez un homme, elle vous rend une machine.

DISCORDE — Locataire principale du théâtre de Versailles.[Par Quentin Lamorlette] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume, elle vise l’Assemblée nationale qui, après s’être réfugiée à Bordeaux, à la suite de la défaite de Sedan, n’avait pu revenir à Paris en raison de la Commune (mai 1871) et avait alors élu domicile à l’Opéra royal du château de Versailles, théâtre, à tous égards !, de vifs débats, à propos notamment de la nature du gouvernement (monarchie, république ?) (voir les entrées « Babil » et « Babel »).

DISCOURS — Que voulez-vous ! c'est le seul inconvénient de l'éloquence.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.

DISPENSES — Prix courants du salut.[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Satire anticléricale récurrente contre notamment les « Indulgences » (voir aussi l’entrée à ce mot), qui, à l’origine, désignent une remise, une dispense d’une pénitence imposée par l’Église, puis une intercession auprès de Dieu (Encyclopedia universalis), par les autorités ecclésiastiques pour la remise des péchés : « payantes » à tous égards !, elles étaient accordées à une époque donnée (jubilés, fêtes liturgiques), d’où la métaphore du « prix courant », c’est-à-dire lié à une période donnée, à la différence du « prix constant ».

DIVIDENDE — Actionnaire, rappelle-toi saint Thomas. Il demandait à toucher avant de croire.[Par Quentin Lamorlette] Critique récurrente du monde des affaires et des actionnaires bernés par les Robert-Macaire aux dividendes « antichipés » (voir les entrées « Actionnaire » et « Anticiper »), avec un jeu sur la déclaration de l’incrédule saint Thomas, après la résurrection du Christ : « Si je ne vois à ses mains la marque des clous, si je ne mets le doigt dans la marque des clous et si je ne mets la main dans son côté, je ne croirai pas. » (Jean, 20, 25-26).

DIVORCE — Les autres condamnés à perpétuité ont bien l'amnistie en perspective.[Par Marie Daumont] Si les Communards condamnés à mort bénéficieront d'une amnistie en 1880, les époux condamnés au mariage devront attendre 1884 pour que le divorce, aboli en 1816, soit rétabli.

DOCTEUR — Un chasseur pour qui la chasse est ouverte toute l'année.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l'édition en volume.

DOGME — Je n'en sais rien, donc j'en suis sûr.[Par Marie Daumont] Allusion satirique anticléricale à la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception (1865) et du dogme de l’Infaillibilité pontificale (proclamé le 18 juillet 1870, à l’issue du Concile Vatican I réuni en décembre 1869) : voir aussi les entrées « Agent » et « Infaillibilité ».

DOIGT (de la providence) — Au lieu de nous montrer partout ce fameux doigt, il me semble qu'elle ferait mieux de nous tendre la main.[Par Marie Daumont] Poursuite de la satire avec le jeu sur l’expression « tendre la main » et sur la formule biblique, dès lors renouvelée, « le doigt de Dieu », c’est-à-dire la manifestation de la volonté divine dans la création tout entière, jugée ici d’une aide toute relative ! Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume.

DOMESTIQUE — Maladie interne.

DOT — Remède externe.[Par Marie Daumont] Parce qu’il s’agit des biens, mobiliers ou immobiliers, que la future mariée peut apporter au ménage lors du mariage, et qui viennent donc compenser certains maux domestiques, la ruine du futur époux, par exemple !

DOUTE — A-t-il été assez exploité par les religions ! Dame ! par un grand brouillard, on s'attache au bras du premier guide venu.[Par Nathalie Preiss] Entrée apparue dans la tranche complémentaire du 21 février 1873, en vue de l’édition en volume, qui poursuit la critique anticléricale des entrées « Doigt », « Dogme ».

DRAPEAU — Ce que c'est pourtant que les conventions !... Entrer dans une boutique et dire : « Donnez-moi trois mètres cinquante d'étoffe pour me faire une patrie ![Par Quentin Lamorlette] Déjà présente dans la tranche alphabétique correspondante parue dans Le Charivari du 25 décembre 1869 (voir l’entrée « Apostat »), cette entrée prend dans cette édition de 1874 un nouveau relief, après l’échec des tentatives de Restauration de la branche aînée des Bourbons, lié à la question du choix de la couleur du drapeau, hautement symbolique : le comte de Chambord avait refusé par deux fois, en 1871 et en 1873, de troquer le drapeau blanc pour le drapeau tricolore (voir les entrées « Absence », « Absent », « Diadème »).

DROIT — Un synonyme de Force.[Par Quentin Lamorlette] Jeu sur la formule de Bismarck : « La force prime le droit » (qui signifierait que le pouvoir exécutif l’emporte sur le pouvoir législatif, lorsqu’il s’enlise dans des débats infructueux), caricaturée par Cham dans Le Charivari du 2 septembre 1864, au moment où la Prusse s’impose face à l’Autriche : « Professeur du nouveau droit prussien développant l’axiôme : La force prime le droit. — Du biceps, der Teufel ! un beau coup de poing ! tout est là ! ». Mais, dans cette édition de 1874, cette entrée (initialement parue dans Le Charivari du 1er janvier 1870) joue aussi avec le retournement de la formule par André Gill, dans la caricature parue à la une de L’Éclipse du 25 mai 1873 : « Le droit prime la force », représentant la Justice tenant en laisse un ours très monarchique avec sa fleur de lys — allusion à la tentative avortée d’une restauration des Bourbons en la personne du comte de Chambord, par les légitimistes élus en nombre à l’Assemblée aux élections du 8 février 1871, et réputés favorables à l’alliance du sabre et du goupillon !

DUEL — À preuve...[Par Marie Daumont et Nathalie Preiss] Effet de miroir entre le duel, qui n’est effectif que lorsque l’un des deux adversaires, les « contraires », est touché, et l’expression juridique « À preuve du contraire », soit « la vérité admise en attendant que soit prouvé le contraire », précisément par mise en attente du terme « contraire » ! Cette entrée, déjà présente dans la tranche alphabétique correspondante parue dans Le Charivari du 1er janvier 1870, peut, dans cette édition de 1874, d’une part, faire écho à l’entrée « Déclaration », fondée sur la métaphore du duel, en suggérant une éventuelle revanche de la France contre la Prusse, et, d’autre part, faire référence à la discussion d’alors sur une énième loi interdisant le duel (notamment après l’assassinat par Pierre Bonaparte, le 10 janvier 1870, du journaliste Victor Noir, témoin du directeur de journal Grousset, gambettiste avec qui Pierre Bonaparte était en délicatesse, confondu avec celui de Rochefort, fondateur de La Lanterne antibonapartiste, avec qui le cousin de Napoléon III était aussi en conflit), « contraire » au duel, témoin cette caricature de Cham, parue dans Le Charivari du 14 novembre 1872, « LOI CONTRE LE DUEL », avec cette légende : « Exiger que le combattant soit entre ses deux témoins quand son adversaire lui tire dessus » [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3067090t/f3.highres].

DYNASTIE — Ce qui s'appelle compter sans son hôte.[Par Quentin Lamorlette et Nathalie Preiss] Expression qui signifie « se tromper », « attendre quelque chose qui ne se réalise pas », en l’occurrence, la pérénnité des dynasties. Déjà présente dans la tranche alphabétique correspondante parue dans Le Charivari du 1er janvier 1870, cette entrée prend un relief particulier dans cette édition de 1874, après l’effacement des Bourbons de la branche aînée (à la suite du retour avorté du comte de Chambord) ou de la branche cadette (avec le comte de Paris, se retirant au profit du comte de Chambord) et celle des Bonaparte (avec la chute de Napoléon III, mort le 9 janvier 1873).


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