Corpus Causes secretes de la Revolution

Division 8 : Robespierre élimine ses rivaux

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Je l’avouerai : Robespierre, lui-même, paraissant enfin ouvrir les yeux sur tant de calamités publiques, contribua à mon retour vers la vie, dans la lecture de son discours prononcé aux Jacobins, sur la divinité : il semblait, de bonne foi, résolu d’arrêter le torrent dévastateur. L’histoire mettra en problème, s’il n’en excitait pas sourdement l’action, à dessein d’avoir le suprême mérite, aux yeux de la nation, d’être le dieu libérateur, qui seul fermerait l’abîme de la destruction, et ramènerait les hommes aux espérances du bonheur. Ô profondeur de la politique ! On vit paraître l’idée de la conspiration des Hébertistes, dont le système effroyable était l’institution du régime municipal de la commune de Paris, à l’exemple de Rome, sur toute la France. Pour y parvenir, on eût employé l’assassinat direct, les massacres en masse. On aurait vu l’anéantissement du sénat français, et une nouvelle septembrisationVilate parle des "Massacres de Septembre", une suite d'exécutions qui ont eu lieu début septembre 1792, à Paris, Orléans et Versailles suite à un contexte de panique face aux rumeurs de complots et de l'invasion prussienne.. J’ai applaudi sincèrement au juste supplice de ces conspirateurs.

Voilà, sans doute, le premier des écueils[Par Theau Berthelot] Vilate parle ici du Complot des Hébertistes. sur l’un desquels Robespierre craignait, au dîner chez Venua, de voir échouer le vaisseau de la révolution.

Dans le cours de ma carrière politique, j’avais eu occasion de fréquenter le spirituel Camille DesmoulinsCamille Desmoulins, né le 2 mars 1760 et mort le 5 avril 1794, était un avocat, journaliste et révolutionnaire. Il siégea à la convention aux côtés des Montagnards puis prit ses distances après la condamnation des Girondins. Il fut accusé d’être dantoniste et fut guillotiné avec les autres dantonistes. ; de voir, parfois, Danton[Par Tatiana Moisson] Georges Jacques Danton, né le 28 octobre 1759 et mort le 5 avril 1594, était un avocat au Conseil du Roi, un homme politique français et ministre de la justice. Il était le fondateur du club des Cordeliers. Il siégea au côté des Montagnards à la Convention. Il fut éliminé du Comité du salut public en 1793. Il est arrêté le 30 mars 1794. , Tallien, ThuriotJacques Alexis Thuriot, né le 1er mai 1753 et mort le 20 juin 1829, était un avocat au barreau de Paris, il fut désigné par la Marne pour sièger à la Convention où il vota la mort du roi. Il entra au Comité de salut public le 10 Juillet 1793 pour le quitter le 20 Septembre de la même année, après s'être opposé à Robespierre. Après Thermidor, il entra de nouveau au comité de salut public., LegendreLouis Legendre, né le 22 mai 1752 et mort le 13 décembre 1797, était un député à la Convention. Il était partisan d'une union entre les girondins et les montagnards. , BrivalJacques Brival, né le 14 février 1751 et mort le 8 octobre 1820, était un magistrat et homme politique français. , et beaucoup d’autres députés. Je mangeais chez Camille : il daignait me lire quelquefois ses ouvrages avant de les livrer à l’impression. Je portais dans mon cœur, avec la même affection, tous les représentants du peuple. Je croyais naïvement, que le 31 maiIl s'agit du 31 mai 1793, jour où les Montagnards ont renversé les Girondins. avait anéanti toutes les factions. Depuis cette grande, époque, les opérations rapides et unanimes de la convention me confirmèrent dans cette pensée consolante.

Danton et Robespierre étaient liés par les nœuds d’une amitié apparente : ils estimaient leurs talents. L’histoire, sans doute, les présentera comme rivaux, cherchant à se supplanter. L’ambition est la passion dominante des grands caractères. Mais quels que soient les crimes dont la vérité ou l’imposture l'a porte à flétrir leur mémoire; toutefois, il faut rejeter cette fabuleuse conspiration, inventée sur leur compte, ces jours derniers, de s’être concertés dans le projet de placer sur le trône le fils du dernier des tyrans, avec deux Chambres, comme en AngleterreEn Angleterre, le parlement est divisé en deux chambres: celle des Communes du Royaume-Uni et celle des Lords.. Les faits que je vais dire détruisent cette fable ridicule.

LacroixSébastien Lacroix, mort guillotiné le 13 avril 1794, était un homme politique français qui fut nommé au Tribunal Révolutionnaire. Il est guillotiné comme hébertiste. et Legendre, à leur retour des départements, avaient été obligés d’attendre dans les antichambres du comité de salut public. Ce retard ne devait guère s’accorder avec leurs idées d’égalité. Le temple des lois a retenti de leurs plaintes.

Danton, né paresseux, avait négligé d’entrer dans le gouvernement des affaires... il avait fait des absences….., il se croyait fort comme Hercule….., il ne tarda pas à s’apercevoir de ses fautes, de ses négligences. Danton osa se plaindre à la Convention du despotisme des comités sur elle-même. Il est temps, disait-il, que la convention reprenne l’attitude imposante qu’elle tient du peuple, et qu’elle n’aurait pas dû perdre devant quelques-uns de ses membres : je ne fais ici qu’émettre la préface de mon opinion politique. Les Cordeliers s’étaient portés aux Jacobins. Camille Desmoulins jeta dans le public son Vieux CordelierJournal révolutionnaire rédigé par Camille Desmoulins entre décembre 1793 et janvier 1794.: le parti fut bientôt formé , il ne laissait pas que d’être redoutable par son adresse à réclamer vivement contre les mesures de terreur, et de despotisme, sous lesquelles toute la France consternée gémissait dans un morne silence.

Hérault-Séchelles, l’un des plus beaux hommes de son siècle, s’y était rallié dans les affections honnêtes et pures de sa belle âme.

Voilà le second écueilLes modérés, parmi lesquels Danton et Desmoulins. sur lequel Robespierre avait montré sa crainte au dîner dont j’ai parlé.

Camille Desmoulins est attaqué aux Jacobins. On tourmente, on vexe sa famille. Danton prononce le mot d’ultra-révolutionnaire. Robespierre, toujours observateur inquiet sur la direction des événements, affecte tout à la fois de défendre Danton, et d’improuver ses opinions. Il précipite Desmoulins, en prenant superbement envers lui les dehors de la pitié.

Quelques jours avant leur perte, pénétré de douleur, je dînai chez Camille avec sa charmante et vertueuse épouseSa femme est Lucile Desmoulins, guillotinée huit jours après son mari., sa mère d’une très-belle stature, Danton, sa modeste épouse, un jeune homme d’une belle taille et d’une figure intéressante. Je laissai échapper mes inquiétudes à Camille : je lui fis de fréquentes visites. Vingt fois je l’avertis qu’on voulait le guillotiner. Peu avant son arrestation, je le conjurai de se tenir sur ses gardes....... On les arrête ; on dresse tout exprès une liste de jurés. Barère m’avait proposé. Billaud-Varennes et Collot-d’Herbois, objectèrent mes liaisons avec les victimes. Je suis éliminé. La révolution, comme Saturne, eut bientôt dévoré ses plus tendres enfantsLa révolution, comme Saturne, eut bientôt dévoré ses plus tendres enfant Cette phrase, fréquemment citée à cette période, est attribuée au grand orateur révolutionnaire girondin Pierre Vergniaud (1767-1795). Elle est attribuée par Georg Büchner à Danton dans La Mort de Danton (1835)..

Ainsi, mourut à l’échafaud l’homme courageuxIl s'agit de Camille Desmoulins. , qui, le 14 juillet 1789, monté sur une table au palais de l’ÉgalitéActuel Palais-Royal, il est le lieu où ont commencé les manifestations qui ont conduit à la prise de la Bastille., deux pistolets à la main, donna au peuple le signal de la liberté, en arborant la cocarde nationale, et détermina la prise de la Bastille. Ah ! son nom, comme Danton l’a prophétisé pour lui-même, vivra au Panthéon de l’histoire.


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