L’impression profonde de ces deux événements sur mon âme, ne tarda pas à s’affaiblir. Une sombre défiance s’empara de tous les esprits. Les émissaires furent multipliés : l’espionnage incommodait comme une nuée d’insectes. Les maîtres de maison craignaient leurs commis, leurs domestiques. L’ami s’éloigna de son ami : les frères tremblaient d’avoir des divisions ; le père eut peur de ses enfants ; les enfants se méfièrent de leurs pères. Tous les liens de la société des hommes furent à la fois comme brisés et détruits. L’amour, ce sentiment impérieux de la nature, fut empoisonné dans son intimité, dans ses plaisirs. Sourire à tel individu, ou seulement le regarder, était assez pour être suspect, et précipité dans les cachots.
Sambat fut rayé de la liste des jurés, et menacé de perdre sa liberté, pour avoir eu des liaisons avec Dufourny, alors privé de la sienne. Son courage honore l’amitié. Les larmes aux yeux, il me disait, en sortant des Jacobins : Les tyrans peuvent me faire mourir ; mais ils ne me feront jamais oublier mes amis dans le malheur. Ces mots éternellement gravés dans mon cœur, valent un excellent volume de morale.
AntonellePierre Antoine Antonelle, né le 17 juin 1747 et mort le 26 novembre 1817, était un officier, journaliste et homme politique français. Il était membre du club des Jacobins., juré, avait été mis en arrestation pour avoir eu seul le courage d’émettre son opinion motivée en faveur de LamarlièreAntoine Nicolas Collier dit Lamalière, né le 3 décembre 1745 et mort guillotiné le 27 novembre 1793, était un général de la Révolution Française. Il a été condamné à mort par le tribunal révolutionnaire, présidé par Fouquier, son cousin.. Charles Lavaux Jean-Charles Laveaux, dit Jean-Charles Thibault de Laveaux, né le 17 novembre 1749 et mort le 15 mars 1827, était rédacteur en chef du Journal de la Montagne pendant la Terreur.avait subi le même sort, pour s’être montré avec fermeté. On incarcérait en masse les patriotes à cause de leurs relations avec tels ou tels représentants du peuple, tels que FabriciusPâris, dit Fabricius fut une personnalité de la révolution française. En 1793, il devint greffier au Tribunal révolutionnaire et il conserva sa place au tribunal thermidorien. Dates de naissance et de mort inconnues., Paré, LachevardièreAlexandre-Louis Lachevardière, né en 1765 et mort le 15 octobre 1828, était un homme politique français. Il était membre du club des Jacobins., etc. Depuis l’affaire de Danton
, j’étais observé, j’étais devenu l’objet des soupçons, des défiances, même des humiliations. On m’avait reproché d’avoir dîné avec Brival à Saint-Cloud.
HermanMartial Herman, né le 29 août 1759 et mort guillotiné le 7 mai 1795, était un homme politique français. Il fut président au tribunal révolutionnaire. Il jugea Danton et Marie-Antoinette. Il est guillotiné le même jour que Fouquier, Vilate, Renaudin et Châtelet notamment., fameux claveciniste, curieux d’assister à une des séances du tribunal, m’engage à l’y conduire ; je le place au parquet. A peine assis, il est dénoncé, traduit à la chambre du conseil comme un conspirateur. Il se réclame de moi. Dire que je connaissais particulièrement ce célèbre artiste, c’était le suivre à l’échafaud, s’il y avait eu la moindre atteinte sur lui. Je l’avais vu chez Barère , et je ne le connaissais pas assez pour en répondre : je dis la vérité. ChâteletClaude Louis Châtelet, né en 1753 et mort le 7 mai 1795, était un peintre, dessinateur et graveur, membre du tribunal révolutionnaire. fait une histoire de ses prétendus actes liberticides. Il a donné des leçons de forté pianoLe piano forte est le successeur du clavecin, l'ancêtre du piano et le premier instrument à cordes frappées, un instrument relativement moderne à l'époque. à la famille de la reine, à la reine elle-même : c’est un muscadin«Petit maître, homme qui affecte l'élégance dans ses vêtements, en souvenir du nom donné en 1793 aux royalistes qui affectaient une mise recherchée et dont le musc était le parfum préféré» (Dictionnaire de L'Académie française, 8e édition, 1935).
…. De suite le mandat d’arrêt. RenaudinLéopold Renaudin, né le 11 mars 1749 et mort le 7 mai 1795, avait pour réputation d'être le juré le plus dur du Tribunal révolutionnaire. Jugé en même temps que Fouquier-Tinville, lors du procès, il se défendit, comme la plupart des accusés, en se plaçant derrière la rigueur de la loi, et affirma : «À cette époque, tout le monde aurait voté comme nous». Condamné à mort le 17 Floréal an III, il fut guillotiné le 7 Mai 1795., colère, furieux, appuie de toutes ses forces : le mandat est lancé par Fouquier. Herman est conduit à la Conciergerie et je suis traité de conspirateur. Ce ne fut qu’après beaucoup d’efforts et d’importunités près de Dumas et de Fouquier, que je parvins, à l’insu des deux dénonciateurs, à jouir du doux plaisir de le délivrer de l’esclavage. Je lui portai moi-même son brevet de liberté. Quelle joie ! quels transports ! que de précautions ensuite pour nous revoir, et nous rappeler cette scène touchante !
Depuis la loi du 22 prairial10 juin 1794. Loi rédigée par Robespierre, où se fait une réorganisation du Tribunal Révolutionnaire. Celle-ci prive les accusés du droit de défense et de recours., je n’avais siégé qu’un petit nombre de fois dans des affaires d’un petit nombre d’accusés, jamais dans aucune fournée La fournée désigne les accusés envoyés sur l'échafaud.. J’avais été obligé de refuser un dîner avec Brival, parce que j’appris que Tallien devait en être : j’étais contraint de détourner mes regards de dessus certains députés que je connaissais d’amitié.
Robespierre devenait plus sombre, son air renfrogné repoussait tout le monde ; il ne parlait que d’assassinat, encore d’assassinat, toujours d’assassinat. Il avait peur que son ombre ne l’assassinât. Un mois avant sa chute, je n’avais mis les pieds chez lui ; on m’y avait lancé des regards inquiets et menaçants.