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L’empereur du Mogol, informé des exploits de Palémon, apprit en même temps qu’il était fils de laboureur, et que son ambition égalait celle des rois. Il crut qu’il pourrait satisfaire ce héros en lui offrant sa fille et la moitié de son royaume, s’il voulait abandonner la cour de Siam et passer à son service. La paix qu’il avait été forcé de faire était ignominieuse pour lui, et préjudiciable aux intérêts de son empire. La vengeance des rois est égale à celle des dieux. Il n’y a point de sacrifice qu’ils ne fassent pour triompher et pour abattre le pouvoir de leurs égaux. Il envoya donc en secret une personne de confiance à Siam, chargée d’entretenir ce héros, et de lui faire de sa part les propositions les plus avantageuses.
Le rétablissement de la princesse le ramena bientôt à la cour de Siam ; les deux amants s’en étaient assez dit pour ne pas chercher à s’entretenir encore. De retour à Siam, on fit des fêtes en l’honneur du rétablissement de la princesse. Les tournois
Les jeunes gens de Siam avaient besoin de cette école. Ils arrivaient chez les dames à toute heure du jour en bottes, et le fouet à la main. Aussi indécents dans leurs propos que dans leur costume, ils ne parlaient que de colifichets
Le roi de Siam voulut donc élever l’âme de ses sujets, surtout des courtisans, qui étaient plus corrompus que les autres, et dégénéraient même déjà en bassesse et en lâcheté. Il n’avait qu’un héros dans son royaume, et ce héros, à qui portaient envie tous ces hommes corrompus, sortait des mains de la nature, quoiqu’issu du sang des rois.
Enfin, le jour du premier tournoi arriva. Tous les grands de la cour entrèrent en lice ; mais le jeune Palémon fut vainqueur de tous. Il fut donc encore de nouveau couronné par la princesse. Quel nouvel empire Palémon ne prit-il pas dans son cœur ! On ne parlait que de lui ; on ne louait que sa personne, sa vaillance, son intrépidité, ses grâces, sa jeunesse et son esprit. L’envoyé secret du grand Mogol fut témoin de tous ces hommages publics rendus à Palémon. Il se transporta le lendemain chez ce héros admirable. Déjà cet envoyé était connu à Siam : on observait sa conduite, ses actions ; on suivait ses pas, ses démarches, et on ne manqua point de dire au roi qu’il s’était rendu chez Palémon, et qu’il était resté au moins trois heures renfermé avec lui dans son cabinet. Le roi n’en prit aucune défiance ; il connaissait trop les sentiments de son héros, pour le soupçonner de quelque affreux complot. La princesse, ne pouvant plus contenir son amour, chargea sa confidente de déclarer à Palémon qu’elle ne le voyait pas indifféremment ; qu’elle se flattait que son père n’aurait point de répugnance à l’unir avec lui, s’il pouvait jamais craindre de le perdre.
La confidente accepta la commission, espérant en faire son profit. Elle écrivit donc au nom de la princesse, au jeune héros de se rendre chez elle, qu’elle avait quelque chose à lui communiquer de sa part. L’intrépide guerrier, brûlant d’amour, arrive aussi prompt que l’éclair chez la confidente de la princesse ; mais quel fut son étonnement d’entendre cette femme, qui l’avait plusieurs fois tourmenté par ses hommages
Palémon fut transporté. Sa gloire, son élévation, tous ses avantages, étaient moins intéressants à ses yeux, moins flatteurs que cet aveu. Il ne savait que répondre au discours de la confidente ; mais tandis qu’il dissimulait ses sentiments, l’envie et la jalousie fermentaient dans tous les cœurs. On chercha les moyens les plus adroits et les plus naturels qui pouvaient le rendre coupable aux yeux du roi. L’entrevue de l’ambassadeur chez Palémon, à l’insu de Noradin, pouvait aisément le faire suspecter ; et ce moyen eut tout l’effet que les courtisans pouvaient désirer. Le roi, frappé de cette nouvelle, projeta de s’en faire instruire plus particulièrement ; il donna des ordres pour qu’on épiât la conduite de Palémon, ainsi que celle de l’ambassadeur, et qu’on vînt l’avertir sur-le-champ, lorsqu’ils seraient ensemble. Palémon, non seulement était un guerrier noble, intrépide et généreux, mais il possédait encore une philosophie digne de l’admiration de tous les hommes, que peu connaissent, et que peu observent encore plus rarement.
La proposition de l’empereur, qui lui offrait sa fille, et les instances
« Je suis venu à Siam sous le prétexte de proposer la paix à votre roi, mais ma démarche a pour but d’exciter la guerre. Si vous devenez l’allié de mon maître, il vous donne sa fille et partage avec vous son trône ; jamais le roi de Siam ne vous élèvera si haut. Je ne puis me résoudre à partir, sans témoigner à mon souverain avec quelle exactitude je me suis acquitté de ma mission suivant ses désirs ; si vous réfléchissez bien sur tous les avantages que je vous offre de la part de mon maître, vous me donnerez un rendez-vous qui me prouve que vous ne rejetez pas les faveurs dont le sort semble s’empresser de vous combler. »
Cette lettre fut interceptée et remise entre les mains du roi, qui, après en avoir pris lecture, fit remettre le cachet et l’envoya à Palémon, pour savoir enfin quelle serait sa réponse. Ô Palémon, ô jeune homme infortuné, quel sort on te prépare ! Ta vertu, ta probité
Palémon, furieux de voir que l’ambassadeur avait conspiré contre un roi pour qui il aurait donné de bon cœur ses jours, et de ce qu’il le soupçonnait capable de trahir son souverain pour satisfaire son ambition, jura d’en tirer vengeance, et mit par apostille au bas du billet : « Je vous attends avec impatience ; vous serez satisfait de moi, et vous apprendrez à me connaître. »
Cette réponse ambiguë pouvait annoncer également la résolution d’un héros et la perfidie d’un scélérat. Malheureusement pour Palémon, la lettre de l’ambassadeur semblait attendre cette réponse. C’en fut assez pour perdre Palémon. Dans l’instant les ordres les plus rigoureux furent donnés pour qu’on le saisît. Il fut enfermé dans une tour obscure où l’on mettait les criminels d’état. On commença sur-le-champ son procès. Le roi ne traitait plus Palémon que d’ingrat et de traître. Il fut arrêté
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