Corpus Le Docteur mysterieux

Tome 2 - Chapitre 51

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LI Rupture de Danton avec la Gironde[Par GaelleGuilissen] Ce chapitre a été publié dans les numéros du Siècle du 4, 5 et 6 mars 1870.

Le 29 mars, à huit heures du soir, Danton et Lacroix rentraient à Paris.

Au lieu de rentrer chez lui, passage du Commerce, ou à sa maison de campagne du coteau de Sèvres, Danton, profitant des ténèbres et du vaste manteau dans lequel il était caché, alla frapper à la porte de Jacques Mérey.

Sur le mot : « Entrez ! » la porte s’ouvrit et Danton parut sur le seuil.

Jacques le reconnut, et, tandis que le regard inquiet de Danton s’assurait qu’ils étaient bien seuls, il alla droit à lui, lui tendit la main.

– Tu arrives ? lui dit-il.

– Tout droit de Bruxelles, répondit Danton.[Par GaelleGuilissen] [Tout droit de Bruxelles, répondit Danton.] On trouve ici un retour à la ligne dans le journal. Jacques approcha une chaise.

– Je viens à toi, dit Danton, comme à un homme que je crois mon ami, et à qui je veux prouver que je suis le sien. Ni cette nuit, ni demain je n’irai à la séance. Je veux avant d’y mettre le pied savoir bien au juste où en est l’opinion. En refusant de venir avec moi auprès de Dumouriez, Guadet et Gensonné se sont perdus et ont perdu la Gironde avec eux. S’ils étaient venus avec moi, s’ils eussent parlé à Dumouriez avec la même fermeté que moi, j’étais obligé de rendre témoignage, et mon témoignage les défendait. Où en est-on ici ?

– L’exaspération est à son comble, répondit Jacques. Le comité de surveillance a, la nuit dernière, lancé des mandats d’arrêt contre Égalité père et fils, et ordonné qu’on mît sous les scellés les papiers de Roland.

– Tu vois, dit Danton s’assombrissant : c’est la déclaration de guerre. Quelqu’un des vôtres va faire l’imprudence de m’attaquer demain : il faudra que je réponde, et je vous écraserai tous, toi malheureusement comme les autres.

» Maintenant, écoute ceci : Nous avons la nuit et la journée de demain devant nous. J’ai encore assez de pouvoir pour te faire envoyer en mission quelque part, dans le Nord, dans le Midi, à nos armées des Pyrénées, par exemple ; c’est là que tu serais le plus en sûreté ; tu n’as aucun engagement avec les girondins.

Jacques ne laissa point achever Danton ; il lui posa la main sur le bras :

– Assez, dit-il, tu ne fais pas attention que ton amitié pour moi est presque une insulte. Je n’ai aucun engagement avec les girondins, mais, n’ayant pas voté la mort du roi, j’eusse été repoussé par la Montagne ; j’ai été m’asseoir dans leurs rangs, je leur étais inconnu, ils m’ont accueilli ; ils ne sont pas mes amis, ils sont mes frères.

– Eh bien ! dit Danton, préviens ceux d’entre eux que tu voudras sauver, afin que, d’avance, ils se ménagent des moyens de fuir lorsque le jour sera venu. Je ne suis pour rien dans la saisie des papiers de Roland, mais, selon l’habitude, c’est sur moi qu’on la rejettera. Si l’on ne m’atteint pas[Par GaelleGuilissen] [Si l'on ne m'atteint pas] "Si l'on ne m'attaque pas", je me tairai ; j’ai, Dieu merci ! assez fait pour amener une alliance entre tes amis et moi ; ils m’ont toujours dédaigneusement repoussé ; eh bien ! ce n’est plus une alliance que je leur propose, c’est une simple neutralité.

– Tu ne doutes pas, répondit Jacques, de la douleur que j’éprouve lorsque je te vois en butte, d’un côté, à l’éloquence des girondins, de l’autre, aux injures des montagnards, mais tu sais qu’il arrive une heure où rien ne peut détourner le fleuve de sa route. Nous sommes entraînés par une force irrésistible à l’abîme, rien ne nous sauvera.

» J’allais souper, soupe avec moi.

Danton jeta son manteau et s’approcha de la table toute servie.

– D’ailleurs, dit Danton, tu sais que tu n’as pas besoin de chercher un refuge, tu en as un tout trouvé chez moi ; l’on ne viendra pas t’y chercher, et vînt-on t’y chercher, moi vivant il ne tombera pas un cheveu de ta tête.

– Oui, dit Jacques en servant Danton avec le même calme que s’ils eussent parlé de choses auxquelles ils fussent étrangers ; oui, mais ta tête tombera à toi ; nous ne sommes plus à ces vieux jours de Rome où le gouffre se refermait sur Décius ; on y jettera nos vingt-deux têtes, car je crois qu’on les a déjà comptées pour le bourreau, et le gouffre restera ouvert pour la tienne et pour celles de tes amis. J’ai parfois, comme le vieux Cazotte, des moments d’illuminisme pendant lesquels je lis dans l’avenir. Eh bien ! mon ami, ce que tu me disais il y a quelques jours en parlant de ceux qui ont vu ce printemps-ci et qui ne verront pas l’autre ; de ceux qui verront l’autre et pour qui l’autre sera le dernier, cela m’est souvent revenu dans l’esprit, et j’ai vu dans mes rêves bien des tombes sans nom, dans les profondeurs desquelles cependant je reconnaissais les ensevelis. Parmi ces tombes, je n’ai pas vu la mienne ; je n’irai pas chez toi parce que, je te l’ai dit, je te perdrais probablement en y allant. J’ai un ami, moins cher que toi puisque je ne l’ai vu qu’une fois, mais dont la demeure est plus sûre que la tienne.

– Je ne te demande pas son nom, dit insoucieusement Danton ; tu es sûr de lui, c’est tout ce qu’il me faut. Tu as du bon bourgogne, c’est le seul vin que j’aime, leur diable de vin de Bordeaux n’est pas fait pour des hommes. On voit bien que tous tes girondins ont été nourris de ce vin-là. Éloquents et vides ! Sais-tu ceux que je crains parmi eux ? Ce ne sont pas les éloquents comme Vergniaud, comme Guadet, ce sont ceux qui vous jettent tout à coup à la face, en termes impolis, une injure à laquelle on ne sait que répondre. Heureusement que je suis préparé à tout. On m’a tant calomnié que je ne serai pas étonné le jour où on m’accusera d’avoir emporté sur mon dos les tours de Notre-Dame.

– Que fais-tu ce soir ? demanda Mérey. Restes-tu avec moi ici, et veux-tu que je te fasse dresser un lit ?

– Non, dit Danton, j’ai voulu recevoir de toi un avis et t’en donner un, j’ai voulu te préparer à ce qui va se passer incessamment, c’est-à-dire à la chute du parti auquel tu t’es allié ; comme tu n’es pas ambitieux, tu n’auras pas à regretter tes espérances perdues ; moi, je l’ai été, ambitieux !

Et il poussa un soupir.

Mais je te jure que si je n’étais pas enfoncé jusqu’à la ceinture dans la question, je te jure que si je ne croyais pas que la France a encore besoin de ma main, de mon cœur et de mon œil, je prendrais Louise, l’enfant que tu as vue l’autre jour et que je vais revoir ce soir, je prendrais Louise dans mes bras ; je fourrerais dans ses poches et dans les miennes les trente ou quarante mille francs d’assignats qui me restent, et je l’emporterais au bout du monde, laissant girondins et montagnards s’exterminer à leur fantaisie.

Il se leva, reprit son manteau.[Par GaelleGuilissen] [Il se leva, reprit son manteau.] Fin de la partie du chapitre publiée dans Le Siècle du 4 mars.

– Ainsi, tu dis que ce sera pour après-demain ? demanda Jacques Mérey.

– Oui, si tes amis me cherchent querelle ; s’ils me laissent tranquille, ce sera pour dans huit jours, pour dans quinze jours, pour la fin du mois peut-être ; mais ça ne peut aller loin[Par GaelleGuilissen] [ça ne peut aller loin] "ça ne peut pas aller loin". Songe en tout cas à ce que je t’ai dit. Ne te laisse pas arrêter, sauve-toi, et, si l’ami sur lequel tu comptes te manque, pense à Danton, il ne te manquera pas.

Les deux hommes se serrèrent la main. Danton avait conservé sa voiture. Jacques s’était mis à la fenêtre pour le suivre des yeux ; il l’entendit donner l’ordre au cocher de le conduire à Sèvres, et, regardant le cabriolet s’éloigner vers le guichet du bord de l’eau :

– Il est heureux, murmura-t-il, il va revoir son Éva.

Jacques Mérey avait dit vrai ; jamais la Convention n’avait été plus tumultueuse. Danton était parti le 16, il revenait le 29. Pendant cet espace de temps, si court qu’il fût, une lumière s’était faite en quelque sorte d’elle-même : personne ne doutait plus de la trahison de Dumouriez. La lettre n’avait pas été lue, nulle preuve n’était arrivée, ses entrevues avec Mack étaient encore ignorées, et cette grande voix qui n’est que celle du bon sens public, après l’avoir dit tout bas, disait tout haut :

Dumouriez trahit.

Le 1er avril, les amis de Roland, qui recevaient leur inspiration de sa femme bien plus encore que de lui, arrivèrent furieux à la Chambre. Ils avaient appris qu’on avait saisi les papiers de l’ex- ministre.

Il y avait une chose singulière, c’était, à la droite comme à la gauche, un député envoyé par le Languedoc.

Le Languedoc avait envoyé à la Chambre, nous le répétons, deux ministres protestants, deux vrais Cévenols, aussi amers, aussi âpres, aussi violents l’un que l’autre.

À la droite, c’était Lassource, un girondin ;

À la gauche, c’était Jean Bon Saint-André, un montagnard.

Au moment où Danton entra, Lassource était à la tribune, il annonçait que Danton et Lacroix, arrivés depuis l’avant-veille, n’avaient point encore paru, qu’on avait pu le voir à la Chambre. Que faisaient-ils ? pourquoi cette absence de vingt-quatre heures dans de pareils moments ?

Évidemment il y avait un secret là-dessous.

– Voilà, disait Lassource, voilà le nuage qu’il faut déchirer.

En ce moment, nous l’avons dit, Danton entrait. Mais, arrivé à sa place, au lieu de s’asseoir, soupçonnant qu’il était question de lui, il resta debout. C’était debout que le Titan voulait être foudroyé.

Lassource le vit se dressant devant lui comme une menace ; mais, loin de reculer, il fit un geste désignateur.

– Je demande, dit-il, que vous nommiez une commission pour découvrir et frapper le coupable ; il y a assez longtemps que le peuple voit le trône et le Capitole ; il veut maintenant voir la roche Tarpéienne et l’échafaud.

Toute la droite applaudit.

La Montagne et la gauche gardèrent le silence.

– Je demande de plus, continua Lassource, l’arrestation d’Égalité et de Sillery. Je demande enfin, pour prouver à la nation que nous ne capitulerons jamais avec un tyran, que chacun de nous prenne l’engagement solennel de donner la mort à celui qui tenterait de se faire roi ou dictateur.

Et, cette fois, l’Assemblée tout entière se levant, Gironde comme jacobins, Plaine comme Montagne, droite comme gauche, chacun, avec un geste de menace, répéta le serment demandé par Lassource.

Pendant le discours de Lassource, tous les yeux avaient été un instant fixés sur Danton. Jamais peut-être sa figure bouleversée n’avait en si peu de minutes parcouru toutes les gammes de la physionomie humaine. On avait pu y lire d’abord l’étonnement d’un orgueil qui, tout en prévoyant cette attaque, la regardait comme impossible ; la colère qui lui soufflait tout bas de bondir sur cet ennemi qui n’était qu’un insecte comparé à lui ; puis le dédain d’une popularité qui croyait pouvoir tout braver. L’esprit, à le regarder, se troublait comme l’œil à plonger dans un abîme ; puis, quand Lassource eut fini, il se pencha vers la Montagne, en murmurant à demi- voix :

– Les scélérats ! ce sont eux qui ont défendu le roi et c’est moi qu’ils accusent de royalisme !

Un député nommé Delmas l’avait entendu :

– N’allons pas plus loin, dit-il, l’explication qu’on provoque peut perdre la République ; je demande qu’on vote le silence.

Toute la Convention vota le silence ; Danton sentit qu’en ayant l’air de l’épargner on le perdait.

Il bondit à la tribune, renversant ceux qui voulaient s’opposer à son passage ; puis, une fois arrivé sur cette chaire aux harangues où il venait d’être attaqué si rudement[Par GaelleGuilissen] [attaqué si rudement] "attaqué si cruellement" :

– Et moi, dit-il, je ne veux pas me taire ; je veux parler !

La Convention tout entière subit son influence, et, malgré le vote qu’elle venait de rendre, elle écouta.

Alors, se tournant du côté de la Montagne et indiquant du geste qu’il s’adressait aux seuls montagnards :

– Citoyens, dit-il, je dois commencer par vous rendre hommage. Vous qui êtes assis sur cette Montagne, vous aviez mieux jugé que moi ; j’ai cru longtemps que, quelle que fût l’impétuosité de mon caractère, je devais tempérer les moyens que la nature m’a départis, pour employer dans les circonstances difficiles où m’a placé ma mission la modération que les événements me paraissaient commander. Vous m’accusiez de faiblesse, vous aviez raison, je le reconnais devant la France entière. C’est nous qu’on accuse, nous faits pour dénoncer l’imposture et la scélératesse, et ce sont les hommes que nous ménageons qui prennent aujourd’hui l’attitude insolente de dénonciateurs.

» Et pourquoi la prennent-ils ? Qui leur donne cette audace ? Moi-même, je dois l’avouer ! Oui, moi, parce que j’ai été trop sage et trop circonspect ; parce que l’on a eu l’art de répandre que j’avais un parti, que je voulais être dictateur ; parce que je n’ai point voulu, en répondant jusqu’ici à mes adversaires, produire de trop rudes combats, opérer des déchirements dans cette Assemblée. Pourquoi ai-je abandonné aujourd’hui ce système de silence et de modération ? Parce qu’il est un terme à la prudence, parce que, attaqué par ceux-là mêmes qui devraient[Par GaelleGuilissen] [devraient] "devaient" s’applaudir de ma circonspection, il est permis d’attaquer à son tour et de sortir des limites de la patience. Nous voulons un roi ! eh ! il n’y a que ceux qui ont eu la lâcheté de vouloir sauver le tyran par l’appel au peuple qui peuvent être justement soupçonnés de vouloir un roi. Il n’y a que ceux qui ont voulu manifestement punir Paris de son héroïsme, en soulevant contre Paris les départements ; il n’y a que ceux qui ont fait des soupers clandestins avec Dumouriez quand il était à Paris ; il n’y a que ceux-là qui sont les complices de sa conjuration !

Et, à chaque période, on entendait les trépignements de la Montagne et la voix de Marat [Par GaelleGuilissen] [la voix de Marat] "la voix aigre de Marat"qui, à chacune de ces insinuations :

– Entends-tu, Vergniaud ? entends-tu, Barbaroux ? entends-tu, Brissot ?

– Mais nommez donc ceux que vous désignez ! crièrent Gensonné et Guadet à l’orateur.

– Oui, dit Danton ; et je nommerai d’abord ceux qui ont refusé de venir avec moi trouver Dumouriez, parce qu’ils eussent rougi devant leur complice ; je nommerai Guadet, je nommerai Gensonné, puisqu’ils veulent que je parle.

– Écoutez ! répéta Marat de sa voix aigre et criarde ; et vous allez entendre les noms de ceux qui veulent égorger la patrie !

– Je n’ai pas besoin de nommer, reprit Danton, vous savez bien tous à qui je m’adresse ; je terminerai par un mot qui contient tout. Eh bien ! continua-t-il, je dis qu’il n’y a plus de trêve possible entre la Montagne, entre les patriotes qui ont voté la mort du tyran et les lâches qui, en voulant le sauver, nous ont calomniés par toute la France !

C’était ce que la Montagne attendait si impatiemment et depuis si longtemps.

Elle se leva comme un seul homme et poussa une longue exclamation de joie ; la mise en accusation des girondins, de ces éternels réprobateurs du sang, venait d’être lancée par celui-là même qui avait essayé si longtemps la réconciliation de la Montagne et de la Gironde.

– Oh ! je n’ai pas fini, cria Danton en étendant le bras ; qu’on me laisse parler jusqu’au bout.

Et le silence se rétablit aussitôt, même sur les bancs de la Gironde, silence frémissant et plein de colère, mais qui, fidèle jusqu’au bout à son obéissance à la loi, laissait parler sans l’interrompre le tribun qui l’accusait, par cela même que c’était à lui la parole.

Alors Danton sembla se replier sur lui-même :

– Il y a assez longtemps que je vis de calomnie, continua-t-il ; elle s’est étendue sans façon sur mon compte, et toujours elle s’est d’elle-même démentie par ses contradictions ; j’ai soulevé le peuple au début de la Révolution, et j’ai été calomnié par les aristocrates ; j’ai fait le 10 août, et j’ai été calomnié par les modérés ; j’ai poussé la France aux frontières et Dumouriez à la victoire, et j’ai été calomnié par les faux patriotes. Aujourd’hui les homélies misérables d’un vieillard cauteleux, Roland, sont les textes de nouvelles inculpations ; je l’avais prévu. C’est moi qu’on accuse de la saisie de ses papiers, n’est-ce pas ? et j’étais à quatre-vingt lieues d’ici quand ils ont été saisis. Tel est l’excès de son délire, et ce vieillard a tellement perdu la tête qu’il ne voit que la mort et qu’il s’imagine que tous les citoyens sont prêts à le frapper ; il rêve avec tous ses amis l’anéantissement de Paris ! Eh bien ! quand Paris périra, c’est qu’il n’y aura plus de République ! Quant à moi, je prouverai que je résisterai à toutes les atteintes[Par GaelleGuilissen] [Quant à moi, je prouverai que je résisterai à toutes les atteintes] "Quant à moi, je prouverai que je suis un révolutionnaire immuable, que je résisterai à toutes les atteintes", et je vous prie, citoyens, d’en accepter l’augure.

Cromwell ! cria une voix partie de la droite.[Par GaelleGuilissen] On trouve ici un retour à la ligne. Alors Danton se dressa de toute sa hauteur.

– Quel est le scélérat, dit-il, qui ose m’appeler Cromwell ? Je demande que ce vil calomniateur soit arrêté, mis en jugement et puni. Moi, Cromwell ! Mais Cromwell fut l’allié des rois. Quiconque, comme moi, frappe un roi à la tête, devient à jamais l’exécration de tous les rois !

Puis, se tournant de nouveau vers la Montagne :

– Ralliez-vous, s’écrie-t-il, vous qui avez prononcé l’arrêt du tyran ; ralliez-vous contre les lâches qui ont voulu l’épargner ; serrez-vous, appelez le peuple à écraser nos ennemis communs du dedans ; confondez par la vigueur et l’imperturbabilité de votre carrière[Par GaelleGuilissen] [l'imperturbabilité de votre carrière] "l'imperturbabilité de votre caractère" tous les scélérats, tous les modérés[Par GaelleGuilissen] [tous les scélérats, tous les modérés] "tous les scélérats, tous les aristocrates, tous les modérés", tous ceux qui nous ont calomniés dans les départements ; plus de paix, plus de trêve, plus de transaction avec eux !

Un rugissement qui partait de la Montagne lui répondit.[Par GaelleGuilissen] [Un rugissement qui partait de la Montagne lui répondit.] Fin de la partie du chapitre publiée dans Le Siècle du 5 mars.

– Vous voyez, dit Danton, par la situation où je me trouve en ce moment, la nécessité où vous êtes d’être fermes et de déclarer la guerre à vos ennemis quels qu’ils soient. Il faut former une phalange indomptable. Je marche à la République ; marchons-y ensemble. Lassource a demandé une commission qui découvre les coupables et fasse voir au peuple la roche Tarpéienne et l’échafaud ; je la demande, cette commission, mais je demande aussi que, après avoir examiné notre conduite, elle examine celle des hommes qui nous ont calomniés, qui ont conspiré contre l’indivisibilité de la République et qui ont cherché à sauver le tyran.

Danton descendit dans les bras des montagnards. La haine était à son comble entre les girondins et les jacobins. Les girondins n’avaient duré si longtemps que parce que Danton les avait épargnés ; son discours venait de briser la digue qui existait entre les deux partis ; c’était maintenant à la colère et au sang d’y couler.

Séance tenante, au milieu du trouble jeté dans la droite par le discours de Danton, la Convention décrète :

Que quatre commissaires seront nommés pour sommer Dumouriez de comparaître à la barre[Par GaelleGuilissen] [comparaître à la barre] "comparaître à sa barre". Si Dumouriez refuse, ils ont ordre de l’arrêter.

Ces quatre commissaires sont : le vieux constituant, Camus ; deux députés de la droite, Bancal et Quinette ; un montagnard, Lamarque.

Le général Beurnonville, que Dumouriez nomme son élève, et qu’il aime tendrement, les accompagnera pour employer toutes les voies de conciliation avant de rompre avec ce général que ses victoires ont rendu populaire, et qui est resté nécessaire malgré ses défaites.


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