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Madame de Singa à la Marquise d’Hersilie.
Du Château de Fionie.
Mon malheur est décidé, mon Amie, M. de Zéthur a rompu ouvertement. Ma douleur me faisant rechercher la solitude, j’ai entendu dans un bosquet une conversation avec un de ses rivaux, qui m’a déchiré l’âme. Ah ! mon Amie, plaignez-moi, l’illusion est cessée ; M. de Zéthur est l’Amant déclaré de Madame de Cotyto : il l’a suivie, et depuis huit jours nous n’avons point eu de ses nouvelles. M. de Fionie est furieux ; il voulait aller trouver le Ministre, et faire partir le Chevalier, sur le champ, pour son Régiment : ce n’est qu’à ma pressante sollicitation qu’il a cédé. M. de Zéthur est dans l’erreur ; il faut que le temps le corrige. Un acte de violence ne lui inspirerait pour moi que de la haine, et j’en mourrais. Je ne veux opposer à sa légèreté, que des preuves de ma tendresse ; il a perdu considérablement ; il est prêt à partir pour Plombières avec la Baronne ; il est fort embarrassé : je vais lui faire passer de l’argent, sans qu’il sache que c’est de moi qu’il le tient. Oui, je veux le forcer à regretter le cœur qu’il afflige : je veillerai sans cesse sur lui, et je préviendrai tous ses besoins ; mais concevez-vous la Baronne ? Elle se fait un jeu des tourments des autres ; elle a une douzaine d’Amants en titre, et il n’y en a qu’un de libre : car enfin, mon Amie, M. de Zéthur ne l’est pas. N’ai-je pas reçu ses serments ? Mon sort n’allait-il pas être lié au sien pour la vie ? Je touchais au bonheur, et le manège le plus affreux m’en prive. Je n’ose faire voir à Madame de Fionie tout mon chagrin ; elle est elle-même très affectée. Combien Madame de Cotyto cause de malheurs ! Combien elle fait verser de larmes ! Est-il possible qu’un Être qui réunit autant de qualités, ne les emploie que pour le tourment des autres : elle pourrait contribuer au bonheur de ses Amis, et elle empoisonne leurs jours, déshonore son Mari, et se perd pour la vie. Que lui ai-je fait pour m’accabler ainsi ? Je la plaignais, j’employais tous mes soins à la tirer de son erreur, et je tâchais de lui prouver que le bonheur consistait dans la paix du cœur et l’estime de soi-même ; que cet essaim d’Amants lui faisait tort, quoiqu’elle ne fût pas réellement coupable. Je lui demandais si la vie bruyante qu’elle menait, ne laissait pas toujours un vide dans son âme, qui serait nécessairement remplacé par les remords les plus déchirants. Je lui faisais enfin le tableau d’une union bien assortie, et je peignais d’avance le bonheur dont j’allais jouir, en épousant M. de Zéthur : elle paraissait m’écouter, m’applaudissait et tramait en même temps la plus noire perfidie. Ah ! mon Amie, je ne puis penser à sa conduite sans frémir. C’est elle qui a tout fait, n’en doutez point. M. de Zéthur m’aimait, Madame de Cotyto a employé tous les ressorts de la coquetterie
La Marquise d’Hersilie à Madame de Singa.
Du Château d’Hersilie.
IL
Attendez tout du temps, mon Amie, il vaut beaucoup mieux, si le Chevalier revient à vous, et que vous lui pardonniez, payer les folies
Au nom de l’amitié la plus tendre, renoncez à un projet qui vous deviendrait funeste ; ne craignez pas de déposer vos chagrins dans le sein de Madame de Fionie : vous vous consolerez mutuellement. La douleur concentrée absorbe nos facultés, et ne nous laisse aucun moyen pour parer aux événements. Je sais, comme vous, que les peines du cœur sont les plus sensibles ; mais il faut de la fermeté, du courage et de la constance, pour supporter les maux dont nous sommes assaillis.
La Vicomtesse de Thor à la Baronne de Cotyto.
Du Château de….
On n’entend pas plus parler de vous, que si vous étiez noyée dans les bains : voilà ce que c’est, vous ne m’écrivez que lorsque vous avez besoin de mes conseils, mais toujours trop tard ; aussi je vous promets de vous tenir rigueur ; vous m’en montrez l’exemple. J’aurais bien l’envie de vous laisser ignorer l’aventure de la Comtesse de Menippe, mais ce serait porter ma rancune un peu trop loin. Je serais la première punie ; elle fera d’ailleurs rire beaucoup à Plombières, où l’on n’a rien de mieux à faire. Depuis qu’il y a des femmes, et par conséquent depuis qu’il règne dans notre sexe une rivalité, on n’a pas plus humilié une Coquette
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