Corpus Causes secretes de la Revolution

Division 16 : la tyrannie prolongée

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Que l’on se rappelle le moment où s’écroulait l’édifice monstrueux de la tyrannieLes derniers jours avant la chute de Robespierre. , n’est-on pas frappé de leur acharnement identique à ne pas laisser échapper le pouvoir de leurs mains ? D’après Barère, le gouvernement révolutionnaire ne devait rien perdre de son activité, de sa force. Quoi ! les représentants du peuple s’avilissaient en masse, en détruisant le pouvoir confié au comité de salut public de les mettre en arrestation en détail ! c’est ainsi, Billaud, que tuVilate quitte la continuité narrative pour s'adresser directement à Billaud via cette deuxième personne du singulier "tu" qui a un sens accusateur. Il cherche à se démarquer de ces personnes pour se dédouaner. t’opposais à la demande de Fréron du rapport du décret fatal qui enlevait à la Convention sa propre libertéLe décret qui permettait au Comité de salut public de faire arrêter des députés de la Convention. Fréron a proposé de l'abroger. Billaud s'y est opposé.. S’il pouvait y avoir de l’avilissement, ce serait dans ce décret liberticide, destructeur de la souveraineté du peuple, assimilant le sénat français au sénat de Rome, sous les Tibère, les Caligula, les Néron, les DomitienVilate fait la liste des pires empereurs, pour dénoncer la situation politique du Sénat sous l’Empire romain. L’institution caractéristique de la République avait été maintenue sous l’Empire pour sauver les apparences, mais elle n’avait plus aucun pouvoir réel..

Tous les moyens leur ont paru bons pour devenir les triumvirsPouvoir illégal, arrangement entre trois personnages puissants qui veulent confisquer le pouvoir. de leur pays. Quand ils ont vu qu’enfin ceux de la Terreur étaient usés, n’ont-ils pas employé les principes de la liberté ? Lorsqu’un homme s’empare des volontés de tous, c’est Barère qui parle, la contre-révolution est faite. La censure des écrits et la tyrannie de l’opinion furent dans tous les temps les symptômes qui annoncèrent la perte de liberté ; et le droit indéfini de penser, d’écrire et de croire ce qu’on veut, est le signe auquel on va reconnaître qu’il existe une représentation populaire. – Ainsi ProtéeDivinité marine de l’antiquité grecque, capable de changer de forme à volonté., dans l’antique fable, prenait toutes les formes.

La conclusion certaine de tous ces faits et de toutes les considérations morales qui en résultent, est que les membres du gouvernement se sont rendus coupables envers la nation, du crime de tyrannie.

En vain, les tyrans qui restent diront-ils qu’ils ont dénoncé Robespierre, Saint-JustVilate dénonce une partie des révolutionnaires qu'il considère comme opportunistes. : ils n’ont cessé d’être leurs complices. Ils ne les ont dénoncés qu’au moment où ils sont devenus leurs rivaux, où ils ont craint de partager leur infamie, où ils ont espéré de devenir leurs dignes successeurs. De leur aveu, ils s’étaient aperçus que ces premiers avaient des émissaires dans les départements et les armées, et ils attendaient, disaient-ils, l’occasion favorable de divulguer leurs projets sans danger. Mais ces émissaires leur étaient communs, et tous les faits prouvent que, loin d’avoir cherché l’occasion de les attaquer, ils se sont, dans toutes les occasions où la force des choses semblait devoir les renverser, empressés à voiler leurs forfaits. Ils étaient les leurs. La vérité a été repoussée.

N’ont-ils pas continué leurs fureurs, même avec plus d’effervescence, quatre décadesQuarante jours après l’éloignement de Robespierre du comitéAprès plusieurs accusations le visant, Robespierre cessa d’aller aux réunions du Comité, jusqu'au 5 thermidor (23 juillet). ? Les supplices ont été plus multipliés depuis son absence du décemviratC’est un formule péjorative visant le Comité de Salut Public : le décemvirat est à voir ici comme un pouvoir dictatorial exercé par dix personnes.. Vainement enfin veulent-ils s’excuser sur le prétendu mérite d’avoir sauvé des dangers le vaisseau de la révolution, voguant au milieu des orages. Ne sont-ce pas eux qui, par leurs excès en tous genres, ont formé ces orages, qui l’ont menacé et lancé dans sa route, au milieu des écueils sur lesquels il a failli échouer ? Le courage, la force, l’énergie, la sagesse du Peuple français et de la Convention, voilà les sauveurs du vaisseau de la Révolution, malgré les tempêtes dont ils l’avaient assailli pour s’en rendre les maîtres.

Quel tableau de régénération nationale ! Des villes renversées, d’autres désertes, des contrées fertiles ravagées par les guerres civiles et les incendies, les îles enlevées, les monuments détruits, l’adultère flétrissant les familles, les mers couvertes d’exilés, le commerce et les arts au désespoir fuyant chez l’étranger ; les rivages des fleuves et de l’Océan couverts de cadavres de tout sexe, de tout âge, jusqu’aux enfants à la mamelle ; les rochers teints de sang, la multitude sans subsistance, couverte de haillons ; les biens, les talents, les honneurs devenus des crimes ; les délateurs en possession des récompenses, la vertu une cause infaillible de mort. . . . . . L’humanité en deuil se couvre d’un voile lugubreCette notion de voile lugubre a été évoqué auparavant par le poète anglais John Milton dans sa célèbre oeuvre Le Paradis Perdu (livre V - 1667): «car la nuit ne l'attriste jamais de son voile lugubre»..


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