Corpus Causes secretes de la Revolution

Division 9 : les crimes de Vadier

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Vadier a osé dire qu’il ne connaissait aucun juré. N’est-ce pas lui qui a fait nommer président de la commission d’OrangeTribunal révolutionnaire ayant officié en 1794 (an II), la Commission d'Orange avait pour rôle de juger les «ennemis de la Révolution» trouvés sur les territoires du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône. sa créature, Fauvetti, l’ami intime de Vouland, juré dans ce sacrifice impie ? A-t-il oublié qu’il y a eu de fréquentes conversations avec plusieurs d’entre eux, et qu’il les exhortait à la sévère inflexibilité ? De quel serment, Vadier, as-tu scellé ce mensonge, ou de la foi républicaine que tu jurais dans tes lettres, contre les treize accusés de Pamiers ; ou de la foi royale extraite du Moniteur par FréronLouis Marie Stanislas Fréron, né le 17 août 1754 et mort le 15 juillet 1802, était un journaliste et conventionnel français. Il fut l’instigateur de la répression de Toulon de 1793. Il siégea à la Montagne et fut élu à la Convention en 1792. ? Les serpents des EuménidesLes Euménides ou Erinyes correspondent, dans la mythologie grecque, aux déesses de la vengeance. sifflent sur ta tête, et dévorent ton cœur. Déjà ta main sanglante s’est armée du poignard.

Vadier, comme Barère, parlait avec le plus grand mépris du peuple de Paris ; selon eux, ce peuple si grand, si éclairé, si magnanime, n’était qu’un vil troupeau, un composé d’imbéciles : avec une paille on pouvait conduire ce tas de badauds.

Le vaisseau de la révolution ayant évité les deux écueils , les moyens du système agraire n’avaient pas cependant une vélocité assez rapide : Vouland, Vadier se transportaient souvent au bureau de FouquierAntoine Quentin Fouquier-Tinville, né en 1746 et mort guillotiné le 7 mai 1795, fut nommé en Mars 1793 accusateur public au Tribunal révolutionnaire. Il devint le pourvoyeur de la guillotine d'avril 1793 à juillet 1794. Il envoya Marie Antoinette, les Girondins, les Hébertistes et les Dantonistes à la guillotine., et disaient : ça ne va pas assez vite. Vadier a souvent répété ; il faut renouveler les jurés faibles. Les commissions populaires qui n’en ont acquitté qu’un sur quatre-vingt ; la loi du 22 prairialLa loi du 22 prairial an II (10 juin 1794), initiée par Couthon et Robespierre, consistait d'une part à réduire les possibilités de décision du tribunal révolutionnaire au choix entre l’acquittement et la condamnation à mort et d'autre part à supprimer toutes les garanties habituelles de la justice pour les accusés (interrogatoire, audience, droit à un avocat, audition d'un témoin etc.), qui laissait au tribunal l’immense latitude de l’arbitraire ; les tribunaux révolutionnaires des départements qui n’ont pas moins effrayé par leurs sanglants travaux ; l’espionnage répandu jusque dans les maisons des citoyens ; les délations publiquement provoquées ; toutes ces mesures de salut public et de sûreté généraleVilate ironise puisqu'il fait directement référence aux Comités de salut public et de sureté générale en les mettant face aux horreurs commises en leur nom., que la mort semblait seule avoir inventées, étaient en pleine activité ; tandis que, pour distraire le peuple des sentiments d’effroi qu’elles devaient lui inspirer, le géant Robespierre offrait au cœur des hommes, avec tous les charmes séducteurs de l’éloquence philanthropique, le dogme consolateur de l’être suprême, et de l’immortalité de l’âmeLe dogme de l'être suprême est un concept découlant directement du mouvement déiste théorisé par Rousseau et Voltaire, dont s'inspirait Robespierre. Il admet l'existence d'un être suprême, créateur s'assurant du bon fonctionnement de l'univers..

La convention nationale, subjuguée elle-même, consacrait cette idée sublime, et mettait au rang des devoirs du républicain, la haine des tyrans, les secours envers les opprimés, le désir de faire à autrui ce qu’on veut qui nous soit fait. Non, jamais on ne voila un aussi vaste dessein que celui du système agraire, avec plus d’art et plus d’adresse.

Quel spectacle ! Les matelots, qui, sur l’océan, aperçoivent d’un côté les nuages se rassembler et former les orages ; et d’un autre les rayons naissants d’un beau jour, ne sont pas plus indécis sur le sort du vaisseau qui les porte. J’étais retombé malade : l’habile CorvisartJean-Nicolas Corvisart-Desmarets, né le 15 février 1755 et mort le 18 septembre 1821, était un médecin clinicien français. , professeur de médecine, aux leçons duquel je regrette de n’avoir pas plus souvent assisté, m’avait donné ses soins, et guéri comme par miracle. La fluctuation de mon âme était devenue extrême à la lecture de ce morceau de l’Esprit des Lois (1) :

(1) Chapitre XV, liv. XI.

« L’on nomma des décemvirsMembre d'un décemvirat, une assemblée dirigeante composée de dix personnes. A Rome, les décemvirats sont des collèges aux rôles juridiques, législatifs et religieux. . On suspendit la nomination de tous les magistrats. Ils furent seuls administrateurs de la république. Dix hommes eurent seuls toute la puissance. Rome se vit soumise à une tyrannie aussi cruelle que celle de Tarquin. Quand il exerçait ses vexations, Rome était indignée du pouvoir qu’il avait usurpé. Quand les décemvirs exercèrent les leurs, elle fut étonnée du pouvoir qu’elle leur avait donné. Mais quel était ce système de tyrannie, produit par des gens qui n’avaient obtenu le pouvoir politique et militaire que par la connaissance des affaires civiles, et qui, dans les circonstances de ces temps-là, avaient besoin au dedans de la lâcheté des citoyens pour qu’ils se laissassent gouverner, et de leur courage au-dehors pour les défendre ? »Citation tirée de L'Esprit des Lois, ouvrage de Montesquieu (chapitre XV, livre VI) paru en 1758. Ce dernier s'etonne du fait que des personnes qualifiées, nommées pour leurs «connaissance des affaires civiles» dans cette période de crise qu'est le décemvirat, aient pu abuser de leur position, transformant ainsi ce qui au départ se revendiquait comme une république en une tyrannie digne de Tarquin.


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